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  • il y a 2 mois

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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Rarement un crime a tenu en haleine la population d'une ville et même d'un pays entier, comme l'affaire Grasse, à Cologne, en Allemagne.
00:21Mais les circonstances qui ont précédé l'arrestation du coupable justifient cette passion.
00:27C'est à cause d'elle que Jacques-Antoine a décidé d'ouvrir devant nous ce dossier extraordinaire.
00:33Vous allez y trouver l'énigme typique du bon roman policier, la circonstance inexplicable et qui demeure inexpliquée tant qu'on n'a pas trouvé la solution.
00:47Voilà les faits.
00:49La riche veuve d'un bijoutier de Cologne, Gertrude Grasse, maigre, cheveux gris, un peu garçonne, avait perdu son mari en 1922.
00:59En 1934, elle vivait toujours, âgée de 67 ans, dans sa maison, jalousement close, qu'on appelait le château maudit, au numéro 1 du jardin botanique.
01:09Elle possédait une grosse fortune, une autre maison et surtout des terrains.
01:15Sa propriété était entourée de 4850 m² de jardin.
01:21Son fils, unique, s'était follement amouraché d'une écuyère de cirque et voulait l'épouser.
01:27Sa mère s'y opposa et menaça de le déshériter.
01:30Il se suicida le soir de Noël avec un pistolet dans sa chambre en 1925.
01:35Comme vous le voyez, c'était une drôle de famille.
01:40Madame Grasse avait toujours été assez singulière, mais cette mort la désarçonna tout à fait.
01:47Tout en étant très riche, elle était excessivement avare.
01:51Elle aimait certains animaux, curieusement, de vieux canards et des poules traînés dans la cour jusqu'à ce qu'ils crèvent de vieillesse.
01:58Un cheval âgé de 30 ans vivait à l'écurie.
02:01Elle avait fait naturaliser des poules et des canards qu'elle gardait dans l'appartement.
02:06Comme vous le voyez, drôle d'ambiance.
02:09Elle se laissa terriblement aller et ne se soignait plus du tout.
02:14Comme elle n'entretenait pas sa maison depuis des années, celle-ci était en fort mauvais état.
02:19Le toit étant défectueux, le plafond du premier étage s'était écroulé.
02:24Les pièces étaient dans un état indescriptible.
02:27Madame Grasse n'occupait plus que trois pièces.
02:29Toutes les autres étaient pleines de gravats, de saleté.
02:31La propriété était entourée d'une clôture impénétrable et pour accéder à la maison, il fallait franchir trois portails solides et elle avait fait fixer à l'entrée un panneau qui disait « Il faut s'annoncer par écrit ».
02:45Comme vous le voyez, drôle de décor.
02:49Puis, elle connut un œuvrier agricole, Hugo.
02:54Au début de cette relation, elle se plaignit de ses nombreuses visites, mais peu à peu.
02:58Hugo se rendit indispensable, car il s'occupait de ses affaires et gagnait la confiance de cette femme plus âgée de 25 ans.
03:07Résultat, depuis 1926, donc un an après la mort de son fils, ils vivaient ensemble.
03:13Gertrude ne le payait pas et Hugo laissait entendre, à droite et à gauche, qu'ils étaient mariés.
03:19Mais la veuve Grasse ne consentait pas au mariage avec cet homme qui ne possédait pas un rati.
03:24Pour finir, vous le voyez, chers amis, drôle de situation.
03:29Hugo y isola Madame Grasse de plus en plus du monde et elle n'eut plus aucune relation avec sa nombreuse parenté.
03:36Le 6 avril 1927, Madame Grasse avait fait un testament en faveur de l'ordre de l'adoration perpétuelle
03:42à la condition d'ériger un homme pour enfant sur son terrain.
03:46Le 10 avril 1932, Madame Grasse et Hugo firent chacun un testament en léguant tout leur avoir aux survivants.
03:55On peut considérer le testament de Hugo comme une plaisanterie, puisqu'il léguait son avoir et ses terrains à Gertrude,
04:02alors qu'il ne possédait rien du tout.
