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  • il y a 10 heures
Benjamin Stora, historien, professeur émérite des universités, président de la partie française de la commission mixte des historiens algériens et français, dernier ouvrage avec Thomas Snegaroff “France, Algérie. Anatomie d’une déchirure” (Les Arènes) est l'invité de 8h20.

Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien

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Transcription
00:00Et un grand entretien ce matin alors que l'écrivain Boalem Sansal est sorti des jôles algériennes pour rejoindre Berlin puis la France.
00:08Nous revenons sur l'anatomie d'une déchirure entre la France et l'Algérie avec l'un de nos plus grands historiens.
00:14Professeur émérite des universités, son oeuvre est considérable, autant de livres qui font autorité.
00:21Il est également l'auteur d'un rapport qui porte son nom sur le travail de mémoire entre les deux pays, l'Algérie et la France.
00:28Son livre tiré du podcast France-Algérie, anatomie d'une déchirure avec Thomas Négaroff est paru récemment aux éditions des Arènes.
00:36Questions, réactions chers auditeurs au 01 45 24 7000.
00:41Benjamin Stora, bonjour.
00:42Bonjour.
00:43Et bienvenue, merci de nous aider à y voir plus clair dans cette histoire où chacun a son interprétation, sa grille de lecture et même j'allais dire ses intérêts.
00:52Libres, enfin libres.
00:54Mercredi, l'écrivain Boalem Sansal était donc détenu en Algérie depuis le 16 novembre 2024.
01:02Il s'envolait mercredi vers Berlin, condamné à cinq ans de prison pour atteinte à l'unité nationale.
01:08Il a été gracié par le président algérien Teboun quasiment un an plus tard, jour pour jour, en réponse à une demande notamment du chancelier allemand.
01:18Et on va y revenir, vous qui connaissez si bien l'histoire de l'Algérie mais aussi des mémoires franco-algériennes.
01:27Comment analysez-vous cette séquence, cette année qui vient de s'écouler depuis l'emprisonnement de Boalem Sansal jusqu'à sa libération ?
01:36D'abord, il faut, je voudrais dire, le grand soulagement que j'éprouve à la libération de Boalem Sansal.
01:44Ce soulagement d'ailleurs qui est partagé par beaucoup de monde.
01:47En France, bien sûr, la mobilisation a été extrêmement importante, notamment le comité de défense de Sansal, animé notamment par Arnaud Benedetti.
01:56Mais aussi en Algérie, contrairement à ce qu'on croit, car les Algériens, même s'ils ont manifesté, on y reviendra, beaucoup de désaccords avec les positions de Sansal,
02:06ils étaient pour cette libération, pour faire en sorte que ça ne vienne pas compliquer encore davantage les rapports entre la France et l'Algérie.
02:14Soulagement ou surprise, Benjamin Stora ?
02:17Non, je dirais soulagement.
02:18Vous n'avez pas été surpris ?
02:19Non, parce que les négociations se sont faites dans la discrétion depuis très longtemps entre la France et l'Algérie, contrairement à ce que j'entends un petit peu trop souvent depuis hier.
02:29Je suis bien placé pour le savoir d'ailleurs, car moi personnellement, je n'ai jamais rompu avec mes homologues algériens, historiens.
02:36On a continué sans cesse les débats, les discussions.
02:39La piste allemande avait été évoquée il y a maintenant presque un an, plusieurs mois.
02:45L'Italie également avait été évoquée.
02:47Et puis aussi, je voudrais dire un mot, du Vatican.
02:50Du Vatican ?
02:51Oui, oui, oui.
02:52Et de remercier Mgr Vesco, l'archevêque d'Alger.
02:58Donc il y a comme ça plein de choses qui se sont passées dans la discrétion, notamment par le personnel diplomatique français.
03:03Puis je voudrais saluer bien sûr aussi tout le travail qui a été fait par l'ambassadeur de France en Algérie,
03:10qui est ici à Paris bien sûr, Stéphane Romaté, ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barraud.
