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  • il y a 3 semaines
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À l'approche des 10 ans du 13-Novembre, Télématin reçoit Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférences à Sciences-Po Paris.

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Transcription
00:00C'est une semaine intense en émotions qui débute puisqu'on commémorera jeudi les 10 ans des attentats de novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis.
00:08Bonjour Frédéric Ancel, merci de s'être avec nous ce matin. Vous êtes docteur en géopolitique, maître de conférence à Sciences Po Paris.
00:14Un mot d'abord de la note envoyée par le ministre de l'Intérieur il y a quelques jours au préfet Laurent Nouniez qui par ailleurs donne une interview ce matin au journal La Montagne.
00:25Le risque terroriste reste très élevé. Il dit qu'il y a menace maximale. Est-ce qu'elle est réelle cette menace aujourd'hui ? Et qui menace la France ?
00:35Alors non seulement la menace est extrêmement réelle, d'ailleurs elle n'a jamais cessé en réalité depuis une bonne vingtaine d'années.
00:41Elle reste réelle pourquoi ? Parce que les islamistes radicaux sont des gens très endurants en quelque sorte.
00:47Et ils considèrent que la France ne doit pas continuer à incarner un modèle, un modèle qui pour eux est littéralement diabolique.
00:57La République avec ses libertés, les libertés notamment accordées à tous ses citoyens et aux femmes en particulier, à tout point de vue d'ailleurs, correspond pour eux à quelque chose d'extraordineusement négatif.
01:08C'est vrai aussi d'un système, d'un régime laïc par définition. Et non seulement laïc, mais qui va très loin depuis 1905 dans la séparation du pouvoir politique, de l'État et de la religion.
01:22Et donc pour toutes ces raisons, la France, beaucoup plus d'ailleurs que pour ses engagements internationaux, est toujours détestée comme un contre-modèle.
01:29Et c'est la raison pour laquelle effectivement la menace, elle reste très très élevée.
01:32Et est-ce que depuis les attentats 2015, cette menace terroriste a changé de nature ?
01:36Elle n'a pas changé de nature, elle a changé techniquement en quelque sorte.
01:41C'est-à-dire que dans les années 2000, vous avez l'apparition avec Al-Qaïda puis Daesh d'organisations relativement importantes et très structurées, souvent très pyramidales.
01:52Ces dernières années, on a eu davantage affaire à entre guillemets des loups solitaires, qui sont d'ailleurs assez rarement réellement solitaires,
01:59mais qui fonctionnent dans le cadre de cellules qui sont beaucoup plus petites que ce à quoi on avait fait face dans les années 2000-2010.
02:08Donc techniquement, ça change, parfois avec un camion lancé sur la foule, on se souvient évidemment de Nice,
02:14parfois avec entre guillemets seulement deux, trois, quatre terroristes, contrairement à ce qui prévalait donc encore une fois dans les années 2000.
02:21Mais ça ne signifie pas que ça fait moins de dégâts.
02:23Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, il y a encore des groupes djihadistes qui recrutent à l'étranger,
02:30ou alors ils recrutent en France, ou alors ils n'ont même plus besoin de recruter parce que ce sont des personnes qui se radicalisent seules ?
02:37Alors l'un n'est pas exclusif de l'autre.
02:39En fait, vous avez d'abord une radicalisation qui malheureusement existe aujourd'hui sur le territoire national
02:44à partir de jeunes gens qui sont soit d'origine musulmane, soit récemment convertis.
02:49Je précise immédiatement qu'il ne faut pas faire d'amalgame, on le dit suffisamment,
02:53enfin il faut toujours le répéter, pas d'amalgame, mais pas de complaisance non plus.
02:56C'est-à-dire qu'on a affaire à un véritable fanatisme lié à l'interprétation rigoriste, littérale, extrêmement violente
03:04d'un certain nombre de versets compris dans le livre saint d'une religion.
03:07Donc ni amalgame, ni complaisance.
03:10C'est vrai donc sur le territoire national.
03:11On a vu d'ailleurs que lors des derniers attentats, c'était des gens qui étaient très fraîchement convertis,
03:16qui pour certains frappaient.
03:18Mais on a toujours des filières moyenne orientales.
03:21Daesh, par exemple, l'État islamique, n'a pas disparu.
03:24Il a été frappé et vaincu sur le plan strictement militaire, à la fin des années 2010,
03:30mais il n'a pas été vaincu idéologiquement.
03:32D'ailleurs, on le retrouve au Sahel.
