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  • il y a 15 heures
DB - 17-11-2025

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00:00:00Musique
00:00:30Où pouvons-nous bien être ?
00:00:38Des travaux barrés la route de Poitiers. J'ai été obligé de prendre une néviation.
00:00:43Vous êtes certain de ne pas vous être égaré ?
00:00:46J'ai suivi les flèches.
00:00:49La conduite d'une voiture dans la nuit m'a toujours paru un exploit extraordinaire.
00:00:53Tiens, il n'y a plus de flèches.
00:01:00Il pleut, il pleut, il pleut.
00:01:14Comme dans vos romans, Luc.
00:01:16Vous avez remarqué qu'il pleuvait beaucoup dans mes livres.
00:01:20Cette fois, je crois que nous sommes perdus.
00:01:21La pluie est en effet un des thèmes de mon œuvre.
00:01:24Vous entendez ? Le chauffeur prétend que nous sommes perdus.
00:01:26Et nous qui comptions coucher cette nuit en Espagne ?
00:01:31Je suis navré à gâter un voyage qui commence bien mal.
00:01:35Un arrêt de 6 heures à Chartres dans un garage qui empêchait le Cambry
00:01:38et maintenant nous voilà en perdition sur une route inondée.
00:01:41Quand on se laisse enlever par un romancé célèbre, il faut s'attendre à tout.
00:01:44Vous semblez tenir les écrivains en pied très stiles.
00:01:47Des bouts de table.
00:01:48Pardon ?
00:01:49Augustin les place juste après les jockeys et juste avant les acteurs.
00:01:53Qui est Augustin ?
00:01:54C'est un homme plein de science. Le maître d'hôtel de mon père.
00:01:58Il y a cependant des écrivains connus et d'autres qu'ils sont moins.
00:02:01Augustin néglige ses subtilités. Il éclasse par âge, comme les vins.
00:02:05Eh bien, je n'irai jamais dîner chez votre banquier de paire.
00:02:07Mais Luc, vous n'êtes pas un écrivain, puisque vous avez du génie.
00:02:12Le génie ne se décerne qu'à titre posthume.
00:02:14Si, si, du génie.
00:02:15Toutes mes amies me l'ont affirmé.
00:02:27Que se passe-t-il ?
00:02:29Je vois une borne, là.
00:02:31Je vais voir ce qui est fait dessus.
00:02:32Vous oubliez nos conventions.
00:02:45Ce voyage est pour moi une torture.
00:02:47Vous m'avez enlevé, il ne me reste plus qu'à me séduire.
00:02:50Mais avant, chambre à part.
00:02:52C'est un jeu trop cruel.
00:02:53Un jeu ?
00:02:54Je suis une fille toute droite.
00:02:56Une fille de cheval.
00:02:58Nourrie d'avoine et de grand air.
00:02:59Mais qu'est-ce donc qui vous rebute, suis-je repoussant ?
00:03:03Et si c'était votre charme que je redoutais ?
00:03:06Que peut-on craindre d'un homme éperdument épris ?
00:03:09L'espace d'un voyage.
00:03:11Voulez-vous des preuves de ma passion ?
00:03:14Je suis prêt à tout abandonner pour vous.
00:03:17Même Marianne ?
00:03:18D'abord, Marianne.
00:03:21Je ne vous crois pas.
00:03:23Qu'est-ce qui vous permet de mettre ma parole en doute ?
00:03:26Ce qu'on m'a raconté à Paris.
00:03:27Vous ne vous déférez, paraît-il, jamais d'elle.
00:03:30Est-ce que je l'aime ?
00:03:32Depuis que je vous connais, Marianne n'est plus ma femme.
00:03:35Vous allez rester néanmoins la confidente de vos premiers espoirs,
00:03:39le témoin de vos premiers succès.
00:03:41Je ne dis pas que Marianne ait été intimement liée à mon oeuvre,
00:03:46ou pour être plus précis, à une partie de mon oeuvre.
00:03:50À mes livres de pluie et de brouillard.
00:03:53Mais désormais, j'étouffe dans cette prison humide.
00:03:56Je n'inspire plus qu'à m'en échapper,
00:03:58en écrivant des livres clairs, des livres purs,
00:04:02des livres pleins de sable et de soleil.
00:04:06Des livres que vous allez m'inspirer, Agathe.
00:04:08À quoi songez-vous ?
00:04:14À Marianne.
00:04:15Faut-elle bien faire à cet instant ?
00:04:17Ce qu'elle fait chaque jour à 8 heures du soir,
00:04:25dans notre grenier de la Place de l'Étoile,
00:04:28elle éteint toutes les lumières,
00:04:31elle s'assied sur le plancher,
00:04:33et elle fume,
00:04:35en écoutant terrifié le grondement de Paris.
00:04:40Je l'ai décrite ainsi dans mon prix Goncourt.
00:04:42Je préférerais qu'elle pleure,
00:04:45qu'elle s'englote, qu'elle me haïsse.
00:04:47Marianne ne sait encore rien de mes projets.
00:04:50Que ferait-elle si elle les apprenait ?
00:04:53Elle éteindrait les lumières,
00:04:57elle s'assierait sur le plancher,
00:04:58en écoutant les murmures de la ville.
00:05:01Vous pensez donc qu'elle accepterait le divorce ?
00:05:04À n'en pas douter.
00:05:07Marianne mettra le même acharnement
00:05:08à se détacher de moi
00:05:09que celui qu'elle a mis à se donner à moi.
00:05:12Vous semblez bien sûr de la connaître.
00:05:15Dix ans de vie en commun
00:05:16et une certaine expérience des âmes
00:05:18m'en donnent le droit.
00:05:20J'ai peine à vous croire.
00:05:23Jamais un geste d'elle ne vous surprend.
00:05:27Si, parfois.
00:05:30On la croit perdue dans ses rêves
00:05:31et puis soudain on la découvre
00:05:32les deux pieds bien arrimés sur le sol.
00:05:37Ce n'est hier,
00:05:39j'avais oublié de retenir cette voiture.
00:05:40Qui a pensé, elle ?
00:05:45Charmante attention.
00:05:47Elle ne savait pas que je m'en fuyais avec vous.
00:05:50Et quel prétexte avez-vous donné
00:05:51à ce voyage espagnol ?
00:05:53Et solitaire ?
00:05:54Mais le plus vraisemblable des prétextes.
00:05:57Je viens d'achever un roman
00:05:58et j'ai pris l'habitude,
00:06:00une fois ma tâche terminée,
00:06:01de fuir les lieux de mon travail.
00:06:03Marianne ne s'est donc pas étonnée
00:06:04de mon départ pour la Castille ?
00:06:06Oui, et bien nous ne sommes pas encore arrivés en Castille.
00:06:14Qu'avez-vous lu ?
00:06:15Rien.
00:06:16Comment rien ?
00:06:17L'inscription est effacée.
00:06:18Et le paysage ?
00:06:20Des étangs des deux côtés de la route.
00:06:22Nous sommes peut-être dans la Brène.
00:06:23La Brène ?
00:06:24Vous connaissez ?
00:06:25Jamais mis les pieds.
00:06:26Moi, le mieux est de continuer
00:06:27et nous finirons bien par trouver un village
00:06:29où nous pourrons demander notre chemin.
00:06:48Foufane ?
00:06:50Carburateur.
00:06:51Encore ?
00:06:52À Chartres, vous l'avez fait réparer.
00:06:54C'est encore détraqué.
00:06:55Nous n'allons-nous même pas rester six heures
00:06:57parmi ces marécages.
00:06:58Peut-être plus.
00:07:00Comment ?
00:07:00Dites, c'est pas commode
00:07:01de réparer sous cette pluie, hein ?
00:07:03Je suis là, vrai ?
00:07:04Vous devez mourir de faim.
00:07:05Oui, oui.
00:07:07Mon ami, vous allez partir à l'aventure.
00:07:08Il n'y a peut-être pas trop loin
00:07:09une ferme qui nous accueillera
00:07:11pendant que vous ferez réparer vos mécaniques.
00:07:28Je déteste attendre.
00:07:39Regardons le paysage.
00:07:43Je ne discerne rien.
00:07:45Moi, je vois.
00:07:46Que voyez-vous ?
00:07:48De l'eau.
00:07:49Et puis ?
00:07:50Des ronds.
00:07:51Des ronds ?
00:07:53Des ronds sur l'eau.
00:07:57Luc, pour notre premier voyage d'amoureux,
00:08:00vous m'avez conduite dans un pays
00:08:01où les seules fleurs qui poussent
00:08:02sont des ronds sur l'eau.
00:08:04Comment me faire pardonner ?
00:08:06Si vous me racontiez votre roman.
00:08:11Pensez-vous que ce soit le lieu et l'instant ?
00:08:14Avez-vous d'autres distractions à me proposer ?
00:08:17Non.
00:08:17Alors, soumettez-vous.
00:08:19D'abord, son titre.
00:08:22Le tueur de chipot.
00:08:24Qu'est-ce que c'est qu'un chipot ?
00:08:26C'est un oiseau.
00:08:27Un oiseau que j'ai inventé.
00:08:30Parce que vous inventez des oiseaux ?
00:08:31Oui.
00:08:33Tel Dieu, j'invente des oiseaux.
00:08:35Vous pourrez être plus précis des noms d'oiseaux.
00:08:37Luc, vous savez que je suis une fille de cheval.
00:08:40Je m'en souviens.
00:08:41Je sais que vous avez gagné des prix
00:08:42dans tous les concours épiques d'Europe.
00:08:45Alors, j'ai une logique de cheval.
00:08:47Pourquoi inventer des oiseaux
00:08:48quand il y en a déjà tant dans le ciel ?
00:08:52Le romancier n'est pas un homme libre.
00:08:54Il est prisonnier de ses fantasmes.
00:08:59Un matin, je me suis réveillé
00:08:59avec ce nom de chipot
00:09:01qui me tambourinait dans la tête.
00:09:03J'ai essayé de le chasser, mais on vint.
00:09:07Alors, j'ai inventé une bête
00:09:08et j'ai dû construire une histoire
00:09:10autour de cette bête.
00:09:13Comme c'est curieux.
00:09:14Et où se passe cette histoire ?
00:09:16Dans un pays imaginaire.
00:09:19Parce que vous inventez aussi des pays ?
00:09:21Un pays triste et plat,
00:09:24raviné et délavé par des nuages gris,
00:09:27des nuages bas,
00:09:29des nuages qui courent toujours vite.
00:09:31Le tueur de chipot vit dans cette contrée.
00:09:37Il habite une vieille demeure
00:09:38qu'on appelle la maison des cages.
00:09:41Parce que son grand salon est rempli de cages.
00:09:45De cages d'oiseaux ?
00:09:47Oui, mais de cages vides.
00:09:49Pourquoi sont-elles vides ?
00:09:50Une manide, mon héros.
00:09:52Une cage, c'est pour contenir les oiseaux.
00:09:54M'excuse.
00:09:55Toujours ma logique de cheval.
00:09:56Le tueur de chipot est un homme étrange.
00:10:01Il aime la tristesse
00:10:02de ces petits barreaux
00:10:03qui ne servent à rien.
00:10:07Il y a une maison à 500 mètres de là.
00:10:09Une ferme ?
00:10:10Une demeure bourgeoise.
00:10:11Une assemblée.
00:10:12Elle n'est pas abandonnée au moins.
00:10:14Je ne pense pas qu'il y a la lumière aux fenêtres.
00:10:15Sauvé.
00:10:16Nous allons enfin retrouver la chaleur
00:10:17des êtres humains.
00:10:18Mon ami, hâtez-vous de réparer.
00:10:19Après, nous vous ferons porter quelques nourritures.
00:10:49Nous allons pas rester dans l'obscurité.
00:11:14Il y a l'électricité.
00:11:16Le problème, c'est de trouver un interrupteur.
00:11:17Je vous fouille les ténèbres nord
00:11:20et je vous abandonne les ténèbres sud.
00:11:25Qu'est-ce que vous avez fait tomber ?
00:11:27Je ne sais pas.
00:11:28Ah si.
00:11:30Une cage.
00:11:31L'oiseau ne sait pas.
00:11:32Prenez au moins.
00:11:33Elle est vide.
00:11:34Vous êtes certain ?
00:11:36Ah, je l'ai trouvé.
00:11:40Oh.
00:11:42Oh, toutes ces cages.
00:11:45C'est curieux.
00:11:45Tout à l'heure, nous parlions de cages vides.
00:11:47Ça, c'est énorme, en effet.
00:11:50Énorme ?
00:11:51Qu'est-ce qui vous arrive ?
00:11:53Mais Agathe, je suis éveillé.
00:11:56Jurez-moi que je suis éveillé.
00:11:57Hélas, oui.
00:11:59Et au train où vont les choses,
00:12:00nous ne sommes pas prêts à nous endormir au fond d'un lit.
00:12:01Je vous en prie, ne présentez pas,
00:12:02je suis victime d'une hallucination.
00:12:05D'une hallucination ?
