00:00Saskia Deville est avec nous et sa nouvelle tête.
00:02Et oui, Daphné, notre nouvelle tête d'écrivaine, économiste et joueuse de fléchette à 16h.
00:08Elle est née à Chambéry en 1990, élevée entre deux montagnes par une mère médecin du travail et un père psychiatre.
00:16Enfant, elle veut être à mi-temps écrivaine, à mi-temps policière.
00:20Ancienne élève de l'ENS et diplômée de l'ENSAE, l'école nationale de la statistique et de l'administration économique de Paris.
00:27Elle aurait pu écrire des rapports pour la Cour des comptes.
00:29Mais elle a préféré écrire des romans.
00:32Son nouveau livre s'intitule Partenia et il paraît aux éditions Les Léonides.
00:38Bonjour et bienvenue Pauline Gontier.
00:40Bonjour, merci pour votre invitation.
00:42Avec grande joie, vous êtes à la fois, je le disais, économiste et écrivaine.
00:47Diriez-vous que vous changez simplement d'outil d'analyse en passant des chiffres aux mots
00:52ou que la littérature vous permet justement d'introduire un peu de chaos,
00:57un peu de sensibles dans un monde trop bien calculé ?
01:00La littérature est venue dans ma vie quand, comme vous le disiez, à 8 ans, je voulais écrire des livres.
01:07Mais beaucoup plus tard, j'ai commencé par écrire des sortes de rapports, de notes politiques,
01:12par exemple sur la redistribution.
01:15Et puis, je me suis assez rapidement rendue compte que si on voulait vraiment embarquer, la fiction était inévitable.
01:22Et donc, j'ai commencé à écrire des livres aussi pour essayer de faire changer le regard des uns et des autres sur la société dans laquelle on vit.
01:33Mais la fiction, justement, c'est intéressant, on va en parler.
01:35Votre nouveau roman s'intitule donc Partenia, un mot grec ancien qui veut dire virginité
01:40et qui, dans votre histoire, est le nom d'un jeu en ligne représentant une cité gréco-romaine avec ses propres règles,
01:47un peu extrémiste, on en parlera, un espace où se croisent henne misogyne et solitude masculine.
01:53Un petit résumé du livre pour vraiment vous mettre dedans.
01:56Dans Partenia, deux solitudes se frôlent, Baptiste, un jeune homme en dérive qui joue en ligne
02:01et qui se retrouve happé par les forums masculinistes.
02:04Et Léa, plutôt LIA, mais elle se fait appeler Léa pour mieux s'intégrer selon elle,
02:11brillante attachée parlementaire d'un député populiste qui se lance dans la campagne présidentielle.
02:16Et elle aussi, elle se connecte au même jeu la nuit.
02:18On réalise alors que violence politique et violence numérique communiquent.
02:22Ici, on dépasse, et c'est ça qui est fascinant dans votre livre,
02:24on dépasse complètement le cadre de la dystopie.
02:27On pourrait presque croire à une enquête.
02:29Qu'est-ce que la fiction vous permet, Pauline Gantier, de communiquer, de faire ressentir ?
02:35La fiction ici m'a permis de créer un attachement, je crois, avec le personnage de Baptiste,
02:42qui est ce jeune homme un peu paumé qui zone chez lui et qui,
02:47par des mauvaises rencontres parce qu'il cherche sur Internet comment reconquérir une ex,
02:51tombe sur un coach en séduction et qui va l'entraîner dans ces courants masculinistes presque sectaires.
03:01Et la fiction me permettait de me mettre dans les baskets de Baptiste.
03:05Et donc, non seulement d'être très réaliste, et comme vous dites,
03:10le livre est assez documenté par ma propre expérience sur les forums masculinistes,
03:15mais de ne pas me contenter du jugement et d'essayer de comprendre
03:23comment cette dérive vers des mouvements masculinistes sur lesquels on tombe si facilement en ligne
03:28peut toucher un peu n'importe qui de nos frères, de nos cousins,
03:33qui sont juste un peu paumés et qui ont grandi dans une société patriarcale,
03:36mais comme à peu près tout le monde autour de nous.
