- il y a 10 heures
Olivier Wieviorka, historien, professeur à l’Ecole normale sup Paris-Saclay, co-directeur de “Les lieux mondiaux de l’histoire de France” (Perrin) et Marie-Bénédicte Vincent, historienne, spécialiste de l’Allemagne au XXe siècle, auteure du chapitre “Baden-Baden” dans l’ouvrage d’Olivier Wieviorka.
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Et dans le grand entretien avec Benjamin Duhamel, nous recevons deux historiens en ce matin du 11 novembre
00:06pour parler de l'histoire de France au-delà de nos frontières.
00:10Vos questions et réactions au 01 45 24 7000 et sur l'appli Radio France.
00:15Bonjour Olivier Vievorca.
00:17Bonjour.
00:17Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter.
00:19Vous êtes spécialiste de la seconde guerre mondiale, professeur à l'école normale supérieure Paris-Saclay
00:24et vous co-dirigez cet ouvrage collectif qui vient de sortir chez Perrin,
00:27les lieux mondiaux de l'histoire de France.
00:31Bonjour Marie-Bénédicte Vincent.
00:32Bonjour.
00:33Merci d'être avec nous.
00:34Vous êtes spécialiste de l'Allemagne, professeur à l'université de Besançon et de l'Allemagne.
00:39Il en est question, on parlera dans un instant, notamment de Baden-Baden
00:42et de cette fuite du général de Gaulle fin mai 68.
00:46Alors on va parler avec vous de ces lieux qui ont façonné notre histoire et notre identité.
00:51Théâtre de bataille, Marignan-Waterloo, Dien Bien Phu, témoins de l'Empire colonial
00:55comme la cathédrale d'Alger ou bien repoussoir comme Munich et ses accords de 1938.
01:01Pourquoi, Olivier Villévorca, ce nouveau prisme ?
01:04Après avoir consacré un ouvrage au lieu de l'histoire de France,
01:08la carte n'était pas complète sans l'étranger ?
01:10Non, la carte n'était pas complète.
01:12Nous avions envie de présenter à un public éclairé
01:18au fond des lieux qui, à l'étranger, ont contribué à façonner l'histoire de France.
01:24Ce qui veut dire que cette histoire de France, elle s'est construite bien évidemment
01:27dans les frontières de l'Hexagone, mais qu'elle s'est construite également à l'extérieur.
01:32Et donc un certain nombre de sites, de lieux sont emblématiques.
01:35Nous avions très envie de parler des lieux parce qu'ils nous parlent.
01:38Et aussi, c'est une lapalissade parce qu'on peut les voir.
01:41Donc, effectivement, la statue de la liberté, l'Institut Pasteur au Vietnam, etc.
01:49Ce sont des lieux qui disent beaucoup de notre histoire,
01:52qui sont encore présents et que l'on peut voir.
01:53C'est quoi un lieu mondial de l'histoire de France ?
01:56Est-ce que c'est un lieu où l'histoire a basculé ?
01:59Un lieu avec une charge symbolique, mémorielle, traumatique, glorieuse, particulièrement forte ?
02:05Ça dépend. Un lieu peut être un lieu juste symbolique,
02:09comme par exemple la devise du drapeau brésilien.
02:13Oui, on va y revenir.
02:14Là, on est dans le symbole.
02:15On peut être dans des lieux où, effectivement, l'histoire bascule.
02:18C'est le cas de Waterloo.
02:19On peut dire vraiment que Waterloo, c'est une bataille décisive,
02:23comme beaucoup de généraux en rêve, pas Napoléon.
02:26Et puis, ce sont des lieux aussi où se façonnent des imaginaires.
02:30Et là, c'est Sainte-Hélène où Napoléon va sculpter sa légende.
02:33On va revenir sur tous ces lieux.
02:33Et oui, on va effectivement prendre point par point,
02:35parce qu'il y a un certain nombre d'exemples qui sont fascinants.
02:38Vous rentrez dans le détail.
02:39On apprend aussi beaucoup de choses sur ces lieux que l'on croit connaître,
02:42que peut-être certains ont eu la chance de voir.
02:44Marie-Bénédicte Vincent, sur cet intérêt pour l'histoire,
02:48pour l'historiographie, pour les passionnés aussi,
02:52de compléter leur vision de l'histoire avec ces lieux hors de l'Hexagone.
02:58Oui, il y a beaucoup de choses qui sont passionnantes.
03:00D'abord, un lieu, il y a plusieurs échelles possibles.
03:02Dans le livre, on a des monuments, on a des villes entières,
03:06et on a, comme le disait Olivier Viverka, des symboles.
