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C'est grâce à elle que les autorités ont pu arrêter le cerveau des attentats du 13 novembre 2015, Abdelhamid Abaaoud. Elle a permis d'éviter de nouvelles attaques terroristes. Aujourd'hui, Sonia vit sous une nouvelle identité, dans la clandestinité, sous protection policière. Elle est l'invitée de RTL Matin ce jeudi.
Regardez Face à Fogiel du 13 novembre 2025.
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00:00RTL Matin, Thomas Soto
00:02Il est 8h18, face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel.
00:09En ce jour de souvenir des victimes du 13 novembre, vous recevez une femme courageuse.
00:14C'est elle qui, dans la foulée des attentats, a aidé les forces de l'ordre à neutraliser deux terroristes qui étaient alors en fuite,
00:20permettant sans aucun doute d'éviter d'autres drames.
00:23Depuis, Sonia vit sous protection policière et avec une nouvelle identité.
00:28Elle est donc votre invitée, Marc-Olivier.
00:30Bonjour Sonia.
00:31Bonjour.
00:32Avant toute chose, je précise à nos auditeurs que votre voix est modifiée pour votre sécurité.
00:35Sonia, c'est votre nom d'emprunt que vous avez choisi après des attentats pour témoigner anonymement.
00:40Aujourd'hui, personne ne sait dans quel pays vous habitez.
00:43Et à l'occasion des commémorations des attentats du 13 novembre 2015, la série 13 novembre, le choix de Sonia, raconte votre destin.
00:50Alors ce matin, vous allez tout nous raconter.
00:51Mais avant tout, comment vous vivez ce moment, dix ans après cet anniversaire, cette commémoration ?
00:57J'imagine que ça chamboule pas mal de choses pour vous, dix ans après, non ?
01:00C'est toujours douloureux.
01:03Ça reste gravé.
01:04Vous savez, la tristesse, on la perd pas.
01:06Dix ans après, vous êtes toujours triste.
01:07Toujours.
01:08J'ai eu de la tristesse, j'ai eu de la colère.
01:12Une colère du fait de ne pas pouvoir avoir réussi à empêcher ce 13 novembre.
01:17Une colère que ce soit passé comme ça.
01:20J'ai eu une colère et de la peine pour les victimes.
01:23Je suis triste pour les victimes et je suis en colère qu'on n'ait pas pu les sauver.
01:27Une colère aussi de la mort de Hasna.
01:29J'aurais aimé qu'on attrape les terroristes vivant moi.
01:31Vous n'avez pas pu empêcher la mort de beaucoup de personnes,
01:34mais vous avez empêché, on va y venir, une attaque d'un commissariat à la défense,
01:38une crèche, un centre commercial.
01:40On raconte l'histoire et vous nous racontez ce que vous êtes devenu depuis.
01:43Le 13 novembre 2015, vous êtes devant la télé avec Hasna,
01:47une jeune femme que vous accueillez chez vous depuis 2011.
01:49Et devant l'actualité, elle prononce cette phrase.
01:52Ça se trouve, ils sont en train de venger tous les musulmans du monde.
01:56Vous qui saviez qu'elle avait un cousin radicalisé en Syrie,
01:59comment vous avez réagi quand vous avez vu votre amie Hasna qui était chez vous,
02:02elle-même réagir comme ça ?
02:04J'étais en colère, je lui ai dit c'est inhumain, il n'y a pas de vengeance.
02:07Nous la France, on n'est pas un pays qui est en guerre.
02:09Pour moi, la violence, elle n'existe pas.
02:10Donc oui, j'ai mal réagi.
02:12Je lui ai dit on ne parle pas comme ça.
02:13C'était qui cette Hasna ? Une amie à vous ?
02:15C'était une jeune fille paumée, sans repère, qui n'avait plus de famille,
02:19qu'on m'a présentée parce que mon monsieur nommait Coluche.
02:22Comme c'était la maison du bonheur, je l'ai recueillée,
02:24j'ai essayé de lui donner un cadre familial, une vie normale.
02:28Deux jours après les attentats, évidemment,
02:31tout le monde cherche les terroristes qui ont pu commettre ces atrocités
02:36et elle reçoit un appel, son cousin, qui serait à la rue et aurait besoin d'aide.
02:40Vous l'accompagnez avec votre compagnon à l'adresse donnée, à Aubervilliers,
02:43et là vous tombez nez à nez avec ce fameux cousin qui est Abdelhamid Abaoud,
02:48le commanditaire des attentats, et tout sourire, il vous dit
02:51les terrasses, c'est moi.