03:39Et justement, alors, ce mot grec, ce titre, Parthenia,
03:42il renvoie aussi d'une certaine façon à la tragédie antique.
03:46Votre livre peut-il se lire comme une forme moderne de tragédie,
03:50une critique de la société et de ses dérives ?
03:52En tout cas, c'est une référence que j'avais clairement,
03:56parce que le livre est en cinq actes et il est construit pas mal,
03:59selon les canons de la tragédie,
04:01mais c'était plus pour le jeu que j'ai utilisé cette forme-là.
04:07Oui, je crois que l'idée de la tragédie m'est venue parce qu'on a l'impression
04:13que la fin est inéluctable, que les personnages sont embarqués malgré eux
04:17pour Baptiste dans un courant masculiniste.
04:20On se demande comment ils vont en sortir,
04:22on se demande par quel lien il va retrouver la raison,
04:27parce que c'est un jeune homme intelligent,
04:29aucun des personnages du livre, je pense, n'est binaire,
04:32enfin presque aucun, l'homme politique.
04:35Et peut-être caricatural, non, quand on voit les hommes politiques qui nous entourent.
04:40Donc effectivement, pardon du coup, j'ai perdu le fil de votre question.
04:45Pardon, vous avez perdu le fil de ma question ?
04:47Mais on va continuer, c'est pas grave, en écoutant votre son,
04:50et puis on va y revenir.
04:52Ma question était de savoir si c'était une critique actuelle de la société de ses dérives,
05:07parce que dans Partenia, alors ce titre, vous m'avez dit, colle bien avec le personnage de Léa,
05:13qui est un personnage très particulier dans l'histoire.
05:17Oui, tout à fait.
05:17Donc on vient d'écouter Zazie,
05:19parce que je vous ai confessé avoir eu une ère groupie pour Zazie,
05:24et cette chanson-là, comme un homme, pourrait coller à Léa,
05:27dont je dis à un moment donné,
05:29Léa, c'est une jeune femme qui se met au service d'un homme politique,
05:32qui ressemble pas mal à Zemmour,
05:34et on se demande ce qu'elle fait à ses côtés.
05:37Et à un moment dans le livre, je dis, rien ne pourrait la trahir,
05:40sauf sa playlist peut-être.
05:41J'imagine que Léa, en fait, dans sa playlist,
05:44écoute des chanteuses féministes,
05:47écoute des rappeuses,
05:51écoute tout ce qui fait son identité,
05:54et qui n'est pas son identité professionnelle,
05:57mais dont elle met du temps à accoucher,
06:00parce que, comme Baptiste, Léa est sous influence,
06:02c'est-à-dire qu'elle se trouve dans une société
06:03dont elle n'a pas tous les codes,
06:05elle vient d'un milieu plutôt défavorisé,
06:07donc cet homme politique lui propose un stage,
06:09puis un poste,
06:12et même s'il partage absolument pas ses idées,
06:14au départ, elle décide de le servir.
06:16Il y a un parallèle assez fort dans mon livre
06:18entre ces deux personnages, Léa et Baptiste,
06:20comment chacun peut se laisser embarquer,
06:24ou pas, à quel moment les idées,
06:26les convictions profondes jouent des cordes de rappel
06:28au service d'idées,
06:31vous parliez de tragédies,
06:33d'idées tragiques qui sont en vogue dans la société actuelle.
06:36Alors, l'IA, qui se fait appeler Léa,
06:39moi j'entends aussi dans l'IA,
06:40intelligence restricielle,
06:42je ne sais pas si c'est quelque chose
06:44que vous avez pensé avant,
06:45mais on va en revenir aux hommes.
06:46Dans Partenia, vous décrivez des hommes inquiets,
06:49parfois violents, souvent perdus,
06:50pour qui le numérique représente
06:52un univers de socialisation.
06:53Vous parlez des incels,
06:55ces célibataires volontaires,
06:56des gens isolés en manque de relations réelles
06:59et d'une certaine crispation masculine
07:01face à l'égalité.
07:03C'est ce que vous avez découvert
07:05en vous documentant, Pauline Gontier ?
07:07Oui, pour commencer ma recherche dans ce livre,
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