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00:00On va s'intéresser évidemment à cet anniversaire et aux victimes, aux témoins du Bataclan.
00:07Ce jour-là, la vie des Français avait basculé en apprenant que les commandos lourdement armés s'en prenaient à plusieurs sites parisiens.
00:14La mythique salle du Bataclan, évidemment, en se produisait ce soir-là, le groupe américain Eagles of Death Metal en faisait partie.
00:20La fête s'arrêtera là-bas brutalement à 21h40, quand les terroristes ouvriront le feu quelques minutes après le début de ce spectacle.
00:30Ils y feront 90 morts, des centaines de blessés.
00:34Et de cette séquence, il y a une vidéo qui évidemment aura particulièrement marqué.
00:39Ce sont vos images, Daniel Pseigny. Bonjour.
00:42Bonjour.
00:42Merci d'être avec nous en cette journée si particulière.
00:45Vous êtes notre invité du jour.
00:46A l'époque, il y a 10 ans, vous êtes journaliste au Monde.
00:49Vous filmez depuis la fenêtre de votre appartement ceci.
00:52On va regarder.
00:59S'il vous plaît, qu'est-ce qui se passe ?
01:01Hein ?
01:09S'il vous plaît, s'il vous plaît, je vais lâcher, je suis enceinte.
01:13Qui n'a pas vu ces images devenues cultes et pièces à convictions aussi pendant le procès ?
01:21Après 22h10, votre premier film dans lequel vous racontez votre propre histoire.
01:25Vous co-signez aujourd'hui, et c'est la raison de votre venue, avec Frank Zeller, Vendredi noir.
01:30C'est un film documentaire poignant qui sera diffusé sur nos antennes ce samedi soir à 22h10 dans la case Reporter Plus.
01:36A retrouver évidemment en ligne dès vendredi.
01:40On est 10 ans après cette fuite chaotique de spectateurs que vous filmez complètement par hasard.
01:44Parce que vous entendez du bruit et en même temps, dans ce passage, pour les parisiens qui le connaissent, il y a souvent du bruit.
01:50Soir de fête, soir de week-end.
01:51Vous pressez à votre fenêtre et vous filmez ces images.
01:54Comment vous est venue cette idée de retrouver les témoins et victimes de cette séquence ?
02:03L'idée est venue assez rapidement.
02:05C'est après que je me sois remis de mes blessures, de mes soins.
02:08J'ai repris le travail entre février et mars 2016.
02:14Parce que vous avez été témoin, mais aussi secouriste, mais victime.
02:17J'ai pris une balle dans le bras de la part d'un des deux terroristes qu'on a identifié, qui était Mustefay.
02:23Et donc, quand j'ai repris le travail, enfin mon travail de journaliste,
02:28puisque j'étais certes victime, mais en premier lieu j'étais journaliste,
02:32j'ai toujours voulu savoir ce qu'était devenu cette femme enceinte qui est suspendue dans le vide et qui appelle au secours.
02:40Et ça, ça m'avait quand même beaucoup travaillé.
02:44Je savais, enfin j'ai essayé de la retrouver, mais elle avait décidé de couper tout ce qui avait lien avec le 13 novembre,
02:51cette soirée-là, rien lire, rien entendre, rien écouter.
02:55Et elle savait qu'il y avait la vidéo, mais elle n'avait jamais voulu la voir.
02:59Et donc, elle a coupé court.
03:01Cette femme dont on connaît le nom maintenant, parce qu'elle s'est présentée sur de nombreux plateaux de télévision
03:06à vos côtés ces derniers jours, à l'occasion de la sortie de votre documentaire, c'est Charlotte.
03:11Elle témoigne donc dans ce documentaire.
03:13On en regarde tout de suite un extrait, regardez.
03:14Sous-titrage Société Radio-Canada
03:44Est-ce que tu acceptes de revoir la vidéo que j'ai tournée le soir de l'attentat ?
03:51Oui.
04:02Ah, ah bah oui.
04:03Ouais, je l'ai toujours pas revu.
04:05C'est l'intégrale ?
04:06Ouais.
04:08Il y a le son ou il n'y a pas le son ?
04:09Il y a le son sur la droite aussi ?
04:10Je peux le couper ?
04:12Bien sûr.
04:13En fait, j'ai toujours pas osé regarder cette vidéo avec le son.
