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  • il y a 9 heures
Attentats du 13-Novembre : que devient « Sonia », témoin-clé qui a permis de retrouver la trace des terroristes ? Nous recevons son avocate Samia Maktouf, à l’occasion de la diffusion de la série-fiction-documentaire « Le choix de Sonia » sur France 2

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Transcription
00:00Bonsoir Maître Mactouf, vous êtes l'avocat de Sonia, merci de votre présence en ce jour de commémoration.
00:04Et alors que votre cliente a accepté de raconter dans cette fiction documentaire qui sera diffusée ce soir,
00:10le choix qu'elle a fait en 2015, celui de dénoncer l'un des terroristes.
00:16Un choix qu'elle ne regrette pas, elle le dit, mais qui est incroyablement lourd de conséquences pour elle,
00:22mais aussi pour son conjoint, pour ses deux enfants.
00:25Notamment l'obligation du jour au lendemain d'oublier ce qu'ils ont été jusqu'à ce mois de novembre 2015.
00:33Tout à fait, c'était extrêmement fort, mais c'était choisi.
00:40Elle avait mesuré les conséquences de ce choix ?
00:43J'ai envie de dire qu'elle n'avait pas à les mesurer, elle l'a dit, elle a agi spontanément,
00:49parce qu'elle est française, elle est citoyenne et de plus femme.
00:53Et donc quand on dit femme, c'est porter la vie.
00:56C'était important dans sa bouche, dans la bouche de Sonia, le mot femme.
01:00Et j'ai envie de dire, vous avez parlé de ses enfants et de son compagnon.
01:05Il est vrai que Sonia vit avec une certaine culpabilité,
01:09la même qu'on retrouve chez les victimes du terrorisme.
01:11La culpabilité, c'est d'avoir fait porter ce statut à son compagnon et à ses enfants.
01:24Parce que pour elle, c'était un choix.
01:26C'est un choix solide, réfléchi.
01:32Et à aucun moment, elle n'a hésité.
01:35À aucun moment, elle s'est mise en question.
01:38À aucun moment, elle s'est dit, je ne vais pas le faire.
01:40Sonia vit désormais depuis dix ans sous le statut de témoin protégé.
01:45Elle le compare, ce statut, à une prison à ciel ouvert.
01:48Pourquoi ? Parce qu'elle ne peut pas travailler ?
01:51Elle ne sort quasiment pas de chez elle ?
01:52Parce que c'est trop risqué, on pourrait la reconnaître ?
01:55Ou elle se sent menacée ou en danger de mort en permanence ?
01:58D'abord, je voudrais préciser que ce statut est inadapté à Sonia.
02:03On a fait du copier-coller du statut du repenti.
02:08Un repenti, c'est quelqu'un qui est dans la délinquance,
02:11qui était sur le point de commettre un acte délectuel ou criminel.
02:15Et à un moment donné, de la procédure criminelle ou de l'acte,
02:19s'arrête, dénonce et bénéficie davantage et d'une peine moindre.
02:26Sonia, ce n'est pas son cas.
02:28Sonia n'est pas dans la délinquance.
02:29Sonia a choisi, et ce qui était pénible pour elle,
02:33c'est cette sensation d'être considérée.
02:35Elle a même parlé de mépris par les personnes au début qui l'assistaient.
02:42On n'assiste pas et on ne protège pas un repenti
02:47comme on assiste quelqu'un qui a mis sa vie en danger,
02:51sa vie en parenthèse, pour sauver un attentat certain à la défense.
02:56Mais il était indispensable qu'elle change totalement d'identité.
02:59Mais elle dit tout de même que cette couverture,
03:01cette légende qu'on lui a créée, cette nouvelle identité,
03:04était mal montée.
03:05Elle parle d'un loupé administratif.
03:07A quoi fait-elle référence ?
03:08Tout à fait.
03:08C'est un loupé totalement...
03:10C'est un loupé administratif.
03:14Vous savez, c'est Kafkaïen.
03:15Sonia, elle ne sait pas elle-même qui elle est.
03:19Vous savez, je me souviens, elle m'avait dit un jour,
03:22j'ai du mal à avoir des amis,
03:24parce que, vous allez voir,
03:26c'est très très bien reproduit dans la fiction documentaire,
03:31c'est que c'est une femme entière.
03:33Et elle dit, quand j'essaie d'avoir des amis,
03:35quand j'apprécie des personnes,
03:37je suis obligée d'arrêter, parce que je ne peux pas leur mentir.
03:41Sonia vit avec une légende qu'on lui a écrite.
03:43Vous savez, c'est comme pour les espions.
03:45On leur écrit une légende,
03:47on leur dit, voilà, tu t'appelles ainsi,
03:49ta grand-mère a fait ça, ton grand-père a fait ça,
03:51t'as tant d'enfants, t'es mariée ou pas.
03:53Vous voyez ?
