- 20 hours ago
Category
🗞
NewsTranscript
00:00On va s'intéresser ce soir à l'élaboration des cartes géographiques et à leurs repères comme les Méridiens.
00:06Ces lignes virtuelles tracées entre les pôles pour cartographier la Terre,
00:10mais qui ont servi au fil des siècles à conquérir ou dominer certains territoires.
00:14Et c'est cette histoire que raconte un ouvrage sorti cet automne,
00:17Méridiens, mesurés, dominés et partagés la Terre, aux éditions du CNRS.
00:22Son auteur est avec nous ce soir, Fabrice Argounès.
00:25Bonsoir.
00:25Vous êtes géographe, géohistorien, enseignant à l'INSPE de Rouen.
00:30Merci infiniment d'être avec nous ce soir sur France 24 pour parler de cette histoire des Méridiens.
00:35Alors soyons didactiques pour commencer.
00:37De qu'en datent les premiers Méridiens et ces autres lignes virtuelles qui cartographient notre monde ?
00:43Leur histoire est assez ancienne, effectivement, puisqu'elle date de l'Antiquité.
00:47C'est-à-dire, pour nous, nos repères les plus classiques, c'est l'Antiquité grecque.
00:50C'est-à-dire, dès les siècles avant notre ère, vous avez des géographes qui vont penser souvent,
00:58les zoner le monde, en fonction, par exemple, de la position par rapport au rayon du Soleil.
01:03Nous avons des héritages, vous les connaissez, c'est, par exemple, les tropiques ou les cercles polaires,
01:08et évidemment l'Équateur.
01:09Et d'un autre côté, nous avons aussi des lignes qui sont cette fois-ci nord-sud,
01:14c'est-à-dire que vous avez des lignes comme les Méridiens qui, eux aussi, sont portées sur des cartes dès l'Antiquité.
01:20Mais ce qui est intéressant, c'est que c'est vrai en Grèce, mais c'est vrai, par exemple, en Inde,
01:25et avec d'autres adaptations en Chine également, toujours à la même époque, durant l'Antiquité.
01:30Quels ont été les grands Méridiens de l'Histoire et lesquels se sont imposés au fil des siècles ?
01:36Eh bien, la différence la plus importante entre les parallèles et les Méridiens,
01:40c'est que la référence des parallèles, l'Équateur, est une ligne plutôt facile à repérer,
01:45puisque c'est l'ensemble des points, vous savez, à mi-chemin entre les deux pôles.
01:49Par contre, pour les Méridiens, les Méridiens ont pu être partout, et ils l'ont été dans l'Histoire.
01:54Effectivement, dans les grands Méridiens les plus connus, peut-être le Méridiens le plus ancien,
01:59probablement celui d'Alexandrie, en Égypte, mais vous avez eu des Méridiens à Bagdad,
02:04des Méridiens à Washington, des Méridiens à Kyoto, etc.
02:08Alors là, on voit une carte d'Ératostène.
02:10Alors ça, c'est une reproduction du XIXe d'une carte grecque.
02:14Alors, on ne voit peut-être pas très bien, mais vous avez une ligne verticale, à peu près au milieu,
02:19qui est justement le tracé du Méridien d'Alexandrie, tracé par Ératostène,
02:24et qui montre le monde connu à l'époque.
02:26C'est-à-dire, on arrive à reconnaître un peu une partie de l'Europe, de l'Afrique,
02:30la péninsule arabe et un morceau de l'Asie.
02:32Et donc, les Méridiens vont servir aussi, évidemment, à mieux connaître la terre
02:37et à mieux connaître la situation de certaines villes ou certains pays.
02:41On va visionner à présent une autre carte que vous nous avez transmise cette fois,
02:45une carte d'Ali Drissi, un grand cartographe arabe du Moyen-Âge.
02:49On va voir donc cette carte à l'antenne.
02:52Qu'est-ce que nous enseigne cette carte ?
02:55Cette carte, c'est un des chefs-d'œuvre de la cartographie médiévale.
02:57Donc, effectivement, Alid Drissi, il l'a fait pour le roi de Sicile.
03:01Et il produit, en fait...
