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Philippe Collin, producteur des podcast "Face à l’histoire" sur France Inter. Henry Rousso, historien au CNRS, spécialiste du régime de Vichy, auteur de "Un château en Allemagne" (Fayard/Pluriel, 2012) et Bénédicte Vergez-Chaignon, historienne de la seconde guerre mondiale, biographe de Pétain. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-16-octobre-2025-3024263

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Transcription
00:00Et avec Benjamin Duhamel, nous vous proposons ce matin un grand entretien sur une page sombre et peu connue de l'histoire de France.
00:09Un podcast de France Inter vous l'a fait découvrir et vous êtes déjà plus d'un million à avoir téléchargé les épisodes passionnants
00:18consacrés donc à Sigmaringen, cette ville allemande où en 1945 se sont exilés vichistes et collabos français.
00:28Nos invités Benjamin, Philippe Collin, bonjour.
00:30Bonjour Benjamin, bonjour Nicolas.
00:31Merci d'être avec nous ce matin, vous êtes l'auteur des podcasts Face à l'Histoire sur France Inter.
00:36Et donc ce dernier podcast dont nous allons parler, Sigmaringen, le crépuscule des bourreaux.
00:42Et vous avez travaillé avec deux historiens pour sa fabrication qui sont avec nous ce matin.
00:48Bénédicte Vergès-Chénion, bonjour.
00:49Bonjour.
00:50Merci d'être avec nous, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et biographe de Pétain.
00:54Henri Rousseau, bonjour.
00:55Bonjour.
00:56Directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste du régime de Vichy et auteur de
01:00Un château en Allemagne chez Fayard Pluriel.
01:03Soyez les bienvenus à ce micro.
01:05Première question pour vous, Philippe Collin.
01:08Après vos séries documentaires, vos podcasts sur Pétain, sur Céline, vous voici donc à travailler sur Sigmaringen.
01:18Pourquoi avoir choisi ce moment-là ?
01:21Qu'est-ce qui se joue à Sigmaringen ? Pourquoi vous y êtes intéressé ?
01:26Alors d'abord, je crois Nicolas que nos imaginaires sont peuplés d'images de libération de Paris, le 25 août 1944.
01:34Le général de Gaulle qui descend les Champs-Elysées et puis c'est la fin de la guerre pour beaucoup de Français.
01:38Aujourd'hui encore, ça marque la fin de la guerre.
01:40Or, ça va durer huit mois de plus et on a parfois le sentiment que Pétain et Laval auraient disparu dans les brouillards de la collaboration.
01:46Or, il y a un dernier épisode qui commence dès septembre jusqu'au mois d'avril, donc huit mois,
01:52où tous ces Français qui ont choisi le Troisième Reich vont se trouver tous réfugiés dans un petit village en Allemagne,
01:57200 kilomètres de la frontière française.
01:59Et comme le dit très bien Henri Rousseau, à observer cet aquarium, on comprend tout le reste.
02:05C'est-à-dire qu'en commençant par la fin, on comprend l'essence de la collaboration française.
02:10Bédédicte Vergès-Chagnon, il y a cette phrase dans le podcast, cette phrase de Céline,
02:14qui dit « Sigmaringen, c'est tout de même un moment de l'histoire de France ».
02:19Oui, c'est un moment de l'histoire de France.
02:21En même temps, c'est une parenthèse désenchantée, celle des ultras et des idiots utiles de la collaboration
02:27qui sont là, soit volontairement, soit en fuite, mais en tout cas tous en ayant peur.
02:35Et effectivement, c'est la queue de comète de Vichy, parce que ça ressemble à Vichy.
02:42Une installation tout à fait inappropriée, un goût du pouvoir qui génère des ambitions et des rivalités,
02:53des compromissions bien sûr avec les Allemands qui sont là même à table avec eux,
03:00et enfin, toujours des désirs pris pour des réalités.
03:04C'est le château de la défaite, le château des Fuyards.
03:08800 pièces où des dizaines de familles ont pu s'entasser, un château sombre, chargé.
03:16Quelle est l'atmosphère, l'ambiance Henri Rousseau de Sigmaringen ?
03:21On imagine que c'était lugubre.
03:23Était-ce le cas ?
03:26Oui, en grande partie.
03:28Juste un mot quand même, cette mise en scène, c'est une mise en scène, Sigmaringen.
03:33C'est les nazis qui l'ont voulu, c'est-à-dire c'est eux qui ont organisé tout ça.
03:37Et donc, il faut distinguer, d'une part, ceux qui vont être emmenés de force, à commencer par Pétan.
03:45Et pour revenir sur ce que dit Bénédicte, ça veut dire que Pétan avait bien servi les dessins allemands
03:51et qu'il pense, les Allemands, qu'il va continuer, qu'il peut continuer à les servir.
