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  • il y a 22 heures
Le soir du 13 novembre 2015, Bahareh Akrami était au Carillon avec des amis. Elle était enceinte de sept mois. Dix ans après les attentats de Paris, elle raconte comment continuer à vivre quand on devient maman après un événement si traumatique. Elle explique aussi comment le procès de 2021 lui a fait comprendre qu'elle n'avait finalement pas tout digéré.

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Transcription
00:00Le soir du 13 novembre, j'étais au Carrion, enceinte de 7 mois.
00:05Comment continuer à vivre après le 13 novembre,
00:08quand on devient maman, quelques semaines plus tard ?
00:11Comment parler du terrorisme à son enfant ?
00:13C'est l'histoire de Bahre et Akrami, elle nous raconte.
00:16J'étais happée par la maternité.
00:18De toute façon, j'avais rangé cette histoire dans une boîte
00:21et pendant longtemps, j'ai imputé plein de réactions que j'avais à la maternité.
00:25Sauf que peut-être que j'aurais pas été autant protectrice avec ma fille
00:29si ça s'était pas passé comme ça.
00:33Pendant longtemps, on lui en a pas parlé avec son père
00:35et c'est au moment du procès où elle avait 6-7 ans.
00:39On lui a raconté la soirée du 13.
00:41Elle a posé des questions, beaucoup sur les accusés.
00:44Qu'ils étaient, est-ce qu'ils allaient aller en prison toute leur vie ?
00:47Des choses comme ça.
00:48Puis après, elle a mis ça de côté.
00:50Mais récemment, j'étais à une sortie d'école.
00:52Elle parlait avec ses copines et elle disait
00:55« Papa et maman, ils étaient dans un bar et les gens, ils sont venus,
00:58ils sont tirés sur eux et tout. »
01:00Et après, elle arrive vers moi et elle fait
01:02« Ah, dis-leur que c'est vrai, maman, dis-leur. »
01:04Elle sait qu'on peut en parler.
01:05Je l'ai emmenée au carillon et au moment de payer,
01:08je suis rentrée à l'intérieur et il y avait un serveur
01:10et un monsieur plus âgé.
01:12Et ce monsieur-là, il était là ce soir-là aussi.
01:14Et donc, je leur ai dit que j'y étais aussi
01:16et que ça, c'était ma fille qui était dans mon ventre
01:18et qui, là, elle avait 9 ans et qu'elle allait avoir 10 ans.
01:22Et c'était assez émouvant parce qu'à ce moment-là,
01:24tous les trois, on s'est mis à pleurer.
01:25Et le vieux monsieur, il a dit « C'est bien parce que la vie continue, tout ça. »
01:29Et il m'a offert l'orangina.
01:31On l'a regardée en plus et on s'est mis à pleurer.
01:34Elle n'a pas compris, enfin, elle a compris sans comprendre.
01:36Et c'est vrai que c'était un beau moment
01:38et c'était bien d'avoir fait ça, je trouve,
01:40au final, de l'avoir emmenée là-bas
01:41pour qu'elle comprenne vraiment
01:44et en voyant les gens aussi, quoi.
01:46Pour Bahr et Akrami,
01:48le procès de 2021 a été un moment déclencheur.
01:52Je n'avais pas porté plainte
01:53et c'est un ou deux mois avant le début du procès
01:56où, là, j'ai décidé qu'il fallait que je sois dans ce procès.
02:00J'avais besoin d'intellectualiser tout ça
02:02et comprendre, en fait, qui étaient ces accusés,
02:04qu'est-ce qui s'était passé,
02:05comment on en était arrivés là,
02:07pouvoir parler, quoi.
02:08Et notamment, moi, quand j'ai déposé,
02:10c'était en réaction à des propos
02:12qu'avait eu ça, là, Abdeslam.
02:13Il a dit, dans cette salle,
02:15il y a certes des victimes,
02:17mais qui pense aux victimes
02:19du Proche et du Moyen-Orient,
02:21les enfants, les femmes,
02:22en Irak et en Syrie.
02:23Ça, ça m'a rendue un peu dingue
02:25parce que moi, je suis d'origine iranienne.
02:27Mes parents, ils ont fui le régime des ayatollahs
02:30et je me suis dit, waouh, alors lui,
02:32il est chié, quoi,
02:33parce qu'il vient parler à la place des victimes
02:35parce que Daesh aussi a fait
02:36beaucoup de victimes en Syrie.