04:05C'est le 7 septembre 1934 qu'on vit Madame Grasse pour la dernière fois chez elle.
04:10Le 17 novembre, donc six semaines plus tard, des inspecteurs de police se présentèrent à la porte de la maison
04:16car ils avaient été avertis de la disparition de la veuve.
04:21Mais la porte, qui va s'ouvrir devant eux, débouche sur un véritable cauchemar.
04:27Donc, le 17 novembre 1934, deux policiers, Walter Friedrich et Johann Borger, sonnent à la porte du château maudit.
04:56Il fait froid, un brouillard humide pénètre jusqu'à l'os.
04:59Aussi n'est-il pas agréable d'attendre devant cette porte où ils doivent cependant sonner une deuxième fois.
05:04Si toutefois ils sonnent, car lorsqu'ils tirent sur la poignée qui devrait actionner quelque part une cloche,
05:09ils n'entendent strictement rien.
05:11Enfin des pas.
05:13Un bruit de chêne, le déclic d'un verrou.
05:17L'homme qui paraît de taille moyenne, noueux, la peau épaisse, la barbe dure,
05:22les sourcils embroussaillés, le cheveu rare.
05:24On dirait un berger, descendu de ses montagnes, revêtu d'un costume de citadin trop fragile
05:30qui semble prêt à craquer aux articulations.
05:33Il regarde les deux policiers d'un œil vif et perçant.
05:38« Bonjour, monsieur.
05:39Madame Gertrude Grasse est ici. »
05:43« Pourquoi ? »
05:45« Je voudrais lui parler. »
05:47Madame Grasse est malade, elle ne veut recevoir personne.
05:49« Mais je n'ai que deux mots à lui dire. Je ne la fatiguerai pas. »
05:53« J'en ai pour une minute. »
05:55« Même une minute, ce n'est pas possible. »
05:58« Je suis l'inspecteur Friedrich. »
06:01« Est-ce que je peux entrer ? »
06:04« Si vous voulez. »
06:06« Mais je vous répète que vous ne pourrez pas l'avoir. »
06:09« Elle est trop malade. »
06:13L'homme s'efface et laisse entrer dans le hall de la maison Friedrich et son collègue.
06:19Friedrich, c'est le jeune flic sérieux, scientifique, ex-boy scout,
06:24pour qui la vie, la morale, le devoir et l'ambition se résument en un mot.
06:27« La loi. »
06:29Il regarde autour de lui avec un certain étonnement.
06:33Un peu partout, des animaux empaillés, plus ou moins mangés par les vers,
06:37des tapis anciens et de prix, côtoient des carpettes affreuses,
06:41et sur les murs, de très belles toiles, des filles d'horribles chromos.
06:45Mais si tout est vieux, tout est propre.
06:48Même impression dans le salon où il pénètre.
06:50« Vous êtes M. Hugo ? » demande l'inspecteur Friedrich.
06:56Hugo répond d'un signe de tête affirmatif,
06:59mais n'offre pas aux deux policiers de s'asseoir.
07:01Manifestement, il ne tient pas à les voir s'éterniser à la maison.
07:06« M. reprends Friedrich, nous ne voulons pas vous déranger.
07:09Nous voulons simplement voir Mme Grasse. »
07:13« Pourquoi ? »
07:14« Vous devez savoir que beaucoup de personnes s'étonnent
07:17qu'on ait plus aperçu Mme Grasse depuis près de dix semaines.
07:21La famille, puisque vous opposez une fin de non-recevoir à toutes ces demandes,
07:26a prié la police de s'assurer que Mme Grasse était ici, en bonne santé.
07:31Elle est ici.
07:33Mais elle n'est pas en bonne santé, puisqu'elle est malade.
07:36Vous avez fait venir un médecin ?
07:38Bien sûr que non.
07:40C'est un genre de maladie qu'elle a souvent.
07:43Mais quel genre de maladie ?