03:56C'est ça, à mon avis, l'une des idées fondamentales pour lesquelles ils emmènent Pétan, qui ne veut pas y aller.
04:00Donc il est prisonnier.
04:01Ils emmènent également à Laval une partie du gouvernement.
04:03Et d'un autre côté, donc ça c'est les restes du gouvernement de Vichy.
04:07Et d'un autre côté, vous avez, alors eux c'est volontaire, une partie, une partie, ce qu'il reste d'une certaine manière
04:13de ce qu'on appelait les collaborationnistes, c'est-à-dire les plus radicaux engagés aux côtés du Troisième Reich.
04:18Une bonne partie d'entre eux finiront avec l'uniforme de la Waffen-SS qui, eux, vont fuir.
04:25Et non seulement vont fuir, mais ils vont singer d'une certaine manière la France libre.
04:29C'est-à-dire, ils vont essayer de reconstituer en Allemagne une sorte de Londres avec une radio, avec un journal,
04:36avec un projet politique et avec l'espoir, un jour, de revenir.
04:39Et l'atmosphère, évidemment, c'est de la rivalité, c'est des haines, etc.
04:43Oui, Philippe Collin, il y a cette phrase là encore que l'on entend dans le podcast,
04:47celle de Marcel Déat, l'un des pires collabos possibles sur cette ambiance.
04:52Il dit, il régnait à Sigmaringen une atmosphère de douce folie que je baptise Sigmaringit.
04:57C'est quoi la Sigmaringit ?
04:58Je crois que c'est à la fois de l'espoir, comme viennent de le dire Henri et Bénédicte,
05:03l'espoir de revenir sur les chars allemands à Paris, mais c'est aussi beaucoup d'angoisse.
05:06C'est-à-dire l'espoir que Sigmaringen ne soit qu'une parenthèse pour ensuite revenir.
05:10D'ailleurs, il y aura la contre-offensive des Ardennes en partir du mois de décembre.
05:13Et tout d'un coup, Noël et Nouvel An à Sigmaringen, c'est la fête.
05:16On imagine qu'on va revenir sur les chars allemands à Paris.
05:19Il faut quand même avoir ça en tête.
05:20Ça nous paraît facile à nous aujourd'hui de juger et de voir ça avec une distance.
05:23Mais à l'époque, on ne sait pas ce qui va se passer.
05:25Une contre-offensive, elle peut réussir.
05:27Donc ils ont cet espoir de rentrer et aussi l'angoisse.
05:29L'angoisse parce qu'ils savent très bien ce qu'ils peuvent les attendre.
05:32Brasiak va être fusillé dès le mois de février.
05:35Donc vous voyez, tout d'un coup, arrivent ici des angoisses.
05:37Donc il y a une sorte de moment suspendu, un peu étrange.
05:40Il fait très froid.
05:41Il fait très très froid à Sigmaringen durant cet hiver 44-45.
05:46Et puis évidemment, il y a les haines recuites.
05:48On peut imaginer que tout le monde est là ensemble.
05:50Ils se détestent tous.
05:52Il y a une haine entre eux qui est assez fascinante.
05:54Henri Rousseau, sur cet aspect-là, pourquoi la haine à tous les étages d'un château de 800 pièces ?
06:02Parce que c'est le château de l'échec.
06:04Ce n'est pas simplement la dernière étape.
06:07C'est l'échec.
06:08Laval rumine son échec.
06:10Les Allemands n'ont rien compris.
06:11Mon grand projet européen de collaboration pacifique.
06:16Pétain n'a qu'une envie, c'est de rentrer en France.
06:19Il ne sait pas comment il va faire.
06:20Et puis tous ces chefs de la collaboration qui dirigeaient tous un petit parti,
06:25rien à voir avec ce qu'on connaît en temps normal,
06:29ont tous pour ambition d'être le futur fureur français.
06:34D'ailleurs, tous ces gens-là sont reçus avant l'épisode de Sigmaringen,
06:39fin août 1944, par Hitler lui-même.
06:42Donc, encore une fois, ce n'est pas juste une anecdote.
06:44L'idée que si la guerre tourne dans l'autre sens,
06:48je pense que si les Allemands peuvent revenir en France
06:51alors qu'ils ont perdu la deuxième bataille de France,
06:53ils avaient gagné la première en juin 1940,
06:54ils viennent de perdre la seconde après le débarquement.
06:57S'ils reviennent, il leur faut un gouvernement à leur sol
07:00pour tenir la population française.
07:02Et donc, ils ont besoin de Pétain,
07:04qui lui avait une certaine popularité encore en 1944,
07:08et ils ont besoin d'une sorte de fureur français.
07:11Alors, c'est entre Doriot, ça va jouer entre Doriot,
07:13Déa et quelques autres.