00:12:07Ce salon où je n'ai jamais mis les pieds
00:12:09est le salon de mon roman.
00:12:10Comment ?
00:12:12Le salon dont je vous ai parlé dans la voiture.
00:12:14Ce n'est pas possible.
00:12:17Mais rien ne ressemble plus d'un salon de campagne
00:12:18qu'un autre salon de campagne.
00:12:20Vous avez déjà vu beaucoup de salons campagnards
00:12:22encombrés de cages,
00:12:23de cages vides ?
00:12:25Eh bien, vous êtes déjà venu dans cette pièce.
00:12:27Qu'y a-t-il d'extraordinaire à ça ?
00:12:28Je vous répète que je n'ai jamais mis les pieds dans ce pays.
00:12:32Alors, c'est un souvenir d'enfance,
00:12:33un souvenir à demi-effacé.
00:12:34Pas plus à six ans qu'à vingt ans,
00:12:35je n'ai mis les pieds dans la brène.
00:12:37Mais où s'est déroulée votre enfance ?
00:12:40À Paris.
00:12:41Entre le lycée Rollin et la rue des Martyrs.
00:12:45Vous alliez bien en vacances ?
00:12:46Oui.
00:12:47À Caillot les années pères
00:12:48et à Saint-Duner les années impères.
00:12:50L'histoire de changer d'air.
00:12:54C'est incroyable, en effet.
00:12:55J'ai trouvé.
00:13:01Dites, dites-vite.
00:13:02Vous n'avez jamais vu cette maison,
00:13:04mais vous avez déjà vu ces cages,
00:13:06autre part, à Paris peut-être.
00:13:07Et puis leur propriétaire a déménagé
00:13:09et a transporté sa collection dans la brène.
00:13:11D'où votre confusion.
00:13:12Merci, Yaga.
00:13:15Nous poursuivons l'expérience.
00:13:18Allez à la fenêtre.
00:13:19Merci.
00:13:25On dirait que la pluie a cessé de tomber.
00:13:31On aperçoit même la lune entre deux nuages.
00:13:34Elle éclaire le paysage.
00:13:36Il y a une allée ?
00:13:38Non.
00:13:39Une chaussée, alors.
00:13:41Une chaussée pavée de lourdes pierres.
00:13:45Oui.
00:13:46Une chaussée qui descend jusqu'à une pièce d'eau.
00:13:48Comment savez-vous ?
00:13:51Et de cette pièce d'eau,
00:13:53un embarcadère à demi-pourri émerge.
00:13:56Et ce bois noir sur cette eau morte
00:13:58est tragique.
00:14:01Ça me trompe.
00:14:03Non.
00:14:05Vous voyez bien ?
00:14:06Ce n'est pas un mobilier étrange
00:14:08que je reconnaisse
00:14:08et cette maison toute entière
00:14:09et la campagne qui l'entoure.
00:14:12Vous avez trouvé maintenant une explication ?
00:14:15C'est effrayant.
00:14:16Venez.
00:14:17Non, je ne peux pas.
00:14:18Mais rejoignons l'auto.
00:14:20Vous frissonnez.
00:14:21J'ai peur.
00:14:22Nous passerons la nuit dans la voiture.
00:14:23J'ai peur comme le jour du championnat de stand.
00:14:26J'avais peur, mais j'ai sauté.
00:14:28Et je n'ai jamais aussi bien sauté
00:14:29parce que j'avais peur.
00:14:30Je dois rester.
00:14:32Si vous y tenez.
00:14:34Je veux savoir.
00:14:37Cet embarcadère.
00:14:39Vous l'avez vu ?
00:14:40Comme je vous vois.
00:14:42Je peux le revoir encore.
00:14:43Pour ça, il me suffit de fermer les yeux.
00:14:45Quand avez-vous commencé à le voir ?
00:14:47Quand j'ai commencé à écrire mon roman,
00:14:49Le Tueur de Chipot.
00:14:51Vous ne pouvez pas comprendre.
00:14:53Il faudrait pour cela que je vous explique ma façon de travailler.
00:14:55Vous l'avez expliqué.
00:14:57Et un jour, je renonce à mes dîners, à mes sorties.
00:15:02Et mes amis ne m'en veulent pas.
00:15:03J'appartiens déjà à un autre monde.
00:15:05Au monde de mon roman.
00:15:08Un monde aussi réel que le vrai que je peux décrire à haute voix.
00:15:12Vous parlez seul ?
00:15:13Je ne suis pas seul.
00:15:16Agathe, la faculté de création est une horlogerie singulière.
00:15:20Pour pouvoir travailler, il me faut une présence à mes côtés.
00:15:26Une présence féminine de préférence.
00:15:29Marianne.
00:15:32Marianne ou une autre.
00:15:33Marianne parce qu'elle était ma femme et qu'elle était près de moi.
00:15:37Et puis mes personnages m'apparaissent.
00:15:40Vous ne les prenez pas dans la vie ?
00:15:42Jamais, non.
00:15:43Non, ils surgissent en moi, venus on sait d'où, avec leur tique, leur manie.
00:15:48Le tueur de chipot collectionne les cages.
00:15:50Sa femme, boîte.
00:15:53Et jour et nuit, à travers cette maison délabrée,
00:15:56tel un maitronome qui ne s'arrêterait jamais,
00:16:00on entend la rondelle de sa cam qui frappe le plancher.
00:16:13Qui êtes-vous ?
00:16:34Ne pensez-vous pas que c'est moi ?
00:16:36Maîtresse de maison découvrant deux inconnus dans son salon,
00:16:39qui devrait vous poser cette question ?
00:16:42Excusez-moi.
00:16:44Néanmoins, je vous répondrai.
00:16:46Les courlis, c'est le nom que l'on donne à ce triste logis
00:16:50qui nous appartient, à mon mari et à moi.
00:16:54Maintenant, à votre tour de vous présenter.
00:16:57Luc.
00:16:59Ah oui ?
00:17:00Vous me connaissez ?
00:17:02Certes.
00:17:04Où nous sommes-nous déjà rencontrés ?
00:17:06Mais je ne vous ai jamais rencontrés.
00:17:08Vous êtes sûre ?
00:17:10Au cours d'un voyage à Paris, peut-être ?
00:17:12Il y a dix ans que je ne suis pas sortie de cette tanière.
00:17:15Et cependant, vous me reconnaissez.
00:17:18On peut connaître Luc sans l'avoir croisé.
00:17:20J'ai lu tous vos romans.
00:17:24D'ailleurs, que faire la nuit dans cette solitude, si ce n'est lire ?
00:17:30Et vous ne vous souvenez pas de mon visage ?
00:17:33Vous semblez déçue.
00:17:35C'est bien la première fois qu'un romancier paraît déconfit
00:17:37parce qu'on lui annonce qu'il est célèbre.
00:17:40Mais qui me vaut l'honneur de votre visite ?
00:17:41Oh, une panne.
00:17:43Une panne stupide.
00:17:45Nous grelotions et pendant que mon chauffeur est paré,
00:17:47nous avons poussé la discrétion jusqu'à frapper à votre porte.
00:17:50Vous avez bien mal choisi votre refuge.
00:17:53À votre place, j'aurais préféré affronter l'averse.
00:17:55La pluie est une eau vive, une eau qui coule,
00:17:58alors que l'eau qui ronge cette demeure
00:18:01est une eau de murailles, verte et vénéneuse.
00:18:04Nous allons nous retirer.
00:18:04Vous n'en faites rien.
00:18:06Je plaisantais, mais je plaisante comme je marche en clochant et en grinçant.
00:18:10Je crois, chère madame, que la pluie a cessé de tomber.
00:18:12Notre sans-gêne ne se justifie non plus en rien.
00:18:15Vous partiriez sans saluer Antoine,
00:18:17mais sans capable de lâcher ses chiens à vos trousses.
00:18:20Il aurait raison.
00:18:21Non, ici, croyez-moi, les distractions sont rares.
00:18:24Et rencontrer un romancier illustre en est une de taille.
00:18:28Vous n'avez pas le droit de priver mon mari de cette joie.
00:18:31Puisque vous insistez, nous resterons.
00:18:33Mais un instant, un instant seulement.
00:18:35Je vais l'avertir.
00:18:36Hélas, je n'ai à vous offrir qu'un feu de bois.
00:18:42Non, ne vous tourmentez pas pour nous.
00:18:44Et puis, j'en profiterai pour porter une lanterne à votre chauffeur.
00:18:56Cette fois, Luc, nous volons dans le surnaturel.
00:18:59J'ai horreur de ce mot.
00:19:01Allez-vous prétendre que cette maison n'est pas hantée ?
00:19:03Agathe, vous parlez comme aurait parlé votre grand-mère.
00:19:05Comment ? Vous tombez dans une maison qui ne devrait pas exister.
00:19:07Né à né avec un personnage imaginaire et vous trouvez ça raisonnable.
00:19:11Eh bien, vous avez un drôle de caractère.
00:19:12Je ne dis pas que je trouve ça raisonnable,
00:19:13mais je prétends qu'un spécialiste de ces questions
00:19:16serait à même de nous fournir une explication rationnelle.
00:19:18Mais laquelle, mon Dieu ?
00:19:20Agathe, le poète n'imagine jamais.
00:19:24Il perçoit les signaux de l'invisible.
00:19:28Et vous auriez ce don ?
00:19:30J'en arrive à me le demander.
00:19:32Vous n'auriez pas inventé votre œuvre ?
00:19:34Je l'aurais réinventé en empruntant mes matériaux à la vie elle-même.
00:19:38Mais alors, mes amis ne s'étaient pas moqués de moi ?
00:19:41Vos amis ?
00:19:43Celles qui prétendaient que vous aviez du génie.
00:19:45Du talent, mettons, du talent.
00:19:47Vous lui pouvez décrire une maison que vous n'avez jamais vue
00:19:50et vous appelez cela avoir du talent ?
00:19:52C'est du génie.
00:19:54Je me suis laissée enlevée par un monsieur qui a du génie.
00:19:58Vous ne vous débattez plus ?
00:20:00J'ai peur.
00:20:01Je vous effraie ?
00:20:03Être serrée par les bras d'un génie, c'est un peu terrifiant.
00:20:06Agathe.
00:20:08Mais ce n'est pas désagréable d'être terrifiée.
00:20:11Agathe, seriez-vous enfin apprivoisée ?
00:20:15Ne bougez pas.
00:20:16Pourquoi ?
00:20:17Je crois qu'il est entré.
00:20:18Qui ?
00:20:19Le tueur de chipots.
00:20:21Agathe, vous êtes folle, vous voulez me faire peur.
00:20:23La moindre émotion me donne des palpitations.
00:20:25Mon cher maître !
00:20:27C'est qui celui-là ?
00:20:28Je m'en parle, j'ai la tête qui tourne.
00:20:31Vous n'auriez pas un médicament ?
00:20:32Un médicament ?
00:20:33S'il était atteint de la fièvre afteuse ou de la colique des moutons,
00:20:36je ne parviendrais pas à trouver au fond d'une armoire une vieille drogue de vétérinaire,
00:20:40mais un médicament.
00:20:42Un médicament de médecin dans cette baraque.
00:20:44Pourtant, ma mère nous administra un remède.
00:20:48Lorsqu'enfant, mes frères et moi, nous tournions de l'œil.
00:20:51Lequel ?
00:20:52Je me posais sous le nez une boule de naphtaline.
00:20:54Tenez, nous allons essayer.
00:20:55Je vous remercie, je me sens beaucoup mieux.
00:20:57Un verre d'alcool, alors.
00:20:58Vous avez raison.
00:21:00L'alcool est encore le meilleur remède.
00:21:02Je descends la cave et j'y cache sous un épais tapis de toile d'araignée
00:21:05un torboyau dont vous me direz des nouvelles.
00:21:09Ah, mais vous avez peut-être l'habitude de parler en public.
00:21:14Il m'arrive de faire des conférences ou de prononcer des speeches à la fin des banquets.
00:21:19Pourquoi me posez-vous cette question ?
00:21:20Parce que mon torboyau est capable de transformer un ténor léger en basse, profonde.
00:21:26Un brûlot.
00:21:27Un véritable brûlot.
00:21:32Après la naphtaline, le torboyau, je me souviendrai de vos soldes et c'est une.
00:21:36Est-ce lui ?
00:21:37Qui, lui ?
00:21:39Le tueur de chipot.
00:21:40Vous perdez la raison, Agathe.
00:21:42Ce bravo n'a aucun point de ressemblance avec mon héros et je m'en réjouis.
00:21:45Et pourtant, il doit être le tueur de chipot.
00:21:47Et pourquoi cette nécessité ?
00:21:49Antoine étant le mari de la boiteuse, ne peut-être que le tueur de chipot.
00:21:53Vos cavaliers et leurs montures vous ont en effet pourvu d'une redoutable logique.
00:21:57Avez-vous, oui ou non, le don de voir à distance ?
00:22:00Ce salon est le salon de mon roman sans l'être tout à fait puisque dans mon roman, il se prolonge par un boudoir.