03:53Et cette légende, pour une femme comme elle,
03:56et pour n'importe qui, d'ailleurs, vous savez,
03:58c'est vraiment Kafkaïen.
03:59Sonia a du jour au lendemain abandonné son identité.
04:06Sonia est décédée aujourd'hui, administrativement.
04:09Je vous donne un exemple pour mieux apprécier la situation.
04:13Moi, un jour, elle m'a appelée, elle m'a dit,
04:15maître, ma fille vient de décéder.
04:18J'étais prise moi-même au jeu,
04:20parce qu'en fait, sa fille est allée chercher un dossier,
04:23parce qu'elle avait été opérée quelque part,
04:25et le médecin traitant suivant avait besoin du dossier.
04:28On lui a dit, mais écoutez, cette personne est décédée.
04:30Elle appelle, maman, je suis décédée.
04:32Vous voyez, c'est Kafkaïen.
04:34On l'arrête lors de contrôle de routier.
04:38On ne sait pas qui elle est,
04:39mais elle-même, de temps en temps,
04:40elle ne sait pas qui elle est.
04:41Quand elle est dans une salle d'attente et qu'on l'appelle,
04:43elle ne répond pas parce qu'elle ne sait pas qui elle est.
04:46Mais tout ça, vous voyez, on peut s'habituer à ça.
04:50Mais ce qui est dur, ce qui est vraiment extrêmement dur,
04:54c'est d'être personne,
04:56pour reprendre ces mots dans ma bouche,
04:58elle n'est personne aujourd'hui.
04:59Et pour autant, elle ne regrette rien.
05:02Ce que moi, en tant qu'avocate de Sonia,
05:04me bat pour que sa situation soit conforme
05:07et à la hauteur de ce qu'elle a fait.
05:10Elle ne cherche pas à être une héroïne,
05:11elle ne cherche rien,
05:12mais elle veut être considérée et respectée.
05:15Elle a voulu témoigner au procès du 13 novembre,
05:18par écran interposé,
05:19on ne voyait que sa silhouette, sa voix était modifiée.
05:22Mais dans le box, les accusés,
05:25notamment Salah Abdeslam,
05:27la fixaient.
05:29Et Arthur, des nouveaux, dans le documentaire,
05:31raconte à quel point l'ambiance était pesante,
05:35parce qu'il regardait la femme.
05:36J'ai fait une demande au président
05:40de la cour d'assises spécialement composée
05:42pour que Sonia, parce qu'elle y tenait,
05:44c'était sa demande,
05:45a témoigné.
05:46Et je me souviens,
05:48le lendemain, j'étais convoquée par le président
05:50qui me dit,
05:51mais écoutez, ce n'est pas possible,
05:53c'est trop dangereux.
05:55Je lui dis, mais monsieur le président,
05:56vous avez 14 accusés extrêmement dangereux terroristes,
06:00et vous pensez que Sonia représenterait un danger ?
06:03Et il m'a donné une réponse glaçante
06:06à laquelle j'y pense régulièrement.
06:08Il m'a dit, maître Maktouf,
06:10les 14 accusés dont vous parlez
06:12n'en veulent qu'à une seule et unique personne,
06:15à votre cliente.
06:17Elle est toujours aujourd'hui en danger de mort, Sonia ?
06:19Tout à fait.
06:20Tout à fait.
06:22Elle fait face à beaucoup de menaces,
06:25elle est protégée,
06:27mais c'est une femme courageuse,
06:29c'est une femme qui ne veut pas laisser de l'espace
06:32à ces terroristes qui veulent changer notre mode de vie,
06:36son sourire,
06:38l'amour qu'elle a pour la vie,
06:41l'amour qu'elle a pour notre mode de vie,
06:44et donc elle fait tout pour essayer d'avancer,
06:47et elle se dit,
06:50Inch'Allah.
06:51Elle ne veut pas être une héroïne,
06:52mais quand on entend ce que vous dites,
06:53on a envie de saluer son courage,
06:55son sang-froid,
06:56et cet acte héroïque,
06:57dix ans après, certains estiment
06:59qu'elle devrait d'ailleurs être décorée pour ce qu'elle a fait,
07:02c'est ce que rappelle Arthur de Nouveau,
07:04victime du Bataclan,
07:05survivant,
07:05qui est devenu depuis l'une des voix des victimes
07:08avec l'association Life for Paris.
07:10Elle aurait probablement dû avoir, elle, la Légion d'honneur.
07:13S'il y a bien quelqu'un qui a fait quelque chose d'honorable,
07:16c'est elle.
07:17De toute façon, l'État a des moyens relativement limités
07:20en termes de symbolique,
07:22mais celui-là en est un.
07:23Alors c'est vrai que remettre une Légion d'honneur
07:25à quelqu'un qui refuse absolument que son identité soit révélée,
07:28comme le rappelle François Hollande dans le documentaire,
07:30c'est compliqué,
07:31mais comme elle recherche un statut,
07:33une reconnaissance,
07:34ça pourrait en être une ?