03:09C'est aussi, dans ces lieux de mémoire,
03:12l'idée qu'une partie de l'histoire de France se joue,
03:15qui n'est pas forcément des relations internationales,
03:18comme ça vient d'être dit,
03:18parce que ça pourrait être la première entrée.
03:22On se dit, oui, les relations internationales peuvent se jouer à l'étranger.
03:24Donc là, on a des entrées qui concernent l'histoire culturelle,
03:27mais aussi l'histoire de la politique intérieure française.
03:31Oui, parce que c'est aussi intimement lié à l'histoire de l'Empire colonial français.
03:35Et vous, en tant qu'historien, vous vous rendez sur ces lieux ?
03:37Vous qui avez l'habitude de travailler avec des archives, essentiellement.
03:41Là, c'est une mémoire qui est encore vivante, une histoire qui est encore vivante ?
03:44Alors, pour certains lieux, oui.
03:46Lorsqu'on va à Montréal et qu'on voit le balcon, c'est absolument extraordinaire.
03:49Le balcon du général de Gaulle.
03:50Le balcon où le général de Gaulle clame « Vive le Québec libre ».
03:54Ensuite, vous avez des lieux qui font rêver.
03:56J'adorerais aller à Sainte-Hélène.
03:57D'autant que l'auteur Thierry Lenz, président de la Fondation Napoléon, y va souvent.
04:02Et que vous avez trois semaines de bateau.
04:03Et je dis, mais qu'est-ce qu'on fait sur ces trois semaines ?
04:05Je joue au domino avec le capitaine.
04:07Ça fait rêver.
04:07Encore une nuance que vous faites et que Pierre Nora fait entre la différence entre lieu d'histoire et lieu de mémoire.
04:15C'est quoi la différence entre un lieu d'histoire et un lieu de mémoire ?
04:18On peut avoir des lieux de l'histoire où l'histoire bascule, où l'histoire se produit, mais qui n'ont pas façonné un imaginaire.
04:26Et on a des lieux de mémoire qui sont des lieux historiques, où d'ailleurs, parfois, il a pu ne rien se passer,
04:33mais qui restent extrêmement présents dans l'imaginaire, dans la culture.
04:38Donc voilà la différence entre histoire et mémoire.
04:40Alors, vous avez choisi un certain nombre de batailles gagnées ou perdues par la France.
04:45Ça commence avec Hastings, victoire de Guillaume Leconquérant contre les Anglais en 1066.
04:50C'est un affrontement qui est reconstitué chaque année en Angleterre,
04:54mais qui n'atteindra jamais le niveau de passion provoqué par une autre bataille.
04:59Une défaite, celle-là, c'est Waterloo, presque 800 ans plus tard.
05:02C'est un désastre militaire pour Napoléon, battu par les Prussiens et les Anglais en Belgique.
05:06Pourquoi est-ce qu'on préfère Waterloo à Hastings ?
05:10Pourquoi on est aujourd'hui encore fasciné par une défaite ?
05:13Alors, je pense qu'on est fasciné par la défaite de Waterloo, tout simplement parce que Napoléon fascine.
05:19L'aventure napoléonienne est absolument hallucinante,
05:22parce que Napoléon, c'est le conquérant, c'est le stratège de génie,
05:26c'est le général absolument incroyable, mais c'est aussi le bâtisseur.
05:29C'est incroyable tout ce que la France encore contemporaine doit à Napoléon.
05:35Mais c'est également en Europe, à la fois le tyran, le despote,
05:39mais c'est aussi l'homme qui a affranchi.
05:41Donc vous avez cette ambivalence.
05:43Et cette ambivalence, elle se situe notamment à Waterloo,
05:47où l'Empire a basculé.
05:49Mais ce qu'il y a de fascinant, c'est que Waterloo,
05:51par la grâce du verbe napoléonien,
05:55par les mémoires qui ont été recueillies à Sainte-Hélène,
06:00est presque devenue une victoire française,
06:03parce que Napoléon à Sainte-Hélène a transcendé,
06:06dans une certaine mesure, ce traumatisme, cette défaite.
06:10Et donc, lorsque vous avez des touristes qui vont à Waterloo,
06:13beaucoup croient que c'est une victoire française.
06:17Donc on est dans un lieu de mémoire tout à fait paradoxal.