03:15On va en parler.
03:16Donc on a par conséquent eu toute une mobilisation, ainsi que le président de la République bien sûr,
03:20il y a eu toute une mobilisation autour de cette affaire qui s'est faite dans la discrétion et loin du vacarme et du bruit.
03:28Mais alors, votre bilan, la morale de cette histoire, en tout cas de cette année qui vient de s'écouler
03:33et qui se termine heureusement avec la libération de Bolem Sansal ?
03:37C'est que les rapports entre la France et l'Algérie sont des rapports extraordinairement difficiles et complexes, bien sûr.
03:43J'ai souvent eu l'occasion de le dire, mais ce sont des rapports où malheureusement l'émotion est très présente dans le champ lexical en permanence.
03:53Les passions, la douleur, les émotions qui viennent sans arrêt percuter des rapports qui pourraient être « normaux » d'état à état.
04:04C'est sans arrêt des événements, des péripéties, des cris, disons, qui viennent perturber des campagnes même,
04:12qui viennent perturber les relations et les rapports franco-algériens.
04:16C'est tout à fait regrettable.
04:18Donc on a eu une année difficile, une année très dure, une année où effectivement, disons, les Algériens ont eu le sentiment qu'il y avait une campagne,
04:27disons, anti-algérienne, qui a été très forte sur toute une série d'aspects.
04:32Les Français ont eu le sentiment que l'Algérie n'avançait pas sur la question des OQTF.
04:37Enfin, je ne vais pas ici faire la liste de toutes les questions.
04:39Les obligations et de quitter le territoire français.
04:40Voilà. Donc il y a eu toute une série comme ça de débats extrêmement difficiles
04:46et qui sont venus sans cesse percuter la relation tranquille et normale qu'on devrait avoir avec un grand pays comme l'Algérie.
04:54Mais Benjamin Storin, on l'entend dans ce que vous dites, c'est-à-dire que ces points difficiles, il y en a un certain nombre qui perdurent
04:59et notamment Christophe Glez, le journaliste de Soufou, qui lui est toujours détenu depuis un an.
05:03Mais après quand même cette annonce de la libération de Boalem Sansal, le président Macron lui-même s'est dit disponible pour échanger sur les sujets d'intérêt commun.
05:12Il y a l'ambassadeur français, l'ambassadeur de France en Algérie, qui dit qu'on entre dans une nouvelle phase avec un réalignement des planètes.
05:19Est-ce que vous partagez cette analyse sur une nouvelle phase ?
05:22Oui, je pense que c'est une nouvelle phase, mais en même temps, vous savez, on ne peut pas effacer 132 ans de colonisation française par un seul geste, un seul discours et un seul acte.
05:33Ça a été beaucoup trop profond.
05:35Je peux dire l'installation d'une colonie de peuplement, la guerre d'indépendance algérienne a été terrible.
05:42N'oublions pas, et les Français ne le savent pas, qu'il y a eu 2 millions de paysans algériens déplacés par l'armée française à l'intérieur du pays.
05:493000 villages ont été détruits. Je peux comme ça multiplier les exemples.
05:54Les Français ignorent, comme ils ignorent d'ailleurs la conquête, la pénétration de la France en Algérie, a duré presque un demi-siècle de massacre.
06:03Et ça, c'est resté gravé dans les mémoires algériennes. C'est très fort, c'est très important.
06:07On ne peut pas effacer cette histoire comme ça de manière instantanée.
06:10Et dans toutes les familles, qu'elles soient en France ou en Algérie, cette histoire, elle est inscrite.
06:14Et puis, il y a aussi, bien sûr, les Européens d'Algérie, souvent très pauvres, qui sont partis en Algérie pour tenter l'aventure,
06:21qui ont vu se succéder les différentes générations, presque six générations se sont succédées sur le territoire algérien.
06:28C'est colossal, sans parler, bien sûr, du million et demi de soldats français qui sont partis combattre en Algérie.