07:14L'heureuse élu, si on peut dire,
07:15il n'aura pas le temps d'en profiter,
07:17c'est Jacques Doriot, bien sûr.
07:18Bénéguide Vergeachénion,
07:20je rappelle que pour faire ce podcast,
07:21vous êtes rendu sur les lieux
07:22pour là encore faire entendre à ceux qui l'ont écouté.
07:26C'est plus d'un million qui ont téléchargé de podcasts
07:28ce à quoi ressemblait ce château.
07:30Là encore, racontez-nous,
07:32non seulement cet endroit,
07:34aussi la sociologie singulière de Sigmaringen.
07:36Toujours cette phrase de l'écrivain Céline
07:38qui dit que c'est comme un château médiéval,
07:40il y a les seigneurs chez eux,
07:41et puis les vilains en bas.
07:43Qu'est-ce qu'il veut dire par là ?
07:45Alors, il veut dire par là que dans le château,
07:48qui est non seulement énorme,
07:50mais perché sur un rocher,
07:53il n'y a que les officiels et les éminences.
07:56Par exemple,
07:57le maréchal Pétain,
07:59il a le septième étage pour lui.
08:02Laval, il a le sixième étage pour lui tout seul.
08:05Donc, il faut vous représenter
08:06l'énormité de ce château
08:07où on pourrait se déplacer vraiment
08:09à un trottinette électrique dans les couloirs.
08:11tellement c'est vache.
08:13C'est gigantesque.
08:14Et au pied,
08:15un bourg assez petit
08:16qui, moi, me fait souvent penser
08:17à une petite station de sport d'hiver,
08:20où normalement,
08:22vivent quelques milliers de personnes.
08:26Et on ajoute à ça
08:271200 Français en déshérence.
08:31En déshérence parce qu'ils ont fui.
08:34Ils ne savent pas ce que l'avenir leur réserve.
08:36Et il faut qu'il se trouve une activité
08:40parce que dans l'Allemagne nazie,
08:42on travaille, on combat
08:44ou alors, si on ne sert à rien,
08:46on est dans un camp.
08:47Et c'est ce qui va arriver
08:48à la famille des miliciens, par exemple.
08:51Et donc, il y a un entassement réel
08:54puisque la plèbe,
08:55elle n'habite pas dans le château
08:57où pourtant, il y aurait la place.
08:59Donc, ils habitent chez l'habitant,
09:00dans les rares hôtels.
09:02Il y a un espèce de centre d'accueil de tri
09:05à la gare de Sigmaringen.
09:08Et ce que Henri a très bien raconté,
09:11c'est l'inquiétude de ces Allemands
09:14quand ils voient arriver
09:15ces occupants français
09:17dans une espèce de miroir renversé,
09:20avec le fait, effectivement,
09:21qu'ils redoutent même les miliciens français
09:24tant leur réputation est mauvaise.
09:27Le personnage le plus célèbre
09:29de Sigmaringen est...
09:32Enfin, l'un des...
09:33Mais c'est quand même
09:34Louis-Ferdinand Céline
09:36qui s'est réfugié là
09:38dans l'espoir de gagner la Suisse.
09:41Quel était le statut de Céline
09:43dans cette colonie de collabos ?
09:46Vous expliquez qu'il était
09:47extrêmement populaire
09:48et qu'il abreuvait tout le monde
09:50de son esprit extrêmement caustique.
09:55Alors, pardon.
09:55Bon, Henri, allez-y, Henri.
09:57Il y a deux Céline.
09:58Il y a Céline l'écrivain,
10:01il y a Céline l'intellectuel,
10:02le collaborant.
10:03Alors, là, il est en très bonne compagnie
10:06puisqu'il y a une bonne partie
10:07des intellectuels collaborationnistes avec lui.
10:09Ce n'est pas la raison pour laquelle
10:10il est populaire.
10:11Il est populaire parce qu'il est médecin.
10:13Il est populaire parce qu'il est médecin.
10:14Il faut bien comprendre
10:15qu'on est fin 44,
10:16l'Allemagne est en train de s'effondrer.
10:18Il faut juste rappeler ça.
10:20On ne mange plus.
10:22Le chauffage est très compliqué.
10:24Il y a des maladies,
10:25il y a des épidémies.
10:26Alors, même si la région elle-même
10:27et notamment la ville n'a pas été bombardée
10:29alors que le reste de l'Allemagne
10:30est quand même sous des bombardements intensifs,
10:33on y vit relativement mal.
10:35Or, Céline, c'est un aspect,
10:36c'est un aspect du personnage.
10:37On oublie le collabo, pardonnez-moi,
10:40ou l'intellectuel.
10:42Il est médecin, il va se dévouer.