04:16Le son me procure un truc que j'aime pas du tout.
04:20Tu me dis quand je peux y aller ?
04:24S'il vous plaît, qu'est-ce qui se passe ?
04:43Putain !
04:44Putain !
04:50Putain !
05:04Putain !
05:08Ça me dérange si je coupe ?
05:15Je crois que je l'ai pas regardé en entier.
05:32Ouais, c'est John.
05:39C'est John.
05:40C'est John.
05:43C'est John.
05:44C'est John.
05:50C'est John.
05:51C'est John.
05:52C'est John.
05:53C'est John.
05:54C'est John.
05:55C'est John.
05:56C'est John.
05:58C'est John.
05:59C'est John.
06:00C'est John.
06:01C'est John.
06:02C'est John.
06:03C'est John.
06:04C'est John.
06:05C'est John.
06:06C'est John.
06:07C'est John.
06:08C'est John.
06:09C'est John.
06:10C'est John.
06:11C'est John.
06:12C'est John.
06:13C'est John.
06:14Voilà, ça c'est pour l'introduction et le teaser.
06:16On comprend très vite l'ambiance.
06:19Ces images, elles sont à la fois extrêmement difficiles à voir pour n'importe qui.
06:25On l'imagine encore plus pour ces gens-là que vous avez retrouvés.
06:28D'ailleurs, Charlotte, quand vous lui demandez est-ce que tu veux les voir, c'est la première fois qu'elle accepte de les regarder en face.
06:35Exactement.
06:36C'était aussi un peu l'enjeu du film qui était de dire, voilà, moi j'ai filmé, c'est moi qui pose les questions.
06:46Et c'est un huis clos.
06:47C'est-à-dire que ce n'est que les personnes qui étaient dans la vidéo.
06:50C'est pas l'histoire du Bataclan.
06:51C'est vraiment ces personnes-là, les survivants, parce que malheureusement il y a eu beaucoup de morts.
06:56Et donc chacun selon la réaction face aux images, mais face à leur vie aussi.
07:01C'est-à-dire ce qu'ils ont vécu ce soir-là, comment ils se sont transformés finalement en 10 ans, et qu'est-ce qui s'est passé.
07:08Et donc la personne, le témoin le plus important, était Charlotte, qui n'avait jamais témoigné, jamais voulu rencontrer un journaliste.
07:16Et là, ce qu'il se raconte, et pour la petite histoire, c'est que quand j'ai parlé longuement avec elle avant,
07:25et elle m'avait dit au bout d'une grande réflexion qu'elle était d'accord pour parler dans le documentaire,
07:30mais à la seule condition, c'est qu'on ne la voit pas.
07:32C'est qu'on ne la reconnaisse pas, qu'elle apparaisse masquée.
07:35Vous avez insisté ou c'est elle qui a finalement changé d'avis ?
07:37Pas du tout. J'avais dit ok, c'est ton choix, il y a la voix.
07:40Et le jour où elle est venue pour tourner, on avait rendez-vous un samedi il y a 14h,
07:46elle s'est installée, on a pris un café, elle m'a dit « Daniel, il faut que je te parle ».
07:50Et j'ai pensé qu'elle allait me dire « Je viens, mais je ne peux pas, parce que c'est trop dur ».
07:55Et elle m'a dit « J'ai parlé avec ma fille et mon mari ce matin, et j'ai décidé de témoigner à visage découvert ».
08:01Sa fille, ce bébé qu'elle portait alors qu'elle était suspendue.
08:05Et d'ailleurs, c'est ce qu'elle avait crié « Je suis enceinte, aidez-moi ».
08:08Elle explique d'ailleurs dans votre document qu'elle a regretté ces mots, elle a culpabilisé de jouer là-dessus.
08:13Exactement, elle est d'une sincérité et d'une force incroyable.
08:17Et elle dit qu'effectivement elle a joué sur ce phénomène qui était compliqué pour elle,
08:24parce qu'en bas il y avait des morts, elle ne connaissait pas, elle ne voyait pas ce qui se passait.
08:28Mais pour essayer qu'on l'aide, elle implorait parce qu'effectivement elle était enceinte.
08:33Elle a trouvé quelqu'un qui est venu l'aider, qui s'appelle Sébastien.
08:36Homme incroyable, tout aussi incroyable, qui a fait ce choix de retourner à l'intérieur du Bataclan.