06:20Marie-Bénédicte Vincent, pour reprendre le parallèle
06:22que faisait Florence il y a quelques instants
06:23entre la bataille de Hastings et Waterloo,
06:27est-ce qu'il y a aussi, quand on parle davantage de Waterloo
06:29que de 1066 et de la victoire de Guillaume le Conquérant,
06:32quelque chose d'une forme de tendance française
06:35à préférer parler des débâcles qu'à célébrer les victoires,
06:39même si elles sont beaucoup plus lointaines ?
06:43Je ne sais pas s'il y a une tendance française.
06:45Pour moi, le lieu de mémoire, c'est aussi un lieu
06:49qui reste une référence culturelle partagée par beaucoup.
06:52Je pense que ça, c'est un élément à prendre en compte
06:53et pas seulement chez les spécialistes.
06:55Or, dans les exemples qui ont été évoqués là
06:58et puis dans les entrées du livre,
06:59je pense qu'on est sur des entrées qui parlent à tout le monde.
07:02Et pour moi, c'est ça, le lieu de mémoire.
07:05Alors ensuite, que ce soit une défaite ou une victoire,
07:07je dirais, il n'y a pas forcément de tropisme français vers l'abîme.
07:10Il ne faut pas non plus...
07:11Il y a ça dans le lieu de mémoire et puis il y a aussi la mémoire aujourd'hui.
07:16C'est plus difficile quelquefois dans certains lieux
07:18qui peuvent être associés soit au passé impérial de la France,
07:24soit effectivement à un passé plus sombre.
07:26Mais elle existe.
07:27Et si vous allez aujourd'hui à Munich,
07:29le passé nazi de Munich,
07:32qui est quand même un passé brun,
07:35pour reprendre les couleurs de l'uniforme des nazis,
07:39un passé noir on pourrait dire si on prend un vocabulaire français,
07:41est aujourd'hui présent.
07:44C'est-à-dire qu'il a été inauguré cette année
07:47le NS-Doku Centrum,
07:50qui est un centre de mémoire grand public
07:52pour parler de cette capitale du régime nazi,
07:56enfin du parti nazi.
07:57Donc c'est une mémoire qui est aujourd'hui active
08:01et qui doit être partagée.
08:02Alors on va en reparler de Munich,
08:05mais d'abord il y a un autre chapitre sur Napoléon dans le livre,
08:08c'est Longwood, sous titre « Une curieuse moisissure »
08:12signée Jean-Paul Kaufmann.
08:13Longwood, c'est Sainte-Hélène,
08:15c'est la résidence de Napoléon exilé en plein milieu de l'Atlantique Sud
08:20sur cette île britannique.
08:23Après la défaite de Waterloo dont on vient de parler,
08:25c'est un lieu de désolation
08:26qui va enrichir le mythe napoléonien,
08:30c'est là qu'il est mort.
08:31Ça aussi, c'est un lieu sombre de l'histoire de France.
08:35Alors c'est un lieu sombre et c'est un lieu lumineux,
08:37c'est un lieu sombre parce que Napoléon
08:39est quand même un peu en dépression, on peut le dire.
08:43Il passe son temps à ruminer
08:44et à refaire la bataille de Waterloo,
08:46la bataille de Waterloo qu'il a perdue.
08:48Mais dans le même temps, il est entouré par des fidèles
08:52que l'on surnomme les quatre évangélistes,
08:54le plus célèbre étant l'ASCASE,
08:56qui vont recueillir la parole après la légende napoléonienne.
08:59Et qui vont construire la légende napoléonienne.
09:01Pourquoi ? Parce que Napoléon,
09:03il est sur ce tout petit rocher, 122 km²,
09:06le climat est meilleur que ce que l'on dit,
09:08même si vous avez de l'humidité.
09:10Mais bon, Napoléon est corse,
09:12donc il supporte mal effectivement les températures,
09:15le climat, mais il va sculpter sa légende
09:17et il va au fond inverser.
09:20Inverser, pourquoi ? Parce que même les Britanniques
09:23vont finalement être admiratifs de la geste napoléonienne.
09:28Et lorsqu'il s'éteint, au fond,
09:29Napoléon a construit sa légende.
09:31Ce qui explique, c'est pas simplement qu'il a construit sa légende,
09:34que le Second Empire va pouvoir aussi surfer,
09:37dirait-on aujourd'hui,
09:38sur cette mémoire napoléonienne qui est encore très vivante.
09:41On parle de Napoléon, je voudrais qu'on avance un peu dans le temps
09:45et qu'on parle précisément, on l'évoquait,
09:47de la question coloniale, puisque vous avez choisi,
09:50notamment dans ce livre, entre autres,
09:51de raconter l'histoire de la cathédrale Saint-Philippe d'Alger,
09:54construite sur le site d'une ancienne mosquée,
09:55prise d'assaut en 1832,
09:57saccagée et démolie, puis retransformée en mosquée,
10:01à l'indépendance au moment des accords déviants en 1962.
