Retrouvez les émissions en intégralité sur https://www.france.tv/france-2/telematin/toutes-les-videos/ Télématin reçoit le président de l'IFOP Frédéric Dabi, co-auteur du livre "L'écharpe et les tempêtes".
00:00Allez, on revient en France et à la politique à quatre mois des municipales et à la veille de l'ouverture du Congrès des maires de France.
00:05Nos édiles sont-ils toujours les élus préférés des Français ? On en parle avec vous Frédéric Dhabi, bonjour.
00:10Bonjour.
00:11Directeur général de l'Institut du Sondage IFOP, vous avez co-écrit avec le politologue Brice Socol,
00:16« L'écharpe et les tempêtes face aux maires, la défiance inattendue », c'est aux éditions de l'Aube.
00:21Vous avez sillonné le pays à la rencontre des maires et des Français. D'abord les maires, comment vont-ils ?
00:28Ils vont quand même bien parce qu'ils aiment leur métier, leur fonction, c'est une véritable passion, vocation.
00:36Et puis c'est vrai qu'on a des maires qui parfois restent trois, quatre, cinq mandats parce qu'ils ne décrochent pas de cette relation avec les Français.
00:42Ils vont bien mais ils voient des souffrances. Ce sont des sortes de vigies des spectateurs face aux vulnérabilités des Français.
00:51Ils en souffrent et puis en retour, ils voient monter les exigences citoyennes à leurs égards.
00:55On est passé à des citoyens, puis à des citoyens consommateurs, puis à des consommateurs qui disent « j'ai droit », « je paye »,
01:02à des consommateurs de services publics. Et ça, ce n'est pas facile à accepter.
01:05Ils sont, comme le disait le président du Sénat parfois, à portée d'engueulades, à portée de baffes.
01:10Ils voient des frustrations et ils en sont parfois des victimes collatérales.
01:13Les municipales auront lieu dans quatre mois. On a un peu l'impression que tout le monde s'en fiche, que la priorité c'est le budget.
01:21Est-ce que la campagne a vraiment commencé ?
01:23Alors, elle a commencé ça et là, mais c'est vrai, vous avez raison, Maya, elle a commencé à bas bruit.
01:28Rien à voir avec 2019-2020, il y a six ans, où ça avait été après freiné par le Covid.
01:32Ça avait commencé dès la rentrée 2019, parce que c'est vrai que le budget, puis plus généralement, ce que j'appelle l'éclipse du politique,
01:39les Français voient qu'il ne se passe pas grand-chose à l'échelle nationale.
01:43Ils trouvent que le politique a rompu sa promesse, qui est d'améliorer la vie des gens.
01:47Il y a une critique en termes d'inaction et ça descend collatéralement à l'échelle locale, même si ça et là.
01:52La campagne commence quand même, mais ce n'est pas la même intensité que lors des deux dernières élections précédentes.
01:58D'autant que ces élections, elles auront lieu un an avant les élections présidentielles.
02:02C'était le cas en 2001, je crois. Est-ce que ça va donner une dimension supplémentaire à ce scrutin ?
02:07Alors, il y a ça, et puis rien ne nous le dit dans ce studio, personne ne peut dire que le prochain scrutin sera coup sûr.
02:13Les élections municipales, quid d'une dissolution qui pourrait arriver décembre, janvier, et qui politisera encore plus le scrutin.
02:19Mais vous avez raison de rappeler le rappel 2001-2002, ça politise l'élection, ça fait que tous les partis peuvent tout perdre.
02:28Si la France Insoumise ne gagne aucune ville, si les BRN ne confirment pas ses bons scores aux élections législatives,
02:33si le PS perd Paris, Lille et Marseille, chacun joue gros parce que c'est la dernière ligne droite avant le scrutin présidentiel.
02:41C'est deux scrutins qui n'ont rien à voir, c'est peut-être les scrutins les plus opposés, mais il y a un cycle électoral qui existe.
02:45Si on revient à notre maire, souvent on dit qu'il est l'élu préféré des Français, il y a une prime au sortant généralement, sauf si la maire ne souhaite pas se représenter.
02:57On est toujours dans cette dynamique d'élu préféré des Français ?
02:59Alors oui, vous avez raison, c'est l'élu préféré des Français. Dans une enquête hier pour la tribune dimanche, on a 64%, 62% d'action à l'égard des maires.
03:08C'est 46 points de plus qu'Emmanuel Macron, c'est la même question posée, satisfait, mais content.
03:13Ça donne quand même, si je puis dire, du vin à moudre et un maire qui a le dos large.
03:18Mais on voit, du fait de cette absence du politique à l'échelle nationale, des éléments, des fragments de défiance qui commencent à contaminer le local.
03:27Le maire devient un petit peu impuissant.
03:29Quand on voit dans cette enquête dont on vient de parler, les trois déterminants du vote, insécurité, accès aux soins, dette, c'est quoi ?
03:35Ce sont trois enjeux nationaux qui ruissellent, qui, je dirais, par une logique de descente de charge, arrivent sur le local.
03:41Et les maires ne peuvent pas faire grand-chose, surtout les maires des petites communes.