03:03C'est la de quand, d'ailleurs ?
03:04Pardon, c'est la celle du XIIe siècle.
03:06C'est une des cartes les plus, comment dire, précises de l'époque.
03:10Et là aussi, on reconnaît, alors évidemment, une Méditerranée un peu élargie.
03:14On reconnaît l'Afrique du Nord et la péninsule arabe.
03:16Et en fait, c'est à partir des savoirs grecs anciens et des voyages,
03:20notamment de plusieurs géographes du monde arabo-musulman,
03:24eh bien, il va élargir les connaissances.
03:26Et lui aussi, ça qui est intéressant, se sert des méridiens pour repérer les longitudes.
03:31Alors, comme la plupart des cartes dans le monde arabo-musulman,
03:33la Mecque a une place éminente, quasiment au centre de la carte.
03:37Mais on a aussi une carte qui va passer du monde atlantique,
03:39que l'on repère un peu ici à l'ouest, jusqu'au, quasiment au Pacifique.
03:43Même si, évidemment, ce ne sont pas les cartes qu'on utilise aujourd'hui.
03:46Donc, parfois, on a un peu moins de repères quand on lit cette carte.
03:50Et ce que vous expliquez dans votre ouvrage, c'est qu'assez rapidement,
03:53donc, cet outil géographique, qui se veut théoriquement neutre,
03:57mais qui ne l'est pas, enfin, on y reviendra,
03:59à savoir le méridien, est utilisé au fil des siècles par les pouvoirs en place.
04:04C'est ça. C'est-à-dire que les méridiens, c'est à la fois une extraordinaire histoire des sciences.
04:07C'est peut-être la plus grande aventure de l'humanité savante.
04:10C'est-à-dire que ça fait 2500 ans qu'ils ont servi à améliorer les cartes.
04:14Et nous avons encore des héritages aujourd'hui.
04:16On pourra parler peut-être du GPS ou d'autres choses.
04:19Mais, dans le même temps, se positionner, se situer dans le monde et contrôler les territoires,
04:24c'est un enjeu politique majeur.
04:26Et donc, effectivement, ça a été souvent un enjeu pour les pouvoirs en place,
04:30qu'il s'agisse de califes, de rois, de princes.
04:32Mais, par exemple, on peut citer au XVIIIe siècle, au XVIIe et XVIIIe siècle,
04:36deux rois extrêmement présents, extrêmement connus de l'histoire mondiale.
04:39D'un côté, le roi de France, Louis XIV.
04:42De l'autre, l'empereur de Chine, Kangxi.
04:44Tous les deux ont utilisé, à partir, par exemple, de l'Observatoire de Paris
04:48et à partir de Pékin, cette fois-ci pour l'empereur Kangxi,
04:51ont utilisé les méridiens pour affirmer leur pouvoir sur un territoire.
04:54L'exemple de Kangxi, tout simplement, c'est la dynastie de Chine
04:58qui arrive au pouvoir au XVIIe siècle
05:00et qui va vouloir contrôler mieux son territoire et élargir l'Empire.
05:05Et Kangxi va demander, notamment à des jésuites français,
05:08mais également à des mandarins chinois,
05:10de tracer un atlas qui est probablement la plus grande œuvre cartographique du XVIIIe siècle
05:15pour mieux contrôler, par exemple, le Tibet ou le Xinjiang,
05:18des zones de l'Empire qui étaient moins bien contrôlées par le pouvoir central.
05:21Quand est-ce que le méridien de référence, aujourd'hui, Greenwich, s'impose ?
05:25C'est ça, c'est qu'aujourd'hui, évidemment, on pense tous au méridien de référence.
05:27En fait, il s'impose officiellement lors d'une conférence internationale
05:32qui se passe à Washington en 1884
05:35où, en dépit d'autres potentiels méridiens de référence,
05:39on peut penser au méridien de Paris, porté par les Français à l'époque,
05:42eh bien, le méridien de Greenwich s'impose.
05:44Mais s'il ne s'impose pas d'un point de vue scientifique,
05:47la conférence est un enjeu politique et diplomatique.
05:49En fait, si le méridien de référence s'impose en 1884,
05:53c'est aussi et surtout parce que le Royaume-Uni
05:55est la première puissance coloniale mondiale.