06:34Là aussi, c'est colossal. Tous les hommes nés entre 1932 et 1943 connaissent l'Algérie, sont allés en Algérie.
06:40Vous imaginez le nombre de personnes que cela concerne. Donc, ça ne peut pas être une relation comme les autres.
06:46Une relation difficile qu'il faut commencer à prendre en charge par la mise en œuvre d'un énorme chantier mémoriel
06:53qui a été interrompu et qu'il s'agira, bien sûr, de reprendre. Mais pas par un seul geste, pas en se montrant impatient.
07:01Il faut être extraordinairement patient. Vous savez, ça fait très, très, très longtemps.
07:04Ali le sait que je travaille sur l'histoire de l'Algérie contemporaine, malgré toutes les vicissitudes que j'ai pu traverser.
07:11Et elles sont nombreuses. Il ne faut pas perdre le fil et ne pas perdre patience.
07:15Ça fait 30 livres ou plus que vous avez consacré.
07:2040.
07:2040 à la mémoire de l'Algérie et de sa colonisation, mais également à la guerre, à la guerre invisible,
07:28celle des années 90, celle de tous les traumatismes. Vous avez fait l'anatomie de cette déchirure sur l'antenne de France Inter.
07:36Quand vous dites que le cas sans salle dit plus de l'Algérie que des relations entre la France et l'Algérie.
07:42Expliquez-nous le sens de cette phrase, Benjamin Stora.
07:45C'est-à-dire que ça dit beaucoup de choses sur cette circulation qui existe entre la France et l'Algérie,
07:51entre les intellectuels, entre les écrivains.
07:53Il y a une sorte d'espace mixte franco-algérien, qu'on le veuille ou non, qui a été créé par l'histoire,
08:00même si les deux nations sont bien sûr séparées complètement.
08:04Et n'oublions pas que le nationalisme algérien est quelque chose de très vif, de très important.
08:09Ça dit beaucoup de choses parce que, vous savez, je l'ai dit tout à l'heure,
08:15il y a beaucoup de gens en Algérie qui n'étaient pas d'accord avec le pouvoir algérien.
08:20On l'a vu dans les manifestations du Hirak en 2019.
08:24Mais paradoxalement, l'arrestation et la détention de Boalem sans salle ont fait ce qu'on pourrait appeler un effet drapeau.
08:32C'est-à-dire que ceux qui étaient opposés, disons, au pouvoir politique en Algérie,
08:38eh bien dans le fond, face à ce qui était perçu comme une attaque, non pas contre le pouvoir,
08:42mais contre l'Algérie en général, se sont regroupés, disons, derrière, disons, un certain nombre d'éléments,
08:48enfin de facteurs nationalistes.
08:51Donc ça dit beaucoup de choses, cette question-là.
08:54C'est-à-dire qu'il faut faire très très attention à la façon dont on traite l'histoire des autres.
08:59L'histoire, disons, des autres pays anciennement colonisés.
09:02La façon dont on a de discuter avec ces histoires-là.
09:05Et donc ça nous dit beaucoup de choses.
09:07Et puis d'autre part...
09:07Même si c'est son histoire également à Boalem sans salle, c'est ça le paradoxe.
09:12Et même si, effectivement, de l'autre côté, effectivement, il y a une histoire française qui est très importante.
09:18Boalem sans salle est un écrivain aussi français, comme d'autres écrivains, disons, français aujourd'hui, d'origine algérienne.
09:26Il y en a beaucoup d'autres.
09:27Il y a beaucoup de journalistes, beaucoup d'écrivains, disons, en France comme en Algérie.
09:30Donc ça dit beaucoup du partage en commun de ce que Katab Yassine appelait le butin de guerre,
09:36c'est-à-dire l'utilisation de la langue française en Algérie qui reste extrêmement importante.
09:42Ce qu'on entend dans vos paroles, Benjamin Stora, c'est aussi l'aspect politique des choses avec cet effet drapeau.