07:44Oh, je crois que ça se tient dans les eaux.
07:48Par moment, elle ne peut plus marcher.
07:50Mais cela ne devrait pas l'empêcher de nous recevoir.
07:56Hugo semble hésiter, puis finalement...
08:00« Bon, venez ! »
08:03Et Hugo les précède à travers le hall, monte devant eux l'escalier grinçant,
08:06et parvenu sur le palier du premier étage,
08:09il ouvre une fenêtre,
08:10puis les voler pour faire entrer un peu de lumière.
08:13« Elle est là.
08:16Ne la réveillez pas, si vous pouvez. »
08:20Frédéric et son collègue s'avancent alors vers la porte, à deux bâtons,
08:23qu'Hugo en trouve pour eux.
08:26Dans l'ombre d'une très grande chambre,
08:29bourrée de vieux fauteuils, de petites tables,
08:32de lampes au coco,
08:33ruislandes de brocares usées et de dentelles défraîchies,
08:35on aperçoit un lit
08:37sur lequel une forme est allongée.
08:41Comme les deux inspecteurs font un geste vers la porte,
08:45on n'est peut-être pas besoin d'entrer tous les deux.
08:48Le regard des policiers se croisent.
08:52Soit, dit Friedrich qui entre seul.
08:55Une terrible impression de malaise
08:57saisit le brave policier
09:00qui s'enfonce dans le mystère de cette chambre.
09:03Lui, pour qui tout est net, clair dans la vie,
09:08les bons, les méchants, le noir et le blanc,
09:10l'envers et l'endroit, le jour et la nuit,
09:12il lui paraît brusquement
09:13qu'il pénètre dans un monde inconnu
09:15où l'oxygène est rare,
09:18la lumière glauque et les bruits étouffés,
09:21un peu comme le plongeur descend lentement au fond de la mer.
09:24D'ailleurs, en approchant du lit,
09:26le corps allongé lui paraît aussi étrange
09:27et au genre humain qu'un poisson.
09:30Il se penche sur un visage de vieille femme grisâtre
09:33auréolé de cheveux fanés
09:35qui le regarde avec les yeux protubérants
09:39d'un céphalopode.
09:41La respiration est faible et rapide.
09:45Vous êtes Madame Grasse ?
09:49Oui.
09:51En réalité, ce n'est pas elle qui a répondu,
09:53c'est Hugo,
09:53mais les yeux d'un battement de paupières
09:55ont accompagné la réponse.
09:57Frédéric se relève et murmure.
10:02Vous devriez tout de même la montrer à un docteur.
10:07Quelques instants plus tard,
10:07les deux policiers quittent la maison
10:09car légalement,
10:10leur mission ne les autorise à rien d'autre
10:12qu'à constater que Madame Grasse était présente et vivante.
10:15« Pourtant, Frédéric répète sur le perron,
10:19vous devriez la montrer à un docteur. »
10:23Contents d'être débarrassés de cette corvée,
10:25les deux hommes s'en vont d'un pas gaillard
10:26dans le brouillard glacé.
10:29« Elle a l'air très malade, » demande Johan.
10:31« Mon très affaibli, » répond Frédéric.
10:34« Il faut dire que je ne l'ai pas bien vu.
10:36Il faisait noir comme dans un four
10:37et entre les draps et les cheveux,
10:39je n'ai vu que les yeux. »
10:42« Ils font encore quelques pas et Johan s'arrête net. »
10:47« Qu'est-ce qu'il y a, » demande Frédéric.
10:50« Quelle couleur, les cheveux ? »
10:53« Gris. Pourquoi ? C'est pas sa couleur ? »
10:56« Si, si. »
10:58« Ils font encore quelques pas. »
11:00« Johan s'arrête encore. »
11:03« Comment... comment ils étaient, ces cheveux ? »
11:07« Ben... autour de la tête. »
11:10« Long ? »
11:12« Assez. Comment ? »
11:15« Comme ça. »
11:17Et Frédéric monte la longueur de son avant-bras.