05:57C'est la Royal Navy britannique et la première force maritime
06:01et que les Britanniques sont au cœur de l'économie mondiale.
06:03Et c'est justement là que la mondialisation débute ?
06:07C'est ça, c'est un élément.
06:09Au XIXe, on pense souvent, évidemment, à la révolution,
06:12par exemple, avec le charbon, etc.
06:13Mais la mesure de l'espace et du temps
06:16fait aussi partie de ces enjeux de la mondialisation impériale
06:19et aussi avec les questions autour de la question de l'universel
06:22portée notamment par les Européens nucléaires.
06:24Et c'est justement au moment de la montée
06:25de ces impérialismes européens au XIXe siècle
06:27que les méridiens servent à partager le monde non-occidental.
06:32Alors, on pense évidemment à l'Afrique
06:34et à la conférence de Berlin de 1885.
06:38C'est-à-dire votre choix d'archives du jour
06:39dans le cadre de notre carte blanche
06:41qui est une tradition dans le cœur de l'info.
06:43Voici donc un dessin qui évoque cette conférence de Berlin de 1885.
06:51Vous avez aussi voulu, dans le cadre de cette carte blanche,
06:54évoquer la figure de Cécile Rode
06:56qui est une figure d'ailleurs majeure
06:58de l'impérialisme britannique en Afrique.
07:00C'est ça.
07:00À travers la première gravure et la conférence de Berlin,
07:04on reconnaît évidemment des acteurs européens autour d'une table.
07:07Et ce qui est intéressant, c'est que l'Afrique,
07:08qui est visible derrière,
07:09elle est tracée sans frontières,
07:12vraiment parfaitement lisible pour celui qui regarde la gravure,
07:15mais avec quand même des méridiens
07:16parce que ça fait partie aussi des enjeux du partage de l'Afrique.
07:20Ça va être des grands tracés de règles depuis l'Europe,
07:23depuis des salles européennes
07:24et où l'on va évidemment essayer de se partager ce continent
07:28aussi à partir de ces fameuses lignes imaginaires
07:30et de coordonnées géographiques qui vont faire le partage.
07:33Et Cécile Rode, il est intéressant.
07:35Cécile Rode, il représente évidemment ici
07:37l'impérialisme britannique à son apogée.
07:39Cécile Rode, là, il a un pied sur le Caire
07:41et un pied sur le Cap en Afrique du Sud.
07:44Et donc, c'est l'idée de l'Empire britannique
07:45qui cherche de la Méditerranée au Sud à s'imposer.
07:50Mais il est aussi ici caricatural.
07:53Je ne sais pas si on voit bien le jeu de mots,
07:54mais c'est le colosse de Rode.
07:55On joue là-dessus.
07:56Rode, il va donner son nom à la Rhôdésie du Nord
07:58et Rhôdésie du Sud, aujourd'hui Zambie et Zimbabwe.
08:01Et Rode, en fait, ce lien, le Cap, le Caire,
08:05c'est également, en fait, le 30e Méridien Est
08:09qui est, en fait, le Méridien qui va servir
08:11à construire la géodésie et la cartographie moderne
08:14de l'Afrique à l'époque.
08:16Un cadréage, donc, du continent africain,
08:19parfois à la règle.
08:20Enfin, en tout cas, c'est l'impression
08:21qu'on en a à voir certaines cartes,
08:24comme, je pense, notamment au Mali
08:26ou encore à l'Égypte,
08:28au détriment, donc, des peuples sur place.
08:31C'est ça. Et alors là, il faut, malgré tout,
08:35essayer de voir que, en dépit de cette violence cartographique
08:39coloniale qui est de se partager des territoires,
08:43c'est un peu moins caricatural que ce que l'on pourrait imaginer.
08:46Et très souvent, on a reproduit un discours colonial
08:49dans la période postcoloniale
08:50autour de l'artificialité, vous savez, des frontières africaines.
08:54D'abord, il faut rappeler quelque chose de très simple.
08:56Je vais prendre l'exemple de la frontière
08:57entre la France et l'Espagne.