10:44Je vais juste raconter une petite anecdote.
10:45Quand j'y étais en 1900,
10:47c'était en 1982,
10:49je vais dans un des cafés
10:50qui était toujours là
10:52et j'ai avec moi
10:53le livre de Céline
10:54avec sa photo.
10:55Et la personne qui me sert,
10:56c'était une serveuse
10:57qui était plus toute jeune,
10:58qui regarde et qui fait
10:59« Herr Doctor, Herr Doctor ! »
11:02Elle était absolument fascinée
11:04de voir la photo
11:04de « Monsieur le Docteur ».
11:06C'est comme ça
11:07qu'il était perçu
11:08par la population
11:09alors que la population
11:10déteste les Français
11:12qui se comportent
11:13comme des occupants,
11:15comme dans une sorte
11:17de renversement.
11:18Et les gens avaient peur.
11:19Alors, il faut rajouter aussi,
11:20bon, c'est un peu,
11:21pour aller plus loin,
11:22Sigmaringen n'est pas
11:23une ville totalement,
11:24c'est pas une ville nazifiée,
11:26c'est une ville catholique,
11:27c'est une région catholique,
11:28c'est une région
11:28qui fait d'ailleurs au prince.
11:30Le prince a été expulsé
11:32par les nazis
11:33pour des tas de raisons.
11:34Donc, ils sont dans un territoire
11:36qui ne les accueille pas
11:37favorablement.
11:38Dans la galerie de portraits
11:40que vous faites,
11:40il y a effectivement Céline
11:41et aussi Jacques Doriot,
11:43surnommé le fureur français
11:45qui est passé
11:45du communisme au fascisme,
11:47lui jugeait la politique
11:48de collaboration de Pétain
11:49et de Laval insuffisante.
11:50Il est assassiné en 1945
11:52près de Sigmaringen
11:53alors qu'il tentait de s'y rendre.
11:54Et vous racontez,
11:55c'est dans le cinquième épisode
11:56du podcast,
11:57c'est passionnant,
11:58ces obsèques.
11:59Et vous dites,
12:01ce sont les obsèques
12:02du nationalisme français.
12:05Pourquoi cette expression ?
12:07Alors, je vais laisser Henri répondre
12:08parce que c'est vraiment lui
12:09qui a eu cette idée d'obsèques.
12:10mais je vais quand même dire une chose,
12:12c'est qu'en se rendant sur place,
12:13par exemple,
12:14dans ce cimetière à Mängen
12:15qui est à 15 kilomètres
12:16de Sigmaringen,
12:17là où Doriot a été assassiné,
12:19on s'aperçoit du pathétique
12:20de la chose.
12:21C'est-à-dire qu'on peut imaginer
12:23un Doriot avec 5000 hommes en armes,
12:25son uniforme de la Vafon SS,
12:26c'est impressionnant.
12:28C'est toujours un peu troublant
12:29d'imaginer ce français
12:30qui est là-bas,
12:30proche d'Hitler,
12:31qui pourrait devenir
12:32le fureur français.
12:33Et quand on va dans ce cimetière
12:34de Mängen,
12:35on s'aperçoit que c'est
12:36une toute petite tombe
12:36un peu ridicule.
12:37Il y a une faute d'orthographe
12:38à son prénom.
12:39C'est J-A-Q-U-E-S.
12:41C'est vraiment pathétique.
12:42Tout d'un coup,
12:42tout devient un peu grotesque.
12:44D'où l'intérêt aussi
12:45d'aller sur place.
12:46Mais Henri,
12:46je vais vous laisser répondre
12:47sur les obsèques
12:47parce que c'est intéressant.
12:49Oui,
12:49il y a un élément intéressant
12:50dans les obsèques.
12:51D'abord,
12:52un petit détail,
12:52Doriot n'était pas à Sigmaringen.
12:54Il a joué un jeu personnel.
12:55Il était un peu plus loin
12:56sur le lac de Constance
12:57et il se rendait à Sigmaringen
12:58pour faire,
12:59de manière,
13:00une coalition gouvernementale
13:02avec le Jean-Tigmaringen
13:04et il a été assassiné.
13:06Ce qui est incroyable
13:08à Mengen,
13:09c'est que les nazis,
13:10enfin les autorités nazies
13:11vont organiser
13:12des cérémonies officielles
13:13comme ils savent le faire.
13:14Donc,
13:15on a des photos,
13:15c'est pour ça qu'on le sait,
13:16et puis on a des témoignages,
13:17bien sûr.
13:17Donc,
13:18on voit bien,
13:18on a le cercueil
13:20de mémoire sur les photos.
13:22Il y a même la croix de fer.
13:23Doriot avait la croix de fer,
13:24une des principales distinctions
13:25du Troisième Reich.