07:36Elle recherche d'abord le respect.
07:38Pardonnez-moi d'insister d'abord
07:39sur des conditions matérielles désastreuses.
07:42C'est-à-dire que le respect, ce serait...
07:43Une vie digne.
07:45Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
07:46Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
07:47Son loyer est pris en charge.
07:49Il est pris en charge parce que...
07:50Vous êtes battu pour.
07:51Parce que je me suis battu pour
07:53et parce que s'il n'est pas payé,
07:55l'administration française est embêtée,
07:57donc ils ont décidé de le payer.
07:58Mais il lui reste...
07:59Je ne veux pas parler petits sous
08:00parce que ça réduit l'effort.
08:02Les conditions de vie sont...
08:03Les conditions de vie
08:04et la situation financière de Sonia
08:06est déplorable.
08:09Elle est à un niveau de vie,
08:11de pauvreté.
08:14Parce qu'ils sont quatre.
08:15Vous savez, ils sont les quatre personnes,
08:17son compagnon et ses enfants,
08:19compris et partie prenante
08:22dans ce programme.
08:25Mais il faut vivre.
08:27Elle parlait dans cette fiction documentaire
08:31que ne serait-ce que de se mettre
08:33sur le balcon
08:34et de voir des enfants,
08:35voir une vie,
08:37ça lui redonne la vie
08:38parce que...
08:39Et vous savez,
08:40ce qui est très très dur,
08:42c'est qu'en parlant des victimes,
08:43parce qu'elle n'a jamais voulu
08:45être considérée comme une victime,
08:47mais elle dit
08:47« Je leur en veux
08:48qu'une seule et unique chose. »
08:50Enfin, je leur en veux.
08:51Je les envie, pardon.
08:52Je les envie
08:53parce que ces victimes
08:54ont la capacité
08:56de se rencontrer,
08:58de se parler,
08:59de penser
09:01leur traumatisme
09:02en commun,
09:03ce qui n'est pas possible
09:04pour elle.
09:05Elle parle à sa glace.
09:07Elle ne peut pas être
09:08dans une démarche sociale
09:11puisqu'elle est privée
09:12de son cercle premier,
09:16premier cercle familial aussi.
09:19Donc, c'est une vie sans vie.
09:21C'est une vie sans vie.
09:21Et c'est l'une des raisons,
09:22j'imagine,
09:23pour lesquelles
09:23elle a tenu à témoigner
09:24le jour des dix ans
09:26de commémoration
09:27de ses attentats.
09:28Amogne, Nicolas Béthoud.
09:29Sonia fait le choix
09:30de rester en France.
09:31Est-ce que sa vie
09:32ne serait pas un peu moins lourde,
09:33pas beaucoup plus légère,
09:34mais un peu moins lourde
09:35si elle avait
09:35reconstruit quelque chose ailleurs ?
09:38Ce n'est pas Sonia
09:38qui décide de sa vie.
09:40Et je ne peux pas
09:41me prononcer
09:41sur l'endroit
09:42où elle est cachée.
09:43Mais en tout cas,
09:44c'est l'administration
09:45française qui décide.
09:46Et juste une dernière chose
09:47sur votre dernière remarque,
09:48Madame.
09:49Sonia a décidé
09:50de participer
09:51parce qu'elle ne veut pas
09:53que d'autres personnes
09:55voyant ce statut
09:57extrêmement lourd,
09:58pesant,
09:59où elle n'est rien
10:00qu'une ombre,
10:02puissent décourager
10:02des personnes
10:03qui, demain,
10:04venaient à apprendre
10:05qu'un attentat
10:06serait sur le point
10:07d'être commis.
10:08Elle dit
10:09il ne faut pas
10:10j'ai payé le prix cher,
10:12si c'était à refaire,
10:13je le referais,
10:13mais il faut que les autres
10:14soient
10:14comme moi
10:15parce que la lutte
10:16contre le terrorisme
10:17c'est une lutte
10:19commune
10:19de toute notre société.
10:21Samin Maktouf,
10:21merci d'être venue
10:22ce soir sur le plateau.
10:23C'est à vous.
10:23Je rappelle
10:24le choix de Sonia.
10:25Cette fiction documentaire
10:26réalisée par
10:27David-André
10:27et Violette Lazare
10:28sera diffusée ce soir
10:29à 21h10
10:30sur France 2.
10:32Karima Amarouch
10:32interprète
10:34Sonia,
10:36mais on le précise
10:37qu'elle n'a
10:37jamais rencontré
10:39Sonia,
10:39ni l'équipe du film,
10:41ni l'actrice
10:41n'ont vu le visage
10:43de Sonia,
10:44ne connaissent
10:44ni son identité
10:45ni sa voix réelle
10:46pour la sécurité
10:48de tous.
10:49Évidemment,
10:50il fallait qu'on le précise
10:51ce soir.
10:52Le choix de Sonia,
10:5321h10 ce soir
10:54sur France 2.
10:55Merci.
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