08:41Il va être pris en otage par la suite et il a sauvé cette vie.
08:45Et je crois que tous les deux d'ailleurs ont une histoire maintenant commune, même s'ils ne se voient pas régulièrement.
08:50Mais ça a évidemment créé des liens très forts.
08:52Exactement. Ce que dit Charlotte d'ailleurs, ce qui est assez significatif,
08:57elle dit « Sébastien, je le porte en moi » comme elle portait son enfant à l'époque.
09:00Mais elle le porte parce qu'il est indissociable maintenant.
09:03Mais même s'ils ne sont pas des grands amis de tous les jours, ils ont cette relation unique.
09:09On va peut-être les écouter se raconter d'ailleurs.
09:11Écoutez cette séquence parce qu'il a fallu une force surhumaine à Sébastien pour la hisser avec un bras.
09:17Quand on voit l'image, on se demande comment ça a été possible encore dix ans après.
09:20Regardez-les et puis on en reparle juste après.
09:27Ces images, pour moi, sont importantes pour l'histoire.
09:31Parce que sans ça, ça aurait manqué de concrets.
09:37Je peux être tout à fait conscient que ça a été mal vécu par d'autres rescapés
09:41qui pensent que c'est du voyeurisme.
09:44Oui, je t'en ai voulu, mais pas à toi du coup.
09:50J'en ai voulu à la personne qui avait filmé.
09:53Mais je lui en voulais parce qu'en fait, ça m'avait volé l'annonce de ma grossesse à plein de gens qui n'étaient pas encore au courant.
10:08Le témoignage, non, fait partie de l'histoire en fait. C'est une preuve.
10:12Alors, ce n'était pas la bonne séquence, mais là, c'était au moment où vous interrogez ces témoins sur la nécessité de filmer et de montrer au monde ce qui s'est passé ce soir-là.
10:24C'est vrai que pour Charlotte, elle explique très bien.
10:26Elle n'avait pas annoncé à ses proches qu'elle était enceinte et là, d'un coup, d'un seul, le monde entier découvre ça.
10:32C'est-à-dire, oui, elle m'avait accusé, entre guillemets, de lui avoir volé une annonce.
10:38Mais elle ne m'en voulait pas à moi, comme elle le dit, elle en voulait à la personne qui avait filmé, peu importe.
10:43Et de fait, elle s'est réappropriée son image en acceptant d'abord de témoigner à visage découvert et de raconter exactement ce qui s'est passé.
10:51Elle est d'une grande sincérité, d'une grande lucidité sur ce qui se passe autour.
10:55Et donc, ça donne cette dimension de victime, mais qui n'est pas sa vie.
11:02Elle avait décidé dès le lendemain qu'elle allait reprendre sa vie, même si c'est compliqué.
11:07Et là, elle se l'a réappropriée. Elle n'est plus la femme enceinte, elle est Charlotte.
11:11Voilà, Charlotte qui, aujourd'hui, témoigne face camarade.
11:15Je crois que c'est elle qui est venue à vous.
11:17On a vu tout à l'heure un reportage qui réexpliquait comment s'est déroulé ce procès.
11:22Il y avait les victimes, les témoins qui portaient un collier vert, pour ceux qui voulaient bien répondre à la presse,
11:27et d'autres qui portaient un collier rouge pour ceux qui voulaient rester à l'écart.
11:31C'est elle qui est venue vous trouver au moment du procès ?
11:33Alors, ce n'est pas elle directement, c'est-à-dire que moi, j'ai témoigné en tant que parti civil le 19 octobre 2021.
11:39Bon, c'est un procès fleuve, ce qui a duré presque huit mois.
11:43Et donc, après ma déposition que j'ai faite avec la projection d'une partie de la vidéo
11:51que le Président avait demandé à projeter face aux accusés, aux terroristes,
11:55il y a une avocate qui est venue me voir, pardon,
11:58et qui m'a dit, écoutez, voilà, il y a Charlotte qui aimera bien vous rencontrer.
12:02Et donc, ça faisait quand même plusieurs années que je la cherchais et que je n'arrivais pas à la trouver.
12:08Et là, à un moment donné, ce jour du procès, il y a eu cette rencontre.
12:14Et on s'est vu plusieurs jours après, on s'est vu revu, expliqué, parlé, et ça a abouti à la finalité de ce film.
