00:0031 sur RTL à la veille de la marche blanche qui sera organisée demain à Marseille en hommage à Mehdi Kessassi, son grand frère Amine est à présent l'invité d'RTL Midi.
00:10Bonjour Amine.
00:11Bonjour.
00:11Et merci beaucoup de prendre la parole aujourd'hui sur RTL.
00:14Ça fait plusieurs années que vous luttez contre le narcotrafic et on vous a d'ailleurs souvent reçu ici à RTL.
00:21Vous appelez aujourd'hui les Français à se mobiliser à vos côtés, à participer à cette marche blanche qui partira, je le rappelle, demain à 15h du rond-point
00:29où Mehdi a été abattu la semaine dernière.
00:31Il y a d'autres marches blanches aussi qui sont organisées à Lyon mais aussi à Bordeaux.
00:35Amine, pourquoi est-il si important que les Français se mobilisent demain ?
00:40C'est important que tout le monde se lève demain, tout le monde doit se lever pour plusieurs raisons
00:44mais notamment le fait que Mehdi, 20 ans, qui préparait le concours de gardien de la paix,
00:50qui était mon petit frère qui avait deux ans de moins que moi, qui actuellement était dans un BTS Bank,
00:55qui avait prévu de faire son exposé dans quelques semaines sur le livre que j'ai publié il y a maintenant quelques semaines
01:03et qui est tombé pour rien, qui est tombé parce qu'elle est coupable d'avoir été mon petit frère.
01:09C'est sa seule culpabilité, pardon, d'avoir été mon petit frère.
01:14Et puis c'est aussi important de marcher parce que si on veut garantir la sécurité de celles et ceux qui parlent,
01:19si on veut garantir, si les gens sont touchés par cette histoire, sont émus par l'histoire de Mehdi, mon petit frère,
01:27les gens doivent se réveiller parce que si on est des milliers à prendre la parole,
01:30si on est des milliers à être dans la rue, on ne pourra pas tuer tout un peuple.
01:34On sait et vous l'évoquiez que de très nombreux Marseillais ont peur depuis l'assassinat de Mehdi.
01:40Qu'est-ce que vous leur dites ? Venez à ce rassemblement, n'ayez pas peur.
01:44Ce que je leur dis, c'est qu'aujourd'hui, quoi qu'il arrive, mon petit frère ne me reviendra pas.
01:48Mehdi a été assassiné et malheureusement, je ne pourrai plus jamais revoir mon frère de ma vie.
01:53Donc moi, la peur, ce n'est pas un sentiment qui m'habite.
01:57Mais ce que je veux surtout leur dire, c'est que toutes les mesures ont été prises,
02:02que tous les dispositifs de sécurité ont été prises en compte
02:05et que moi, je ne prendrai pas le risque de faire marcher des gens s'il y avait le moindre risque ou danger.
02:10Amine, vous avez rencontré hier Laurent Nunes, le ministre de l'Intérieur,
02:15et Gérald Darmanin, le ministre de la Justice.
02:17Ils ont passé la journée à Marseille.
02:19Est-ce que d'après vous, cette visite a été utile ?
02:23Vous savez, si j'accepte de prendre la parole ces jours-ci,
02:26ce n'est absolument pas pour polémiquer ou pour jeter la pierre sur qui que ce soit.
02:31La seule chose que je sais, c'est que mon frère Mehdi ne me reviendra pas.
02:34La seule chose que je sais, c'est que si Mehdi a été tué, c'est parce que c'est mon petit frère.
02:38Donc aujourd'hui, tout le monde sait, tout le monde voit ce qui se passe,
02:41tout le monde connaît la situation.
02:43Arrêtons de regarder ce qui se passe ailleurs,
02:45arrêtons de comparer cette situation avec Palerme ou le Mexique ou je ne sais quoi.
02:49Ces situations, elles sont ici en France, aujourd'hui, à Marseille, à Rennes, à Nîmes
02:53et dans un tas d'autres villes.
02:55Donc regardons ce qui se passe chez nous.
02:57Seuls et ceux qui veulent agir,
02:59ça y est, ça fait un peu plus de cinq ans maintenant que je porte ça,
03:01ça fait plus de cinq ans que j'alerte, que je viens à votre micro,
03:04que je viens à d'autres micros pour prendre la parole, pour interpeller,
03:07et que j'ai écrit des tribunes, j'ai publié un livre il y a quelques semaines.
03:10Aujourd'hui, je suis épuisé, je suis épuisé de tout ça
03:12et encore une fois, on doit être des milliers, des milliers, des milliers
03:17à se saisir de cette question.
03:18Et on sent, bien sûr, Amine, l'émotion qui est toujours très forte dans votre voix,
03:25cette fatigue aussi, parce qu'effectivement,
03:26vous avez alerté depuis des années et des années.
03:30Je voudrais malgré tout qu'on revienne sur ce qui s'est passé ces derniers mois.
03:36Vous avez été placé sous protection policière au mois d'août dernier,
03:39suite à des menaces.
03:41Est-ce que vous savez d'ailleurs d'où venaient ces menaces ?
03:44Non, je ne sais rien, je n'ai accès à aucune information.
03:46J'avais demandé s'il fallait que je protège mon petit frère Mehdi,
03:50s'il fallait que je protège ma famille.