13:27Vous avez des officiers supérieurs
13:28en uniforme,
13:29des gens qui ont joué
13:30un rôle extrêmement important
13:31durant la France occupée
13:32et évidemment,
13:34toute une partie
13:34des gens de Tigmaringen
13:35qui sont là pour célébrer
13:36ce qui était d'ailleurs
13:37leur pire ennemi.
13:38Enfin bon,
13:38ça c'est un détail.
13:40Et,
13:40alors l'image,
13:41alors c'est pas
13:42les obsèques
13:43du nationalisme français,
13:45l'image est un peu
13:45trop radicale,
13:47c'est les obsèques
13:48de ce qu'on a fait de pire
13:50dans les nationalistes français.
13:51C'est-à-dire
13:52des gens
13:53qui se prétendant
13:54des patriotes,
13:55qu'ils ne sont pas,
13:56les nationalistes
13:56ne sont pas des patriotes,
13:58vont finir
13:59en Allemagne
14:01en défendant
14:02les intérêts
14:03du pire ennemi
14:04que la France
14:04ait jamais connu.
14:06Donc,
14:06il est là le symbole.
14:07Après,
14:08on peut faire
14:09toutes les explications
14:10qu'on veut,
14:10mais cet homme
14:12qui a été
14:12un politicien français
14:13important
14:14durant l'entre-deux-guerres,
14:16qui vient du communisme,
14:18qui avait
14:18un des principaux partis,
14:20le Parti populaire français,
14:21parti populiste
14:22dans les années 30,
14:23qui finit
14:24en terre allemande
14:24avec une faute d'orthographe
14:25sur son prénom
14:26dans un tout petit cimetière
14:27où il n'y a rien,
14:28à part évidemment
14:29les autres tombes.
14:31Il y a évidemment
14:32quelque chose de symbolique
14:33de voir l'absurdité
14:34de là où a conduit
14:36cette idée
14:36que les intérêts
14:38de la France
14:38étaient du côté
14:39du Troisième Reich.
14:39Encore quelques mots
14:41sur Pétain
14:42qui se présente
14:43comme prisonnier
14:44des Allemands,
14:45comme une victime.
14:47Est-ce qu'il prépare
14:49déjà là
14:50sa défense
14:51autour
14:51de la fameuse théorie
14:53de l'épée
14:54et du bouclier ?
14:55Est-ce qu'à
14:56Sigmaringen
14:57se dessinent déjà
14:58les discours,
15:00les justifications
15:01de l'après-guerre ?
15:03Le maréchal Pétain
15:04commence à préparer
15:06sa défense
15:07dès qu'il entend
15:08à la radio
15:08qu'il est mis en accusation
15:10en France.
15:12Il a un minuscule
15:14entourage avec lui
15:15et pas du tout
15:16d'archives.
15:17Il compte
15:18sur sa mémoire
15:20qui est très défaillante
15:21parce que c'est
15:22un octogénaire
15:23qui commence à souffrir
15:24d'une maladie
15:25neurodégénérative.
15:28Il a tendance
15:30à revenir
15:30sur des épisodes
15:31de la Première Guerre mondiale,
15:34de l'entre-deux-guerres
15:35qui n'ont pas
15:36grand-chose à voir
15:37avec ce qui s'est passé
15:38à Vichy.
15:39Mais il est néanmoins
15:41très, très déterminé
15:42à rentrer en France
15:44pour se présenter
15:45à la justice.
15:47Et ce sont plutôt
15:47ses avocats
15:48et en particulier
15:49l'un d'entre eux,
15:50le célèbre Jacques Izzorni,
15:52qui va prendre en main
15:54une fois qu'ils seront
15:55en France
15:55sa défense
15:57et organiser
15:58l'idée
16:00que Pétain
16:02a joué un double jeu,
16:03qu'il a limité
16:04les dégâts.
16:05Et qu'au fond,
16:06De Gaulle
16:06à Londres
16:07et Pétain
16:07à Vichy
16:08avaient pour objectif
16:10de protéger la France.
16:11Absolument,
16:11et que, par exemple,
16:12le maréchal Pétain,
16:13en ayant signé
16:14l'armistice,
16:15a sauvé
16:16l'empire colonial
16:17qui permettra
16:18ensuite de servir
16:19de plateforme
16:20à la nouvelle armée
16:21française.
16:23Mais voilà,
16:23sur le moment,
16:24à Zygmaringen,
16:25il est vraiment
16:26trop dépourvu
16:27de moyens matériels
16:28et intellectuels
16:29pour préparer
16:30sa défense.
16:31Henri Rousseau,
16:32sur le moment
16:33où le Troisième Reich
16:35s'effondre,
16:36où les armées alliées
16:37traversent le Rhin,
16:38à ce moment-là,
16:39les exilés de Zygmaringen,
16:40ils doivent faire un choix,
16:41notamment les Français.