00:22:05Qui devrait se trouver ?
00:22:07Là, à la place de ce panneau.
00:22:10C'est un détail sans importance.
00:22:11Ne croyez pas cela, mais c'est une capitale de mon oeuvre s'y déroule.
00:22:15Alors vous l'avez décrit ?
00:22:16Avec le plus grand soin.
00:22:17Ces murs sont ornés de masques nègres.
00:22:20Des masques nègres au milieu de cette pluche ? C'est plutôt bizarre.
00:22:23Pas du tout.
00:22:24Car mon héros a longtemps vécu au Cameroun.
00:22:30Vous...
00:22:31Vous paraissez désappointé.
00:22:32En somme, vous n'avez que la moitié du don.
00:22:35J'en vous déçois.
00:22:36Je croyais aimer un génie et je m'aperçois que j'aime un génie fidget.
00:22:40Nous tâcherons de nous faire pardonner cette infirmité.
00:22:43Et si c'était tout de même lui ?
00:22:46Je vous répète que ce n'est pas possible.
00:22:47D'abord, le chipot n'existe pas.
00:22:49Le chipot est un oiseau imaginaire.
00:22:50Mais Luc, calmez-vous.
00:22:51Mais pourquoi cette obstination ?
00:22:53Luc, parlez-moi de votre héros.
00:22:58Mais de tous mes personnages, il est le plus insolite.
00:23:02Ah oui ? Il aime les cages vides ?
00:23:04S'il n'aimait que les cages vides.
00:23:05Mais quoi encore ?
00:23:07C'est un être qu'on ne saisit pas le moindre de ses gestes déconcertes.
00:23:13La nuit.
00:23:15La fameuse nuit.
00:23:18Personne, pas même la boiteuse, ne pouvait prévoir.
00:23:21Et cependant, quand elle a entendu les cris, les bruits de la lutte,
00:23:24elle a bien dû se rendre à l'évidence.
00:23:26Mais qu'avait-il fait ?
00:23:28Il avait assassiné.
00:23:30Voilà, mon tort voyant.
00:23:35Il ne me reste plus qu'à vous présenter mes excuses pour cet incident ridicule.
00:23:39En fait, c'est moi qui me confond en remerciement.
00:23:43Une visite dans cette baraque est aussi espérée qu'un héritage.
00:23:48Tenez.
00:23:48Ah oui, ben, une larme.
00:23:50Eh, vous, mademoiselle.
00:23:53Agathe.
00:23:54Nous sommes fiancées.
00:23:56Aurez-vous le courage d'accepter un peu de ce vitriol ?
00:23:58Ah oui, j'ai été élevée parmi les pâlefreniers.
00:24:01Vous n'en avez préféré les artistes, ce que je vois.
00:24:03Par la faute de mon père.
00:24:05Un jour, il m'a offert un salon littéraire.
00:24:07Il faut vous dire qu'il est banquier.
00:24:08Vous avez beaucoup reçu ?
00:24:09Non.
00:24:10Pourquoi ?
00:24:11Parce que le premier écrivain qui s'est présenté m'a enlevé.
00:24:14C'était Luc.
00:24:16Félicitations.
00:24:17Un instant, il ne songea même à m'amener en Afrique.
00:24:20Vous connaissez l'Afrique ?
00:24:21Oh non, Agathe, vous ennuyez notre hôte avec des histoires dépourvues de tout intérêt.
00:24:24Pas du tout, puisque le hasard nous a mis en présence, autant faire connaissance d'un seul coup.
00:24:28Nous allons lui raconter notre vie, et après, ce sera son tour.
00:24:32Vous avez tort de boire cet alcool, il vous monte à la terre.
00:24:35Mon arquebus, tu raides, mais ne saoule pas.
00:24:38Et puis d'ailleurs, notre voiture doit être réparée, nous allons prendre congé.
00:24:42Vous n'y pensez pas ?
00:24:43Je suis peut-être un vieil ours, mais pas au point de laisser partir mes visiteurs sans les avoir fait souper.
00:24:48Mais nous ne voulons pas déranger vos domestiques.
00:24:50Mais nous n'avons pas déranger vos domestiques, voyons.
00:24:53Vous vivez seul ?
00:24:54Oui, seul.
00:24:56À dix kilomètres de tout lieu d'habiter.
00:24:58Raison de plus pour ne pas vous importuner.
00:25:01Deux couverts dréchés sur une table, quatre oeufs jetés dans une poisse, ce n'est pas un travail qui peut effrayer Mathilde.
00:25:05Elle est habituée à des tâches plus rudes.
00:25:07C'est elle qui fait la cuisine ?
00:25:09Oui, mademoiselle.
00:25:11Et le ménage.
00:25:12Je m'ai demandé quelle était mon existence.
00:25:15Eh bien, la voilà.
00:25:17Mon autre nez un peu sordide.
00:25:19Tandis que Mathilde récure, je casse mon bois, je nettoie mon puits, je sarcle mes allées.
00:25:26Vous allez me dire pourquoi vous êtes condamné à cette réclusion ?
00:25:31Eh bien, pour un sentiment.
00:25:33Le plus bafoué, le plus brocardé des sentiments.
00:25:37L'amour conjugal.
00:25:39Votre affection pour votre femme.
00:25:41Elle m'oublie, je demeurerai dans cette maison à demi-pourri.
00:25:45C'est injuste pour cette maison.
00:25:47Je lui trouve du charme.
00:25:48Oh, le charme lancinant des rhumatismes.
00:25:51Et puis j'aime ses cages.
00:25:54Pas possible.
00:25:55J'aime la tristesse de leurs barreaux.
00:25:58Vous devez me comprendre.
00:26:00Moi, je les déteste.
00:26:02Comment ? Mais alors, pourquoi collectionnez-vous les cages vides ?
00:26:06Parce que j'ai acheté ces cages, elles n'étaient pas vides.
00:26:08Il est bien entendu qu'il n'arriverait à l'idée de personne, celle de collectionner des cages vides.
00:26:13Vous n'avez pas toujours pensé ça, mon cher Luc.
00:26:16J'ai acquis ces cages, c'était afin d'y loger des oiseaux.
00:26:19Mais comme tous les acquéreurs de cages.
00:26:22Et ces oiseaux, que sont-ils devenus ?
00:26:24Ils sont morts.
00:26:27Tous ?
00:26:28Tous.
00:26:30La même semaine.
00:26:31Une épidémie, sans vous ?
00:26:34Non.
00:26:37De faim.
00:26:38De faim ?
00:26:39Ouais.
00:26:41Assez par les de moins.
00:26:43Sur la route, comment avez-vous perdu votre direction ?
00:26:47Oh, le brouillard.
00:26:48C'est vrai.
00:26:50Cet après-midi à 4h, je n'y voyais pas au bout de mon fusil.
00:26:52Ah, vous chassez ?
00:26:54Que faire dans ces solitudes si je n'étirais quelques lapas ?
00:26:56Ou quelques chipots ?
00:26:58Ce jeu, Agathe, est du odieux que stupide.
00:27:00Mon cher maître, vous me paraissez bien nerveux.
00:27:02Non, excusez-moi, c'est vrai, mais veuillez expliquer à Agathe qu'on n'avait jamais tué de chipots.
00:27:07Bon, plus tard qu'hier, j'en ai abattu deux.
00:27:11Ça n'est pas possible.
00:27:12Et vous êtes encore dans le garde-manger de la cuisine ?
00:27:15Vous n'avez pas pu tuer de chipots pour la bonne raison que le chipot n'existe pas.
00:27:19Vraiment ?
00:27:20C'est un oiseau que j'ai inventé.
00:27:23Vous êtes chasseur ?
00:27:25Il n'a pas besoin d'être chasseur pour inventer des oiseaux.
00:27:30Je suis désolé d'avoir à contredire votre don créateur, mon cher maître, mais il y a longtemps que je tue des chipots.
00:27:36Mon père avant moi tuait aussi des chipots qui portaient déjà ce nom de chipot.
00:27:40Ce serait un gibier de nous contrer.
00:27:42Un canard, un vulgaire canard sauvage.
00:27:45Je ne vous crois pas.
00:27:47Eh bien, puisque vous avez la crédulité chevillée au corps, venez, venez, venez voir.
00:27:53Voilà, il y a un chipot.
00:27:57C'est...
00:27:58Asse...
00:28:01Chipot, voilà.
00:28:06Chipot bruyant.
00:28:08Espèce de canard sauvage.
00:28:10Et le livre n'est pas truqué, hein ? C'est un bon et loyal dictionnaire des années 1886.
00:28:15Vous êtes convaincu ?
00:28:17Et bien entendu, le chipot vit au Cameroun.
00:28:20Au Cameroun ?
00:28:21Comme vous avez vous-même vécu au Cameroun.
00:28:24Avouez.
00:28:25Vous avez passé 20 ans de votre existence au Cameroun.
00:28:27Le Cameroun est au moins un nom sur une carte.
00:28:34Et encore, vous aurez quelques peines à le situer.
00:28:38Luc, vous avez été abominable.
00:28:39Je vous demande pardon.
00:28:48Ah !
00:28:48Vous êtes calmés.
00:28:52Vous ne serez pas surpris si je vous demande quelques explications.
00:28:56Je crois en avoir le droit.
00:28:57Je vous trouve à demi évanoui dans mon salon.
00:28:59Vous vous emportez parce que j'ai tué deux chipots.
00:29:01Et ensuite, vous m'accusez d'avoir vécu au Cameroun.
00:29:03Je voudrais bien savoir ce que signifient ces évanouissements et ces colères.
00:29:09Mieux vaut lui dire la vérité.
00:29:12Cette maison est le décor du roman que Luc vient d'achever.
00:29:15Luc ne m'a jamais fait l'honneur d'une visite.
00:29:18Non, mais Luc a un don.
00:29:19Un don de double vue.
00:29:21Ah, ça c'est extraordinaire.
00:29:24Non, c'est ce qu'on appelle avoir du génie.
00:29:28En entrant dans votre maison, en effet, j'ai cru reconnaître ce salon.
00:29:31Phénomène de prémonition, sans doute.
00:29:34J'ai fait part de mon étonnement à Agathe qui s'est emparée de l'événement en le grossissant
00:29:37et qui a tenté de me convaincre que vous étiez le héros de mon livre.
00:29:42Un certain tueur de chipots.
00:29:45Ensemble, si je comprends bien, c'est vous, Luc, qui êtes le romancier à la mode,
00:29:48mais c'est Mademoiselle qui a l'imagination un peu exaltée.
00:29:52Et un redoutable don de persuasion puisqu'elle a réussi à jeter le doute en moi.
00:29:56Oui.
00:29:57Mais dites-moi, dois-je être flatté ?
00:30:01Ah, ah, votre éditation est une réponse.
00:30:07Ce chasseur de canards, un sale bonhomme.
00:30:11C'est un personnage qui sort d'énormes.
00:30:13Oui, eh bien, je refuse le rôle, je n'aime pas le romanesque.
00:30:16Vous avez une passion pourtant, vous venez de nous le dire.
00:30:18Bon, une passion qui dure depuis aussi longtemps, est-ce que c'est encore une passion ?
00:30:22Moi, je trouve très beau cet amour qui vous unit dans la solitude.
00:30:25Figure-toi que me voilà devenu un héros de roman.
00:30:28Notre écrivain s'imagine, je ne sais pas pourquoi, que j'ai vécu au Cameroun.
00:30:32Mais qu'est-ce que tu as ?
00:30:33Un accident.
00:30:34Quel accident ?
00:30:34Votre chauffeur.
00:30:36Que lui est-il arrivé ?
00:30:37C'est noyé.
00:30:38Noyé ?
00:30:39C'est pas possible, quand nous l'avons quitté, de réparer la voiture.
00:30:41L'auto se trouvait sur une pente.
00:30:43Il aura voulu la déplacer, mais la voiture l'aura entraînée.
00:30:47Il sera tombé avec elle dans les temps.
00:30:49Il aurait pu l'agir.
00:30:50La voiture a dû l'écraser contre le fond.
00:30:52En me penchant, j'ai aperçu une masse sombre sous les roues.
00:30:56Vous n'avez pas cherché à le dégager ?
00:30:57Si, mais j'ai failli glisser à mon tour.
00:31:01Mais ma chérie, voyons, c'est défolment imprudent.
00:31:02Tu n'es pas mouillé, tu sais bien que tu as les bronches, fragiles.
00:31:04Il n'y a pas lieu de s'attendre sur la santé d'une vieille femme.
00:31:07Quand un homme vient de mourir...
00:31:08C'est atroce !
00:31:09Je crois qu'il serait décent que je me rende sur les rues.
00:31:10Non, non, ne me quittez pas !
00:31:11Nous ne pouvons pas abandonner ce pauvre garçon.
00:31:13J'y vais, moi, je suis nouveau pour patauger dans la boue.
00:31:16Il faudrait prévenir les gendarmes.
00:31:20Les gendarmes ?
00:31:21Ils pourraient peut-être nous aider à repêcher le corps.