10:04Pourquoi est-ce que ce lieu,
10:06cette cathédrale Saint-Philippe d'Alger,
10:08devenue ensuite mosquée,
10:10est symbolique de ce passé colonial
10:14entre la France et l'Algérie ?
10:16Elle est symbolique parce qu'elle marque,
10:18cette église, au fond, une volonté d'évangélisation.
10:23Alors, une volonté d'évangélisation qui peut paraître paradoxale
10:25lorsque l'on pense à la Troisième République,
10:28mais la Troisième République laïque n'a jamais été ennemie
10:30des missions catholiques dans l'Empire,
10:32dans la mesure où, précisément,
10:35ces missions, elles aidaient à, au fond,
10:38propager la mission civilisatrice de la France.
10:40Et vous aurez compris tous ces guillemets.
10:42Donc, il y a cette volonté de conversion,
10:46cette volonté prosélite,
10:47et dans le même temps, il y a les résistances d'un pays,
10:50d'un pays qui est arabe majoritairement, d'une part,
10:54et d'autre part, musulman.
10:56Et donc, au fond, autour de cette cathédrale d'Alger,
10:58construite, vous l'avez rappelé, sur une mosquée,
11:00voilà, ce qui rappelle quand même des précédents,
11:02on peut penser à Cordoue,
11:04et bien vont se greffer un certain nombre de conflits,
11:07ce qui montre aussi que cette présence française,
11:10et bien d'emblée, elle a été contestée.
11:11Ce qui est passionnant avec votre livre,
11:13en particulier, avec l'histoire en général,
11:15c'est qu'elle permet, bien sûr,
11:17elle permet d'éclairer les temps présents.
11:19Quand vous voyez les discussions dans le débat,
11:23la question des tensions entre la France et l'Algérie,
11:26on voit bien que le passé colonial ne passe pas,
11:30que cette question-là n'a pas été purgée.
11:32Votre regard d'historien sur la question des relations
11:36entre la France et l'Algérie aujourd'hui,
11:38c'est une page qui ne s'est pas tournée.
11:40Peut-elle seulement l'être ?
11:42Alors, réponse, voilà, je n'en sais rien,
11:45je ne suis pas spécialiste.
11:46Ce que je voudrais dire, c'est que pour danser le tango,
11:48il faut être deux, donc je ne suis pas persuadé
11:51que ces relations, aujourd'hui incandescentes,
11:54eh bien, elles puissent déboucher sur une pacification.
11:57Si cette pacification, ni à Alger, on la souhaite,
12:01ni à Paris, on la met en œuvre.
12:03Donc, on voit bien que dans d'autres pays colonisés,
12:08anciennement colonisés,
12:09leurs relations ne sont absolument pas aussi tendues.
12:11Alors, justement, il y a un exemple inverse,
12:13c'est Casablanca, au Maroc,
12:14avec un chapitre sur l'architecture de ruptures
12:19avec les normes coloniales.
12:22Casablanca a été dessinée en tenant compte de la trame
12:27de la ville existante.
12:29Alger-Casa, c'est quoi ?
12:30C'est deux faces de la colonisation ?
12:32Ah oui, tout à fait.
12:33Parce que, pour prendre l'exemple de Casablanca,
12:37Casablanca est une ville où, effectivement,
12:39un caractère arabe s'est maintenu,
12:42mais où vous avez eu aussi une modernité absolument incroyable.
12:46Casablanca, c'est logiquement ce qui doit devenir
12:48le Chicago du Maroc.
12:51Donc, c'est une ville extrêmement moderne.
12:53C'est une ville également puissante.
12:55C'est une ville riche, grâce aux ports.
12:58Et donc, c'est une ville, encore aujourd'hui,
13:00qui est tout à fait, je le répète,
13:03moderne, dynamique,
13:04et aussi relativement progressiste.
13:07Alger, c'est beaucoup plus compliqué, bien entendu.
13:10Et on peut, effectivement, opposer ces deux pôles
13:12de la colonisation française.
13:13Juste avant de parler avec vous,
13:14Marie-Bénédicte Vincent de Munich,
13:16vous l'évoquiez il y a quelques instants,
13:18encore un mot, puisqu'on picore des exemples
13:20dans ce livre sur les lieux mondiaux de l'histoire de France.