08:59Même si vous avez les Pyrénées au milieu,
09:00l'ensemble des frontières sont des frontières
09:02pensées par les hommes, artificiels.
09:04Il n'existe pas de frontières naturelles.
09:06Il peut y avoir des frontières avec un fleuve
09:08ou avec une chaise de montagne.
09:08Non, mais là, il y a quand même des frontières
09:09qui sont particulièrement rectilignes.
09:11C'est ça. Elles sont rectilignes et c'est normal.
09:13Elles interpellent.
09:14Mais il faut rappeler que même lors
09:16de l'épisode colonial,
09:18il y a parfois des revendications,
09:20des résistances et des négociations locales.
09:23Et pour l'exemple de l'Égypte,
09:23ici, on a même quelque chose d'extérieur.
09:25Là aussi, si vous regardez, au nord,
09:27vous avez la Méditerranée.
09:27À l'est, vous avez la mer Rouge.
09:30Et on voit deux énormes traits droits de l'Égypte.
09:32Et donc, on imagine bien comme modèle
09:34du découpage colonial.
09:35Pourtant, si vous prenez la frontière
09:38entre l'Égypte et la Libye
09:39du côté de la Méditerranée,
09:41c'est en fait signé en 1882.
09:44Et c'est un choix qui est fait
09:47à partir d'un ancien découpage
09:49de l'Empire ottoman
09:50entre le Khédiva
09:51que dominait le Khédive,
09:53le Khédiva d'Égypte
09:54et la Cyrenaïque,
09:56qui est un morceau de la Libye actuelle.
09:57Et en fait, les Anglais ont en grande partie
09:59poursuivi ce grand trait
10:01que l'on voit ici.
10:02C'est le 25e Méridien Est.
10:05Poursuivi ce trait
10:06à travers le désert.
10:07Et la frontière sud,
10:09elle aussi est vraiment taillée au cordeau,
10:10qui nous fait là aussi penser
10:12à ce découpage colonial par excellence.
10:14C'est un peu plus complexe
10:15parce que là aussi,
10:16c'est en fait le 22e parallèle.
10:18Mais si vous regardez au niveau du Nil,
10:20on devine un peu sur la carte les lacs.
10:22C'est la première cataracte.
10:23Et en fait,
10:24c'est une frontière traditionnelle de l'Égypte
10:27qui est présente dans l'Empire
10:29et avec les pharaons égyptiens
10:31dès le 19e siècle avant notre ère.
10:34Et en fait,
10:35la frontière actuelle
10:36est à quelques kilomètres.
10:37Donc ça nuance un peu
10:39la responsabilité des Européens
10:40dans ce quadrillage
10:41du continent africain.
10:44Ce tracé rectiligne,
10:46disons, des frontières
10:47sur le continent africain,
10:48ça se retrouve aussi ailleurs,
10:50aux États-Unis notamment ?
10:51C'est ça.
10:52Les deux exemples les plus connus
10:53où on est même
10:54beaucoup plus visibles
10:55d'un point de vue
10:56de découpage verticaux
10:59et horizontaux
10:59que pour l'Afrique,
11:01c'est l'Australie d'un côté
11:02et l'Ouest américain de l'autre.
11:04Et là, vous avez une carte ici
11:05où l'on voit des états,
11:06on reconnaît la Californie,
11:07mais surtout,
11:08c'est par exemple
11:09l'exemple du Colorado
11:10ou de l'Arizona
11:10qui sont des états
11:11carrés ou rectangulaires.
11:13Et donc là,
11:14on voit bien,
11:14il y a la négation
11:16de la présence
11:17des peuples autochtones
11:18sur le territoire
11:19au profit d'un découpage
11:20de cette fois-ci,
11:21non pas dans les bureaux européens
11:23mais à Washington
11:23ou dans les grandes villes
11:25nord-américaines
11:26où en fait,
11:26on va se partager le territoire.
11:28Et je répète,
11:29paradoxalement,
11:30ce découpage est plus visible
11:31pour l'Amérique du Nord
11:32avec les frontières internes
11:34au Canada et aux États-Unis
11:34qu'en réalité
11:35que pour l'Afrique
11:36où on n'a pas
11:37le côté aussi précis
11:39de vraiment
11:39de méridiens
11:40et de parallèles
11:40qui font l'essentiel
11:42des frontières.