02:52Quelle est votre réaction à ce moment-là, vous, Sonia ?
02:55C'est de l'écœurement.
02:56Je ne comprends pas, je reste interloquée, je suis bâillée, je suis stupéfaite.
03:02Il y a un deuxième terroriste qui sort d'un buisson, c'est Shaquib Accrou.
03:06Est-ce qu'à ce moment-là, vous vous dites,
03:08je les dénonce, il n'y a pas d'autre possibilité,
03:10je vais appeler la police au risque de ma vie,
03:12puisqu'ils vous ont identifié ?
03:14Au moment où il me dit les terrasses, c'est moi, c'est une évidence que je vais dénoncer.
03:18Mais avant d'appeler la police, il faut réussir à sortir de ce bourbier-là.
03:21Quand vous appelez la police, vous vous dites que votre vie va basculer,
03:25parce que forcément, ça sera plus pareil après pour vous aussi ?
03:27Au moment où j'appelle la police, non, je ne me dis pas que ma vie va basculer,
03:31je fais mon devoir de citoyenne, j'appelle la police.
03:33Voilà, il y a une personne qui a fait du mal à des innocents,
03:36et qui est là, et que je l'ai vu en chair et en os,
03:40alors que dans la télé, vous dites qu'il est présumé mort, il faut l'arrêter.
03:43Grâce à vous, Sonia, les policiers mettent en place une filature,
03:46poursuivent à Baout, vous réussissez à obtenir l'adresse de la planque
03:49qu'Asna leur a trouvée à Saint-Denis.
03:51Elle s'y rend avec les deux terroristes,
03:53et dans la nuit, les forces de l'ordre lancent l'assaut.
03:55Asna et les deux terroristes sont morts.
03:56Qu'est-ce que vous dites à ce moment-là ?
03:57Que vous avez rempli votre mission, votre devoir de citoyenne ?
04:00Grâce à vous, il n'y aura pas d'autres attentats ?
04:01Quand ils les ont neutralisés, je me suis dit,
04:04ouf, tant mieux, il n'y aura pas d'autres attentats.
04:06J'ai de la joie, parce qu'ils ne vont pas perpétrer de nouvelles attaques,
04:10et ils ne vont pas tuer encore des innocents.
04:12Et je me dis, il y a aussi une innocente qui est morte,
04:15parce qu'Asna est décédée.
04:17Après une garde à vue, une perquisition,
04:18pour s'assurer que vous ne faites pas partie du clan des terroristes,
04:21vous êtes exfiltré dans un hôtel,
04:22et racontez-nous ce qui se passe,
04:24puisque là, c'est là que votre vie bascule,
04:26votre vie ne sera plus jamais la même.
04:27De ce jour-là, vous allez rentrer en clandestinité,
04:30parce que vous êtes la cible des terroristes potentielles ?
04:33Au moment où je sors de garde à vue, j'ai deux choix.
04:35Ou je reste à Leval-Ouapéret,
04:37ou alors j'accepte un programme de protection.
04:40Or, moi, quand j'ai eu le procureur,
04:42qui m'a demandé quel était mon souhait,
04:44je lui ai dit, mon souhait, c'est d'entrer chez moi avec mes enfants.
04:47Et je pense que c'est ce qui va m'arriver, mais finalement, non.
04:50Au début, Sonia, vous avez même dû alerter les médias.
04:52L'État ne s'est pas occupé de vous.
04:54Vous étiez livré à vous-même, dans une difficulté au quotidien,
04:58absolument pas prise en charge.
04:59Fin novembre 2015,
05:01les policiers qui m'avaient récupéré à la sortie de garde à vue
05:05nous trouvent un lieu de vie, ma famille et moi.
05:07Ils nous y amènent.
05:08Et là, une phrase qui restera grave à vie,
05:10c'est notre mission s'arrête là.
05:12Et c'est à ce moment-là qu'on comprend
05:13qu'on va devoir se débrouiller par nos propres moyens,
05:16avec un mot d'ordre de leur part,
05:18de ne pas utiliser notre identité.
05:20Du coup, ce qui se passe, je me sens seule,
05:22je ne suis pas bien psychologiquement, moralement.
05:25Et là, je n'ai d'autre choix que de faire appel à la presse,
05:28parce que je me sens complètement abandonnée,
05:30il devrait à moi-même,
05:32à ma charge d'une famille qui est en danger,
05:34parce qu'on ne sait pas s'ils ont arrêté tous les terroristes.