00:31:24Oh, sans doute.
00:31:26Il faut tout de même les prévenir de cet accident.
00:31:28Ils ont un procès verbal à vresser.
00:31:31Vous avez raison.
00:31:33Je vais les appeler.
00:31:35Vous avez le téléphone ?
00:31:36Un autre seul luxe...
00:31:37Oui, un luxe qui date du déluge.
00:31:39Le nom de votre chauffeur ?
00:31:42Nous ne le connaissons pas.
00:31:43Pas plus que son prénom.
00:31:44C'est un chauffeur de l'ouage que Marie, ma femme, m'avait procuré.
00:31:49Marianne ?
00:31:50Votre femme ?
00:31:53Oui.
00:31:54Monsieur, vous croyez fiancée ?
00:31:57C'est-à-dire que...
00:31:58Marianne et moi, nous sommes sur le point de divorcer.
00:32:01Ah.
00:32:02Ah.
00:32:03Aucune importance.
00:32:04Mathilde, il va falloir se manger à l'os et nos hôtes.
00:32:08Oh, nous, nous n'allons pas coucher ici.
00:32:10Cette maison est vétuste, mais pour une nuit, vous pourrez très bien vous en accommoder.
00:32:14Voyons, tu dresseras un lit à Luc dans la pièce à côté, mais quelle chambre vous pourriez nous donner, mademoiselle ?
00:32:20Eh bien, la chambre aux papillons ?
00:32:21Non.
00:32:22Elle est au-dessus de la cuisine ?
00:32:23C'est toi.
00:32:24Et puis, il y a longtemps qu'elle n'a pas reçu de visiteuse...
00:32:26Passer !
00:32:27Nous pourrions peut-être essayer de gagner la gare la plus proche.
00:32:30Ma fille, 15 kilomètres de route de Bourbier, vous oubliez que votre voiture est au fond de l'eau.
00:32:36Vous avez bien une voiture, vous ?
00:32:37Ni carriole, ni bicyclette, je vous l'ai dit, nous vivons en reclus.
00:32:40Mais alors, que faire ?
00:32:42Et puis ?
00:32:43Et puis, vous êtes mes prisonniers ?
00:32:46Vos prisonniers ?
00:32:47Pourquoi vos prisonniers ?
00:32:48Quand les gendarmes viendront, ils voudront vous interroger.
00:32:51Votre fuite leur paraît très suspecte.
00:32:54Bathilde, tu donneras ta chambre, mademoiselle.
00:32:58Mais je peux très bien te coucher ici, dans cette pièce.
00:33:01Eh bien, dans ce cas-là, tout est arrangé.
00:33:04Tu feras ce divan.
00:33:05Et nos bagages ?
00:33:07Ils sont par trois mètres de fond.
00:33:08Mais nous vous prêterons des effets de nuit.
00:33:11Mon roman.
00:33:13Le manuscrit de mon roman.
00:33:15Où était-il ?
00:33:16Dans ma valise.
00:33:17La littérature vient peut-être de perdre un chef-d'oeuvre.
00:33:20Je vais appeler les gendarmes.
00:33:27Deux années de travail.
00:33:31Mais vous aviez un double ?
00:33:32Non, j'écris toujours à la main.
00:33:34Je comptais le faire taper en rentrant à Paris.
00:33:36C'est une catastrophe.
00:33:37Pour tous mes autres livres, j'aurais songé au suicide.
00:33:42Pour celui-là ?
00:33:43C'est curieux, je ne suis pas au désespoir.
00:33:47Mieux, j'éprouve une sorte de soulagement.
00:33:49Peut-être que sa disparition était un signe des cieux.
00:33:54Une conjuration du mauvais sort.
00:33:58Tant de situations pénibles et d'événements sinistres lui étaient attachés.
00:34:04Vous avez raison, Luc.
00:34:05N'y pensons plus.
00:34:07Et puis, vous allez en commencer un tout de suite bien meilleur.
00:34:12Que je vous dédirai.
00:34:13Connaissez-vous Marois ?
00:34:24Pendant dix ans, Antoine a vécu à Marois.
00:34:28Et après ?
00:34:29C'est un village du nord du Cameroun.
00:34:31J'ai appelé les gendarmes.
00:35:01Ils vont venir.
00:35:06Quand ?
00:35:07Cette nuit.
00:35:21Baptiste, ne vous a pas parlé ?
00:35:24Non.
00:35:25Pourquoi elle a cherché à nous parler ?
00:35:29Pourquoi elle a cherché ?
00:35:34La santé de Bathilde m'inquiète.
00:35:39Pendant des semaines, elle se conduira comme la plus sensée, la plus équilibrée des femmes.
00:35:45Puis un jour, elle s'enferme dans sa chambre.
00:35:47Alors là, ni les prières ni les menaces ne permettent à l'enduloser.
00:35:53Sans repos, elle tourne en rond dans la pièce.
00:35:57D'ici, j'entends le bruit de la canne.
00:36:02Quatre coups secs sur le plancher.
00:36:04Trois coups assourdis sur le tapis.
00:36:08C'est encore le plancher.
00:36:10C'est à nouveau le tapis.
00:36:11Au bout d'une journée, on a envie de yorler.
00:36:17Et puis un matin, je la retrouve assise dans ce salon.
00:36:20Je ne s'envisage aucune trace de la crise.
00:36:23Mais elle insinue.
00:36:25Elle persifle.
00:36:26Elle m'accuse de fautes imaginaires et de vices inqualifiables.
00:36:30Comme si ça doit être pénible.
00:36:33Oui.
00:36:34Autrefois surtout.
00:36:36Parce que nous avions encore des amis et des domestiques.
00:36:40À cause d'elles, j'ai dû chasser les uns et écarter les autres.
00:36:45Et me résigner à cet emprisonnement.
00:36:54Vous nous quittez ?
00:36:55Oui.
00:36:57Je vais humer la vase.
00:37:00C'est l'expression que j'emploie pour décrire
00:37:02les promenades nocturnes le long des états.
00:37:07Il me faut ces grandes lampées d'air glacé.
00:37:09Je ne vous propose pas de m'accompagner.
00:37:11Non, non, nous sommes un peu fatigués.
00:37:14Donc les chemins sont déçants.
00:37:16Ah.
00:37:18Vous aimez ces cages, mademoiselle.
00:37:21Bien.
00:37:22Elles ont un secret.
00:37:23Je vais vous le révéler.
00:37:26Ce sont
00:37:26des cages à musique.
00:37:30C'est amusant, n'est-ce pas ?
00:37:32Faites les marchés toute la nuit,
00:37:35et si cela peut vous distraire.
00:37:36Et le cauchemar continue.
00:37:48Bathilde est-elle folle ou Antoine nous mentit ?
00:37:50Il nous ment.
00:37:54Il a surpris notre conversation avec Bathilde,
00:37:56et maintenant il cherche à jeter le doute en nous.
00:37:57Et elle-même, à quelle mobile obéit-elle ?
00:37:59Pourquoi ses phrases a pu nous murmurer ?
00:38:01Non, ce n'était qu'un avertissement.
00:38:02Tout à l'heure, elle va nous en raconter bien d'autres.
00:38:05Laissez-moi faire, je me charge de la faire parler.
00:38:08Non, Agathe, vous êtes indécent.
00:38:09Allons bon, j'ai encore lâché quelques gros mots.
00:38:11Maintenant vous semblez prendre plaisir à ce cauchemar dans lequel je me dévaste.
00:38:15Je vous trouve injuste pour ce cauchemar.
00:38:17Injuste ?
00:38:18Sans lui, je ne serais pas seule dans ce salon, près de vous.
00:38:24Seriez-vous au moins farouche, Agathe ?
00:38:27Peut-être.
00:38:29J'étais injuste, en effet.
00:38:31Et moi, j'aurais eu tort de vous fermer les portes au nez.
00:38:33Quelles portes ?
00:38:35Les portes des chambres d'hôtel.
00:38:37J'étais décidée chaque soir à vous les claquer au visage.
00:38:40Cependant, vous m'avez suivi en voyage ?
00:38:42Afin de vous fermer les portes au nez.
00:38:44Vous aviez juré de vous moquer de moi ?
00:38:47Que vous ai-je fait ?
00:38:49Rien.
00:38:51Agathe, vous n'avez aucun respect pour les écrivains.
00:38:54Si.
00:38:55Le respect un peu railleur que l'on a pour les gens très démodés.
00:39:00Paul Hervieux.
00:39:01Paul Hervieux.
00:39:02Vous savez, Agathe, on peut être romancier et être un homme à la page.
00:39:07J'ai couru le 100 mètres en 12 secondes, j'ai chassé le grand pauvre, j'ai visité l'URSS.
00:39:11Vous êtes bête, mon chéri.
00:39:13Toutes ces idées, je les avais avant d'avoir découvert qui vous étiez.
00:39:17Comment a-t-il tué ?
00:39:19Il n'a pas tué.
00:39:21Je songeais à votre héros, au héros de votre roman.
00:39:25Mon tueur de chipot, c'était son titre gis sous quelques mètres de vase.
00:39:29Personne ne le lira jamais, en n'en parlant plus.
00:39:31Alors, si vous me racontez de quelle façon il a assassiné, je serais la seule à le savoir.
00:39:36Il a étranglé.
00:39:39Une jeune fille.
00:39:42Sur le divan d'un boudoir.
00:39:45Le divan ? Le divan qui devrait se trouver là.
00:39:48Vous voyez bien que ce boudoir n'existe pas.
00:39:50Revenons à nos propres affaires.
00:39:53Comme vous voudrez.
00:39:56Chère Agathe, une confidence en appelle une autre.
00:40:00À mon tour de me confesser.
00:40:01Si en quittant Paris, vous étiez décidé à me résister, moi j'étais convaincu de mon succès.
00:40:10Non seulement j'étais certain que vous seriez ma maîtresse, mais encore que vous deviendriez ma femme.
00:40:16Et cela devant quelques prosaïques maires de quartier.
00:40:20Les cavaliers vainqueurs prétendent qu'ils n'ont jamais douté de la victoire.
00:40:23Vous désirez une preuve ?
00:40:25Oui. Je l'attends.
00:40:29Agathe, je vous ai menti.
00:40:32J'ai parlé à Marianne.
00:40:34Vous lui avez parlé de moi ?
00:40:36Non.
00:40:37Non, je préférais dire votre nom.
00:40:40De notre voyage ?
00:40:41Moins encore.
00:40:44Une fois à Madrid, je lui écrirai.
00:40:48Mais j'ai tenu à la prévenir afin de rendre le choc moins.
00:40:53Douloureux.
00:40:55Je lui ai avoué que j'avais rencontré une autre femme.
00:41:00Je n'ai pas eu de merci à insister une phrase et elle avait compris.
00:41:05Elle a pleuré ?
00:41:07Elle a eu beaucoup, beaucoup de chagrin.
00:41:13Pourquoi s'habille-t-elle si mal ?
00:41:15Marianne ne s'habille pas mal.
00:41:18Elle est même la seule femme de Paris à savoir s'habiller avec des haillons.
00:41:21Ses oripeaux sont célèbres.
00:41:24On a cité jusque dans Harper's Bazaar sa robe de cachemire.
00:41:26Un cachemire qu'elle avait déniché dans un bric-à-brac à la foire opus.
00:41:30Mais elle ressemble à une bohémienne.
00:41:31Vous l'avez vue ?
00:41:33Au bal du Précatlan.
00:41:34Quelqu'un me l'a montré de loin.
00:41:35Un instant, je pensais pouvoir oublier cette maison et ses habitants et tout recommence.
00:41:41Mais cette fois, nous devons savoir.
00:41:55Puis-je vous aider, madame ?
00:41:57Oui, c'est mieux.
00:41:58Merci.
00:42:00Pardon.
00:42:07Alors, vous avez habité le Cameroun ?
00:42:09Oui.
00:42:10Juste assez pour en revenir avec un ulcère du foie.
00:42:14Et qui faisiez-vous ?
00:42:16Mon mari et moi, nous tenions une factorerie.
00:42:19Vous savez, un de ces grands bazars où l'on vend tout.
00:42:21Depuis la poudre insecticide jusqu'au disque de Fanacar.
00:42:25Mais alors, je ne comprends plus pourquoi votre mari veut-il absolument nier ce séjour en Afrique.
00:42:32Antoine est un être d'une extraordinaire intelligence.
00:42:35Malheureusement, dans la solitude de cette campagne, cette intelligence ne trouve pas toujours à s'employer.
00:42:40Alors, parfois, elle tourne à vide.
00:42:43C'est-à-dire ?
00:42:45Quand Antoine s'ennuie, il ment.
00:42:48Quel drôle de jeu.
00:42:49Ah, vous avez trouvé le mot qui convient, mademoiselle.
00:42:52Antoine ment par jeu.
00:42:54Vous lui demandez s'il est marié.
00:42:57Il vous répond non.
00:42:58Pour le seul plaisir d'insister au déroulement des quiproquos nés de ce mensonge.