11:42un découpage
11:44disons du monde
11:45avec les méridiens
11:46et ces lignes géographiques
11:48virtuelles
11:48qui ont aussi
11:49influencé
11:50disons notre vision,
11:52notre représentation
11:52du monde ?
11:53C'est ça.
11:54C'est que le méridien
11:54de Greenwich
11:55en dépit de son côté
11:56arbitraire,
11:57c'est aujourd'hui
11:58la référence
11:59dans le monde entier.
12:00C'est-à-dire qu'il n'y a pas
12:00de remise en cause
12:01du méridien de Greenwich
12:02par exemple
12:02par des puissances
12:03comme la Chine
12:04ou d'autres acteurs.
12:05Et ici,
12:06vous avez une carte
12:06extrêmement connue.
12:07C'est le planissaire.
12:08Vous savez,
12:08le fait de mettre
12:09la sphère
12:09sur une first plane.
12:11Ici,
12:11c'est un planissaire
12:12dit de Mercator.
12:15Et donc,
12:15vous avez,
12:16quelle que soit
12:16la forme que l'on prend,
12:17les angles
12:18qu'on va choisir,
12:19la centralité
12:20est sur Greenwich.
12:21Et donc,
12:21c'est le méridien de Greenwich
12:22qui est au milieu
12:23de la carte.
12:24Et même lorsqu'il y a
12:25des remises en cause
12:26de cette présentation,
12:28l'exemple de Mercator
12:29est très connu,
12:30il y a d'autres projections
12:31de la planète
12:32qui ont été choisies
12:33pour justement...
12:34d'autres projections
12:35parce qu'on critique
12:36souvent le fait
12:36que l'Afrique
12:37est représentée
12:38beaucoup plus petite
12:40que ce qu'elle est
12:42en réalité.
12:43Notamment,
12:44le Groenland
12:44est souvent représenté
12:45quasiment à la même taille
12:46alors qu'il est 14 fois
12:48plus petit
12:48que le continent africain.
12:49Et là,
12:49donc,
12:49on voit
12:49une autre carte
12:52dite de Peters.
12:54C'est donc
12:55une représentation
12:56plus fidèle
12:58à la réalité,
12:59selon vous ?
12:59En réalité,
13:00pas vraiment
13:01parce qu'il y a
13:02ce qu'on appelle
13:02le théorème de Goss
13:03du nom d'un cartographe
13:04du 19ème
13:04qui fait qu'il est impossible
13:06d'avoir une représentation
13:07juste d'une sphère
13:08sur une surface plane.
13:09Et donc,
13:10parfois,
13:10vous avez des angles
13:11qui sont différents,
13:11des distances
13:12qui ne sont pas les bonnes
13:13et parfois des superficies,
13:14c'est ce qu'on voit ici.
13:15Et donc,
13:15la représentation de Peters,
13:17elle s'est imposée
13:18vraiment dans l'imaginaire
13:19international.
13:20Elle est utilisée
13:20par Oxfam,
13:21par l'UNESCO,
13:22elle est utilisée
13:22par beaucoup d'acteurs
13:23mais en réalité,
13:24elle est aussi fausse
13:26ou aussi juste
13:28de notre côté
13:29que celle de Mercator
13:30simplement que les déformations
13:31ne sont pas les mêmes.
13:31Et là,
13:33mettent en valeur
13:35la taille réelle
13:36de l'Afrique,
13:37en réalité,
13:38elle ne respecte pas
13:38la forme du continent.
13:40Et finalement,
13:41l'Europe est plus
13:42dans sa forme réelle
13:43que l'Afrique.
13:44Et donc,
13:44aucune des représentations
13:46des planisphères
13:48ne sont réellement justes.
13:49Il y a toujours
13:50des déformations.