12:22On vous sent quand même très ému, là, je vous ai vu très ému au moment où on a revu ces images.
12:26Ce sont vos images, je pense que vous avez eu le temps de vous les approprier.
12:30Vous avez noué aussi des liens, parce que vous dites, c'est avant tout le journaliste qui s'est mis en action ce soir-là,
12:35mais c'est aussi l'homme qui a été touché dans sa chair.
12:38Je pense que vous êtes aussi allé au-delà de votre fonction de journaliste.
12:42Vous avez créé des liens avec ces victimes, victimes comme vous, finalement.
12:46Oui, mais c'est toute la question.
12:48C'est-à-dire qu'effectivement, il y a eu un réflexe journalistique, qui est mon métier, enfin, qui reste mon métier.
12:53Et donc, quand on voit une situation un peu compliquée, même que moi, je ne comprenais pas,
12:58j'ai pensé tout de suite que c'était très grave, ce qui se passait, et que les images serviraient de preuve.
13:04Vous avez les bons réflexes, comme on dit.
13:06C'était un réflexe.
13:07Après, effectivement, se pose la question, est-ce que c'est du voyeurisme ?
13:11En disant, moi, je reste derrière ma caméra, en l'occurrence le smartphone, et puis je ne sais pas ce qui se passe autour.
13:18Ça vous a été reproché, d'ailleurs, de filmer cette séquence ?
13:20Oui, on m'a accusé de voyeurisme, ce que je comprends.
13:24Je veux dire, je n'ai pas de...
13:25Après, il y a l'explication, quand même, qui est, je suis descendu sauver, secourir un homme,
13:31qui est toujours vivant, dix ans après, heureusement, et j'ai été blessé.
13:36Et si vous voulez, à un moment donné, il y a ces vingt minutes où je dis que j'ai été témoin, acteur, secouriste, victime et miraculé,
13:48parce que la balle que j'ai prise, elle devait me tuer.
13:51C'est ce film, ce documentaire, dix ans après, vous n'avez pas décidé de raconter cette histoire-là au lendemain des attentats.
13:58Vous avez décidé de raconter votre histoire à vous.
14:00Aujourd'hui, vous vous tournez vers ces témoins qui étaient à l'intérieur du Bataclan,
14:04et vous, vous avez vu leur histoire à l'extérieur de cette salle mythique.
14:09C'est quoi ? C'est une façon de terminer un puzzle ?
14:12Oui, enfin, c'est plus qu'un puzzle, c'est une boucle.
14:15Et symboliquement, cette vidéo a commencé son histoire au monde,
14:21puisque dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015,
14:24la Direction du Monde, moi je n'étais pas en étage, j'étais à l'hôpital,
14:27mais a décidé de publier sur le site du Monde cette vidéo d'une minute trente,
14:32en prenant toutes les précautions d'usage,
14:34c'est-à-dire flouter les personnes, qu'il n'y ait pas de reconnaissance.
14:37Et donc immédiatement, maintenant, on dit qu'elle serait virale,
14:41mais il y a dix ans, c'était autre chose encore.
14:43C'est très court et c'est très loin en même temps dix ans,
14:45parce qu'il n'y avait pas le même usage du smartphone.
14:48Maintenant, tout est filmé.
14:50Et donc le fait de la diffuser sur le monde,
14:53et donc au monde entier, puisque le monde entier l'a repris,
14:56et qu'elle se termine au monde maintenant aussi,
14:59parce que j'ai fait une projection au monde avec le film,
15:02avec les gens du monde, d'autres invités, et les témoins bien évidemment.
15:06C'est une boucle qui se boucle et c'est tout à fait symbolique pour moi.
15:10Pourquoi c'est cette personne ? Parce que vous n'avez pas réussi à en contacter d'autres vivantes,
15:15parce que peut-être certains n'avaient pas envie d'apparaître dans ce film ?
15:21J'en avais retrouvé dix, et dix qui étaient d'accord pour témoigner.
15:27Alors bon, c'était des modalités différentes, des approches un peu différentes.
15:33Et au dernier moment, deux ont décliné parce que tout simplement, psychiquement, ils n'arrivaient pas.
15:41Ils m'ont dit, non, non, on ne peut pas, je ne peux pas le faire.
15:44Alors qu'ils étaient prêts, on avait parlé en amont,
15:47ils m'avaient raconté leur histoire, qui s'insérait tout ça dans la vidéo.