09:47La libération de Boalem sans salle, elle coïncide aussi à quelques jours, à quelques semaines près en France,
09:53avec l'arrivée d'un nouveau ministre de l'Intérieur, Laurent Nunez, qui succède à Bruno Retailleau,
09:58qui était lui partisan de la manière forte, qu'il appelait la manière forte vis-à-vis d'Alger.
10:02Mais il y a un lien, d'après vous, entre le retour, la libération de Boalem sans salle
10:08et le retour d'une politique de la main tendue par rapport à ce qui était plutôt un rapport de force ?
10:13Je pense que oui, bien sûr.
10:15Le changement de ton a joué, c'est incontestable.
10:18La dernière déclaration de Laurent Nunez, qui s'est posée beaucoup plus en technicien,
10:23disons, des rapports franco-algériens, notamment sur les questions migratoires,
10:27les questions sécuritaires, le problème des OQTF,
10:29en essayant de dépassionner, disons, ce dévoi.
10:32Point par point, en fait.
10:33Point par point, absolument.
10:34C'est-à-dire essayer de le traiter avec une méthode très différente de la méthode de son prédécesseur.
10:40C'est quelque chose, effectivement, qui encourage, qui permet cela.
10:43Mais encore une fois, je reviens malheureusement à ce que je disais précédemment,
10:47il ne faut pas croire que tout va se régler,
10:49qu'il n'y aura pas de traces qui vont rester dans cette crise.
10:53Je crois que les traces vont rester dans cette crise.
10:55Il va falloir regagner la confiance de chaque côté de la Méditerranée.
10:59Ça va prendre du temps.
11:01Et il ne faut pas croire que tout va redémarrer comme par enchantement.
11:04Avant les questions des auditeurs, Benjamin Stora, vous parlez de Katé Biassine,
11:08un enfant natif de Constantine, comme vous d'ailleurs,
11:11grande figure de la littérature moderne algérienne.
11:15C'était une figure iconoclase, c'était une figure révolutionnaire, extrêmement engagée.
11:20Est-ce que Katé Biassine pourrait écrire aujourd'hui en Algérie ?
11:24Ah, ce serait très difficile, bien sûr.
11:26Non seulement aujourd'hui, mais n'oublions pas qu'il est venu en France.
11:30Oui, il a été exilé.
11:31Il a été obligé de repartir en France.
11:32Il est mort ici, dans la région de Grenoble, je crois, si mes souvenirs sont bons.
11:36Mais il n'est pas le seul.
11:36Je pense en particulier à un autre ami à moi, comme Rachid Mimouni,
11:39qui est mort en 1995.
11:41Je ne vais pas faire ici la longue liste de ceux qui sont malheureusement partis vivre à l'étranger.
11:47Je pense aussi à Mohamed Harkoun, Malek Chebel, etc.
11:50La liste est longue des intellectuels.
11:52Mohamed Harkoun, qui était un immense interprète du Coran,
11:54et notamment du Coran des Lumières.
11:56Tout à fait.
11:57Les auditeurs d'Inter, alors ils vous posent, et c'est assez frappant,
12:02tous des questions sur l'avenir plus que sur le passé, monsieur l'historien.
12:05Farid qui vous dit, vu les tensions qu'il y a ou qu'il y a eu,
12:08quelles peuvent être les relations dans l'avenir entre la France et l'Algérie ?
12:12Et il y a eu de très nombreux messages en ce sens.
12:15Oui.
12:16On peut imaginer l'avenir lorsqu'on est, comme vous,
12:20à étudier le passé et les traumatismes et les blessures qui ne se referment pas depuis si longtemps ?
12:27Oui, parce qu'à force de travailler sur l'histoire,
12:29on acquiert beaucoup de considérations et de respect
12:32si on tient le fil de la continuité historique.
12:35Mais si on procède par un coup, par séquence qu'on vient fermer l'une derrière l'autre,
12:42alors à ce moment-là, on perd la confiance des interlocuteurs qu'on a en face.
12:47Et en particulier, je veux dire, on a subi aussi des tensions,
12:50non seulement avec l'Algérie mais avec le Maroc.