13:23Le fameux drapeau du Brésil,
13:25avec cette devise
13:28« ordem » et « au progresso »,
13:29qui veut dire « ordre et progrès ».
13:31Comment est-ce que la devise du positivisme français,
13:34comment est-ce que ce qui incarne notamment
13:36la pensée d'Auguste Comte en France
13:38se retrouve sur le drapeau
13:40d'un pays d'Amérique du Sud, du Brésil ?
13:43Alors, comme le montre très bien le contributeur,
13:46Yves Saint-Jour,
13:46qui a été d'ailleurs ambassadeur à Brasilia,
13:50ce drapeau porte la devise d'Auguste Comte.
13:54Et Auguste Comte, en fait,
13:56a eu une énorme influence au Brésil,
13:58non seulement dans ce qu'on appellera
13:59les cercles intellectuels,
14:01mais également dans l'armée.
14:02Dans l'armée, pourquoi ?
14:04Parce qu'Auguste Comte,
14:06c'est une philosophie qui rejette le passé,
14:09parce qu'Auguste Comte,
14:11c'est aussi une exaltation du progrès,
14:14mais Auguste Comte,
14:15c'est aussi une exaltation de l'ordre.
14:18Comte n'est pas du tout un super démocrate,
14:20il a une fibre sociale,
14:22mais pour lui, le social doit venir du haut.
14:24Et donc, on comprend très bien
14:25que les militaires aient eu dans le comtisme,
14:28au fond, une idéologie qui leur est plu.
14:31Ce qui explique que le drapeau
14:33qui a été adopté en 1889
14:36ait porté cette fière devise.
14:37Donc, cette histoire mondiale,
14:38c'est aussi une histoire de l'influence française
14:40sur des pays tiers.
14:43Marie-Bénédicte Vincent, on y vient,
14:45il y a un lieu mondial de l'histoire de France
14:47qui ressurgit régulièrement
14:48dans le débat public en ce moment,
14:49c'est Munich,
14:51où les Français et les Britanniques
14:52ont signé des accords,
14:53ont cédé à Hitler sur les Sudètes en 1938,
14:57ouvrant la voie au dépeçage de la Tchécoslovaquie.
15:00Ces accords sont devenus le symbole
15:01de l'attentisme pacifiste des démocraties.
15:04Vous parlez de hantise, de la lâcheté.
15:07Pourquoi est-ce que Munich hante
15:08autant notre inconscient collectif ?
15:10Alors, notre collègue Raphaël Ulrich-Pyr
15:13qui a rédigé cette entrée,
15:17à juste titre,
15:19met l'accent, bien sûr, sur les faits,
15:21donc cette conférence internationale
15:22par laquelle, finalement,
15:24Hitler a les mains libres
15:26sur les Sudètes.
15:29Donc, cette région, on le rappelle,
15:31à la frontière, enfin frontalière,
15:33mais située en Tchécoslovaquie,
15:35peuplée pour certaines communes
15:36d'une majorité allemande,
15:37mais ce n'est pas le cas dans toutes les communes.
15:38Et Hitler pense que cette région est allemande
15:42et soutient là.
15:44Et donc, c'est à la fois une défaite,
15:47effectivement, face à l'expansion hitlérienne.
15:50C'est aussi un traumatisme
15:52parce que, finalement,
15:54il y a un retour véritablement sur la France
15:56et puis donc des autres acteurs
15:59sur la faiblesse des démocraties
16:01à ce moment-là
16:01qui préfèrent laisser faire
16:04plutôt que s'engager dans une nouvelle guerre.
16:05Donc, il y a les deux.
16:07Il y a le lieu de mémoire
16:08parce que c'est un tournant, quand même,
16:10dans l'expansion hitlérienne,
16:12mais aussi un retour sur la France
16:15avec l'état de la situation à ce moment-là.
16:17Notre collègue, Raphaël Lourich,
16:19qui rédige cette entrée,
16:21montre que cette ambivalence,
16:23elle est perçue dès le début.
16:24Mais ce qui est intéressant,
16:25et comme dans les lieux de mémoire,
16:26c'est le cas,
16:27c'est que ça devient une référence
16:29jusqu'à aujourd'hui.
16:30Exactement.
16:30Alors, justement,
16:31on pense à l'Ukraine
16:32comparée à la situation
16:35de la Tchécoslovaquie
16:36puisque les débats sur l'Ukraine,
16:40les négociations entre Trump et Poutine
16:43ont eu lieu sans l'Ukraine au départ.
16:46Est-ce que ce parallèle,
16:47il est pertinent ?