15:51Et il y en a deux qui ont refusé, enfin trois, puisque le dernier c'est Julien,
15:56qui était un technicien qui avec sa femme était dans le Bataclan
16:00et qui a réussi à s'en sortir sans être blessé.
16:02Lui a accepté de témoigner mais pas sa femme.
16:05Mais il en parle tellement de tous les deux et on voit sa femme à l'image.
16:08Lui qui explique qu'il l'a épousé juste après les attentats.
16:11Mais quand il raconte qu'il cherchait sa femme, qu'il ne trouvait plus,
16:15et moi j'ai l'image où il dit où sa femme est dehors et qu'elle l'appelle en lui disant
16:20je suis la bébé et ils sortent et ils la retrouvent.
16:23Et donc l'articulation du documentaire c'était ça, c'était leur témoignage
16:29mais leur témoignage était appuyé par mes images.
16:31Et donc il y avait une osmose, une magie qui s'est faite.
16:35Accompagnée par vos images en l'occurrence, vous parlez de l'aspect psychisme
16:40et ça a d'ailleurs été étudié, je crois que le CNRS pour une autre chaîne
16:44pour nos confrères de France Télévisions a étudié l'évolution dans le temps
16:47pendant ces 10 ans des différents acteurs, témoins, victimes ou même de simples français
16:51qui ont regardé ces images cette soirée-là.
16:54et c'est impressionnant de voir comment les postures, les corps aussi changent.
17:00L'introduction de votre documentaire, il est saisissant.
17:03Pourquoi ? Parce qu'en fait on les voit jusque dans leur chair revivre ce moment.
17:07Certains qui coupent le son, d'autres qui carrément arrêtent la séquence.
17:10Exactement. Non, c'est très violent parce que c'est se replonger.
17:13Il y a ceux qui l'ont vécu mais ce qu'il faut voir aussi c'est tout l'environnement
17:17et tout le monde, que ça soit en France et y compris dans le monde,
17:21comme on s'en rappelait très bien où on était le 11 septembre 2001,
17:25là on savait très bien parce que ça a impacté tout le monde le 13 novembre
17:29parce que tout un chacun aurait pu être au Bataclan, sur une terrasse pour manger un dîner
17:35ou d'être au Stade de France avec ses enfants.
17:37Donc tout le monde y a échappé et tout le monde a été impacté.
17:40Et le psychisme se joue là-dessus, c'est-à-dire que quelques hommes,
17:44un commando a semé la terreur et a essayé de diviser la France,
17:50notre façon de vivre, notre façon d'avoir du plaisir tout simplement.
17:54Et là, ça a touché tout le monde et c'est vrai que c'est très important
17:57par rapport à ceux qui étaient à l'intérieur, bien évidemment,
18:00mais ceux qui étaient à l'extérieur et qui étaient aussi sidérés.
18:04Justement, une question, alors pas aux journalistes et aux réalisateurs que vous êtes,
18:09mais à l'homme qui a vécu tout cela au premier plan.
18:13Finalement, comment ça va, disons, après ?
18:15Je vais dire que ça va bien parce que j'ai quelques étapes.
18:19Il y a les quelques mois qui ont suivi le 13 novembre qui sont très délicats
18:23parce qu'il y a des blessures, il y a des séquelles, il y a des soins.
18:27Vous avez été blessé au bras, donc touché par une balle des terroristes.
18:31qui m'a traversé le bras, qui a été tiré par un des deux terroristes qui restaient.
18:35Donc, il y a des séquelles.
18:37Et simplement, c'est qu'après, c'est vite remonté sur le cheval, comme on dit.
18:42C'est-à-dire, on reprend.
18:43J'ai repris mon travail de journaliste.
18:45Et l'étape fondamentale, ça a été le mois d'octobre 2021.
18:50Et je pense pour beaucoup...
18:51Le procès.
18:52Le procès.
18:53C'est-à-dire que je suis allé déposer tout ce que j'avais à dire.
18:56Je l'avais préparé.
18:57Et comme dit Sébastien dans le film, déposer, ça porte bien son nom.
19:01C'est-à-dire, on dépose.
19:02Et moi, ce que j'ai déposé, ça m'a débarrassé.
19:05On dépose, on ferme le livre et puis ça y est, fini ?
