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  • il y a 3 semaines
Avec Jean-Pierre Vouche, psychologue arrivé le 13 novembre au Bataclan pour prendre en charge les victimes avant même la fin de la prise d’otage

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##ACTU_DU_JOUR-2025-11-13##

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Transcription
00:00Mais le soir du 13 novembre 2015, plusieurs psychologues sont dépêchés en urgence pour prendre en charge les victimes.
00:06C'est le cas de Jean-Pierre Vouches.
00:07Ce soir-là, il est envoyé par la direction municipale de Gennevilliers de la Santé et de la Prévention avec une équipe d'intervention rapide, la BRI.
00:14Il sera l'un des premiers, voire le premier psychologue à être confronté à la douleur et à la panique des victimes.
00:19Il est notre invité. Bonjour Jean-Pierre Vouches et merci d'être avec nous sur Sud Radio.
00:24Bonjour à tous.
00:25Bonjour Jean-Pierre Vouches.
00:26Question préalable. Autrefois, quand il y avait des tragédies, il n'y avait pas d'assistance psychologique.
00:32À quel moment de l'histoire, les pouvoirs publics ont considéré qu'il était important, quand il y avait un traumatisme de ce genre,
00:37qu'on envoie un professionnel, un praticien, pour assister les gens dans leur traumatisme ?
00:45Alors c'est assez récent et c'est le général Croc qui, suite à des interventions au Liban, a généralisé ça en France.
00:52Il a monté d'ailleurs des cultes. Moi, j'étais un peu en parallèle avec des structures municipales pour le même type de job, avec des coordinations avec eux et les services de santé.
01:03On est d'accord que c'est essentiel parce qu'il y a des gens qui disent « Oh, est-ce qu'il y a vraiment besoin quand on est à ce point éprouvé ? »
01:09Est-ce que ça change quelque chose d'avoir quelqu'un qui vient vous parler ? Je pense que oui, évidemment.
01:14Écoutez, oui. Et les premières personnes que j'ai pu aider étaient un policier de la BRI qui a pris une balle dans la main.
01:23Donc il était en situation de fragilité, de douleur.
01:26Et le temps que je puisse le remettre à ses collègues et puis au service santé de la PHP, j'ai pu l'accompagner.
01:37Donc c'est bien l'épreuve que des hommes en arme et pourtant, je dirais, rodés, que ce soit le RAID ou la BRI,
01:44il y a besoin d'une assistance.
01:45Ceux-ci, d'ailleurs, tous le disent, ça a été une épreuve très dure pour eux.
01:48Et même encore à deux heures du matin, j'en voyais qui était l'alarme à l'œil.
01:53Et puis, je pouvais converser avec eux, ainsi que donc les victimes et tous les travailleurs.
01:58Moi, j'ai vu également des jeunes pompiers qui étaient effondrés.
02:02Donc il y avait vraiment besoin d'un accompagnement psychologique.
02:06D'ailleurs, ça a duré pour moi une semaine.
02:09Je me suis occupé également de la famille de Grégory Rebenberg qui tenait la belle équipe
02:14et qui a perdu sa femme et huit personnes de son personnel.
02:17Et il a fallu annoncer à la petite fille de huit ans que sa maman avait été agressée,
02:24était décédée dans cet assaut.
02:26Donc oui, c'est des éléments importants.
02:29Et la preuve, c'est que dix ans après, j'ai encore sept personnes en suivi psychologie.
02:33Jean-Pierre, oui, je vais vous poser une question évidente.
02:36Vous avez été au cœur de l'action.
02:39Vous interveniez alors que la prise d'otage n'est pas terminée.
02:41Donc vous avez vous aussi vécu cette situation, cette tragédie du 13 novembre 2015
02:46en direct, in situ, au milieu des êtres humains éprouvés, effondrés.
02:52Vous-même, est-ce qu'il y a un psychologue, des psychologues ?
02:55On vous laisse seul après ?
02:57Vous avez vécu toutes les tragédies, vous avez recueilli la souffrance,
02:59vous avez recueilli le désarroi, la panique, le chagrin, la peur, la douleur.
03:04Et vous êtes là, en médecin, le dernier, j'allais dire, le dernier sauveteur.
03:09Vous êtes là, mais personne ne va s'occuper de vous après.
03:12Donc vous avez une force en vous qui fait que non seulement vous pouvez encaisser
03:15ce que vous subissez, ce que vous vivez, ce que vous partagez,
03:18et vous êtes quand même à l'écoute, à l'assistance de l'autre, du prochain.
03:22Écoutez, oui, d'abord on fait un travail d'équipe,
03:25et d'autre part, moi j'ai un superviseur.
03:28Il s'appelle Jean-Pierre Winter.
03:30Et lui, quels que soient les lieux que j'intervienne,
03:33Afghanistan, Ukraine, Gaza, ou sur les attentats,
03:36je sais que je peux compter sur lui à tout moment
03:39pour avoir un suivi et pouvoir un peu décharger,
03:42je dirais, le tsunami émotionnel que j'ai pu également encaisser.
