00:00On va tout de suite retrouver Antoine Glazer. Bonjour, vous êtes journaliste et écrivain français spécialiste de l'Afrique.
00:06Le Mali est-il en ce moment en train de tomber entre les mains des djihadistes ?
00:12Alors non, on ne peut pas vraiment dire que le Mali est en train de tomber entre les mains des djihadistes.
00:18Mais on peut dire simplement qu'il y a une stratégie qui pour l'instant est vraiment très compliquée et cruelle.
00:26Pas simplement pour le gouvernement du Mali, pour le président Assimi Goïta, mais pour l'ensemble des Maliens.
00:34C'est une stratégie de blocus pour empêcher finalement l'arrivée du carburant et des biens alimentaires dans une capitale de 3 millions d'habitants.
00:45Et c'est vrai que c'est un vrai problème.
00:47On voit bien que même les transporteurs, alors CMA, CGM apparemment, transporteurs français qui avaient dit qu'il interrompait l'acheminement terrestre,
01:00a renoncé après négociation avec le gouvernement malien.
01:03Mais il y a MSC, etc.
01:04Donc ça montre que de toute façon, on voit bien que le Mali est un pays enclavé.
01:08Tout vient bien sûr des côtes de Dakar au Sénégal ou d'Abidjan en Côte d'Ivoire.
01:16Et c'est vraiment une stratégie nouvelle du Genime, qui habituellement est plutôt au nord du Mali, dans la zone Touareg.
01:25Et là, il est descendu jusque dans la capitale.
01:27Et c'est vraiment une stratégie pour déclencher une sorte de mécontentement populaire à l'égard du régime du président Goïta.
01:36C'est vraiment un espace de jeu à trois bandes.
01:40Mais alors, il y a l'objectif de ce mécontentement.
01:42Est-ce que l'objectif, c'est également de pousser les autorités maliennes à négocier avec eux ?
01:49Je ne crois pas dans un premier temps.
01:52Peut-être dans un deuxième temps.
01:54Mais c'est en fait vraiment de les mettre sous pression.
01:57Et c'est aussi, c'est un peu la réponse.
01:59Ça veut dire le Genime, les Touareg ont perdu Kidal.
02:03Ça veut dire l'armée malienne quand même a réussi à reprendre Kidal avec l'aide des Russes.
02:11À l'époque, c'était Wagner.
02:12Maintenant, c'est Africa Corse.
02:14Et donc, on voit qu'il y a une nouvelle stratégie du Genime, sans doute appuyée aussi par le Fonds de libération du Massinat des Peuls,
02:22de faire pression sur la capitale.
02:24Mais encore une fois, la capitale ne va pas être prise demain.
02:27Je veux dire, c'est simplement vraiment une sorte de blocus pour déstabiliser surtout le pouvoir.
02:37Pourquoi la junte au pouvoir, elle ne réussit pas à juguler justement cette expansion djihadiste ?
02:43Ils sont passés où les mercenaires russes auxquels elle avait recours ?
02:47Alors, les mercenaires russes, en fait, ils ont aidé la junte à reprendre Kidal, à reprendre le nord du pays.
02:56Mais comme vous voyez, quand même, c'est un million de kilomètres carrés.
03:01Il faut savoir qu'entre la capitale du nord, qui est Kidal, et Bamako, c'est 1 500 kilomètres.
03:08Donc, vous ne pouvez pas regarder comment l'armée française, avec 5 000 hommes, ils n'ont pas réussi non plus.
03:13Donc, c'est une mission impossible de couvrir l'ensemble du territoire.
03:18Donc, on voit que c'est des stratégies locales.
03:21Je veux dire, on en parle peu, mais le Genim, ils ont déjà repris un certain nombre de villes à 500 kilomètres de Bamako.
03:28Mais il ne faut pas croire qu'ils imposent comme ça la charia partout.
03:33Il y a des villes, ils laissent les autorités locales, quand ils s'entendent avec eux, gérer à leur façon.
03:39Mais encore une fois, c'est une stratégie totalement nouvelle.
03:46En plus, le régime du président Assemi Goïta, ils sont en très mauvais termes avec actuellement l'Algérie.
03:55Et c'est vrai que jusqu'à présent, au niveau des Algériens, tempéraient un peu ce Genim au nord avec les Touaregs.
04:04Et c'est vrai que le gouvernement local et l'ensemble dans le sud, leur problème, c'était la reprise du nord.
04:11Mais le nord a été repris.
04:13Mais honnêtement, enfin pas moi en tout cas, je pensais que les Genim allaient descendre aussi bas dans le sud du pays pour faire ce blocus.
04:23C'est vraiment une stratégie nouvelle et assez inattendue, il faut l'avouer.
04:27La France, de son côté, elle recommande à ses ressortissants de quitter le pays.
04:30On a entendu, juste avant votre intervention, des chauffeurs de taxi maliens pas vraiment émus du départ des Français.
04:38Le sentiment anti-français semble toujours aussi important dans le pays.
04:42Où en sont les relations entre la France et le Mali aujourd'hui ?
04:46Les relations entre la France et le Mali, elles sont vraiment à l'étiage, quasi inexistantes.
04:54Mais il faut savoir que vous avez énormément une diaspora malienne extrêmement importante en France.
05:02Les gens qui travaillent vraiment très très durs, etc.
05:05Et c'est vrai qu'il faut vraiment distinguer les régimes et les populations.
05:10Mais c'est vraiment à l'étiage.
05:13Et c'est vrai que la décision du gouvernement français de demander à leurs ressortissants,
05:17c'est aussi faire un peu pression pour montrer que le pays est profondément déstabilisé au niveau de la capitale.
05:24Mais il faut aussi dire la vérité, il n'y a plus que 4 000 à 5 000 Français au Mali.
05:32On est déjà passé dans une autre période historique.
05:35Ils reviendront peut-être, mais pour l'instant, ce n'est pas le problème des Français au Mali.
05:40Ce n'est pas vraiment le problème.
05:42Encore une fois, le JNIM, les djihadistes ne peuvent pas prendre Bamako.
05:47Par contre, je pense que les autorités françaises traînent qu'il y ait des incursions.
05:51Vous avez eu des enlèvements récemment, comme vous avez mentionné.
05:55Mais il y a très peu de temps, il y a notamment des gens des Émirats, des princes Émirats.
06:00Et c'est incroyable parce qu'ils ont payé des rançons de 50 millions de dollars pour faire libérer les ressortissants des Émirats arabes unis.
06:11Bon, c'était quand même de la famille des princes.
06:13Mais ce qui montre quand même qu'il y a toujours des risques d'enlèvement.
06:18Et je pense que c'est pour ça que les autorités françaises demandent aux Français de rentrer avec les moyens, avec lesquels ils peuvent d'ailleurs.
06:25Merci, merci beaucoup Antoine Glazer pour votre analyse.
06:29Merci de nous avoir consacré ces quelques minutes sur France 24.
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