16:43Doivent-ils retourner en France ?
16:45Doivent-ils, au contraire,
16:45fuir à l'étranger ?
16:46Que se passe-t-il
16:47en ce moment
16:47où le Troisième Reich
16:49s'effondre ?
16:50Alors, effectivement,
16:51c'est printemps,
16:52printemps 1945.
16:53Il faut dire les choses,
16:54c'est la débandade.
16:55Enfin, la débandade
16:57parce qu'il faut bien
16:58comprendre aussi qu'en France,
16:59l'épuration a commencé.
16:59Et l'épuration,
17:01contrairement parfois
17:01à certaines légendes,
17:03en France,
17:03elle n'a pas été tendre.
17:05Donc, la plupart
17:06de ceux qui sont là,
17:08soit ils sont déjà condamnés,
17:09soit ils sont candidats
17:10au poteau d'exécution.
17:12Donc, ils n'ont pas
17:13trop le choix que de fuir.
17:14Et là, on voit bien
17:15que cette communauté,
17:17il n'y a rien qui les lie.
17:18Pétain va essayer
17:19de rejoindre,
17:20et grâce à des complicités
17:21diplomatiques allemandes,
17:22va réussir à rejoindre
17:24la frontière suisse.
17:25Laval, c'est toute une histoire,
17:27va se retrouver,
17:27sans entraîner les détails,
17:29en Espagne.
17:29Certains veulent se faire passer
17:30pour des prisonniers du STO
17:32en rentrant en France.
17:33Voilà.
17:33Alors ça, c'est un élément
17:35qui est celui
17:36de la fin de la guerre.
17:37Il y a beaucoup d'Allemands,
17:38pardon,
17:39il y a beaucoup de Français
17:39en Allemagne à ce moment-là
17:40qui n'ont rien à voir
17:41avec Sigmare Hengen.
17:43Il y a les déportés,
17:43il y a les prisonniers de guerre
17:44dont on ne connaît pas le sort,
17:46on va le découvrir
17:47lorsque la guerre
17:49va se terminer.
17:50et à partir de ce moment-là,
17:52beaucoup vont se faire passer
17:53pour, entre guillemets,
17:54des victimes,
17:55soit des travailleurs du STO,
17:56soit des prisonniers de guerre,
17:57etc.
17:58C'est pour ça,
17:58d'ailleurs,
17:59qu'en France,
17:59il y a des commissions
17:59de filtrage.
18:01Et la plupart,
18:01enfin, presque tous,
18:02vont se faire repérer.
18:03Marcel Léa va finir
18:04dans un couvent en Allemagne,
18:06bon,
18:06Doriot sera assassiné,
18:08de la commission gouvernementale
18:10de Sigmare Hengen,
18:11beaucoup sont fugiés.
18:12Joseph Darnan,
18:14Fernand Brénon
18:14qui était le chef du gouvernement,
18:16Jean Luchère
18:17qui était le chef de la propagande,
18:18j'en oublie peut-être un.
18:20Donc, voilà,
18:21c'est l'effondrement.
18:23Et de toute manière,
18:24tout ça ne tenait encore une fois,
18:25c'est pour ça que c'est une parabole
18:27de l'occupation,
18:28ne tenait que par la volonté des nazis.
18:30Il n'y a rien de,
18:31comment dire,
18:32de construit,
18:33tout a été improvisé,
18:34orchestré,
18:35c'est une des dernières parades
18:37franco-allemandes
18:38de l'occupation.
18:39Le dernier épisode du podcast,
18:41Philippe Collin,
18:43est un peu à part
18:44puisqu'il est consacré
18:46au procès de Nuremberg
18:47où la France va faire partie
18:49des quatre pays chargés
18:51de juger les criminels nazis.
18:55De nouveaux chefs d'inculpation
18:58sont créés,
18:59crimes contre la paix,
19:00crimes de guerre,
19:01crimes contre l'humanité.
19:02Pourquoi ce choix
19:03dans le dernier épisode ?
19:06C'était pour montrer
19:07qu'une nouvelle matrice du droit
19:08s'inventait ?
19:09Exactement,
19:10et de raconter aussi
19:12qu'à la fin,
19:12il y a la justice
19:13qui passe internationale
19:16pour juger ces criminels de guerre,
19:18ces génocidaires,
19:19ces bourreaux,
19:20le crépuscule des bourreaux
19:21et aussi raconter
19:22que la France
19:23a sa place à Nuremberg
19:24parce que des hommes,
19:25des femmes,
19:26très courageux,
19:27depuis le départ,
19:28dès juin 40,
19:28ont fait un autre choix
19:29que celui de Philippe Pétain
19:30qui, disons-le,
19:32n'a jamais démissionné.