13:51Il y a aussi
13:51une campagne
13:52Correct the Map
13:53qui a été lancée
13:54en avril 2025
13:55par des ONG africaines
13:56pour justement
13:57abandonner
13:58cette projection
13:58de Mercator
13:59qu'on utilise
14:00habituellement
14:01au profit
14:02d'une projection
14:03d'une troisième projection
14:05qu'on appelle
14:05Equal Earth
14:07et qu'on voit
14:07à l'antenne
14:09aux proportions
14:10là aussi
14:10qu'on estime
14:12plus fidèles
14:12aux tailles réelles.
14:14Et ce projet,
14:16ce mouvement
14:17Correct the Map
14:18a même reçu
14:19le soutien
14:20de l'Union africaine.
14:21Qu'est-ce que ça vous inspire ?
14:21C'est ça,
14:22c'était en partie
14:22des ONG africaines
14:24qui ont été rejoints
14:24par l'Union africaine.
14:25Et ça,
14:26c'est très intéressant
14:26parce que c'est exactement
14:27comme les deux autres projections,
14:29Mercator et Gall-Peters.
14:30c'est-à-dire
14:31qu'elle n'est pas
14:34parfaitement juste.
14:35Par contre,
14:35là,
14:35on parle beaucoup
14:36de cartographie réparatrice.
14:38C'est-à-dire que
14:38l'enjeu n'est pas scientifique
14:41de savoir
14:41est-ce qu'on a
14:42une représentation
14:43meilleure que d'autres,
14:44etc.
14:45Il est éminemment politique
14:46puisqu'il permet
14:47exactement comme
14:47l'histoire du monde
14:48est d'abord
14:48une histoire européocentrée,
14:50on a des cartes du monde
14:51qui ont été d'abord
14:52pensées depuis l'Europe.
14:53Et donc,
14:54montrer ce type de carte,
14:55je répète,
14:55ce n'est pas la carte
14:56qui remplacera
14:57et qui rendra juste
14:58la représentation du monde,
14:58mais c'est une carte
14:59qui fait dire
15:00que longtemps,
15:01l'Afrique,
15:01par exemple,
15:02mais on pourrait citer
15:02aussi l'Amérique latine,
15:04ont été mises de côté
15:05dans les grandes
15:05représentations mondiales,
15:07même si là,
15:07elle est quand même centrale,
15:08on la voit très bien,
15:09mais ça permet effectivement,
15:10en jouant sur la superficie,
15:12de rappeler l'importance
15:12évidemment de l'Afrique
15:14dans le monde
15:16et pour des enjeux
15:17évidemment politiques,
15:18diplomatiques,
15:19économiques ou autres.
15:20Vous êtes chanceux,
15:20vous avez une deuxième carte blanche
15:22dans le cadre de cette interview
15:23de Cœur de l'Info.
15:24Vous avez voulu visionner
15:25également une œuvre
15:26de l'artiste congolais
15:28Sherry Samba
15:28en rapport avec notre discussion
15:30et on voit donc
15:31cette carte inversée,
15:33il faut expliquer nous.
15:34Oui,
15:34Sherry Samba,
15:35c'est intéressant
15:35parce que justement,
15:36toutes les cartes
15:37que l'on montrait
15:37étaient centrées
15:38sur Greenwich
15:38et Sherry Samba,
15:40dans son œuvre,
15:41là,
15:41c'est la vraie carte du monde,
15:42le titre lui-même,
15:43évidemment,
15:44joue là-dessus,
15:45il a voulu montrer
15:47au public,
15:48montrer à ceux
15:48qui regardaient l'œuvre
15:49qu'il peut y avoir
15:50plusieurs types
15:50de décentrements.
15:51Le premier,
15:51le plus visible,
15:52c'est la carte
15:53orientée vers le sud en haut.
15:54Vous savez,
15:55le nord,
15:55c'est une convention,
15:57c'est-à-dire les cartes
15:57peuvent être orientées,
15:58le terme d'orientée,
15:59ça vient de l'Orient,
16:00c'est lorsque les cartes
16:01étaient tournées,
16:01par exemple,
16:01vers Jérusalem
16:02ou vers la Mecque.
16:03Mais vous avez ici
16:04une représentation
16:05qui met l'Australie
16:06très visible
16:06et qui déplace aussi
16:08le méridien de référence,
16:10c'est-à-dire en fait
16:10le centre de la carte
16:11où finalement,
16:12l'Europe et l'Afrique
16:12sont mises
16:13en marge du monde.