11:21Pendant une heure, les deux policiers
11:23vont interroger les voisins, téléphoner à la famille.
11:26« Madame Grasse a-t-elle des cheveux longs ou courts ? »
11:30Il semble à tous qu'il est certain qu'elle les portait courts,
11:33car sa silhouette était assez connue
11:34pour que ce détail ait frappé.
11:36Mais, en dix semaines, des cheveux s'appoussent.
11:39Ils vont voir un perruquier qui leur montre des cheveux courts
11:42et ce que pourraient devenir les mêmes cheveux
11:44deux mois et demi plus tard.
11:46En imaginant les extrêmes,
11:48la différence devrait être de deux à six centimètres.
11:51En aucun cas, cela ne pourrait conduire à une chevelure longue
11:55susceptible de s'étaler sur l'oreiller.
11:58Furieux et vexé,
11:59Frédéric décide de retourner au château maudit
12:01le lendemain, à la première heure.
12:03Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare,
12:13un podcast européen.
12:14Le lendemain, donc, à la première heure,
12:16dans le même brouillard glacé que la veille,
12:18les deux mêmes inspecteurs,
12:19Walter Friedrich et Johann Burger,
12:22sonnent devant la même porte
12:24qui s'ouvre de la même façon
12:25sur le même Hugo
12:26qui paraît cette fois plus surpris que la veille.
12:30C'est encore vous, qu'est-ce que vous voulez ?
12:32J'ai un monsieur venu nous excuser de cette nouvelle visite,
12:35mais je voudrais revoir Madame Grasse.
12:38C'est impossible.
12:39Hier, je l'ai entrevue dans l'obscurité.
12:41Je connais mal son visage et...
12:43Hugo l'interrompt.
12:44Vous ne pouvez pas la voir.
12:46Elle est partie.
12:48Pas besoin de vous dire, chers amis,
12:49que les deux policiers se regardent médusés.
12:52Quand est-il possible que cette femme,
12:54hier si malade,
12:55soit partie aujourd'hui ?
12:56Cet homme se paye leur tête.
12:58Ils font évidemment part de leur étonnement à Hugo
13:00et sans ménagement, cette fois.
13:03Celui-ci reconnaît que ça paraît invraisemblable,
13:05tellement invraisemblable,
13:06que s'il avait dû fabriquer un mensonge,
13:08il en aurait trouvé un autre.
13:10Et il raconte les circonstances de son départ.
13:13Après la visite des policiers,
13:14elle s'est sentie mieux,
13:15puis au début de l'après-midi,
13:16elle s'est levée,
13:17elle a fait sa toilette
13:18et elle s'est habillée.
13:20C'est du moins ce que suppose Hugo,
13:21car il l'a vu apparaître
13:23vers 4 heures de l'après-midi,
13:24une petite valise à la main.
13:26Mais s'exclame Frédéric,
13:27depuis un an,
13:28elle marche en s'appuyant sur des cannes.
13:29« Oh, vous savez,
13:30c'était une toute petite,
13:30petite, petite valise.
13:32Où elle est-elle ? »
13:33« Elle n'a pas voulu me le dire. »
13:36Les policiers n'en croient pas leurs oreilles.
13:39« Impossible d'imaginer
13:39qu'une femme qui marche avec des cannes
13:41soit partie comme ça,
13:42brusquement, en voyage. »
13:45Mais Hugo déclare
13:46qu'il a été dû chercher un taxi.
13:49« Vous reconnaîtriez ce taxi ? »
13:52« Peut-être. »
13:53« Vous vous moquez de nous, monsieur. »
13:55Hugo, c'est évident,
13:56se moque d'eux.
13:56Ses yeux plissés
13:57regardent Frédéric
13:58d'un air sarcastique.
13:59Tandis que Johann Borger
14:00fait rechercher dans toute la ville
14:01le taxi qui aurait conduit
14:03la vieille Madame Grasse à la gare,
14:04Frédéric entreprend
14:06de visiter la maison
14:07de Fontanconde.