02:38Et c'est là où, encore une fois,
02:40j'ai trouvé une autre place
02:41parce que moi, je ne comptais pas déposer
02:42parce que je me disais,
02:43moi, qu'est-ce que j'ai à raconter
02:44dans ce procès ?
02:45Je vais bien, mes amis vont bien,
02:46je n'ai pas été blessée.
02:48Psychologiquement, je m'en sors bien,
02:50je n'ai pas l'impression
02:51d'avoir des traumatismes.
02:52Mais quand il a dit ça,
02:53je me suis dit, ah, bah,
02:54si, moi, je vais lui répondre, en fait.
02:56Enfin, c'est un peu l'enfant que j'étais
02:58qui a dû quitter son pays,
02:59qui s'est dit, je vais répondre
03:01à Salah Abdeslam.
03:04Dans cette salle d'audience,
03:06il se passait plein de choses.
03:07Les avocats parlaient,
03:08tout le monde parlait.
03:08Et moi, j'avais aussi besoin
03:09d'avoir une autre place,
03:11pas celle de victime silencieuse.
03:13Dessiner et raconter, en fait,
03:15les audiences m'a permis
03:16de trouver ma place
03:17dans cette histoire.
03:19J'assistais régulièrement aux audiences
03:20et dans les chroniques judiciaires,
03:22je ne retrouvais pas exactement
03:23ce que j'entendais
03:24dans la salle d'audience, parfois.
03:25Je trouvais que parfois,
03:26c'était un peu lissé.
03:28Et moi, j'avais envie de le raconter
03:29vraiment de manière brute.
03:30Et ça a commencé avec
03:32l'interrogatoire de Mohamed Abrini.
03:34Et donc, il y avait un article
03:35de Mathieu Suc dans Mediapart.
03:37Et le titre, c'était un homme ordinaire.
03:39Là, ça avait fait titre dans ma tête,
03:40c'est que moi, j'avais envie d'écrire.
03:42Ce n'est pas un homme ordinaire,
03:43c'est un teubé.
03:44C'est un gros con.
03:45Et pourquoi ils ne le disent pas comme ça ?
03:46Je sais pourquoi ils ne le disent pas comme ça,
03:48mais pourquoi ils ne sont pas plus cash, quoi ?
03:50Et donc, je me suis dit,
03:51moi, je vais le raconter.
03:52Je vais le raconter à ma façon.
03:54Et j'ai posté ça sur mes réseaux sociaux.
03:56Et au début, je pensais
03:56m'arrêter très vite.
03:58Et puis, au final,
03:59ça a fait un...
04:00On me dit un buzz.
04:01C'était fou, ça.
04:02C'était assez fou.
04:03Ces événements,
04:04ils m'ont quand même plus changé
04:06que ce que je pensais,
04:07notamment sur la peur.
04:10Moi, j'étais quelqu'un
04:11qui avait très, très peur.
04:12Très peur pour ses proches,
04:14pour sa famille.
04:15Parce que, justement,
04:16en fait, la violence,
04:17elle était rentrée dans ma vie très jeune.
04:19Moi, très petite,
04:19j'avais peur que les ayatollahs,
04:21ils viennent me chercher.
04:22Je faisais des cauchemars comme ça.
04:24Et du coup,
04:24même quand l'attentat,
04:25il est arrivé,
04:26j'étais familière par mon histoire
04:28avec le fait qu'effectivement,
04:30on peut venir tuer des gens
04:31à l'étranger
04:32parce qu'il y avait des Iraniens en exil
04:33qui avaient été assassinés, etc.
04:36Et du coup,
04:37ce que j'ai réalisé récemment,
04:39c'est que, paradoxalement,
04:41après les attentats,
04:42la peur, elle a changé.
04:44Je ne veux pas dire
04:44que j'ai moins peur,
04:46mais c'est vrai que je suis devenue
04:47peut-être un peu plus dure.
04:48Et effectivement,
04:49j'ai moins ce truc
04:50de maintenant de m'inquiéter
04:52et tout ça.
04:52Vous pensiez que ça allait arriver,
04:54puis une fois que c'est arrivé,
04:55ça y est, c'est arrivé.
04:56Et puis voilà.
04:57C'est un peu bizarre, mais...
05:02C'est un peu bizarre, mais c'est arrivé.
05:03C'est un peu bizarre, mais c'est arrivé.
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