03:44Il n'y a que 1000 villes de plus de 10 000 habitants.
03:47Il y a les exigences citoyennes, il y a la baisse des dotations, il y a les relations avec l'intercommunalité.
03:52Il y a aussi l'international qui s'invite dans la campagne des élections municipales.
03:57Mais ça, c'est une petite révolution quand même, parce que ce n'était pas du tout le cas jusqu'à présent.
04:01Bien sûr, ce n'est jamais arrivé.
04:02On a des maires qui souffrent, qui sont, on les a appelés, avec Brice Colle, dans le livre des Rémi Bricka, du nom de cet artiste des années 80 qui avait l'homme orchestre, une colombe, des feux d'artifice, l'harmonica.
04:14Ils doivent tout faire. Parfois c'est dur, mais malgré ça, et je prends le pari pour le 15 et le 22 mars, il y aura bien sûr des alternances.
04:22Il y aura bien sûr, imaginons Paris, Lyon, Marseille, Nice, Bordeaux, Toulouse, qui changent d'étiquette.
04:27Ça serait un vrai coup de semence, mais symbolique.
04:29La règle, c'est reconduire les sortants.
04:32Même en 2014, quand il y a la plus grande valse d'alternance, il y a quand même 70% des maires qui sont reconduits.
04:39C'est l'élu de proximité, c'est l'élu qui écoute, et c'est l'élu surtout qui change la vie des Français.
04:44C'est ça. Est-ce qu'on attend plus d'un maire que d'un député, d'un président ?
04:48On attend d'un maire, il est là. Il est là sur le terrain.
04:52Premier levé, dernier couché.
04:53Voilà, c'est ça. J'ai fait référence à M. Madeleine dans Les Misérables.
04:57C'est celui qui améliore la vie des gens, c'est celui qui est sur le terrain.
05:00Et c'est encore plus fort parce qu'il a gagné par chaos ou par forfait par rapport au national,
05:05où les Français disent qu'il ne se passe plus rien. Le politique devait une sorte d'astrement,
05:09mais ça lui donne des responsabilités encore plus fortes, une pression encore plus forte,
05:13qui fait que peut-être que cette campagne sera très différente des précédentes.
05:17Elle est très courte, elle pourrait être très nationalisée, quitte d'un dégagisme plus fort que par le passé.
05:22Je n'y crois pas de manière, je dirais, assurée, mais c'est un risque pour les maires sortants.
05:27Est-ce qu'il y en a certains qui vous ont dit, j'ai pas envie de rempiler, j'en peux plus, je suis fatiguée ?
05:31Alors, très très peu. C'est vrai qu'il y a eu des enquêtes qui ont été faites il y a quelques mois,
05:35où on avait un tiers des maires qui n'iraient pas. Dans les villes de plus de 10 000 habitants,
05:39certains bien sûr arrêtent, la maire de Paris, la maire de Lille, telle ou telle maire,
05:42parce qu'ils ont le sentiment d'avoir déjà agi sur deux, trois mandats.
05:45Mais la plupart veulent aller au combat. Certains ont placé en orbite un numéro 2, ont fait des tickets.
05:52Mais c'est vraiment le mandat passion. Et c'est vrai que c'est très dur pour un maire de décrocher.
05:57J'ai grandi à ici des Molinaux, où le maire est là depuis 1979. Il y a la ville de Créteil.
06:01Il y a énormément de villes où nos téléspectateurs, à mon avis, le voient chez eux,
06:06ou dans des petites communes. Là, le maire, l'élu, l'édile est là depuis 20, 30 ou 40 ans.
06:11Ce n'est pas par ambition, ce n'est pas très bien rémunéré, c'est le manque qu'on puisse dire.
06:16Mais c'est l'idée du contact avec les gens et cette interrelation pour essayer d'améliorer la vie des gens.
06:21Mais pour le maire, c'est de plus en plus difficile.
06:23Un dernier point et un dernier mot sur la participation. Il faudra particulièrement la surveiller pour les municipales ?
06:28Vous avez raison, Maya, c'est le premier indicateur à suivre.
06:31Alors, on peut dire, sans risque, qu'on va plus voter qu'en 2020.
06:33En 2020, c'était cette période Covid, où il y a eu un risque même d'annulation de l'élection.
06:38Il y avait eu, de mémoire, plus de 58% d'abstention.
06:41On va plus voter, sans doute.
06:42Mais est-ce que ce qui se passe à l'échelle nationale, cette éclipse du politique,
06:46ne va pas créer un mouvement d'exit ?
06:48Finalement, on laisse tomber.
06:49Ça ne nous intéresse plus.
06:50Ou bien, les Français, dans cette campagne qui va être, vous l'avez dit, très courte,
06:54vont se plonger dans ces différentes affaires locales pour aller voter.
06:58Mais depuis 2001, on vote moins à l'élection municipale qu'à l'élection municipale précédente.
07:03Ça sera vraiment le premier indicateur à suivre.
07:05Merci beaucoup, Frédéric Dabbi.
07:07Merci.
07:07Co-auteur avec Brice Socol de L'écharpe et les Tempêtes.
07:10Face au maire, la défiance inattendue aux éditions de l'Aube.
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