14:08Dans les chambres,
14:09rien.
14:10Dans le salon,
14:10la salle à manger,
14:11rien.
14:12Dans l'office,
14:12dans la cuisine,
14:13rien.
14:13Dans la cave,
14:15dans le grenier,
14:15dans la buanderie,
14:16rien.
14:17Dans les multiples huches,
14:18coffres, armoires
14:19qui les meublent,
14:20rien.
14:21Dans les placards,
14:22rien non plus.
14:23Le lendemain,
14:24tous les taxis de la ville
14:25ont été interrogés.
14:26Aucun ne se souvient
14:27avoir chargé une cliente
14:29devant le château maudit.
14:31Mais Hugo embrouille l'affaire
14:32en disant
14:32« Et si c'est lui
14:34qui l'a estourbi ?
14:35Il n'y a pas de danger
14:36qui s'en vante. »
14:38Évidemment,
14:38c'est une hypothèse
14:39que la police
14:40n'a pas le droit de négliger,
14:41mais qu'elle va pouvoir
14:42abandonner bien vite
14:43car,
14:44en examinant de plus près
14:45les vêtements
14:45et la lingerie,
14:47Friedrich finit par découvrir
14:48quelques traces de sang
14:49grandes comme la main,
14:51notamment sur une robe
14:52et une chemise d'homme,
14:54sur des morceaux de drap
14:55et sur une descente de lit.
14:57« Ça doit être du sang
14:58de son fils
14:59lorsqu'il s'est suicidé, »
15:01suggère Hugo.
15:02C'est alors
15:03qu'un coup de théâtre
15:03va rendre l'affaire
15:04encore plus étrange
15:05et compliquée
15:06qu'elle ne l'était déjà.
15:09Lorsqu'on fait analyser
15:10ces tâches de sang,
15:11on s'aperçoit
15:12qu'il ne s'agit pas
15:13du sang du fils
15:14de Mme Grasse,
15:15mais bien du sang
15:15de cette dernière,
15:16seulement voilà,
15:18il est bien intérieur
15:19à la visite
15:19des deux inspecteurs.
15:21Ce sang
15:21aurait été répandu
15:23au plus tôt
15:23il y a un mois
15:25et probablement deux.
15:28Alors,
15:28trois nouvelles hypothèses
15:29se présentent.
15:30Ou bien,
15:31c'est le cadavre
15:32de Mme Grasse
15:33que Friedrich
15:33aurait vu dans le lit,
15:35mais c'est tout à fait exclu
15:37car la femme
15:37qui l'a vue
15:38respirait,
15:39ses yeux bougés,
15:40et après deux mois,
15:41le cadavre
15:42n'aurait pas présenté
15:43cet aspect.
15:44Ou bien,
15:44la femme qui l'a vue
15:45avait été blessée
15:46par Hugo
15:47qui n'a pas osé l'avouer.
15:49Ou bien,
15:49la femme qui l'a vue
15:50n'était pas Mme Grasse,
15:52ce qui expliquerait
15:53la longueur anormale
15:54des cheveux.
15:55Mais chacune
15:56de ces trois hypothèses
15:57pose le même problème.
15:59Qu'est devenue
15:59Mme Grasse
16:00ou ce qu'il en reste ?
16:03Toute la presse
16:03et même la presse étrangère
16:04publient des photos,
16:05des communiqués de recherche.
16:07L'enquête établit
16:08qu'il n'y avait
16:09aucune raison tangible
16:10pour que Mme Grasse
16:12se soit suicidée.
16:12Elle n'avait pas d'ennemis,
16:14ne se disputait jamais
16:14avec personne.
16:15Par contre,
16:16les derniers temps,
16:17les relations entre Hugo
16:18et Gertrude
16:19s'étaient modifiées.
16:20Elle avait l'intention
16:20de le renvoyer.
16:22Ils devaient craindre
16:22qu'elle modifia
16:23son testament.