03:46Évidemment.
03:46C'est vrai que moi j'ai découvert avec le temps
03:48que j'avais ces capacités de pouvoir travailler dans des situations extrêmes
03:52et avec la mort, voire même des menaces de mort pour moi,
03:56ça a déjà arrivé, mais j'ai cette particularité
03:59et c'est ce qui m'a permis d'intervenir dans des lieux très divers,
04:03que ce soit les lieux d'attentats, mais également à l'étranger,
04:07en zone de guerre.
04:08Vous êtes intervenu sur d'autres attentats, Jean-Pierre Vouches ?
04:12Alors, j'ai participé au suivi pour les attentats de Nice,
04:17mais aussi en Angleterre.
04:19Est-ce que c'était des attaques au couteau ?
04:22Oui.
04:23J'ai une question au sujet de ce soir du Bataclan.
04:27Lorsque vous êtes parti avec la BRI, vous ne saviez pas sur quoi vous alliez tomber.
04:31Les membres de la BRI ne savaient pas non plus.
04:33Personne n'était prêt à voir ce qu'ils allaient voir.
04:36Vous, vous n'aviez pas le droit à la sidération ?
04:39Parce que quand on est psychologue, j'imagine qu'on doit garder une sorte de distance
04:43et être capable de venir en aide immédiatement.
04:46Ça va pour plusieurs métiers, bien sûr, de soins, d'accompagnement, etc.
04:49Quelle a été votre réaction lorsque vous êtes arrivé devant le Bataclan, Jean-Pierre Vouches ?
04:54Alors, écoutez, d'une part, moi j'étais informé,
04:57parce que je travaillais à l'époque, je faisais les formations de policiers,
05:02à comment accompagner des victimes, mais aussi des entretiens avec des criminels.
05:05Et la préfecture, via le Quai des Orphèves, m'a appelé en disant
05:10« Jean-Pierre, on a besoin de toi et de ton équipe, il faut venir, on est en zone de guerre. »
05:15Donc déjà, la préfecture avait conscience de la situation.
05:19Et moi, le temps de prendre mon véhicule et de me rapatrier à quelques mètres du Bataclan,
05:24j'ai été reçu par un commandant, mais j'étais déjà au courant de la situation.
05:28Et il a détaché tout de suite quatre personnes, on va les appeler des ninjas,
05:33des derniers mois, pour pouvoir intervenir.
05:36Parce que tous les services pompiers, ambulanciers, ils étaient à 400 mètres de Bataclan, vers Oberkampf.
05:42Mais non, il n'y avait pas de soucis, j'étais préparé psychologiquement.
05:47Quelles sont les différentes attitudes de l'être humain dans ces circonstances ?
05:50Vous les avez tous vues.
05:51Il y a celui qui résiste, celui qui ne dit rien, celle qui encaisse,
05:55celui qui s'effondre, celui qui immédiatement se jette dans vos bras comme un secours,
06:00et puis ceux qui, par pudeur, ne vont rien dire.
06:02Il y a des attitudes et des comportements différents.
06:06Oui, ils sont très variés.
06:07Alors il y a déjà les comportements de stupeur,
06:09les personnes sont complètement figées, un peu comme une statue.
06:14On peut parler sidération ?
06:16Oui, c'est une sidération avec les yeux grands ouverts,
06:20et même si on essaye de parler, ils n'arrivent pas à sortir une parole,
06:24tellement ils sont cadossés.
06:25Choqués, choqués.
06:26Alors ça, c'est une partie.
06:28D'autres arrivent à mieux tenir, mais ça tient, c'est fragile.
06:33Et ils vont décompenser en différé.
06:36Donc, et pourquoi ils décompensent en différé ?
06:39C'est que sur le moment, ils savent qu'ils ne pouvaient pas,
06:41ils ne peuvent pas tenir une posture dépressive,
06:43parce qu'ils vont s'effondrer totalement.
06:45Donc ils attendent d'être mieux pour pouvoir réaborder la situation et le choc,
06:49mais plus tard.
06:50Donc ça, c'est une partie.
06:52Vous avez des gens qui sont complètement effondrés et qui pleurent sans arrêt,
06:55que ce soit des survivants.
06:59Mais bon, j'ai accompagné aussi une personne,
07:02une personne de 20 ans qui avait pris une balle dans l'œil et qui est décédée.
07:05Je l'ai accompagnée dans les derniers instants.
07:07Elle, elle ne parlait plus.
07:08Elle était également dans un état de choc.
07:11Et puis la seule chose, c'était d'avoir des paroles réconfortables.
07:13Ah oui, vous n'avez pas seulement soigné les traumatismes,
07:17vous avez soigné des gens qui avaient été mortellement atteints dans leur chair,
07:20qui étaient en train de mourir.
07:22Oui, bien sûr.
07:23Vous avez assisté à ça ?
07:23Oui, j'étais à genoux, à côté de Brancardier,
07:28avec des pompiers et des centres de PHP,
07:31qui étaient en train d'effectuer les premiers soins.