16:49Alors, je ne sais pas
16:49s'il est pertinent.
16:50Toujours est-il que l'histoire est là
16:53pour livrer quand même
16:55certains enseignements
16:56qui nous permettent
16:57de comprendre notre présent.
16:59Et de ce point de vue-là,
17:01si on prend l'exemple de Munich
17:03qui, finalement,
17:04ouvre la voie
17:05vers la Seconde Guerre mondiale,
17:07on pourrait presque dire
17:08que la Seconde Guerre mondiale
17:08commence à ce moment-là.
17:09On l'a fait pour l'Europe
17:11commencée en 1939,
17:12mais peut-être que dès 1938,
17:14finalement,
17:14avec l'Anschluss de mars 1938,
17:17c'est-à-dire l'annexion de l'Autriche
17:18et ensuite les Sudètes,
17:20elles commencent peut-être en 1938.
17:21Force est de constater
17:22qu'on entre dans une ère
17:24où la guerre devient possible.
17:26Donc, oui.
17:27En ce jour de 11 novembre,
17:28on va parler dans un instant
17:29de la Première Guerre mondiale
17:29et de l'armistice, bien sûr,
17:31mais juste avant,
17:32Olivier Viervorca,
17:32ce chapitre formidable
17:33sur Baden-Baden,
17:34qui, là encore,
17:35résonne plus...
17:38C'était il y a moins de temps,
17:39bien sûr,
17:39on a parlé d'Astings en 1066,
17:41là, on parle de Baden-Baden,
17:42cette ville,
17:43petite ville thermale
17:44en Allemagne,
17:46qui est l'endroit
17:47où le général de Gaulle
17:48décide,
17:49fin mai 68,
17:51de se rendre,
17:52avec, encore une fois,
17:53cette ambiguïté,
17:53aujourd'hui,
17:54fin mai 68.
17:55On ne sait pas si le général de Gaulle,
17:56au moment de ce qu'on a appelé
17:57les événements de mai 68,
17:59y va par stratégie politique
18:00pour créer une sorte de flou
18:03autour de son absence,
18:04ou s'il y va,
18:05en arrivant pour voir
18:06le général Massu,
18:07qu'il avait connu
18:08quelques années avant,
18:09lui disant,
18:09Massu, tout est foutu,
18:10totalement déprimé,
18:11considérant que les institutions
18:12de la Ve République
18:13étaient en train de s'effondrer.
18:14Aujourd'hui,
18:14on a encore ce mystère-là
18:16autour de la fuite
18:18à Baden-Baden
18:18du général de Gaulle.
18:19Oui, on a ce mystère
18:20parce que, au fond,
18:22dans le premier cas,
18:23lorsque l'on dit,
18:23voilà,
18:23de Gaulle,
18:24il va faire jouer,
18:27il va faire spéculer
18:28sur son absence,
18:29c'est vraiment
18:29un très grand stratège,
18:30on retrouve l'homme iconique,
18:33le visionnaire.
18:33Oui.
18:34Voilà.
18:34Et puis,
18:35pour les autres
18:35qui veulent un petit peu
18:36déboulonner la statue du général,
18:38on dit,
18:38il a eu peur,
18:39on va dire,
18:39il a eu peur,
18:40il est découragé,
18:42il va voir Massu,
18:43etc.
18:44Donc,
18:44il est très difficile,
18:45il est impossible de trancher.
18:47Ceci dit,
18:47l'élément décisif,
18:49c'est qu'avec le retour
18:51du général de Gaulle,
18:52la situation s'inverse totalement.
18:54Et donc,
18:54Marie-Bénédicte Vincent ?
18:55Oui,
18:57ce qui est très intéressant
18:58avec le cas de Baden-Baden,
18:59c'est que cet événement
19:01que tous les Français connaissent
19:02et apprennent
19:03quand on fait l'histoire
19:04de la crise de mai 68,
19:06en fait,
19:06se joue dans un lieu
19:07qui a une histoire
19:08plus ancienne
19:09et qui,
19:10depuis la seconde moitié
19:11du 19e siècle,
19:12est associée,
19:13d'une certaine manière,
19:14à l'histoire de la France,
19:15du moins à l'histoire culturelle,
19:16si on prend en compte
19:17ce lieu de cure thermale,
19:20fréquenté par une bonne partie
19:22de la bourgeoisie
19:23ou des élites
19:24de la française
19:26de la fin du 19e siècle
19:27jusqu'à la crise de 1870.
19:32C'est intéressant
19:32de voir comment,
19:34sur cette durée,
19:35justement en histoire,
19:36on aime bien replacer
19:37les événements
19:38dans une chronologie
19:39qui remonte.