16:24Devant témoin,
16:25elle avait dit un jour
16:26« C'est dommage
16:27que je sois tombé
16:28entre les mains
16:28de ce sale paysan. »
16:30Hugo avait à payer
16:31une dette
16:31de 300 Deutschmarks
16:32pour un procès
16:33début septembre,
16:34mais Mme Grasse
16:35ne la paya pas
16:36et lui,
16:37qui n'avait pas un fini,
16:39réussit à trouver l'argent.
16:42D'ailleurs,
16:43après investigation,
16:44Frédéric apprend
16:44que le train de vie
16:45de Hugo
16:45avait complètement changé
16:47depuis la disparition
16:47de Mme Grasse.
16:49Entre le 7 septembre
16:50et le 17 novembre
16:501934,
16:52Hugo avait prélevé
16:52trois fois 5000 Deutschmarks
16:54sur trois comptes
16:55de banques différents.
16:56Il menait une vie
16:57de débauche
16:57dans les boîtes de nuit
16:58où il invitait
16:59des call girls
16:59et distribuait
17:00de l'argent
17:01aux filles de bar.
17:02Il emmena même
17:02ces personnes
17:03en fin de nuit
17:03à la maison
17:04de Mme Grasse.
17:05Aucune d'entre elles
17:06n'a jamais aperçu
17:07cette dernière.
17:07Curieusement,
17:09c'est le propre témoignage
17:11de Frédéric
17:11qui empêcha
17:12que l'on arrête
17:13Hugo.
17:13En effet,
17:14puisque Frédéric
17:15avait vu Mme Grasse
17:16deux mois après
17:17qu'on ait signalé
17:17sa disparition,
17:19il était difficile
17:19de l'accuser
17:20officiellement
17:21de meurtre.
17:23Il en est ainsi
17:23jusqu'au jour
17:24où Frédéric découvre
17:25que,
17:25quelque temps
17:26avant sa première
17:26perquisition,
17:28Hugo cherchait
17:28une femme de ménage.
17:31Un commerçant
17:31le fit savoir
17:32à une vieille domestique
17:33sans travail.
17:33La police déniche
17:35la vieille femme
17:36et Frédéric
17:37quelques heures plus tard
17:38se trouve en face
17:40du visage
17:40aux longs cheveux gris
17:41et aux yeux protubérants
17:42de céphalopodes
17:43qui l'avaient tant frappé.
17:46La vieille femme
17:46un peu,
17:47disons,
17:47demeurée
17:48ne fait aucun mystère
17:49de ce qui s'est passé.
17:50Elle s'était présentée
17:51ce matin-là
17:52au château maudit
17:52et Hugo
17:53la mise tout de suite
17:54à l'essai.
17:55À peine une heure plus tard,
17:56on sonnait à la porte.
17:57Hugo,
17:58jetant un coup d'œil
17:58par la fenêtre,
17:59lui demandait
17:59de l'accompagner.
18:01Avec une audace
18:01proche de l'inconscience,
18:03il la fit s'allonger
18:04dans le lit
18:04en lui disant
18:05de ne rien dire
18:05quoi qu'il arrive.
18:07Elle,
18:07avec une naïveté
18:08tout aussi déconcertante,
18:09accepta.
18:11C'est tout à fait par hasard
18:12si elle a battu
18:13les paupières
18:13lorsque le policier
18:14lui demanda
18:14si elle était
18:15Madame Grasse
18:16car elle ne s'en souvient pas.
18:18Ah, je sais ce que vous pensez,
18:19chers amis.
18:20Bon,
18:21eh bien voilà,
18:21cette affaire est terminée.
18:23Eh bien pas du tout
18:24car voici la version d'Hugo.
18:26Madame Grasse
18:27est bien partie en voyage
18:28ainsi qu'il l'a raconté
18:29mais deux mois plus tôt,
18:29exactement le 26 octobre 1934.
18:32Hugo savait
18:33qu'on le soupçonnait
18:34puisqu'il n'avait pu donner
18:35aucune explication
18:36sur ce départ.