00:43:03Mensonge gratuit, bien entendu.
00:43:06Toujours gratuit et saugrenu.
00:43:09Ce sont les règles du jeu.
00:43:11Et comment cela se termine-t-il ?
00:43:13Mal, le plus souvent.
00:43:14Voilà pourquoi j'ai tenté de vous avertir, mais Antoine m'a interrompu.
00:43:17Merci.
00:43:19Un jour, un commissionnaire m'a rendu visite.
00:43:27Pendant qu'il me parlait, je lui trouvais un air bizarre.
00:43:30Sans cesse, il me regardait.
00:43:31J'en arrivais à me demander si je n'avais pas du nez sur le nez.
00:43:35Non.
00:43:36Soudain, j'ai compris.
00:43:39Voilà.
00:43:39Votre lit est prêt, mademoiselle.
00:43:41Je vous remercie.
00:43:41Mais vous n'avez pas achevé votre histoire.
00:43:44Votre histoire de commissionnaire.
00:43:46Suis-je bête ?
00:43:47Antoine lui avait dit que j'étais folle.
00:43:49Pour voir sa tête.
00:43:50Bâti-t-il de telle folle ?
00:43:57Et Antoine n'a jamais été au Cameroun ?
00:43:59Ou bâti-t-il de telle scène d'esprit ?
00:44:00Et Antoine a vécu à ma roi ?
00:44:01Je vous en prie, Agathe, je veux oublier ce cassette.
00:44:05Le boudoir.
00:44:08Le boudoir.
00:44:11Comment ce boudoir est-il apparu ?
00:44:13Mais de la façon la plus naturelle du monde, un panneau l'a démasqué.
00:44:17Vous savez, cette maison a été construite au 18e.
00:44:20On raffolait alors de chambres dérobées et de passages secrets.
00:44:24Qui c'est, cette masure aujourd'hui, lugubre ?
00:44:34A peut-être servi autrefois de rendez-vous galant.
00:44:37C'est amusant à imaginer.
00:44:40Et puis d'ailleurs, il n'y a pas les masques nègres.
00:44:42Non, les masques nègres, on les a retirés.
00:44:44C'est pas possible.
00:44:45Regardez, on voit encore les traces sur ce mur.
00:44:47Et quand on les a tentés ?
00:44:49La semaine où les oiseaux sont morts.
00:44:51De faim ?
00:44:52Nous avions oublié de les nourrir.
00:44:54Vous étiez tellement émus.
00:44:57Couchez-vous et dormez.
00:44:59Au cours-lit, c'est encore la meilleure des distractions.
00:45:03Le plus sage.
00:45:11Je suis pris.
00:45:12Je suis pris dans un piège monstrueux.
00:45:15C'est le boudoir du crime ?
00:45:16Si ce n'est pas que le boudoir du crime.
00:45:17Mais qu'est-ce encore ?
00:45:18Vous ne connaissez pas toute l'intrigue de mon roman.
00:45:21Continuez.
00:45:22Viens alors.
00:45:24L'histoire commence au Cameroun.
00:45:26Un colon, grand amateur de chasse, et sa femme,
00:45:29car l'accident a rendu boiteuse,
00:45:32ont recueilli une orpheline de 16 ans.
00:45:35Soudain, l'homme se prend d'une passion sans frein pour la fille.
00:45:39Tu ne l'aimes pas ?
00:45:40Non.
00:45:40Elle s'est laissée séduire par un jeune Italien.
00:45:44Alors ?
00:45:45Pour l'éloigner de son amant, l'homme l'entraîne loin du Cameroun.
00:45:50Et il l'enferme en France avec sa femme, dans une maison délabrée.
00:45:54Comme celle-ci ?
00:45:56Oui.
00:45:57Et un soir, fou de jalousie, il étrangle la fille.
00:46:02Son crime peut demeurer impuni s'il parvient à faire disparaître le corps.
00:46:06Il l'enterre ?
00:46:07Non.
00:46:09Avec l'aide de sa complice, sa femme,
00:46:13il dissimule le cadavre sous le plancher du boudoir.
00:46:16À quel endroit ?
00:46:22Là.
00:46:28C'est idiot.
00:46:29Comment ?
00:46:31À la campagne, quand on veut dissimuler un objet,
00:46:33on ne le cache pas dans une maison, mais dans un trou.
00:46:36Au fond d'un bois ou d'un jardin.
00:46:38Vous croyez ?
00:46:39Et dans la vanne, c'est plus facile encore, on jette dans un étang.
00:46:43Votre histoire est absurde.
00:46:46J'ai vu de la lumière sur votre porte.
00:46:54Je vous apporte une bûche.
00:46:55Je ne vous dérange pas.
00:46:57Non.
00:46:58Luc et moi, nous discutions.
00:46:59Et de quoi, mon Dieu ?
00:47:00Je suis retardé.
00:47:02D'un détail de son roman.
00:47:04Mais j'y songe.
00:47:05Vous pourriez peut-être nous aider ?
00:47:06D'aisez-vous, le gars.
00:47:07Et monsieur est un homme de la campagne, son avis sera précieux.
00:47:10Je suis à votre disposition.
00:47:11Figurez-vous que le dernier roman de Luc,
00:47:13celui qui s'est noyé,
00:47:14se déroulait dans une contrée perdue.
00:47:16Dans un pays de bois et d'étang.
00:47:18Or, son héros voulait se débarrasser d'un paquet volumineux et compromettant.
00:47:22D'un paquet oblong d'une très grande taille.
00:47:25Comment pouvait-il s'y prendre ?
00:47:26À quel je vous interdis de poursuivre ?
00:47:27Non, mais je tiens à votre opinion.
00:47:29L'opinion d'un profane et non de littérateur.
00:47:31Si vous aviez été à la place du personnage de Luc,
00:47:33Qu'auriez-vous fait ?
00:47:35Ah, laissez-moi réfléchir.
00:47:37Vous auriez creusé un trou ?
00:47:38Ben non, pas le trou.
00:47:40Pourquoi ?
00:47:41Ben à cause des bêtes.
00:47:42Quelles bêtes ?
00:47:43Des bêtes qui grattent.
00:47:44Vous ne pouvez pas savoir combien il y a de bêtes qui grattent la nuit.
00:47:47Dans ma chambre, je les entends.
00:47:48C'est une véritable symphonie de becs d'ongles qui riquent sur le caillou.
00:47:51Non, pas de trous.
00:47:53Alors les étangs ?
00:47:54Ah, la solution est meilleure.
00:47:57On laisse le paquet avec une grosse pierre et hop, au fond de l'eau.
00:48:00Et personne ne le retrouvera jamais ?
00:48:02Ah si.
00:48:03Quand ?
00:48:04Dans deux ans, dans deux ans, dans trois ans.
00:48:05Les gars qui vivent dans l'étang, le retrouveront.
00:48:07Parce qu'on vide les étangs ?
00:48:08Dans la brène, oui.
00:48:09Périodiquement.
00:48:10On lève une bonde, l'eau se retire.
00:48:13Dans la vase, on fait pousser une récolte de blé.
00:48:16Et on inonde à nouveau.
00:48:16Eh ben donc, mauvais procédé.
00:48:18On détestate, oui.
00:48:20Allez, le meilleur moyen, c'est encore sous quelques parquets de maisons.
00:48:23Là, au moins, on est sûr que les bêtes ne viendront pas fouiner.
00:48:27On lève une ou deux planches et le tour est joué.
00:48:30Alors, vous êtes satisfait de ma consultation ?
00:48:33Oui, enchanté.
00:48:35Eh bien, je n'abuserai pas de mon triomphe.
00:48:37Le boulanger passe très tôt demain matin.
00:48:39Bonne nuit.
00:48:43Si vous réécrivez votre roman, n'oubliez pas de m'envoyer.
00:48:47N'y aurais-je pas un peu collaboré ?
00:48:53Mais, aurez-vous les loisirs de le réécrire ?
00:48:59Quelle mouche vous a piquée, Agathe ?
00:49:07Mesurez-vous enfin votre imprudence.
00:49:08Nous voulions savoir.
00:49:09Eh bien, maintenant, nous savons.
00:49:10Eh bien, nous savons qu'il faut nous sauver.
00:49:11Au moment, ça devient passionnant.
00:49:13Agathe, nous sommes en danger de mort.
00:49:14Cet individu est capable de tout.
00:49:15D'ailleurs, je vous préviens, si vous ne voulez pas me suivre, j'emploierai la force.
00:49:18Me suivre ? Mais où ?
00:49:19Eh bien, nous marcherons droit devant nous.
00:49:20Nous finirons bien par rencontrer quelqu'un.
00:49:21D'accord, mais comment nous échapper ?
00:49:22Par le vestibat.
00:49:23Et comment elles doivent avoir une sortie ?
00:49:25Allez voir.
00:49:53Il y a bien une porte, mais elle est verrouillée.
00:50:18Nous n'avons pas la créée.
00:50:20Agathe.
00:50:22Agathe !
00:50:23Agathe !
00:50:25Qu'est-ce que vous, gars ?
00:50:29Eh bien, vous voyez, je soulève un peu le plancher.
00:50:30Vous soulèvez le plancher ?
00:50:31Vous retrouvez la jeune fille en face qui reste la jeune fille.
00:50:33Mais Agathe, vous êtes la plus dangereuse des créatures.
00:50:35Avant de partir, je voulais en avoir le cœur net.
00:50:37Je voulais savoir si oui ou non, toi, on est un assassin et vous, un génie.
00:50:40Oh, dieu, mais mon génie.
00:50:41Au lieu de vous la monter, remontez plutôt la cage.
00:50:43Vous entendez, elle va s'arrêter.
00:50:44C'est fou, c'est fou.
00:50:44C'est fou, c'est fou, c'est fou.
00:50:46Là !
00:50:47Qu'est-ce que vous voyez ?
00:50:56Rien.
00:50:57Un trou tout noir.
00:50:59Il n'y a rien, c'est évident, il n'y a rien.
00:51:01Apportez-moi une lampe.
00:51:02C'est un trou à poussière.
00:51:13À gauche.
00:51:14Partons.
00:51:15En effet, il s'agit de plus de traîner.
00:51:16Prenez la direction des opérations, moi je me sens incapable.
00:51:19J'éteins l'électricité.
00:51:19Non, non, non, non.
00:51:20S'il le faut, Antoine ne peut pas se faire sauveur de la lumière sur la salle de la cour.
00:51:24J'ouvre les volets.
00:51:30Tes chiens.
00:51:32Des chiens très méchants.
00:51:34Je vous invite à ne pas vous abandonner à leur cran.
00:51:36Ils auraient au fait de vous mettre en pièce.
00:51:38Et si vous n'avez pas voulu suivre mes conseils de prudence, tant pis pour vous.
00:51:43Va-t'en, va-t-il.
00:52:02La mort.
00:52:06La mort, vous exagérez.
00:52:08Non.
00:52:09Moi.
00:52:10Moi, je mérite la mort.
00:52:13Lorsque vous êtes arrivé au courlit,
00:52:16j'aurais très bien pu vous fermer la porte au nez.
00:52:18Quand vous m'avez raconté votre roman,
00:52:21j'aurais pu vous chasser.
00:52:23Mais non seulement je ne l'ai pas fait,
00:52:24mais je vous encourage à demeurer dans cette maison dans ma pièce même de l'accident.
00:52:31Mon fils.
00:52:32Toujours mon fils.
00:52:34Quand on m'offre une montre, je la détraque.
00:52:36Parce que je me trouve en face d'une situation,
00:52:38il faut absolument que j'aille jusqu'au bout de cette situation.
00:52:41Et vous voyez où cela me mène.
00:52:43À la catastrophe.
00:52:44Ce n'est pas une catastrophe.
00:52:46Laissez-moi vous exposer les données du problème.
00:52:50Voilà.
00:52:52Dans quelques semaines, il y aura dix ans de cela.
00:52:55En la faveur des circonstances.
00:52:57Et grâce aussi à nos sacrifices,
00:52:59ma complice, Bastilde et moi,
00:53:01avons jusqu'ici échappé à la justice.
00:53:04Quand un soir,
00:53:05deux voyageurs,
00:53:07égarés,
00:53:08frappent à ma porte,
00:53:10ils acceptent mon hospitalité.
00:53:11Pire, ils en abusent.
00:53:13Ils fouillent ma maison.
00:53:14Et que découvrent-ils ?
00:53:15Non, non, n'insistons pas.
00:53:17Je suis désormais
00:53:18à la merci de leur dénonciation.
00:53:21Nous ne parlerons pas.
00:53:22Nous vous le promettons.
00:53:23D'ailleurs, nous n'avons rien vu.
00:53:24Durant cette nuit, il ne s'est rien passé.
00:53:25Oui.
00:53:26Vous dites cela parce que vous êtes dans ce salon.
00:53:29Mais demain, que répondrez-vous
00:53:30lorsqu'on vous interrogera sur les courlis ?
00:53:32Personne ne nous interrogera sur les courlis.