05:37En fait, si on n'a pas de caractère,
05:39si on n'a pas un certain charisme,
05:41on finit vite par se suicider et on ne tient pas.
05:43Depuis 2017, vous avez obtenu le statut de témoin protégé.
05:46C'est une première en France.
05:48On dit que ce n'est pas très bien ficelé.
05:49C'est quoi, en fait, ce statut de témoin protégé ?
05:52C'est un copier-coller des repentis, en fait.
05:55Je ne veux pas jeter la pierre non plus
05:57aux gens qui s'occupent de ça,
05:59parce que, comme vous l'avez dit,
06:01premier cas en France, une inédite.
06:03Quand je leur parle encore aujourd'hui,
06:05je leur demande,
06:06redonnez-moi ma vie de 2015,
06:08ou regardez ma vie de 2015,
06:10vous verrez qu'elle est beaucoup, beaucoup moins compliquée
06:13que cette étiquette que je porte aujourd'hui.
06:15Mais cette étiquette que vous portez aujourd'hui, par exemple,
06:17est-ce que vous avez peur au quotidien d'être identifié par les terroristes,
06:20ou alors cette peur-là, elle n'existe pas ?
06:22Non, elle existe réellement.
06:23C'est cette crainte-là qui me fait ne pas sortir de ce programme.
06:26Sinon, croyez-moi, ça fait longtemps que je me serais sauvée.
06:28Vous êtes sous protection policière, par exemple, aujourd'hui, au quotidien ?
06:31Pas au quotidien.
06:32Mais ils sont là, pas loin, de temps en temps.
06:34Ils surveillent.
06:35De temps en temps.
06:36Mais avec ce statut de témoin assisté,
06:38on change complètement votre identité,
06:40c'est-à-dire que la personne que vous étiez,
06:41qui ne s'appelait pas Sonia,
06:43on l'a fait mourir administrativement
06:45et on vous crée une nouvelle identité ?
06:47Oui, on crée une légende, oui, une nouvelle identité.
06:50Vous, votre famille, vos enfants ?
06:52Ma famille, mes enfants, on a tous une nouvelle identité
06:54qui est très lourde à porter
06:56parce que quand on vous demande comment vous vous appelez,
06:58vous savez que vous allez mentir.
07:00Au bout de dix ans, c'est toujours gênant.
07:02Comment se construit cette nouvelle vie-là ?
07:04Vous êtes donc ailleurs, plus là où vous habitez ?
07:07Par exemple, professionnellement, on vous trouve un travail ?
07:09Non, on ne m'a pas trouvé de travail.
07:11Je me suis débrouillée toute seule.
07:13En fait, vous m'avez dit comment on vit ça,
07:14on ne vit pas ça, on survit à ça.
07:16Vous touchez de l'argent régulièrement,
07:18de l'État français, par exemple ?
07:19Très peu, malheureusement.
07:21Pour vous, c'est compliqué, en longtemps, vous survivez.
07:24Les enfants, comment ils font ?
07:25Les enfants, dans une nouvelle identité,
07:27eux-mêmes, déracinés de tout ce qui était leur quotidien ?
07:30En fait, quand vous changez tout, tout, tout comme ça,
07:33il faut réussir soi-même d'accepter sa situation.
07:36Moi, j'ai accepté parce que je me suis dit que,
07:38finalement, le matin, quand je me regarde dans le miroir,
07:40je suis contente parce qu'il y a des gens qui sont dehors,
07:43ils respirent, il y a la joie, il y a la vie dehors.
07:46Le fardeau, il est lourd à porter,
07:48mais c'est pour la bonne cause.
07:49Et pour les enfants, vous vous rendez compte
07:50qu'en fait, c'est beaucoup plus compliqué.
07:52Ils vous en ont voulu ?
07:53Ils m'en ont voulu.
07:54Oui, ils m'en ont voulu.
07:55Ils m'ont dit, maman, t'aurais dû appeler
07:57et ne jamais te déplacer.
07:59Je leur dis, la vie n'a pas de prix.
08:01Certes, c'est un très lourd préjudice,
08:03mais c'est pour la bonne cause, ça va l'écho.
08:05Mais concrètement, Sonia,
08:06vous n'êtes plus en contact avec aucun de vos anciens amis,
08:09vos enfants ne sont plus en contact avec aucun de leurs anciens amis,
08:12votre famille, vous arrivez à leur parler.
08:14Comment ça se passe concrètement ?
08:15C'est compliqué parce qu'il faut éviter ces anciennes fréquentations
08:19parce qu'elles n'ont pas votre nouvelle identité.