18:37Aussi,
18:38lorsqu'il a vu deux hommes
18:38sonner à sa porte,
18:39il s'est douté
18:40qu'il s'agissait de policiers
18:41et pour qu'on lui fiche la paix
18:42une bonne fois pour toutes,
18:43il a, en un clin d'œil,
18:44imaginé ce stratagème stupide.
18:46Il s'agit d'un geste spontané,
18:48il réfléchit
18:48et qu'il regrette aujourd'hui.
18:51Néanmoins,
18:52cet aveu permet
18:52à l'inspecteur Frédéric
18:53de faire arrêter Hugo
18:54sous l'inculpation
18:55d'outrage à magistrats
18:56et incitation à faux témoignages.
18:59Hugo, cependant,
18:59ne s'en montre pas
19:00très affecté,
19:01convaincu qu'on ne pourra
19:02jamais le condamner
19:02comme meurtrier
19:03aussi longtemps
19:04que l'on n'aura pas retrouvé
19:06le cadavre de Mme Grasse
19:07et plus l'instruction avance,
19:08plus il devient cynique
19:10et souriant.
19:11Car, en effet,
19:12il reste un mystère
19:13et de taille
19:13qu'est devenu
19:14le cadavre de Mme Grasse
19:15s'il y a cadavre.
19:16Pendant 20 mois,
19:17sa recherche va tenir
19:18la police en haleine.
19:19On retourne tout le terrain
19:20avoisinant la maison,
19:22on sonde les murs
19:22tous les 10 centimètres,
19:23où on met les cheminées à bas.
19:25Les cendres de l'âtre
19:26dans les poils,
19:27la cuisinière
19:28sont soigneusement analysées
19:29ainsi que les ordures,
19:30les poussières,
19:30la terre de la cave, etc.
19:32On va jusqu'à imaginer
19:33qu'Hugo a découpé
19:34le cadavre,
19:35brûlé les morceaux
19:36et pilé dans un mortier
19:37ce qui restait
19:38des eaux calcinaient.
19:40Pourtant,
19:41le cadavre de Mme Grasse
19:42reste introuvable.
19:44Malgré tout,
19:45Frédéric réussit
19:46à faire comparaitre
19:47Hugo aux assises
19:48où il paraît
19:49subitement s'effondrer,
19:50pleurant,
19:51comme s'il était
19:52accablé
19:53par le remords.
19:55Bien que la défense
19:55suggère que Mme Grasse
19:56aurait pu se rendre
19:57en Hollande,
19:58dans un couvent
19:59où elle avait laissé entendre
20:00qu'elle aimerait
20:01finir ses jours
20:01dans l'anonymat,
20:03Hugo sera condamné
20:04à 15 ans
20:04de réclusion criminelle,
20:06le jugement
20:06étant motivé ainsi.
20:08Mme Grasse
20:09a dû être assassinée
20:11par un acte de violence
20:13avec préméditation.
20:15Le cadavre de Mme Grasse
20:16n'a jamais été retrouvé
20:18et la façon
20:19dont Hugo la tua
20:20et fit disparaître
20:21ses restes
20:22demeure un secret
20:23à jamais perdu
20:24puisqu'il est mort
20:25en prison
20:25en 1945.
20:27Aujourd'hui encore,
20:28on parle à Cologne
20:29de cette affaire Grasse
20:30qui inspira
20:31des romans policiers
20:32et un film
20:33intitulé
20:33Crime sans cadavre.
20:35Vous venez d'écouter
20:55les récits extraordinaires
20:57de Pierre Bellemare,
20:58un podcast
20:59issu des archives
21:00d'Europe 1.
21:01Réalisation et composition
21:03musicale
21:04Julien Tarot
21:05Production
21:06Estelle Laffont
21:08Patrimoine sonore
21:09Sylvaine Denis
21:10Laetitia Casanova
21:12Antoine Reclus
21:13Remerciements
21:14à Roselyne Bellemare
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