19:07Voilà.
19:08Ce n'est pas fini, bien évidemment, parce que des séquelles de la blessure,
19:11bien sûr, il y a toujours des douleurs qui vous rappellent d'où ça vient.
19:14Mais simplement au niveau « psychique », et même sans guillemets,
19:19moi, je suis passé à autre chose.
19:21Mais tout en étant, effectivement, dans la mémoire.
19:24Et le travail sur mon documentaire, c'est aussi un travail de mémoire.
19:27Vous, vous ne faites pas partie de ceux qui sont encore hantés par des images,
19:31en l'occurrence les vôtres.
19:32Parce que là, c'est vrai qu'à l'écran, les visages sont floutés.
19:37On ne peut qu'imaginer ce qui se passe dans cet amas de corps qui est au sol.
19:40Il y a beaucoup de sons.
19:42Je crois que ceux qui l'ont vu, vous, en l'occurrence, racontent un carnage, une boucherie.
19:47Oui.
19:48Enfin, pour moi aussi, c'était d'autant plus fort qu'il faut bien préciser
19:52que je ne suis pas reporter de guerre.
19:54Je n'ai jamais couvert une guerre en tant que journaliste.
19:56Aucune habitude de réflexe, tout simplement.
19:59Et donc là, j'ai découvert la guerre qui est venue en bas de chez moi.
20:03Ce n'est pas moi qui suis allé faire la guerre, enfin couvrir la guerre.
20:05Et effectivement, il y a des sons, il y a des images,
20:09il y a des cris, il y a de la fureur.
20:12C'est-à-dire que ça va tellement vite.
20:14Et en même temps, c'est tellement étalé dans le temps.
20:16Parce qu'on pense que quelques minutes, ça dure des heures.
20:19Et en fait, tout va très vite.
20:21Et y compris en filmant, il y avait tellement de choses à filmer.
20:25Enfin, de ce que je voyais pour rendre compte que c'était à 180 degrés à tous côtés.
20:29Et dans ce cadre-là, bon, on essaye un peu de tenir son calme,
20:34en ne sachant pas très bien d'ailleurs ce qui se passe, mais de rendre compte.
20:38Et ça, c'était très important d'avoir cette démarche.
20:40Vous avez fait deux films.
20:42Ce sera le dernier, celui-ci, Vendredi Noir.
20:45On connaît des associations comme Life of Paris, par exemple,
20:47qui vont être dissoutes à l'issue de cette journée.
20:49Et qui disent, voilà, dix ans, ça suffit.
20:51On ne va pas rester dans la posture de victime comme ça toute notre vie.
20:55Je pense que c'est raisonnable.
20:56Et pour moi, c'est fini aussi.
20:58Enfin, c'est fini.
20:59Bien évidemment, ce ne sera jamais fini.
21:00Mais au niveau documentaire, j'ai tout dit.
21:03Enfin, je pense avoir tout dit.
21:04À moins que dans une enquête, je découvre quelque chose de nouveau,
21:08notamment sur les commanditaires.
21:10Enfin, tout ça n'a pas été tout à fait éclaircé malgré le procès.
21:13Et donc, on peut penser qu'il y a d'autres choses qui traînent.
21:16Mais d'un point de vue d'information et d'implication,
21:22pour moi, j'ai raconté mon histoire.
21:24J'ai raconté l'histoire des autres.
21:26Maintenant, c'est à la mémoire de faire son travail aussi.
21:29Voilà.
21:30Et c'est ce que vous transcrivez dans votre document.
21:33C'est que chacun a son histoire dans l'histoire.
21:36On vient de parler de Sébastien et Charlotte, mais il y en a d'autres.
21:38Il y a par exemple Magali qui, avec son conjoint aussi,
21:40qui s'est fait tirer une balle dans la jambe.
21:42Ils étaient ensemble au moment des faits.
21:43Ils ne le sont plus aujourd'hui.
21:44Ils n'ont pas vécu les choses de la même façon.
21:46Exactement.
21:47Et c'est des drames humains en même temps.
21:49Le terrorisme a révélé beaucoup de choses.
21:52Et notamment dans le cadre de Magali et Rubens, qui étaient son compagnon.
21:57Ils étaient ensemble dans la vie.
21:59Et comme dit Magali, les balles nous ont séparés.
22:01C'est-à-dire qu'ils n'ont plus vécu au même rite.