19:40On voit comment
19:41l'épisode de 68
19:44se joue précisément
19:45dans cette ville-là.
19:46Voilà.
19:47Aujourd'hui,
19:47nous sommes le 11 novembre.
19:49Ça ne vous aura pas échappé.
19:50C'est une date majeure
19:51de l'histoire de France
19:53et de l'histoire mondiale.
19:54Et nous avons un auditeur en ligne.
19:56Bonjour, Kader.
19:57Bienvenue.
19:59Bonjour.
19:59Merci de prendre mon appel.
20:00Kader,
20:01je vous appelle de Toulouse,
20:02précisément de Saint-Génie-Ève-Bellevue.
20:04Voilà,
20:04j'avais une question.
20:06Comment on explique
20:06l'illisibilité
20:07des soldats algériens
20:08dans leur participation
20:09à la Première Guerre mondiale ?
20:11Mon grand-père et son frère
20:12ont fait la Première Guerre mondiale.
20:14Mon grand-père a fait
20:14Verdun et la bataille de la Marne.
20:16Son frère a fait
20:17la bataille de la Marne.
20:17Il en est mort.
20:18Il est mort à l'hôpital
20:19du Grand Palais
20:20en octobre 1915.
20:22Qu'est-ce qui fait que,
20:23voilà,
20:23il y a cette illisibilité
20:24du soldat algérien
20:25constamment,
20:27c'est le soldat américain,
20:28etc.,
20:28etc.
20:29Tous les soldats
20:30ont le mérite
20:31d'être effectivement cités.
20:33Mais il y a cette illisibilité
20:35qui est très inquiétante,
20:36notamment dans un contexte,
20:38j'allais dire,
20:38historique,
20:39où nous,
20:40nous sommes les enfants
20:40du divorce colonial.
20:42Et aujourd'hui,
20:43encore à Toulouse,
20:43nous payons le fait
20:44que nous sommes les enfants
20:45du divorce colonial.
20:46Merci, Kader.
20:48Merci pour votre question.
20:49Olivier Vorka.
20:50Oui,
20:51bonjour.
20:52Je ne suis pas persuadé
20:54qu'appelle-t-on
20:54invisibilité,
20:55moi je crois quand même
20:57que la participation
20:57des troupes dites coloniales
20:59à la fois
21:00pendant la Première Guerre mondiale
21:02et pendant la Seconde Guerre mondiale,
21:04je ne crois pas
21:04qu'elle soit oubliée.
21:05Elle a pu l'être,
21:06effectivement,
21:07mais je ne crois pas
21:08que ce soit le cas aujourd'hui.
21:11Donc,
21:12je ne vois pas
21:13ce que,
21:14au fond aussi,
21:15on pourrait faire
21:16pour,
21:17pour reprendre la formule
21:18de l'auditeur,
21:19désinvisibiliser.
21:21Qu'attend-t-il ?
21:22Voilà.
21:22Qu'est-ce que cet auditeur
21:23attendrait
21:24que la France
21:25fasse comme geste
21:26pour ces soldats coloniaux ?
21:28Mais je pense
21:29que ces soldats
21:29dits coloniaux
21:30ne sont pas oubliés,
21:31tant s'en faut.
21:32Pour rester sur la Première Guerre mondiale
21:33et sur l'armistice,
21:35puisque l'on parle
21:36des lieux emblématiques
21:37de l'histoire,
21:39quel est le lieu emblématique
21:41de cette Première Guerre mondiale ?
21:43Vous disiez,
21:43en préparant cette émission,
21:45c'est un lieu d'abord,
21:46l'Arc de triomphe,
21:47puisqu'il y a
21:47l'inhumation du soldat inconnu,
21:49une idée née en 1916,
21:50puis réalisée en 1921.
21:52Est-ce que c'est l'Arc de triomphe ?
21:54Est-ce que c'est...
21:54Les monuments aux morts ?
21:55Est-ce que ce sont
21:56les monuments aux morts,
21:57à Douaumont ?
21:58Est-ce que c'est Verdun,
21:59le lieu de la Première Guerre mondiale ?
22:01Alors,
22:01si vous voulez,
22:02je crois effectivement
22:03que cette célébration
22:05du 11 novembre,
22:06elle est ancrée
22:06sur un certain nombre de sites.
22:09Les sites,
22:09ce sont l'Arc de triomphe,
22:11avec, vous l'avez dit,
22:12ce soldat inconnu,
22:14avec les gestes
22:16qui vont aussi avec,
22:18à savoir le fait
22:19de ranimer la flamme,
22:21qui est un geste
22:21extrêmement important.