03:33Et le Sahel est une région beaucoup plus proche de la France.
03:36C'est vrai culturellement, puisque c'est une zone essentiellement francophone.
03:39C'est vrai parce que plusieurs centaines de milliers de ressortissants,
03:42enfin de citoyens français sont d'origine sahélienne,
03:45donc des cinq pays du Sahel.
03:47Et d'autre part, c'est une zone extraordinairement pauvre,
03:50dont les frontières sont très poreuses.
03:52On le voit tous les jours.
03:53Et à partir de laquelle, des djihadistes souhaitent frapper à nouveau la France.
03:57Tamedi dernier, trois jeunes femmes d'une vingtaine d'années ont été arrêtées à Vierzon, près de Lyon.
04:01Elles sont soupçonnées d'avoir préparé un attentat à Paris,
04:03contre un bar ou une salle de spectacle.
04:04Est-ce que, et pour prolonger ce qu'on était en train de dire,
04:08ce profil de ces jeunes femmes incarne la plus grande menace aujourd'hui ?
04:14Eh bien, aujourd'hui, oui.
04:15Et vous voyez, on a affaire à des jeunes femmes qui, a priori, sont françaises,
04:18sont citoyennes françaises, d'une part,
04:20alors qu'elles se sont radicalisées, mais sur le territoire national,
04:23et qui en veulent à quoi ?
04:24Tiens donc, aux libertés, à la culture, à la musique,
04:28à la liberté pour les jeunes gens,
04:31et j'insiste notamment pour les jeunes femmes de pouvoir vivre leur liberté
04:36de manière totalement émancipée à la manière des autres citoyens et des autres citoyennes.
04:40Et donc, on retrouve effectivement ce profil qui est extrêmement inquiétant.
04:44Alors, la bonne nouvelle, c'est qu'on a moins affaire à des structures très importantes
04:48dont je parlais tout à l'heure, repliées dans des montagnes d'Afghanistan ou du Pakistan.
04:52Mais la très mauvaise nouvelle, c'est qu'on a affaire, malheureusement,
04:56à une forme de radicalisation in situ sur le territoire national.
05:00Est-ce que l'Europe est confrontée à la même menace que celle qui prévaut chez nous en France ?
05:05Alors, oui et non.
05:06Alors, on a bien vu qu'en Belgique, par exemple, en Allemagne, au Royaume-Uni,
05:10en Espagne, dans une moindre mesure, il y avait eu également des attentats islamistes
05:14et vous avez aussi une forme de radicalisation.
05:17Mais, j'insiste, la France, sous son régime républicain actuel,
05:21est considérée comme bien pire, notamment parce que nous sommes un pays laïque.
05:26Et de ce point de vue-là, on est encore un contre-modèle absolu.
05:30Hier soir, sur la chaîne France Info, on entendait un représentant d'associations
05:34de victimes des attentats qui disaient qu'à ses yeux,
05:37les politiques ne s'étaient pas emparés de cette question de la menace terroriste
05:41depuis les attentats de 2015.
05:44Est-ce que les politiques en ont fait assez ?
05:48Alors, c'est difficile à dire.
05:50Je pense que dans les années 2010, on prend réellement davantage conscience de la menace.
05:57Et pourquoi ?
05:58Parce qu'on a affaire à des attentats terribles qui vont assassiner plus de 200 personnes
06:02sur le territoire national.
06:03A l'époque, je me souviens de réunions très importantes et très professionnelles
06:08avec des gens comme Bernard Cazeneuve, comme Manuel Valls, évidemment,
06:12qui avaient pris la mesure du danger.
06:15C'est vrai donc à la gauche républicaine, c'est vrai à la droite républicaine.
06:19Je vais être très franchement clair avec vous.
06:25Je pense qu'aux extrêmes, on n'y est absolument pas.
06:28Et pour cause.
06:28On fait preuve d'une grande incompétence et d'un grand dogmatisme,
06:32que ce soit à l'extrême gauche ou à l'extrême droite,
06:34sur les questions de terrorisme.
06:35Ce sont des questions extrêmement sérieuses.
06:37Et il faut les envisager à la fois avec dépassionnement,
06:40avec un sens républicain évidemment tout à fait important.
06:45Et il faut les voir de manière...
06:46Il faut combattre ce phénomène de manière professionnelle.
06:48C'est le cas aujourd'hui, me semble-t-il,
06:51de l'essentiel de la classe politique républicaine.
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