16:15Mais c'est intéressant
16:16parce que lui-même,
16:16artiste africain,
16:18nous rappelle que
16:19si on regardait
16:20d'un point de vue démographique,
16:22ce serait finalement
16:25et il joue sur un troisième repère
16:29qui est aussi de se situer.
16:31Il rappelle en se mettant
16:32au cœur de son œuvre
16:33que chacun peut avoir
16:35un regard sur le monde
16:36et que chacun,
16:37chaque peuple,
16:37chaque homme,
16:38chaque femme
16:39peut se placer
16:40au centre de la carte.
16:41Et là, dans son clé d'œil,
16:41ce qui est intéressant,
16:42c'est évidemment qu'il joue
16:43sur à la fois
16:44sa revendication personnelle
16:45d'artiste,
16:46mais également,
16:47ça lui permet aussi
16:48de mettre en valeur l'Afrique.
16:50Il est du Congo,
16:50Kinshasa,
16:51et notamment ici,
16:52on le voit,
16:52de mettre en valeur l'Afrique là-dessus.
16:54Une carte neutre,
16:55est-ce que c'est possible du coup ?
16:57Alors,
16:58la recherche scientifique
17:04d'une cartographie
17:04de plus en plus précise,
17:06c'est un enjeu
17:07de l'histoire de la cartographie
17:08depuis très longtemps.
17:09Et nos cartes actuelles
17:09sont beaucoup plus précises
17:11que les cartes produites auparavant.
17:12Le GPS, par exemple,
17:13nous le montre, etc.
17:14En dépit de ça,
17:15même Google Maps,
17:16qui est un exemple typique
17:17de représentation actuelle
17:19d'une carte même
17:20avec des photos satellites
17:21qui nous paraissent
17:21la plus proche de la réalité,
17:24par exemple,
17:24Google Maps va permettre
17:25de repérer plus facilement
17:27un restaurant McDonald's
17:29qu'un médecin.
17:31Mais là,
17:32on comprend
17:32qu'il y a des enjeux ici
17:33plutôt autour
17:34de la consommation.
17:35Et donc, en fait,
17:37même les cartes
17:37qui nous paraissent
17:38les plus notes
17:38ne peuvent jamais
17:39l'être réellement.
17:40Et même,
17:40on pourrait dire,
17:41est-ce que finalement,
17:42ça n'est pas grave ?
17:43Parce que la cartographie,
17:44là où elle a un enjeu
17:45pédagogique majeur,
17:46c'est qu'elle nous rappelle
17:47que les déformations,
17:48les billets sur le monde
17:49sont partout présents.
17:50Et la carte,
17:51elle permet de le voir
17:52de manière très facile,
17:53beaucoup plus que les discours,
17:55beaucoup plus que les récits,
17:56que les histoires
17:56qu'on se raconte.
17:57Et donc,
17:58c'est toujours intéressant.
17:59Et moi,
17:59je m'en sers beaucoup,
18:00par exemple,
18:01par rapport aux enjeux
18:01sur l'IA
18:02et aux enjeux
18:02sur le décentrement
18:03des perspectives
18:04par rapport,
18:05par exemple,
18:06aux œuvres occidentales.
18:07Je me sers beaucoup de la carte
18:09pour raconter qu'il y a
18:09d'autres visions du monde
18:10possible.
18:11Et c'est souvent quelque chose
18:12qui est très demandé
18:13par les étudiants.
18:14Merci beaucoup Fabrice
18:15d'avoir répondu à nos questions
18:16ce soir dans Au cœur de l'info.
18:18Et je rappelle votre ouvrage
18:20qui est sorti il y a peu,
18:22Méridien,
18:22Mesurer,
18:23Dominer et partager la Terre
18:25aux éditions du CNRS.
18:26Merci encore Fabrice Agounès.
18:28Cet entretien est à retrouver
18:29sur notre site internet
18:30et nos réseaux sociaux.
18:31et nos réseaux sociaux.
Recommended
1:42
|
Up next
5:16
2:30
1:42
1:09
Be the first to comment