19:33Henri le dit souvent
19:34mais Pétain n'a jamais démissionné.
19:36Il aurait pu démissionner
19:37plusieurs fois,
19:37il ne l'a jamais fait.
19:38Et donc Nuremberg,
19:39c'est de dire,
19:39voilà,
19:40il y a la justice qui passe
19:41et la France,
19:42il y a une France,
19:43peut-être la France des patriotes
19:44au sens gaullien
19:45et on va dire
19:46résistance de l'intérieur,
19:47qui a sa place à Nuremberg
19:48parce qu'ils ont pris
19:49de tels risques
19:50pour défendre une vision
19:51de la France,
19:52qui est une France ouverte
19:53et pas une France fermée,
19:54que ce risque-là
19:56valait le coup
19:57d'être à Nuremberg
19:58ensuite,
19:58en 45.
19:58On rappelle ces chiffres
20:01de succès du podcast,
20:02plus d'un million
20:02de téléchargements
20:03et là,
20:04c'est intéressant
20:05d'avoir le regard
20:05des deux historiens
20:06qui ont contribué
20:07sur l'intérêt des Français
20:09non seulement
20:09pour cette période
20:10mais aussi pour l'histoire
20:11moins connue
20:12des perdants,
20:13l'histoire des salauds,
20:14les salauds de l'histoire.
20:15Comment est-ce qu'on explique
20:16Bénédicte Vergès-Chénion
20:17cet intérêt-là
20:19pour cette terrible
20:21parenthèse de l'histoire ?
20:22Alors, en fait,
20:23je pense que c'est
20:23la curiosité
20:24et la découverte
20:25qui ont amené
20:27effectivement
20:28autant d'auditeurs.
20:30Beaucoup de gens
20:30ne savaient pas
20:32que ça avait existé
20:33ou savaient très vaguement
20:34que ça avait existé,
20:36rejoignant d'ailleurs
20:37l'indifférence des Français
20:39à l'égard de Zilmaringen
20:40en 44-45,
20:42qu'ils ne connaissaient,
20:44je dirais,
20:44presque que par des caricatures
20:46dans la presse.
20:48Et donc,
20:49ce que nous ressentons
20:50avec tous les gens
20:51qui nous abordent
20:52pour nous parler
20:53du podcast,
20:55c'est vraiment
20:56le plaisir de la découverte,
20:59un plaisir
20:59mêlé d'amusement
21:01et d'indignation
21:02aussi parfois.
21:04Henri Rousseau,
21:04sur le succès
21:05de ce podcast,
21:06vous avez une analyse,
21:08un sentiment,
21:08une impression.
21:10Oui, c'est simple.
21:11Quand l'histoire
21:11est bien racontée,
21:12elle passionne.
21:13Je suis très sincère.
21:15Il y a eu plusieurs livres
21:17sur Zilmaringen,
21:17dont le mien,
21:18qui maintenant
21:19datent beaucoup.
21:20Un excellent livre,
21:21je le précise.
21:22Mais il y a une manière
21:23de raconter l'histoire.
21:24Il y a autre chose aussi
21:25qui m'a beaucoup intéressé
21:27dans ce voyage
21:28qui était assez particulier,
21:29c'est que nous nous sommes
21:30rendus sur place.
21:32Et donc,
21:32on sent,
21:33on sent,
21:34on sent qu'il n'y a plus rien.
21:35C'est-à-dire,
21:36on est là,
21:36on en parle,
21:38il n'y a pas de trace.
21:39C'est un détail,
21:40mais important.
21:41Il n'y a aucune trace,
21:42quand vous allez
21:42à Zilmaringen,
21:44du passage des Français
21:45à ce moment-là.
21:46Moi,
21:46quand j'y étais en 1980,
21:47en 1982,
21:48il y avait une trace.
21:49J'avais rencontré
21:50un pharmacien
21:50qui était le fils
21:51du pharmacien
21:51qui faisait
21:52les ordonnances
21:52de Pétain.
21:53Donc là,
21:53il a pu m'en parler,
21:54il a même eu
21:54une exposition
21:55au château.
21:56Aujourd'hui,
21:57il n'y a plus aucune trace.
21:58C'est un épisode
21:58qui a disparu complètement
22:00de la mémoire allemande,
22:01pour des tas de raisons.
22:03Donc,
22:03on la réexhume,
22:04on la raconte bien.
22:06Voilà.
22:06En écoutant le podcast,
22:08j'ai repensé
22:09à cette phrase
22:09qui est de phrase célèbre,
22:10le jour de la mort
22:11du maréchal Pétain.
22:12Général De Gaulle
22:12et Georges Pompidou
22:14sont ensemble.