00:53:33Personne ne sait que nous sommes aux courlis.
00:53:34Ma femme me croit en Espagne.
00:53:36D'ailleurs, nous devions aller en Espagne.
00:53:37Seule une erreur de chemin nous a conduit jusqu'à votre maison.
00:53:41Ah oui.
00:53:42Et pendant le voyage,
00:53:43nous n'avons même pas eu à demander notre route.
00:53:44Non, la campagne était déserte.
00:53:47Et donc,
00:53:48personne ne saura jamais
00:53:50que ces voyageurs égarés
00:53:53ont passé la nuit sous mon toit.
00:53:56Si.
00:53:58Vous avez oublié un détail.
00:53:59Lequel ?
00:54:00Votre coup de téléphone aux gendarmes.
00:54:03Mais je n'ai jamais téléphone aux gendarmes, voyons.
00:54:06Vous n'imaginez pas que j'allais mêler
00:54:08la marée chaussée à mes affaires.
00:54:09à vous de conclure.
00:54:22Je peux vous faire disparaître
00:54:24en toute quiétude.
00:54:27Mais mon père est riche.
00:54:28Il dépensera une fortune pour me retrouver.
00:54:30De mon côté,
00:54:30vous n'imaginez pas que le gouvernement
00:54:31va laisser Luc disparaître sans laisser de traces.
00:54:34Je ne suis pas à affronter toutes les polices.
00:54:37Votre orgueil vous perdra.
00:54:38Je n'ai aucun orgueil.
00:54:39Vous vous prenez pour un grand criminel.
00:54:42Est-ce que peut une police
00:54:43je suis-t-elle la meilleure du monde
00:54:44lorsqu'il n'y a pas le moindre indice
00:54:45pour la guider ?
00:54:47Le mobile du crime.
00:54:48Il n'y en a pas d'apparent.
00:54:50Une dénonciation.
00:54:52Je n'ai ni voisin,
00:54:53ni domestique.
00:54:55Vos cadavres retrouvés.
00:54:57Mademoiselle,
00:54:58votre père est peut-être très riche,
00:54:59mais pas assez cependant
00:55:00pour faire fouiller
00:55:01tous les bois,
00:55:02tous les étangs,
00:55:03toutes les caves
00:55:04et tous les greniers de ce pays.
00:55:10Qu'est-ce que vous avez à répondre ?
00:55:13Voulez-vous que nous
00:55:15devenions vos complices ?
00:55:18C'est-à-dire ?
00:55:19Devenons les complices
00:55:20de votre crime.
00:55:21Ainsi vous nous tiendrez.
00:55:22Les complices
00:55:23d'un crime vieux de dix ans.
00:55:26Projet séduisant,
00:55:27mais difficile à réaliser.
00:55:29Et puis,
00:55:31je ferai à votre proposition
00:55:32un reproche.
00:55:33Lequel ?
00:55:35Il ne supprime pas
00:55:36ce pouvoir redoutable
00:55:38que vous avez.
00:55:39Le don.
00:55:41Vous lisez en moi
00:55:41un livre ouvert.
00:55:42C'est très gênant,
00:55:43je vous assure.
00:55:44Mais mon renom a sombré.
00:55:46Votre don n'a pas sombré
00:55:47avec lui ?
00:55:48Je m'engage
00:55:49à ne plus m'en servir.
00:55:51Je renonce à écrire.
00:55:52Votre faculté
00:55:53de double vue
00:55:54n'en subsistera pas moi
00:55:55à titre privé,
00:55:57si j'ose dire.
00:55:58non.
00:56:05Seul,
00:56:07ma solution
00:56:08est conforme
00:56:08au bon sens.
00:56:11Je dois vous tuer.
00:56:15Même moi,
00:56:17je ne sais pas lire en vous.
00:56:18pour ma sécurité,
00:56:24mademoiselle,
00:56:26votre sort
00:56:27est lié
00:56:27à celui de Luc.
00:56:30Croyez bien
00:56:30que j'en suis désolé.
00:56:32D'autant plus désolé
00:56:33que vous avez apporté
00:56:34dans cette affreuse maison
00:56:35une grâce
00:56:36à laquelle
00:56:37elle n'était plus habituée.
00:56:38vous avez fait chanter
00:56:43ces cages.
00:56:45Il y a longtemps
00:56:46qu'elle n'avait plus chanté.
00:56:48Dix ans.
00:56:49Oui.
00:56:51Il y a dix ans,
00:56:51j'avais acheté ces cages
00:56:52et je les avais remplies
00:56:53d'oiseaux
00:56:54pour elle.
00:56:56Pour la jeune fille.
00:56:58Lorsqu'elle est partie,
00:57:00les oiseaux sont morts
00:57:01et les cages
00:57:02se sont tués.
00:57:05Voyez,
00:57:06vous avez réussi
00:57:07à attendrir
00:57:07la vieille carcasse
00:57:09que je suis.
00:57:11Tenez.
00:57:14Je vais vous laisser
00:57:14une chance.
00:57:17Trouvez-moi un autre moyen
00:57:18de me tirer d'embarras
00:57:19et je l'adopte.
00:57:23Ma présence vous gêne ?
00:57:24Eh bien, je m'en vais.
00:57:27Je vais passer
00:57:27dans le vestibule.
00:57:29On ne peut pas être
00:57:30plus complaisant,
00:57:31n'est-ce pas ?
00:57:37C'est affreux.
00:57:38Parce que ce n'est pas
00:57:39le moment de nous attendrir.
00:57:40Nous sommes en danger
00:57:41de mort.
00:57:42C'est malade
00:57:42de ne pas taper vos romans
00:57:43à la machine à écrire.
00:57:44Le moment est-il bien
00:57:44choisi ma chère Aguette
00:57:45pour me faire
00:57:45cette remarque désagréable ?
00:57:46Mais s'il existait
00:57:47une copie seule
00:57:48de votre roman
00:57:48nous serions sauvés.
00:57:49Pourquoi ?
00:57:49Nous aurions un témoin.
00:57:51Enfin, c'est du moins
00:57:51la fable que nous pourrions
00:57:52raconter à Antoine
00:57:53pour l'effrayer.
00:57:53Mais il s'en ficherait pas mal.
00:57:54Vous ne croyez pas ça ?
00:57:56Ce monstre a un esprit
00:57:57effroi et rationnel.
00:57:58Si nous lui démontrons
00:57:59qu'il court le moindre risque
00:58:00en nous tuant,
00:58:00elle préférera nous laisser filer.
00:58:01Mais comment on l'a lui démontré ?
00:58:03Avez-vous lu votre roman
00:58:04à des amis,
00:58:05à un éditeur ?
00:58:06Moi, je déteste les lectures.
00:58:07Mais vous détestez tout.
00:58:08Les lectures,
00:58:09les machines à écrire, tout.
00:58:10Mais faites-donc mon procès
00:58:11pendant que vous y êtes.
00:58:11Donc, hormis-vous et moi,
00:58:13personne ne connaît
00:58:14l'existence du tueur de chipot.
00:58:16Personne !
00:58:16Si, Marianne.
00:58:18Ah.
00:58:19Marianne avait vu ce salon
00:58:20dans un rêve.
00:58:21Et vous vous êtes emparé
00:58:22de ce salon ?
00:58:23Autour de cette image étrange,
00:58:25j'ai construit une histoire.
00:58:27Une histoire qui doit
00:58:28tout à mon imagination
00:58:29et à mon talent.
00:58:30Ne me cachez plus la vérité.
00:58:32Avez-vous emprunté
00:58:33d'autres détails
00:58:34aux rêves de votre femme ?
00:58:36Je ne sais pas.
00:58:36Mes souvenirs sont vagues.
00:58:37Un ou deux, peut-être.
00:58:39La boiteuse,
00:58:40les chipots.
00:58:42Les chipots ?
00:58:49Monsieur Antoine !
00:58:50Vous n'allez pas raconter
00:58:51à cet individu
00:58:51ce que je viens de vous confier.
00:58:52Mais comment ?
00:58:54Je préviens, mon soeur,
00:58:55dans votre voix
00:58:55que vous avez une bonne nouvelle
00:58:57à m'annoncer.
00:58:58Vous n'avez plus à nous tuer.
00:59:00Je m'en réjouis.
00:59:01Luc n'a aucun don.
00:59:02Tiens.
00:59:03C'est sa femme,
00:59:03sa femme légitime
00:59:04qui possède ce pouvoir.
00:59:05Elle racontait ses rêves à Luc.
00:59:07Malheureusement,
00:59:07elle rêvait à vous
00:59:08et à votre crime.
00:59:09Que c'est curieux.
00:59:11Rien d'étonnant,
00:59:11Marianne est une somnambule.
00:59:13Une espèce de bohémienne
00:59:13qui s'habille avec des haillons.
00:59:15Mais,
00:59:16je n'ai jamais lu
00:59:17qu'un seul nom
00:59:18sur la couverture
00:59:19de vos romans, mon soeur maître.
00:59:20Je vais vous expliquer.
00:59:21Agathe n'entend absolument rien
00:59:22à la création littéraire.
00:59:23Comment m'importe
00:59:23la création littéraire,
00:59:25qui possède le don ?
00:59:27Elle ou vous ?
00:59:28Elle.
00:59:30Dans ce cas,
00:59:32tout change.
00:59:34Tout change.
00:59:35Si vous m'apportez la preuve
00:59:37de ce que vous affirmez.
00:59:39Comment voulez-vous
00:59:40que nous vous apportions
00:59:40une telle preuve ?
00:59:41Rien n'est plus vain.
00:59:42Nous allons faire venir Marianne.
00:59:44Vous allez lui téléphoner.
00:59:45Allô ?
00:59:52Passez-moi à Paris.
00:59:55Vous lui direz
00:59:55que vous avez eu un accident
00:59:56et qu'il faut absolument
00:59:58qu'elle vienne à votre chevet.
01:00:00Votre numéro.
01:00:01Élisée 12-24.
01:00:04Élisée 12-24.
01:00:06Mais...
01:00:07Voyons,
01:00:08je ne peux pas lui parler.
01:00:09Votre participation
01:00:10est ma seule garantie.
01:00:11Choisissez.
01:00:13Elle ou vous.
01:00:15Je raccroche.
01:00:23Marianne ?
01:00:24J'ai eu un accident.
01:00:28Non, non, non, pas grave.
01:00:31Est-ce que tu pourrais venir ?
01:00:35Non.
01:00:38Non, ne viens pas.
01:00:39Préviens la police.
01:00:40On veut m'assassiner.
01:00:41Château des Courlis
01:00:41dans la Brême.
01:00:42Préviens.
01:00:45C'est ce qu'elle a dit.
01:00:54Elle a ri.
01:00:56Elle a ri
01:00:57et puis
01:00:57elle a raccroché.
01:00:59s'il vous plaît.
01:01:05Si l'idée est désolée,
01:01:06mademoiselle,
01:01:08vous voyez que votre solution
01:01:09n'était pas
01:01:09tellement satisfaisante.
01:01:13S'il vous plaît.
01:01:21Pardon.
01:01:21C'est peut-être pas aussi difficile
01:01:45qu'on ne croit de mourir.
01:01:46Le plus affreux,
01:01:47ce n'est pas de mourir,
01:01:48c'est de...
01:01:48c'est de mourir
01:01:50sans comprendre.
01:01:53Pourquoi Marianne a-t-elle ri ?
01:01:54Pourquoi est-elle raccrochée
01:01:56quand je l'ai appelée au secours ?
01:01:57C'est incroyable, en effet.
01:01:59Elle m'aime.
01:02:00Elle m'a toujours aimée.
01:02:02Aidez-moi, Ariane.
01:02:04Et comment voulez-vous
01:02:04que je vous aide ?
01:02:06Je ne connais rien
01:02:06de votre vie.
01:02:07Où vous êtes-vous rencontré ?
01:02:11Dans un train.
01:02:14Nous étions seuls
01:02:15dans le compartiment.
01:02:16Je me rendais
01:02:17à Dijon.
01:02:19Et elle ?
01:02:20Je ne sais pas.
01:02:23Je lui ai parlé.
01:02:25Je lui ai
01:02:25raconté mes projets.
01:02:29Déjà,
01:02:30je voulais devenir écrivain.
01:02:32Mais qu'est-ce qu'elle a dit ?
01:02:33Rien.
01:02:34Elle m'écoutait.
01:02:39Elle m'écoutait
01:02:40avec cette attention
01:02:41un peu triste
01:02:42qui m'a toujours ému.
01:02:47Ma conversation
01:02:48a dû la séduire.
01:02:51La Dijon,
01:02:51elle est descendue
01:02:52avec moi.
01:02:55Quinze jours plus tard,
01:02:56nous étions mariés.
01:02:58Eh bien,
01:02:58vous n'avez pas traîné.
01:03:00C'est un mariage
01:03:01très simple,
01:03:02sans aucun apparat.
01:03:04Je n'étais pas encore
01:03:04célèbre.
01:03:07Juste mes parents.
01:03:09Elle est sien ?