03:52Les éléments qui étaient, en l'occurrence, en possession de la police,
03:56à ce moment-là, ne déterminaient pas le fait qu'il faille placer
04:00d'autres membres de ma famille sous protection.
04:02En tout cas, c'est ce qu'on m'a répondu.
04:03Moi, la seule chose que je sais aujourd'hui, c'est que Mehdi n'est plus là.
04:07Et ça, ce n'est pas quelque chose qu'on pourra m'enlever,
04:09ce n'est pas quelque chose qu'on pourra me rapporter.
04:11Ce sentiment de culpabilité que j'ai et qui pèse sur moi,
04:14il est aujourd'hui plus qu'énorme et plus que pesant.
04:18Dans la tribune que vous avez publiée cette semaine dans Le Monde,
04:20vous écrivez « On m'a accordé une protection policière sans l'étendre au mien ».
04:24Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut du son ?
04:28Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?
04:31Est-ce que vous diriez, Amine, aujourd'hui, que l'État a failli ?
04:34Je l'ai dit tout à l'heure et je le répète encore une fois.
04:37Il ne s'agit pas de polémiquer, Amine, bien sûr.
04:39Oui, mais il s'agit de jeter la pierre sur des gens.
04:41Je ne suis pas là. Moi, Mehdi est mort.
04:43Vous savez ce que ça veut dire ? Mehdi est mort.
04:45Mon petit frère de deux ans de moins que moi est mort.
04:47Il m'a cherché certainement sur ce rond-point lorsqu'on lui a tiré dessus.
04:51Moi, je suis épuisé.
04:52Et maintenant, chacun est responsable de ses actes.
04:54Chacun est responsable de ce qu'il a fait.
04:56Aujourd'hui, il y a une enquête qui est en cours.
04:58L'enquête dira qui a fait quoi, qui a dit quoi.
05:01Et puis, moi, ce qui m'intéresse, c'est demain.
05:04Mobilisons-nous samedi à 15h à Marseille,
05:07sur le rond-point sur lequel a été tué pour rien, mon petit frère.
05:11Mobilisons-nous partout en France, à Paris, devant l'hôtel de ville,
05:14à Bordeaux, à Poitiers, dans un tas de villes de France.
05:17Des gens vont se mobiliser.
05:18Et moi, aujourd'hui, c'est la seule chose qui m'intéresse.
05:20Amine, vous avez accordé un formidable entretien au journal Libération hier,
05:26avec Roberto Saviano, l'écrivain italien qui a combattu toute sa vie la mafia.
05:32À un moment, dans cet entretien, il se retourne vers vous et vous dit,
05:36je peux te dire, sors de cette situation, protège-toi, regarde-moi.
05:40Je me suis retrouvée dans une situation vertigineuse,
05:43probablement aussi à cause de l'ambition, celle d'un écrivain qui voulait donner de la lumière
05:46à un sujet sensible pour parler au monde.
05:48Mais depuis ce moment, ma vie a explosé entre mes mains.
05:52Amine, on entend votre émotion, votre sentiment de culpabilité immense aussi,
05:58alors que vous n'y êtes, bien sûr, pour rien.
06:00Il n'y a pas un moment ces derniers jours où vous vous êtes dit,
06:04bon allez, j'arrête tout, je m'en vais loin, et vaille que vaille.
06:09Pourquoi arrêter ?
06:10Si on m'avait fait un avertissement, bien sûr que j'aurais repris les choses différemment,
06:16bien sûr que j'aurais pris des mesures, bien sûr que j'aurais fait les choses d'un tas de façons différentes,
06:20mais on ne m'a pas donné d'avertissement.
06:22On est venu, on a fait couler le sang de mon frère.
06:25On a fait que j'ai enterré un deuxième de mes frères en moins de cinq ans.
06:29Ce 29 décembre 2025, je devais rendre hommage à mon frère aîné, Brahim,
06:33qui, il y a cinq ans, est décédé, puisqu'il est décédé le 29 décembre 2020.
06:38Et au lieu de ça, le 13 novembre dernier, je perdais encore un petit frère.
06:45Moi, ce que je réponds à Roberto Saviano, que j'ai vu,
06:48et d'ailleurs avec qui on a partagé ce sentiment de solitude, où on se sent assez seul,
06:52mais ce que je veux dire là, c'est que ma vie, elle a peut-être déjà été brisée,
06:57elle vole déjà peut-être en éclats, comme il m'a dit.
06:59Il m'a dit, regarde-moi, ma vie a volé en éclats.
07:03Ce que je lui réponds, c'est que la mienne a déjà volé en éclats.
07:05On m'a déjà arraché deux frères, ma mère a déjà enterré deux enfants.
07:09Et ce sentiment de solitude, je peux vous assurer, Amine,
07:14qu'il bouleverse les auditeurs, qui sont très nombreux à nous appeler.
07:18Merci beaucoup pour vos mots.
07:20Restez avec nous dans un instant, vous avez accepté.
07:22Et je vous en remercie d'échanger avec les auditeurs de RTL.
07:27On va se retrouver dans un tout petit instant.
07:29Et puis je rappelle, le titre de votre livre que vous évoquiez au tout début de cet entretien,
07:32« Marseille, essuie tes larmes », publié aux éditions du Bruit du Monde.
07:36Il est sorti au tout début du mois d'octobre.
Écris le tout premier commentaire