12:52Il y a sans arrêt eu comme ça des choses qui se sont déroulées de manière très brusque,
12:58d'un côté comme de l'autre,
13:00alors que la continuité historique d'une politique étrangère de la France
13:03voudrait précisément qu'elle plaide pour l'unité du Maghreb.
13:06Mais la continuité historique de la politique algérienne,
13:09la continuité historique, je vous interromps,
13:11parce que c'est justement ce que demande un auteur comme Kamel Daoud,
13:14c'est qu'enfin, on remise, disons, dans la mémoire,
13:20l'histoire traumatique et que ce ne soit plus un alibi pour le régime
13:24pour se maintenir au pouvoir et imposer son autorité sur les Algériens,
13:29dont l'immense majorité a moins de 25 ans
13:32et qui n'a absolument pas connu cette histoire-là.
13:36Mais vous savez, vous ne pouvez pas effacer l'histoire.
13:39C'est constitutif de l'identité nationale.
13:41Vous croyez que vous pouvez effacer l'histoire française de la Seconde Guerre mondiale,
13:45de l'extermination des Juifs, de la place du maréchal Pétain ?
13:48Vous croyez que vous allez pouvoir effacer ce qu'a été la résistance à l'occupation nazie en France ?
13:53Vous croyez que vous pouvez effacer le Front populaire mai 68, etc. ?
13:57Non, c'est constitutif de l'identité nationale française.
14:01Il y a un nationalisme français qui est fait de lumière et d'ombre
14:05et qui constitue ce qu'on appelle l'identité nationale.
14:08L'identité nationale algérienne, elle s'est construite aussi par un nationalisme,
14:13avec les grandes figures de Messal El-Hajj, avec Ferhat Abbas, Ben Béla,
14:16Ben Béla, après et plus tard, Boudiaf, Ben Béla, etc.
14:20Mais je parle de l'ancienneté de ce nationalisme.
14:24Vous savez, l'année prochaine, en 2026, on va fêter le centième anniversaire de la création de l'étoile nord-africaine.
14:29Je m'excuse de faire un peu l'historien.
14:31L'étoile nord-africaine, c'est la première organisation qui a revendiqué l'indépendance pour les trois pays d'Afrique du Nord.
14:36Et c'était il y a un siècle.
14:38C'était il y a tout juste un siècle.
14:40Il y a cent ans.
14:41Vous croyez que ça peut s'effacer ?
14:42Cette histoire, elle ne s'enseigne pas.
14:44Elle est tombée dans l'oubli.
14:45Vous en parlez ce matin.
14:46Bien sûr.
14:46Mais très rares sont ceux qui l'ont entendu.
14:47Non, ils ne le savent pas.
14:48En France, on ne le sait.
14:49Ça a été fait à Paris, d'ailleurs, la création de l'étoile nord-africaine,
14:52par les grands leaders nationalistes algériens, etc.
14:55Et marocains.
14:55Donc, comment dirais-je ?
14:57Quand vous avez un siècle d'histoire, d'opposition, d'organisation, de refus, de batailles, de programmes idéologiques, d'engagement intellectuel,
15:07comment vous voulez effacer tout ça ?
15:09Il faut, bien sûr, ne pas être prisonnier de la tyrannie du passé.
15:13Bien sûr, il ne faut pas être englué par le passé.
15:17Mais en même temps, comment pouvoir le dépasser ?
15:19C'est ce qu'on a essayé de faire, dans le fond, avec le chantier mémoriel qu'on a commencé à mettre en mouvement.
15:24Lorsqu'on a pris les questions les unes après les autres.
15:28Et cette commission mixte, où il y a des historiens français, d'autres algériens.
15:32Absolument.
15:33Mais il y a eu, par exemple, la reconnaissance de l'assassinat de Maurice Audin, de Ali Boumengel, etc.
15:37Par parenthèse, j'annonce comme ça le décès de Michel Audin, qui est la fille de Maurice Audin, qui est décédé malheureusement hier.