01:03:10Non, je ne crois pas.
01:03:11Elle avait perdu
01:03:11son père et sa mère.
01:03:15Puis ensuite,
01:03:15je l'ai emmenée
01:03:16en Italie,
01:03:18au bord d'un lac
01:03:18que j'avais découvert.
01:03:20Elle semblait heureuse ?
01:03:22Parfaitement heureuse.
01:03:25Pendant trois semaines,
01:03:27nous sommes restés
01:03:27enfermés dans notre chambre.
01:03:29vous faisiez l'amour.
01:03:34J'écrivais mon premier roman.
01:03:37Il y avait des papiers
01:03:38jusque sur le lit.
01:03:41Le bouquin
01:03:41n'a pas mal marché,
01:03:42d'ailleurs.
01:03:42Vous savez,
01:03:42c'est celui qui a eu
01:03:43cinq voix au quatrième tour
01:03:44du féminin
01:03:44pour un livre de début.
01:03:45C'est pas mal.
01:03:47Luc,
01:03:47vous êtes incorrigible.
01:03:49Vous me demandez
01:03:49à vous aider
01:03:50à savoir qui est Marianne
01:03:51et vous ne parlez
01:03:51que de vous.
01:03:52Que de moi ?
01:03:52Je vous raconte
01:03:54notre mariage.
01:03:55Non,
01:03:55vous racontez
01:03:55le mariage de Luc.
01:03:57Or,
01:03:57c'est le mariage de Marianne
01:03:58qui m'intéresse.
01:03:58Je ne vois pas
01:03:59ce que je pourrais ajouter.
01:04:00Luc,
01:04:00vous êtes le plus parfait
01:04:01égoïste que j'ai jamais rencontré.
01:04:02Moi, égoïste ?
01:04:03D'ailleurs,
01:04:04on ne peut pas vous en vouloir.
01:04:04Chez vous,
01:04:05c'est une infirmité,
01:04:06une cécité.
01:04:07Il y a dans votre oeil
01:04:08une zone obscure,
01:04:09les autres.
01:04:10Vous profitez
01:04:10de mon désarroi
01:04:11pour me confondre.
01:04:12Je serais un être abominable
01:04:13si j'étais semblable
01:04:14à l'image que vous tracez.
01:04:16Elle recommence.
01:04:17Qu'est-ce qui peut bien
01:04:18les faire aboyer comme ça ?
01:04:19Je vais voir.
01:04:22Non,
01:04:26Luc,
01:04:27nous sommes sauvés.
01:04:27Cette fois,
01:04:28nous sommes sauvés.
01:04:28Pourquoi ?
01:04:29Parce que désormais,
01:04:30quelqu'un sait
01:04:30que nous sommes en danger.
01:04:31Ce type ?
01:04:32A peine sorti de l'étang.
01:04:33Il est venu rôder autour de la maison
01:04:35et il a vu que nous étions prisonniers.
01:04:36Il s'est enfui.
01:04:37Non,
01:04:37il est parti pour ne pas subir
01:04:38le même sort que nous.
01:04:39Il a eu raison.
01:04:40Ça y est,
01:04:41Brottin.
01:04:41Faites comme si rien ne s'était passé.
01:04:56Vous avez vu celui
01:04:59qui faisait aboyer les chiens ?
01:05:01Non.
01:05:02Moi,
01:05:02je l'ai aperçu
01:05:03des fenêtres du premier.
01:05:05Et c'était ?
01:05:07Votre souffleur ?
01:05:08Je croyais
01:05:09qu'il s'était un noyer.
01:05:10Ah non,
01:05:11non,
01:05:11il ne s'était pas noyer.
01:05:12Et cela ne vous a pas surprise ?
01:05:14Tout à l'heure,
01:05:14je suis retourné
01:05:15près de l'étang,
01:05:15dans la boue.
01:05:16J'ai vu les traces.
01:05:17J'ai compris.
01:05:18J'ai compris
01:05:19qu'il avait poussé
01:05:19la voiture au fond de l'eau.
01:05:21Qu'il avait jeté
01:05:21son manteau sous les roues
01:05:22pour faire croire
01:05:23à une noyale.
01:05:24Qu'elle s'était cachée
01:05:25dans le petit bois.
01:05:26Et pourquoi
01:05:26cette mise en scène ?
01:05:29Alors,
01:05:29vous n'avez pas deviné ?
01:05:30Vous lui avez obéi
01:05:31en y voyant du feu ?
01:05:33C'est drôle.
01:05:36Elle est encore plus forte
01:05:37que je ne croyais.
01:05:39Admirable Marianne.
01:05:41Marianne ?
01:05:42Vous connaissez Marianne ?
01:05:43Comme on peut connaître
01:05:45quelqu'un
01:05:45avec qui on a vécu
01:05:46durant deux années.
01:05:47Deux années ?
01:05:48Un an au Cameroun
01:05:49et un an
01:05:51dans cette maison
01:05:51au milieu de ses cages
01:05:53remplies d'oiseaux
01:05:54en son honneur.
01:05:55Je ne vous crois pas.
01:05:56Vous voulez que je vous montre
01:05:57des photos ?
01:05:58Il y en a plein grenier.
01:05:59Marianne à cheval,
01:06:00Marianne Toulon,
01:06:00son premier lapin.
01:06:01Et qu'en pensez-vous ?
01:06:03Je suis abasurdé.
01:06:04En l'épousant,
01:06:05vous n'avez pas songe
01:06:05à lui demander
01:06:06d'où elle venait ?
01:06:06Mais elle m'avait dit
01:06:07qu'elle venait de perdre
01:06:08son père et sa mère.
01:06:09Par pudeur,
01:06:09je n'ai pas insisté.
01:06:10Vous n'étiez guère curieux.
01:06:12Ce qui me plaisait
01:06:13en elle,
01:06:13c'était son mystère.
01:06:14Je ne voulais pas le défleurer
01:06:15en la soumettant
01:06:16à un interrogatoire de police.
01:06:17Oh, Luc !
01:06:18Mais Antoine
01:06:20n'est pas tombé
01:06:21amoureux de Marianne ?
01:06:24Hélas,
01:06:25si.
01:06:26Marianne est la jeune fille
01:06:27de votre roman.
01:06:28La jeune fille
01:06:28est morte assassinée.
01:06:29Oui, mais là,
01:06:30il y a une variante.
01:06:30Dans la vie,
01:06:31ce n'est pas Marianne
01:06:32qui a été assassinée,
01:06:33mais l'amant de Marianne.
01:06:36Son nom ?
01:06:38Dino.
01:06:38Votre Dino ?
01:06:39Luc, ce nom,
01:06:40vous l'avez calqué.
01:06:41Et où l'avait-elle rencontrée ?
01:06:43Dans un garage,
01:06:45au Cameroun.
01:06:49Une jolie petite gouappe.
01:06:52Avec des cheveux très noirs,
01:06:53très frisés,
01:06:54sur un front très blanc.
01:06:56Pour soustraire Marianne,
01:06:58au charme de joyous,
01:06:59nous avons dû quitter le Cameroun,
01:07:00vendre à bas prix
01:07:01la facturerie,
01:07:02changer de nom.
01:07:03Vous entendez ?
01:07:03Changer de nom.
01:07:05Et venir nous enterrer
01:07:06dans cette masure,
01:07:07au fond de ce désert inondé.
01:07:11Peine perdue.
01:07:14Il vous a retrouvé ?
01:07:17Étendu sur le dos,
01:07:19il semblait dormir.
01:07:22Sur son cou,
01:07:25on ne voyait pas
01:07:25la trace des doigts.
01:07:27Antoine m'avait étranglé ?
01:07:30Presque sans bruit.
01:07:32Et là,
01:07:33après sa disparition,
01:07:35qu'est devenu Marianne ?
01:07:36Un matin,
01:07:37nous avons retrouvé son lit
01:07:38défait mais vide.
01:07:40C'est à cette époque
01:07:40que les oiseaux sont morts.
01:07:42Pendant des jours et des jours,
01:07:43nous avons attendu
01:07:44la visite des gendarmes.
01:07:45Ils ne vinrent pas.
01:07:47Marianne ne nous avait pas dénoncés.
01:07:49Elle avait bien mieux à faire.
01:07:51Métamorphosée
01:07:51en une jeune fille sans passer,
01:07:52elle épousait Luc.
01:07:55Qu'une femme ne pourra jamais
01:07:56me faire le mal
01:07:57qu'elle m'a fait.
01:07:59Avant de connaître cette fille,
01:08:00Antoine n'était pas
01:08:01un méchant homme.
01:08:01À son contact,
01:08:02je l'ai vue se corrompre
01:08:04sous mes yeux.
01:08:06Vous l'avez qu'à la chasser ?
01:08:07On ne chasse pas
01:08:08un pauvre petit animal blessé.
01:08:10Demandez-lui.
01:08:12C'est vrai en elle,
01:08:12rien n'éveille de soupçon.
01:08:14Moi-même,
01:08:15je m'y suis laissée prendre.
01:08:16J'avais envie de la protéger,
01:08:17de la défendre,
01:08:18à l'instant même
01:08:18où elle me volait mon mari.
01:08:21J'étais dans ce salon
01:08:22quand Antoine s'est aperçu
01:08:24qu'il avait été joué.
01:08:25Au fond d'un secrétaire,
01:08:26il avait retrouvé
01:08:27le journal intime
01:08:28de la jeune fille.
01:08:29Une page,
01:08:29il avait été renseigné.
01:08:30Marianne ne voulait pas
01:08:31renoncer à Dinou.
01:08:32Elle songeait même
01:08:33à le rejoindre
01:08:34et à s'enfuir avec lui.
01:08:35J'entendis Antoine
01:08:37menacer,
01:08:38supplier,
01:08:39hurler.
01:08:41Je l'entendis
01:08:41jeter les chaises
01:08:42contre les murs.
01:08:44Je le crus sauver.
01:08:47Il était perdu.
01:08:49C'est alors qu'il inventa
01:08:50pour garder Marianne
01:08:52sa machination.
01:08:53Quelle machination.
01:08:56C'est lui qui a fait venir
01:08:57Dinou une nuit dans ce salon
01:08:59en imitant l'écriture
01:09:00de la jeune fille.
01:09:03Puis quand il eut tué
01:09:05l'Italien,
01:09:07il obligea Marianne
01:09:08à nous aider
01:09:08et à faire disparaître
01:09:13le cadavre de son amant.
01:09:15Quelle horreur.
01:09:23Il espérait l'avoir
01:09:26enchevêtrée
01:09:27dans les lacets
01:09:28de son crime.
01:09:30L'imbécile.
01:09:31Moi seule
01:09:32suis restée prise au piège
01:09:33et dix ans après
01:09:34je m'y débats encore.
01:09:35Ça dut être atroce.
01:09:36Ma vie avec Antoine,
01:09:38un mélange.
01:09:39Un mélange
01:09:40de craintes,
01:09:41de regrets,
01:09:42de remords,
01:09:44de peurs
01:09:44et d'ennuis.
01:09:46Quel goût peut bien
01:09:47avoir une Paris mixture ?
01:09:48Je vous défie
01:09:48de le deviner.
01:09:49Un goût de bonheur.
01:09:51Un bonheur
01:09:52lancinant,
01:09:53et insupportable.
01:09:55Comme le sifflet
01:09:56d'une vapeur
01:09:57mais auquel
01:09:57on ne peut s'arracher.
01:10:05Tu écoutais ?
01:10:08Tu as une singulière façon
01:10:11de raconter les histoires.
01:10:13Aurais-je omis
01:10:13quelques détails ?
01:10:16Tu as simplement
01:10:16oublié de dire
01:10:17que c'est toi
01:10:19qui avais tendu le piège.
01:10:21Toi
01:10:22qui avais contrefait
01:10:23l'écriture de Marianne.
01:10:26Toi
01:10:26qui avais envoyé
01:10:27le billet à Dino.
01:10:29Toi
01:10:29qui m'avais contraint
01:10:31à l'assassinat.
01:10:32Et pourquoi
01:10:32t'aurais-je contraint
01:10:33à l'assassinat ?
01:10:34Bah,
01:10:35pour m'enfermer
01:10:36dans ce bonheur
01:10:36que tu as su si bien
01:10:37dépeindre,
01:10:39c'est toute
01:10:39chédeur de sang
01:10:40que le souvenir
01:10:41d'un crime.
01:10:42Oui,
01:10:42s'il faut t'en croire,
01:10:43j'aurais fait de nous deux
01:10:44le meilleur des couples.
01:10:45Non,
01:10:46parce que là encore,
01:10:47tu as menti.
01:10:48Tu pensais
01:10:49m'agripper pour toujours,
01:10:50mais tu n'as plus
01:10:51gardé entre les mains
01:10:52ta corps vide.
01:10:54Tu me dépouilles.
01:10:55Hein ?
01:10:55Dans l'esprit ?
01:10:56Oui,
01:10:56près de Maria,
01:10:57oui.