22:23Et il est évident
22:24que lorsque une personnalité,
22:25un président de la République,
22:27se rend en France
22:27et ranime cette flamme,
22:31on pense à la Première Guerre mondiale
22:32et on ne pense pas
22:33aux autres conflits.
22:35Mais il faut voir aussi
22:36que ce souvenir du 11 novembre,
22:38il va s'incarner
22:38dans toutes les communes
22:40de France,
22:41grâce à l'érection
22:42de monuments aux morts
22:43qui vont fleurir
22:45dans la France entière,
22:47qui obéissent d'ailleurs
22:47à une typologie.
22:48On a différentes sortes
22:50de monuments aux morts.
22:51Les uns vont exalter
22:52la victoire,
22:53d'autres vont au contraire
22:54exalter la paix.
22:56Et c'est ce qui permet aussi
22:57à cette cérémonie
22:58du 11 novembre,
23:00la fête nationale
23:01est décrétée en 1922,
23:03d'être un élément
23:04extrêmement important
23:05dans la vie nationale
23:05et dans la vie des communes.
23:07Marie-Bénique de Vincent ?
23:07Oui, alors pour compléter
23:09sur l'aspect franco-allemand
23:11qui est au cœur
23:12quand même
23:12de ces enjeux mémoriels,
23:15je rappelle évidemment
23:16que le 11 novembre
23:17n'est pas un jour férié
23:18évidemment en Allemagne.
23:21Il y a récemment
23:22eu une volonté politique
23:23de trouver un lieu
23:25qui puisse être
23:26une mémoire partagée,
23:27ce qui n'est pas évident
23:28vu l'histoire
23:29de la Première Guerre mondiale.
23:30Et donc,
23:31a été inauguré
23:32en Alsace
23:33le Hartmannsfielerkopf
23:34qui est un lieu
23:34de mémoire franco-allemand
23:35très récemment,
23:36donc en 2017
23:37par président Emmanuel Macron
23:39et puis son homologue
23:41ouest-allemand,
23:43enfin, ouest-allemand,
23:44allemand,
23:44excusez-moi,
23:45donc Stalmayer,
23:46qui est un lieu
23:46d'une bataille
23:47justement non décisive
23:48de la Première Guerre mondiale
23:50avec autant,
23:52j'allais dire,
23:52de mort des deux côtés
23:53pour une absence totale
23:56de gains territorial
23:57puisque sur cette hauteur
24:01de 1000 mètres
24:02au-dessus
24:03de la plaine d'Alsace,
24:04aucune armée
24:05n'a gagné.
24:06Voilà.
24:07Et donc,
24:07c'est un symbole aussi
24:08de ce que fut
24:09la Première Guerre mondiale
24:10pour les deux pays.
24:12Pour conclure,
24:13est-ce que c'est ça
24:14la solution ?
24:14Faire revivre
24:15des lieux de l'histoire
24:16pour la maintenir vivante
24:18cette histoire
24:19quand les témoins
24:20ne sont plus là
24:20pour nous en parler ?
24:22Oui, pourquoi pas ?
24:23Je pense que
24:24de toute façon,
24:25les souvenirs
24:26et la mémoire
24:27restent très vivant.
24:28Le fait que les témoins
24:29disparaissent
24:30pour la Seconde Guerre mondiale
24:31et bientôt
24:31pour la guerre d'Algérie
24:32n'est pas nécessairement
24:34signe d'un affadissement.
24:36Rappelons-nous
24:36le bicentenaire
24:37de la Révolution française
24:38qui a été un événement
24:39extrêmement populaire
24:40et extrêmement vivant
24:42et extrêmement controversé.
24:43Donc,
24:44la mémoire,
24:44bien entendu,
24:45elle repose sur des témoins
24:46et il est triste
24:47que ces témoins disparaissent
24:48mais en même temps,
24:49elle survit
24:49par bien d'autres vecteurs
24:50céréboni,
24:51monuments,
24:52musées.
24:53Merci à tous les deux.
24:54Merci Marie-Bénédicte Vincent.
24:55Merci Olivier Viervorcage.
24:57Je rappelle le titre
24:57de ce livre édité
24:59chez Perrin
24:59« Les lieux mondiaux
25:01de l'histoire de France ».
25:02C'est absolument passionnant.
25:04« Les lieux mondiaux
Recommandations
3:20
|
À suivre
24:38
47:44
24:56
Écris le tout premier commentaire