07:33Et moi, je m'occupais, au niveau du suivi psy,
07:37de l'accompagner, de lui parler,
07:38pendant qu'on était en train de lui mettre des perfusions.
07:41Voilà, donc la personne avait pris plusieurs balles.
07:45Oui, oui, donc là, c'est un travail d'équipe.
07:47Et on a eu une très, très bonne collaboration avec tous les services.
07:50Moi, j'étais demandé de partout.
07:52Et mon travail a duré une semaine.
07:54Je ne suis pas rentré chez moi,
07:55puisque j'ai habité chez Grégory Rebenberg
07:57pour suivre la famille
08:00et puis d'autres personnes qui demandaient à me revoir.
08:03Surtout des pères qui avaient des enfants
08:06et qui ne savaient pas comment présenter aux enfants
08:10que la mère était décédée dans le Bataclan.
08:13Mais vous vous rendez compte ?
08:14Vous vous rendez compte ?
08:15Alors, il y a eu en compte de suicides, de victimes.
08:19Ça veut dire que même longtemps après,
08:22on est tellement éprouvé,
08:23le choc est tellement violent qu'on ne s'en remet pas ?
08:25Oui, c'est un tsunami émotionnel.
08:29Et moi, je vois que des gens qui ont eu des répercussions professionnelles,
08:34amoureuses aussi,
08:36qui n'ont pas pu tenir une relation
08:37et qui ne supportaient plus leurs enfants quand ils criaient, etc.
08:41Donc, ça engendre des grands drames.
08:43Et sur les années qui ont suivi,
08:45et même maintenant,
08:46j'ai encore, parmi les sept personnes,
08:48des gens qui ont en effet été dans des états dépressifs
08:52très longtemps, même avec médicaments,
08:54mais qui ont encore des terreurs nocturnes, des insomnies
08:58et qui revoient les scènes de violence et de l'attentat.
09:03Jean-Pierre Vouches,
09:05ça fait dix ans que ces attentats ont lieu.
09:07Vous m'avez dit quelque chose de très touchant ce matin dans nos échanges.
09:10Je suis un homme de l'ombre et qui pense tout le temps à eux.
09:14Ça vous suit, j'imagine, tous les jours.
09:16Comment on vit avec ça, même en tant que psychologue,
09:19même après avoir été accompagné ?
09:20Et vous qui accompagnez encore certaines victimes,
09:22certains rescapés du Bataclan ?
09:24Bah oui, ça fait partie de ma vie.
09:27Donc ma vie, c'est bien sûr d'avoir accompagné,
09:31de savoir qu'il y a des gens qui se sont remis
09:33et d'autres qui ont encore besoin d'aide.
09:35Donc ils ont encore un genou à terre.
09:37J'essaye de les relever.
09:38Bien sûr qu'au niveau émotionnel, c'est toujours fort.
09:41Ils font partie aussi maintenant de ma vie.
09:43C'est vrai que...
09:45Alors je ne vais pas le claironner,
09:46j'en parle presque pas à mes proches.
09:49Je garde ça pour moi.
09:50Jean-Pierre Vouches...
09:51Ça fait partie de mon humanité.
09:53Jean-Pierre Vouches, est-ce que vous avez eu une reconnaissance
09:55au même titre que les policiers ?
09:57Vous avez joué un rôle héroïque également.
09:59Il y a eu une reconnaissance ou non ?
10:01Je n'ai pas dit que vous l'ayez réclamé,
10:03mais je vous demande, est-ce que vous avez eu un geste
10:05à un moment donné de l'autorité en vous félicitant,
10:08en vous remerciant.
10:08Non, je n'ai pas eu de reconnaissance particulière.
10:12D'autre part, je ne la cherchais pas.
10:14La reconnaissance, c'est les gens que vous avez secourus.
10:16Je pense à une femme qui était juste en corsage,
10:19qui avait tout abandonné.
10:20Je lui ai donné mon parca, elle est partie avec.
10:24Elle m'a dit, je vous le redonnerai.
10:25Elle m'a passé un coup de fil.
10:26Je lui ai dit, non, gardez-le en souvenir.
10:28Voilà, c'est des choses frappantes comme ça.
10:30Mais elle n'avait pas d'argent.
10:31Je lui ai donné de l'argent pour qu'elle puisse prendre le train
10:33et puis réconforter ses parents.
10:35Voilà, c'est des choses comme ça.
10:36Ça nous marque dans notre chemin de vie.
10:40Et c'est pour ça que je disais ce matin,
10:42oui, ils font partie toujours de mon humanité.
10:45Comme le commandant Massoud, avec qui j'ai travaillé,
10:48j'étais un rescapé de l'attentat.
10:50Bon, tous ces êtres-là, ils sont en moi.
10:52Mais moi, je suis une force de vie.
10:54J'ai de la couleur dans la tête et j'ai du soleil.
10:57Vous êtes un grand humain.
10:58Je ne sais pas si cette qualification...
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