01:10:59Tu y penses
01:10:59la nuit,
01:11:00le jour,
01:11:01à la chasse
01:11:02pendant les reparts,
01:11:02quand il me parle,
01:11:03quand je te parle.
01:11:04Tu le sais,
01:11:06puis tu en crèves.
01:11:08Mais figure-toi
01:11:08qu'elle aussi
01:11:09pense à toi.
01:11:11Je l'espère bien.
01:11:12Oui,
01:11:12depuis dix ans,
01:11:13elle ne pense qu'à toi,
01:11:13qu'à toi seule.
01:11:14Tu croyais qu'elle pardonnerait ?
01:11:15Elle a mis dix ans à se venger,
01:11:17mais aujourd'hui,
01:11:18voilà qui est fait,
01:11:18grâce à eux.
01:11:20Grâce à nous ?
01:11:21Oui,
01:11:21il faut vous y résigner,
01:11:22vous n'êtes que les instruments
01:11:22de Marianne,
01:11:23qui a commandé la voiture.
01:11:24Elle ?
01:11:25Qui s'est trompé de route ?
01:11:26Le chauffeur.
01:11:26C'est-à-dire le complice de Marianne,
01:11:27encore Marianne,
01:11:28toujours Marianne.
01:11:29C'est elle qui vous a amené
01:11:30au courlit,
01:11:31sans que vous vous en doutiez,
01:11:32parce qu'elle avait besoin
01:11:33que vous démasquiez
01:11:34en toile
01:11:34et que vous soyez
01:11:35les témoins de ses aveux.
01:11:41Mathilde a raison.
01:11:43C'est Marianne
01:11:44qui vous a guidé
01:11:46jusqu'au courlit
01:11:46en vous tenant
01:11:47presque par la main.
01:11:49Mais là où va-t-il
01:11:50de ce trompe,
01:11:51c'est quand elle s'imagine
01:11:52que Marianne a fait cela
01:11:53pour se venger de moi.
01:11:54Non !
01:11:56C'est pour se venger
01:11:56de vous, mon cher Luc.
01:11:58Et de vous,
01:11:58ma pauvre Agathe,
01:11:59de surcroît.
01:12:00Se venger de moi,
01:12:01mais que lui avait-je fait ?
01:12:02Oh, rien !
01:12:03Pécadille,
01:12:04vous songez à la quitter.
01:12:06Une autre,
01:12:06elle est profité
01:12:06de la réussite
01:12:08qu'elle avait mis
01:12:09dix ans à bâtir.
01:12:13Marianne,
01:12:13s'est souvenu
01:12:14que le sujet
01:12:15de votre dernier roman
01:12:16était sa propre histoire.
01:12:18En vous la suggérant,
01:12:19mon cher maître,
01:12:20elle ne pensait qu'à moi,
01:12:22à mon visage
01:12:22quand je lirai en 200 pages
01:12:24le récit de mon crime.
01:12:26Mais ensuite,
01:12:27elle a compris
01:12:27qu'elle pouvait profiter
01:12:28mieux encore
01:12:29de cette collaboration inconsciente.
01:12:32Elle a décidé
01:12:33de vous faire vivre
01:12:33votre propre roman,
01:12:35mon cher maître.
01:12:35Vous parquiez en Espagne
01:12:37avec Agathe.
01:12:38Elle vous a procuré
01:12:38un chauffeur,
01:12:40une voiture.
01:12:40Le chauffeur
01:12:41qui en feignant
01:12:42de se perdre
01:12:42nous a conduit
01:12:43jusqu'ici.
01:12:44Et là,
01:12:44tout s'est déroulé
01:12:45suivant les prévisions
01:12:45de Marianne.
01:12:47Vous avez été surpris
01:12:48de la ressemblance
01:12:49de vos descriptions
01:12:50et de ces lieux.
01:12:52Votre étonnement
01:12:52vous a poussé
01:12:53à être trop curieux
01:12:54et vous avez découvert
01:12:56la preuve
01:12:56de mon forfait.
01:12:58Il ne me reste plus
01:13:00qu'à mettre
01:13:01un point final
01:13:01au scénario de Marianne.
01:13:03Marianne a prévu
01:13:04que vous alliez nous tuer.
01:13:06Marianne a très longtemps
01:13:07vécu auprès de moi.
01:13:08Elle sait que je ne recule
01:13:09jamais devant
01:13:10les conséquences
01:13:11de mes actes.
01:13:12Elle vous a confié
01:13:13à moi pour une mission
01:13:14en quelque sorte
01:13:15très particulière.
01:13:17Vous osez prétendre
01:13:18que Marianne nous a envoyés
01:13:18ici pour nous y faire assassiner?
01:13:20Exactement.
01:13:23Vous comprenez maintenant?
01:13:24Son rire au téléphone
01:13:26et l'apparition du chauffeur
01:13:28à cette fenêtre?
01:13:29Il venait vérifier
01:13:30le bon déroulement
01:13:31des événements.
01:13:33Avouez-vous
01:13:33qu'il y a un artiste
01:13:35que Marianne a été
01:13:37un instant visitée
01:13:37par une sublime inspiration.
01:13:40Elle aura réussi
01:13:40à vous faire disparaître
01:13:41sans même se salir
01:13:43le bout des doigts.
01:13:44Oui, mais du même coup
01:13:45elle va se débarrasser de toi.
01:13:47Le vois?
01:13:47Oui.
01:13:48Aurais-tu oublié
01:13:48que dans trois semaines
01:13:49ton premier crime
01:13:50allait être prescrit?
01:13:51Nous allions pouvoir sortir
01:13:52de cette maison.
01:13:53Elle était enferme.
01:13:54à nouveau
01:13:55pour dix ans.
01:14:02Marianne n'a certainement
01:14:03pas songé
01:14:03à ce...
01:14:04C'est à côté de la question.
01:14:06Ta vanité de décrète.
01:14:08Tu crois que c'est moi
01:14:08qui ai écrit un dino?
01:14:09Mais c'est elle.
01:14:10Elle t'a sacrifié
01:14:11son amoureux
01:14:12pour te retenir au courlis
01:14:13pour pouvoir se sauver
01:14:14sans t'avoir assez de trousse.
01:14:16Tu voulais te persuader
01:14:16que c'était Antoine
01:14:17qui tirait les ficelles.
01:14:18Mais c'est Marianne
01:14:19qui a toujours été
01:14:20au bout des fils.
01:14:21Tu n'as jamais été
01:14:22qu'un cocu.
01:14:22Tais-toi.
01:14:24Mais qu'un pauvre cocu.
01:14:26Faut le camp!
01:14:27Qu'un malheureux cocu.
01:14:29Va enfermer ses chiens.
01:14:32Je ne peux plus les entendre.
01:14:33Allons-y.
01:14:45Sous-titrage Société Radio-Canada
01:14:47Vous êtes libres.
01:15:12Nous pouvons partir ?
01:15:14Oui.
01:15:14Vous plaisantez ?
01:15:17Non, je n'ai jamais été aussi sérieux.
01:15:20C'est un nouveau piège que vous nous tendez.
01:15:23La nuit est trop avancée pour que je puisse me permettre une pareille fantaisie.
01:15:28Si je devais vous tuer, c'est tout de suite que je devrais le faire.
01:15:32J'ai compris.
01:15:34Nous allons faire 20 mètres dans l'allée et par une fenêtre, vous allez nous tirer dans le dos.
01:15:40Notre manque de confiance me s'agrime.
01:15:43Allons, je vais essayer une dernière fois de vous apaiser.
01:15:48Je ne veux pas assassiner l'un de vous sans assassiner l'autre, n'est-ce pas ?
01:15:52Bon.
01:15:53Eh bien, Agathe va sortir par la façade de la maison et Luc, par la porte de la cuisine qui est exactement à l'opposé.
01:16:02Tenez, on a la clé.
01:16:06Pour vous abattre, il me faudrait donc traverser toute la demeure pour courir d'une fenêtre à l'autre.
01:16:11Quand j'arriverai pour accomplir mon second crime, l'un de vous sera déjà tapis derrière les arbres.
01:16:18Vous en convenez ?
01:16:19Oui.
01:16:20Bon.
01:16:22Alors partez.
01:16:23Bonne chance, Agathe.
01:16:45Luc.
01:17:11Luc.
01:17:11Elle se voyait déjà en veuve célèbre.
01:17:19À qui pensez-vous ?
01:17:21Mais à Marianne, voyons.
01:17:22Elle avait déjà dû commander ses voiles de deuil pour recevoir les ministres.
01:17:27Eh bien, par terre, tous ses beaux rêves.
01:17:29Dans trois semaines, elle aura bien son portrait dans les journaux, mais à la page des faits divers.
01:17:34Elle ne sera plus que l'instigatrice d'un crime sordide.
01:17:37Que l'épouse jalouse qui a voulu supprimer son mari volage.
01:17:40Vous n'allez pas raconter toutes ses horreurs.
01:17:42À toute la presse.
01:17:44Vous allez m'entraîner dans ce naufrage.
01:17:45Je m'en fous.
01:17:47Marianne a gâché ma vie.
01:17:48Je peux bien lui briser sa carrière.
01:17:49Mais du même coup, vous brisez la mienne.
01:17:54À moins que...
01:17:56Oui.
01:17:59Oui, je suis un homme de vengeance.
01:18:02À moins que vous ne retourniez vivre auprès de Marianne.
01:18:05La petite femme qui a voulu me faire assassiner.
01:18:07Comme si rien n'avait été.
01:18:08C'est un monstre.
01:18:09Vous faudrait de l'ignorer.
01:18:10Je connais son passé.
01:18:11Vous le tairiez.
01:18:14Avez-vous réfléchi à ce que sera notre couple ?
01:18:17Atroce.
01:18:18Oui.
01:18:19Et c'est parce qu'il sera atroce que je veux qu'il soit.
01:18:23Choisissez.
01:18:24Ou le scandale.
01:18:25Ou cette vie à deux.
01:18:27Ou la vie conjugale avec Marianne.
01:18:30Ou je parle.
01:18:31Et si Marianne refuse de me recevoir ?
01:18:33Oh, Marianne est trop ambitieuse.
01:18:35Entre l'enfer quotidien et la catastrophe mondiale,
01:18:38elle n'hésitera pas.
01:18:39Elle choisira l'enfer.
01:18:40Et que dirai-je à Agathe ?
01:18:41La vérité.
01:18:44Mais je l'aime.
01:18:45Vraiment.
01:18:46Vous en doutez ?
01:18:48Vous la préférez à vos succès.
01:18:51Je renonce à mes succès.
01:18:55Oubliez, je referai ma vie avec Agathe.
01:18:57Si elle accepte...
01:18:59Pour moi, la question ne se pose même pas.
01:19:02Elle m'aime comme je l'aime.
01:19:19Agathe !
01:19:21Agathe !
01:19:23Agathe !
01:19:25Je ne vous accâblerai pas sous les commentaires.
01:19:41Alors, vous acceptez ma proposition ?
01:19:49Retournez vivre auprès de Marianne ?
01:19:53Je suis un homme fini.
01:19:54Bien autant vous s'achever au milieu des succès,
01:19:57de la gloire, des bravos.
01:20:01Et chaque soir, face à elle, se bagne silencieux.
01:20:04Que vous vous y habituerez.
01:20:06Comme Mathilde et moi, nous nous sommes habitués à cette existence.
01:20:10Vous verrez, c'est le début qui est le plus difficile.
01:20:13Moi, rien ne vous fera écrire des livres admirables.
01:20:23Sans compter qu'elle vous apportera un concours précieux dans votre carrière.
01:20:26Les salons, ça la disputeront.
01:20:29Heureux mortels.
01:20:31Dans cinq ans, vous êtes à l'Académie.
01:20:33Dans cinq ans, vous êtes à l'Académie.
01:21:03Allo, passez-moi à Paris.
01:21:27Élysée 1224.
01:21:33Allo ?
01:21:48Marianne ?
01:21:51Ici Antoine.
01:21:54Vous avez reconnu ma voix ?
01:21:55Il y a pourtant bien longtemps que vous ne l'aviez pas entendu.
01:21:59Je vous téléphone pour vous remercier de votre charmante attention.
01:22:03Oui, oui, j'ai bien reçu votre mari et sa fiancée.
01:22:08Ils ont agi comme vous l'aviez prévu certainement, mais moi pas.
01:22:12Non.
01:22:14Non, je ne les ai pas tués.
01:22:15Je n'avais pas envie d'en reprendre pour dix ans aux courlis.
01:22:23Parce que vous savez, les courlis, c'est souvent pire qu'une prison.
01:22:29J'ai eu une autre idée meilleure.
01:22:35Luc vous expliquera.
01:22:36Oui, oui, oui, je vous le renvoie.
01:22:39Oui, oui, au courant de tout.
01:22:41Qu'est-ce que vous voulez ?
01:22:42Je suis pour la paix des ménages.
01:22:45Je suis pour la paix des ménages.
01:23:15Au revoir.
01:23:19Au revoir.
01:23:22Au revoir.
01:23:35Au revoir.
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