15:46Donc, il y a eu toute une série, disons, d'initiatives très concrètes, très pratiques,
15:52qui ont été prises sur les cimetières, sur les essais nucléaires, sur l'ouverture des archives, sur la question du 17 octobre 1961.
16:00C'est-à-dire que tous ces éléments pas à pas qui ont commencé, malheureusement, ont été percutés par l'intervention du politique.
16:09Donc, c'est cela qu'il faut reprendre.
16:11De manière, encore une fois, très patiente.
16:13C'est ça, l'avenir des relations franco-algériennes.
16:15C'est qu'on ne peut pas passer par-dessus l'histoire.
16:18On ne peut pas l'enjamber en l'évacuant.
16:20Il faut la traiter.
16:22Il faut la regarder en face.
16:23Dans ce cadre-là, Benjamin Stora, que peut avoir comme conséquence le vote par le Rassemblement national,
16:30en tout cas le vote du texte proposé par le Rassemblement national,
16:34qui dénonce l'accord franco-algérien de 1968,
16:38qui encadrait le droit de séjour des Algériens en France ?
16:42Je sais, cette bataille maintenant de 1968, elle commence à être un petit peu ancienne.
16:47Ça fait déjà un an ou deux qu'on en parle beaucoup.
16:49La question migratoire, vous le savez, les accords de 1968, c'était pour réguler le flux et la circulation des travailleurs algériens après l'indépendance de 1962.
16:58Maintenant, il va falloir remettre sur la table toutes les discussions sur la question migratoire avec l'Algérie,
17:04qui, par parenthèse, est un grand pays de 47 millions d'habitants,
17:08qui a la plus grande frontière.
17:09C'est le plus grand pays d'Afrique.
17:10C'est le plus grand pays d'Afrique qui a la plus grande frontière avec l'Europe.
17:141400 kilomètres de frontière méditerranéenne et la plus grande frontière sahélienne,
17:18dans une situation où ce qui se passe en ce moment au Seul est très très dangereux et très critique.
17:23Avec le terrorisme diadiste.
17:25Absolument, ce qui se passe au Mali, au Burkina Faso, au Niger et même au Sénégal.
17:29Donc il y a par conséquent la nécessité impérieuse,
17:32non pas de rester sur des vieux débats, les accords de 68, etc.,
17:37mais d'envisager, puisqu'on parlait tout à l'heure de l'avenir,
17:41mais d'envisager comment ensemble traiter de ces questions migratoires.
17:45Donc il faut regarder résolument vers l'avenir sur ces questions-là et ne pas être englué par le passé.
17:51Si on regarde l'avenir, il y a le voisinage avec l'Europe,
17:55mais il y a un autre voisin à l'ouest, le Maroc.
17:57Donc vous regardez l'avenir, vous pensez que les deux pays se réconcilieront un jour ?
18:01J'espère, parce que, comme je vais essayer de le dire tout à l'heure,
18:04c'est que, moi, mon espérance, c'est que l'unité de l'Afrique du Nord puisse se réaliser.
18:09C'était le vœu et l'espérance des grands leaders,
18:11des nationalismes, du listicleal marocain, du néo-destour tunisien,
18:17naturellement du MTLD avec Messali algérien,
18:20et même du FLN, bien entendu.
18:23C'était leur grand espoir dans la conférence de Tangier en 1958,
18:26qui était une grande conférence et qui, malheureusement, n'a pas débouché.
18:31Donc il faut espérer que ce vaste ensemble,
18:34qui va bientôt compter 100 millions d'habitants face à l'Europe,
18:38puisse se réunifier et puisse effectivement faire profiter sa jeunesse aujourd'hui
18:44de tous les bienfaits d'un développement économique.
18:47Merci infiniment, Benjamin Stora, d'avoir été l'invité de France Inter.
18:50Ce matin, je rappelle donc France-Algérie,
18:53anatomie d'une déchirure avec Thomas Négaroff,
18:56qui est toujours disponible aux éditions des Arènes.

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