22:14Pompidou rentre
22:15dans le bureau du général
22:16en lui disant
22:16« Mon général,
22:17Pétain est mort,
22:18c'est une page qui se tourne ».
22:19Réponse de De Gaulle,
22:21vous vous trompez Pompidou,
22:22c'est une page
22:22qui ne se tournera jamais.
22:24Est-ce qu'il y a aussi
22:25peut-être quelque chose
22:26du rapport qu'ont les Français
22:27à cette histoire
22:27de la Seconde Guerre mondiale,
22:28d'une page qui,
22:29au fond,
22:30ne s'est toujours pas tournée,
22:31aussi dans ces tourments,
22:33dans cette France
22:34qui a fait le choix
22:35de la collaboration ?
22:37Elle ne se tournera pas.
22:38J'ai cru un moment
22:39dans ma naïveté
22:40de jeunes historiens
22:41qu'un jour
22:42on finirait par en finir
22:44avec ce passé
22:45qui ne passe pas
22:46puisque j'ai utilisé ce terme
22:47mais ce n'est pas par hasard.
22:49Non, il ne passera pas
22:49parce que ce n'est pas
22:51tellement l'histoire elle-même
22:52mais tout ce qu'elle représente.
22:53C'est-à-dire,
22:54ce jour-là,
22:55les grandes fractures françaises
22:56entre le progressisme
22:57entre guillemets
22:58et le nationalisme
22:59le plus extrême,
23:00ce jour-là
23:01des questions morales
23:02absolument fondamentales.
23:04Qu'est-ce qu'il fallait faire
23:04en juin 1940 ?
23:05Fallait-il rester ?
23:06Fallait-il partir ?
23:07Je viens d'écouter
23:08un collègue français
23:09qui vit aux Etats-Unis
23:10qui est en train
23:11de se poser
23:11la même question.
23:13La même question.
23:14Donc, d'une certaine manière,
23:15l'occupation,
23:16au-delà de sa...
23:17C'est une des fractures majeures
23:18de l'histoire de France
23:19qui a laissé des souvenirs.
23:20Sur votre collègue
23:21qui se pose la question
23:21de partir ou non
23:22des Etats-Unis
23:23de Donald Trump.
23:24Oui, alors quand je lis ça...
23:26Alors évidemment,
23:26ça n'a rien à voir.
23:27Je ne fais pas de comparaison.
23:28Mais on est devant
23:29des situations,
23:30j'ai envie de dire,
23:31universelles.
23:32Et il y a eu
23:33une telle polarisation
23:34et le mot polarisation
23:35pour l'occupation
23:36n'a rien à voir
23:37avec ce qu'on dit aujourd'hui
23:38de la polarisation
23:39de la société
23:40ou de la vie politique.
23:41Donc, d'une certaine manière,
23:42l'occupation reste
23:43une sorte d'expérience
23:45mais des deux côtés.
23:46Une expérience négative
23:47et aussi une expérience glorieuse
23:49par la résistance,
23:50par...
23:51Bah oui,
23:52la France était à Nuremberg.
23:53Pourquoi ?
23:53Parce qu'il y a eu De Gaulle.
23:54Parce que De Gaulle
23:55a réussi au bout du compte
23:56et la résistance
23:57a fait en sorte
23:58que la France
23:58arrive à faire partie
24:00des vainqueurs
24:01alors qu'elle était vaincue.
24:02Tout ça,
24:02ce sont entre guillemets
24:03des leçons,
24:04enfin des leçons
24:04pour des situations
24:06qui ne sont malheureusement
24:07pas que des situations
24:08du passé.
24:08Eh bien, merci à tous les trois.
24:10Merci infiniment
24:11d'avoir été au micro d'Inter
24:13ce matin.
24:14Merci Henri Rousseau.
24:16Je rappelle que vous êtes
24:16directeur de recherche
24:18émérite au CNRS,
24:20spécialiste de Vichy,
24:21évidemment,
24:22et auteur de ce livre,
24:24donc,
24:24Un château en Allemagne,
24:26Fayard pluriel.
24:27Merci Bénédicte Vergès-Chénion,
24:30spécialiste de la Seconde Guerre mondiale
24:32et biographes de Pétain
24:34et un petit mot,
24:37Philippe Collin ?
24:37Oui,
24:38c'est un podcast
24:38du service public,
24:39Nicolas,
24:40avec des gens du service public,
24:41des historiens,
24:41une équipe du service public,
24:42j'en suis très fier,
24:43je le dis à ce micro.
24:44Eh bien,
24:44merci de le souligner,
24:46Philippe,
24:47et allez donc
24:49sur l'application
24:49Radio France
24:50pour télécharger
24:52ce podcast
24:53consacré
24:54à Sigmaringen.
24:55Merci encore.
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