08:21Admettons que je vais rencontrer une ancienne connaissance
08:23et il y a des gens qui ne me connaissent pas à côté
08:25ou qui viennent de me rencontrer
08:26parce que vous recréez, en fait, un noyau de connaissances
08:29avec une identité qui ne me convient absolument pas,
08:32une vie qui ne me convient absolument pas.
08:35Et vous avez des gens que vous avez rencontrés
08:36avec votre nouvelle identité.
08:38La situation, elle est très compliquée.
08:40Ça m'est arrivé à deux, trois reprises
08:41où c'est que je me suis sauvée
08:43ou c'est que je n'ai même pas répondu
08:44quand on m'a appelée par mon prénom
08:46parce que je ne peux pas me permettre de me mettre en danger.
08:50Me mettre en danger, moi, ce n'est pas un souci,
08:52mais j'ai quand même une famille derrière.
08:54Et ces gens avec qui vous étiez en contact
08:56et qui vous ont vu disparaître du jour au lendemain,
08:58ils croient que vous êtes où ?
08:59Il y en a qui ont demandé de mes nouvelles
09:00à mes frères, à mes sœurs.
09:02Il y en a qui ont essayé de reprendre contact
09:04mais comme j'ai coupé tous les réseaux sociaux,
09:06donc du coup, je n'ai pas donné signe.
09:09Il y en a qui s'adent parce qu'ils connaissaient Asnia.
09:11Donc, ils savent que c'est moi qui l'ai dénoncée.
09:14Après, je ne peux pas donner le ressenti
09:16puisque je ne les ai pas revus.
09:17Et dix ans après, à longtemps,
09:19vous n'avez pas fait le deuil de votre vie d'avant ?
09:21Ma psychiatre me dit que je ne guérirai jamais.
09:24Et malgré tout ce que vous avez vécu
09:25et que vous nous racontez ce matin sur RTL,
09:27à refaire, vous le referiez ?
09:29Oui, si c'était à refaire, je referais
09:31et même si ce serait encore pire
09:33que ce que je dis actuellement,
09:34ça ne me dérangerait pas
09:35parce que la vie, elle n'a pas de prix.
09:37C'est beau la vie, non ?
09:37Vous ne trouvez pas ?
09:38Oui, c'est beau.
09:39Vous payez cher, mais c'est beau.
09:40Je paye cher et je paye le prix fort.
09:42Je vous le dis.
09:43Ma vie, elle n'est pas rose.
09:44Elle tire plutôt vers le noir.
09:46Vous êtes devenu un symbole
09:47de la lutte contre le terrorisme.
09:48C'est même François Hollande qui le dit.
09:50Mais une légion d'honneur, par exemple,
09:52pour saluer votre acte de courage,
09:53ce n'est pas possible.
09:53Vous sortirez de l'anonymat.
09:55Ne pas être reconnue publiquement,
09:56ça vous pèse ?
09:57Pas du tout, non.
09:58Non, mais moi, je ne suis pas une héroïne.
10:00Je n'ai pas appelé pour être une héroïne.
10:02Je n'ai pas appelé pour sortir de mon anonymat.
10:05Ma vie en 2015, elle me convenait parfaitement.
10:08J'avais une vie qui était réglée
10:10comme du papier à cigarette.
10:12J'étais joyeuse, j'étais heureuse.
10:13Je faisais mon bénévolat.
10:15J'accueillais des personnes
10:16qui étaient en difficulté.
10:17C'est la seule chose
10:18qu'aujourd'hui, je regrette.
10:20C'est de ne pas pouvoir récupérer
10:21la vie que j'avais en 2015.
10:23Je n'avais aucun problème d'argent.
10:25J'étais très bien.
10:26Moi, je n'ai pas téléphoné
10:27pour être une vedette
10:28ou une star ou quoi que ce soit.
10:29Merci beaucoup, Sonia.
10:30La série 13 novembre,
10:31le choix de Sonia, ce soir.
10:33Donc, 13 novembre, 21h10,
10:35sur France 2.
10:35Vous allez regarder ?
10:36Oui, je vais regarder.
10:38En famille, vous allez regarder ?
10:39Oui, on va regarder en famille.
10:40Il y aura une forme de fierté, quand même.
10:42Oh non, une fierté de quoi ?
10:44C'est de l'humanité.
10:46On va regarder en étant humains
10:47tous ensemble ce soir sur France 2.
10:49Merci, Sonia.
10:49Merci, bonne journée. Au revoir.
10:51Merci. Il y a vraiment un mot
10:52qu'on a envie de dire.
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