22:03Ils n'ont plus vécu ensemble ce drame.
22:06Vécu trop différemment, peut-être.
22:09On a des images en direct de l'hommage qui est en train de se préparer.
22:14C'est la prochaine étape devant la terrasse de la Bonne Bière.
22:17Et ça va s'enchaîner comme ça jusqu'au Bataclan.
22:19A priori, jusqu'à 14h30, on retrouvera nos équipes devant le Bataclan,
22:22qui sera un peu le point culminant, évidemment, de cette cérémonie d'hommage.
22:28Avant de retrouver ce soir, évidemment, nos équipes pour un grand hommage en musique,
22:33aux côtés du chef de l'État notamment.
22:35Est-ce que vous y serez d'ailleurs ce soir ?
22:37Non, je n'y serai pas.
22:38Pourquoi ?
22:39Vous n'en ressentez pas le besoin ?
22:41Je n'ai pas le besoin, exactement.
22:43Je pense que c'est nécessaire d'y aller.
22:45J'ai d'autres rendez-vous pour parler aussi.
22:48Ce qui est important, je pense aussi, de porter la parole.
22:51Notamment à l'étranger, il y a beaucoup de vos confrères et d'autres chaînes étrangères
22:56qui veulent savoir, qui veulent comprendre, qui ne sont peut-être pas sur Paris.
22:59Et je pense que c'est utile de répandre cette mémoire et ce souvenir.
23:02Et donc, moi, je n'y serai pas, mais c'est aussi un choix.
23:05Mais vous comprenez l'importance de commémorer comme ça, étape par étape,
23:09et sur chacun des sites qui avaient été visés.
23:11Ça avait commencé à Saint-Denis.
23:13On a notamment témoigné de sentiments très forts aujourd'hui des oubliés de Saint-Denis.
23:17Exactement.
23:18Ceux qui s'y mettent moins considérés que ceux du Bataclan.
23:20C'est important de permettre à chacun de s'exprimer dans cette journée commémorative.
23:24Oui, je pense que ni oubli ni pardon, de toute façon.
23:29Et l'oubli ne doit jamais se faire.
23:31C'est-à-dire qu'effectivement, le 13 novembre, ce n'est pas que l'attentat du Bataclan.
23:36C'est les attentats, le Stade de France, les terrasses et le Bataclan.
23:40Et donc, c'est une attaque contre Paris, contre la France.
23:44Mais simplement, c'est que le souvenir, la mémoire va prendre le relais maintenant sur les commémorations.
23:51Ça serait une date très importante pour tout le monde.
23:54Tous les ans, on pourra la commémorer.
23:56Mais je pense que c'est bien, par exemple, pour Life for Paris de dissoudre.
24:01Il y a une raison d'être, mais enfin, qui est différente.
24:05Et après, de travailler sur la mémoire avec les adolescents, les enfants qui n'ont pas connu ça,
24:12et de leur dire que ça existait et on est là pour en témoigner.
24:15Ça, je crois que ce sera le rôle du musée mémorial du terrorisme, qui est censé ouvrir en 2029-2030.
24:21C'est un projet, en tout cas, il existe, il est posé.
24:26Je vous laisse peut-être le mot de la fin, Daniel Psenny.
24:28Je vous remercie d'avoir consacré autant de temps à cette histoire, au film, à cette mémoire aussi qui s'ouvre maintenant.
24:36Et je pense que de votre diffusion à travers le monde aussi, ça permet aussi de montrer qu'en France, il y a une unité qui a été ressoudée.
24:46Merci beaucoup, Daniel Psenny, d'être passé par le plateau de Paris Direct.
24:50Vendredi Noir, qui sera donc diffusé sur nos antennes à 22h10 ce samedi.
24:54Accessible en ligne, évidemment, sur nos plateformes dès demain.
24:59Je vous invite évidemment à le voir, le témoignage vibrant, poignant de sept témoins de cette soirée-là,
25:06des attaques du Bataclan en partie de ces images, celles que vous aviez tournées,
25:10cette jeune femme dont on connaît désormais le nom, Charlotte, qui s'était suspendue enceinte et qui appelait à l'aide.
25:15Merci d'avoir été avec nous, on continue évidemment à vous faire vivre cette journée commémorative en direct sur nos antennes.
25:21Restez à nos côtés.
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