Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 4 minutes
Dans son édito du 22/11/2025, Jules Torres revient sur l'évasion à Rennes d'un détenu lors d'une sortie.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Ah oui, c'est un miracle, un prodige, une apparition quasi mystique dans notre paysage administratif.
00:05En France, on a enfin quelqu'un qui est responsable et qui répond de ses actes.
00:10Pour ceux qui n'ont pas suivi, il y a quelques jours à Rennes, un détenu multirécidiviste,
00:14déjà évadé par le passé, a été autorisé à une sortie culturelle au Planétarium,
00:20sans menottes, encadré non pas par des surveillants, mais par des accompagnateurs civils.
00:24Résultat, il s'évapore littéralement dans la foule.
00:27Vous allez me dire, rien de nouveau, on a l'habitude de voir ce genre de scène.
00:30Eh bien non, pas cette fois, parce que pour une fois, il y a un responsable, il y a un coupable.
00:35Quelques jours après la polémique, le directeur du centre pénitentiaire de Rennes a été écarté de ses fonctions.
00:40Alors rien de spectaculaire, il a été muté, rien d'héroïque simplement.
00:43Eh bien, ce que n'importe quel pays sérieux ferait normalement et spontanément,
00:48eh bien chez nous, ça devient un événement politique à part entière.
00:51Pourquoi ? Parce que c'est la première fois depuis très longtemps que l'État ne dissout pas sa faute
00:56et bien dans un brouillard de procédures, dans un brouillard de notes internes ou de communiqués soporifiques.
01:01Il ne renvoie pas au grand coupable immatériel, vous savez, le système qui permet de tout expliquer
01:05pour ne jamais rien assumer.
01:07Là, il désigne un responsable et il agit dans un pays où l'administration s'est dépêchée des inspecteurs,
01:12produire des rapports, organiser des réunions, mais presque jamais sanctionner un chef après une faute grave.
01:17Cette décision sonne comme une rupture, une surprise et même, disons-le, une respiration salutaire.
01:23Vous nous dites que c'est inédit, qu'on était arrivé à un point où plus personne n'est sanctionné pour ses fautes.
01:28Oui, parce que ce qui domine depuis 40 ans, c'est cette culture, vous savez, du responsable mais pas coupable.
01:35Une formule devenue quasiment un aveu national.
01:37Ici, dès qu'un scandale surgit, dès qu'un drame éclate, dès qu'une faute criante est commise,
01:42on convoque toujours les mêmes fantômes.
01:44La chaîne de décision, le contexte, les procédures, l'organisation, tout sauf un responsable.
01:49Et d'ailleurs, les prisons sont devenues le laboratoire des évasions, des violences,
01:53des surveillants agressés, des protocoles incohérents et parfois des activités complètement lunaires.
01:57Qui peut oublier le fameux karting de freine validé à l'époque par Eric Dupond-Moretti ?
02:02Et que se passe-t-il évidemment à chaque fois ?
02:04On constate, on déplore, mais on ne sanctionne jamais.
02:07Tout le monde est responsable, donc personne ne l'est.
02:09Et cette logique, elle s'est étendue partout sur le territoire.
02:13Ce n'est de la faute de personne si la dette a pris 1000 milliards d'euros en 8 ans.
02:17Ce n'est même pas la faute du Mozart.
02:19Vous savez, ce Mozart qu'on assassine et qui plaît beaucoup à Eric Revelle.
02:22Ce n'est de la faute de personne si les femmes n'osent plus sortir seules la nuit.
02:26Ce n'est de la faute de personne si l'islamisme continue de tuer en France,
02:29si le narcotrafic ronge nos quartiers, si la France ne maîtrise plus ses frontières,
02:33si des multirécidivistes sont libérés puis récidives,
02:36si nos élèves, autrefois parmi les meilleurs d'Europe, se retrouvent au fond du classement PISA,
02:41si notre hôpital public s'effondre sous nos yeux,
02:43si chaque décision publique nécessite 3 ans, 4 décrets et 5 réunions.
02:48Voilà le cœur du problème.
02:49En France, tout arrive, mais rien n'est jamais la faute de quelqu'un.
02:52Alors, si je comprends bien, Jules, l'événement est à marquer d'une pierre blanche.
02:56Ça, c'est un fait.
02:57Néanmoins, est-ce qu'on est à un tournant ?
02:59C'est la question.
02:59C'est la question, puisque la sanction, évidemment, était nécessaire,
03:02elle était logique, elle était attendue.
03:04Mais le vrai danger, eh bien, ce serait de croire que tout s'arrête là.
03:07Parce que dans l'affaire de Rennes, le directeur n'est que la pièce visible, finalement,
03:12d'une chaîne beaucoup plus longue.
03:13Il y a le juge qui autorise les sorties,
03:15il y a le service pénitentiaire qui choisit les profils,
03:17il y a cette direction régionale qui omet de prévenir le ministère,
03:21un ministère où Gérald Darmanin a interdit les activités en dehors des murs,
03:26et cette idéologie administrative, surtout,
03:28qui valorise les sorties éducatives pour des détenus à risque,
03:31comme si la fermeté était devenue archaïque
03:33et que la sécurité des concitoyens était secondaire.
03:36Rennes, c'est donc un premier pas, un bon pas,
03:38mais ce n'est pas encore la fin de l'irresponsabilité française.
03:41Cette fin n'arrivera que lorsque l'État cessera de couvrir systématiquement les décideurs
03:45derrière la complexité administrative,
03:48lorsque chaque fonction, chaque signature, chaque validation
03:50impliquera réellement d'en assumer les conséquences.
03:54Alors, si Rennes devient la norme et devient non pas l'exception,
03:57alors oui, la France commencera peut-être à tourner la page du responsable,
04:01mais jamais coupable,
04:02et elle retrouvera peut-être un principe oublié,
04:04gouverner, c'est répondre, gouverner, c'est assumer,
04:08gouverner, c'est être responsable.
04:09Sous-titrage Société Radio-Canada
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations