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00:00Place maintenant à l'invité d'Au cœur de l'Info.
00:02Retour ce soir sur la situation dans la bande de Gaza.
00:06Deux semaines après la mise en œuvre du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
00:10Un cessez-le-feu toujours très fragile depuis qu'il est entré en vigueur.
00:1393 Palestiniens ont été tués, 324 ont été blessés dans la bande de Gaza selon les autorités locales.
00:20Des chiffres jugés fiables par l'ONU.
00:23L'aide humanitaire, elle, a commencé à entrer dans l'enclave détruite à 80%.
00:27Mais cette aide est toujours largement insuffisante au regard de l'ampleur des besoins.
00:32Et alors qu'une grande partie de la population a été touchée durant des mois par la famine.
00:37Outre les 68 000 morts, près de 170 000 personnes ont été blessées.
00:42Et parmi elles, 15 000 ont besoin d'être évacuées d'urgence selon l'OMS.
00:46Car ne pouvant être correctement soignées sur place.
00:50D'autant que les infrastructures médicales sont en grande partie détruites.
00:53Les ONG présentes sur place, elles font ce qu'elles peuvent pour venir en aide à une population exsangue.
00:59Avec nous ce soir en direct d'Almawassi dans le sud de la bande de Gaza.
01:04Karine Huster, responsable des activités médicales de Médecins Sans Frontières.
01:08Bonsoir Karine Huster, merci beaucoup d'être avec nous ce soir sur France 24.
01:12C'est votre quatrième séjour à Gaza, Karine Huster.
01:15Vous y êtes resté 8 mois au total ces deux dernières années.
01:19Vous avez notamment assisté à la mise en œuvre de ce cessez-le-feu après deux ans de conflits.
01:24Ce cessez-le-feu tient-il globalement ?
01:28Il est fragile, c'est certain.
01:31Mais ces deux derniers jours, on a quand même remarqué que les choses étaient un peu plus calmes.
01:38Mais quand même, de temps en temps, il y a des frappes.
01:40Le matin, on entend de temps en temps les tirs des bateaux de la marine.
01:48Donc c'est un cessez-le-feu très fragile.
01:51Les gens sont toujours sur le qui-vive.
01:54Et on sait tous que personne n'est à l'abri d'une frappe si jamais Israël voulait viser quelqu'un.
02:04Personne n'est à l'abri de ça, malheureusement.
02:06Les gens ne croient pas que le cessez-le-feu va être durable ?
02:10Je pense que les gens sont vraiment prudents.
02:15D'abord parce qu'il y a déjà eu un cessez-le-feu qui n'a pas marché.
02:21Et puis ensuite, ils se sont déplacés plus de dix fois en ces deux dernières années.
02:30Et comme vous le montrez sur les images, c'est très difficile pour les gens de retourner dans un endroit qui est complètement détruit.
02:36Ça coûte cher de trouver des appartements ou des morceaux de tentes dans lesquels habiter.
02:43Et donc les gens hésitent beaucoup avant de reprendre le chemin vers le nord de Gaza qui, avant la guerre, était le Paris de Gaza, si vous voulez.
02:51Et c'était la ville principale avec la plupart de la population qui habitait là-bas.
02:58MSF avait dû cesser ses activités à Gaza City justement fin septembre pour des raisons de sécurité.
03:05Votre ONG est aujourd'hui de retour sur place.
03:07Quelle est la situation ?
03:11C'est choquant de voir.
03:13Pourtant, je pensais que j'avais déjà vu assez de choses choquantes, assez de destructions.
03:18Mais je pense qu'on est arrivé à un summum de destructions qui est unique, en tout cas de mon expérience et je pense de l'expérience de beaucoup d'humanitaires.
03:30Il y a pour moi très peu de choses qui sont habitables, très peu de maisons qui restent debout.
03:40Il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'électricité, il n'y a rien.
03:46Et les gens essayent de revenir quand même pour essayer de retrouver leur maison.
03:52Mais ils n'arrivent même pas à trouver où était leur maison parce que leur maison est mélangée avec le gravat des autres maisons, l'appartement, la rue n'existe plus.
04:02Donc, c'est quelque chose de… c'est gargantuesque le travail qu'il devra faire.
04:10Nous, on a eu de la chance dans le quartier de la ville de Gaza dans lequel MSF se trouve.
04:18Notre clinique est restée à peu près debout et donc, on a réussi à commencer assez vite, quand on est revenus, les travaux pour recommencer les pansements, la physiothérapie et tout un peu les soins d'urgence pour les blessés qui étaient restés à Gaza City.
04:37Par ailleurs, on sait que les besoins alimentaires de la population de Gaza sont absolument colossaux après des mois de famine qui a touché une grande partie de cette population.
04:47Où on est, à l'heure actuelle, l'acheminement de cette aide humanitaire maintenant que le cessez-le-feu est en place ?
04:53Alors, on a quand même des camions commerciaux qui traversent et on voit sur les marchés bien plus de nourriture qu'on avait avant.
05:03Ça, c'est certain.
05:05Par contre, l'aide humanitaire, elle est quand même toujours très restreinte.
05:10Et nous, MSF, on essaie vraiment, on demande vraiment de maintenir la pression afin d'assurer l'entrée d'un influx massif d'aide humanitaire sans restriction.
05:21Et ça, y compris du matériel médical, des médicaments, la nourriture, comme on en parle, de l'eau, du carburant et puis aussi des tentes.
05:30Il y a l'hiver qui arrive dans un mois ou deux.
05:33J'ai passé un hiver à Gaza, c'est vraiment pas fun.
05:38Il fait froid, l'humidité pénètre de partout.
05:42Il y a des gens qui habitent sur la plage en ce moment avec des bouts de plastique de fortune.
05:48Il faut absolument faire rentrer ce matériel dans l'enclave.
05:53Ces deux ans de guerre, Karin Huster, ont fait 68 000 morts, 170 000 blessés.
05:57Parmi ces blessés, 15 000 ont besoin, selon l'OMS, d'être évacués d'urgence
06:01car ne pouvant être pris en charge convenablement sur place.
06:05L'OMS a appelé cette semaine à l'ouverture de couloirs médicaux.
06:08De quel type de blessure s'agit-il ?
06:12Alors d'abord, je vais peut-être apporter une précision.
06:15C'est-à-dire que les 15 000 personnes dont on parle,
06:19ce sont en fait des personnes qui peuvent se déplacer
06:23et qui peuvent monter dans des bus ou dans des ambulances.
06:28On n'est pas en train de parler de gens, par exemple,
06:31qui viennent d'être blessés, qui ont des brêlures,
06:34qui ont des blessures aiguës et qu'on devrait transporter dès que possible
06:39à l'extérieur de Gaza pour des soins.
06:41Donc moi, non seulement il y a ces 15 000 personnes
06:44qui sont des cas de cancer, des cas de blessures traumatologiques
06:49qu'on doit suivre sur le long terme, des amputations.
06:52Toutes ces personnes-là doivent effectivement sortir,
06:55font partie des 15 000 personnes.
06:56Mais pour moi, il y a une grosse urgence qui est les cas aigus
07:02de blessures, de brûlures qu'on doit absolument évacuer.
07:07Aujourd'hui, dans Nasser, dans l'hôpital,
07:12dans le soin orthopédique qui est grand brûlé,
07:15on a un enfant de 11 ans, par exemple, qui est brûlé à 35 degrés.
07:20Et pour moi, il faut sortir cet enfant dès que possible en dehors de Gaza
07:25parce qu'on pourra lui apporter les soins dont il a besoin à l'extérieur
07:28et puis un pronostic de vie qui sera bien meilleur que ce que Gaza peut offrir aujourd'hui.
07:36Les infrastructures hospitalières, vous avez commencé à en parler,
07:40sont détruites à Gaza dans leur écrasante majorité.
07:43Toujours selon l'OMS, il n'y a plus que 2100 lits pour une population de plus de 2 millions d'habitants,
07:49tandis que seuls 14 des 36 hôpitaux restent partiellement fonctionnels.
07:53Comment continuent à soigner dans ces conditions ?
07:57C'est la résilience des Palestiniens.
08:02Les soignants palestiniens sont unis au monde dans leur résilience, dans leur assiduité.
08:11Ils sont sans relâche à travailler dans les hôpitaux, qu'ils soient à moitié détruits ou pas.
08:17Dès qu'un hôpital peut être remis à peu près d'aplomb,
08:20ils sont là, ils arrivent à faire revenir l'eau,
08:23ils arrivent à retrouver les machines qui étaient au nord, à les mettre au sud.
08:27Ils sont d'un courage et d'une efficacité que je n'ai jamais vue.
08:32Bien sûr, il y a aussi les humanitaires qui sont là pour aider.
08:35On essaye avec les moyens des Nations Unies,
08:40avec les moyens de Médecins Sans Frontières et d'autres grosses organisations,
08:43de faire venir les cliniciens, les médecins, les infirmiers,
08:50les spécialistes et puis aussi les équipements médicaux
08:54pour appuyer ces structures de santé qui sont détruites.
08:59Mais c'est difficile.
09:02C'est vraiment quelque chose qui, dès qu'on pense que ce cessez-le-feu tient,
09:07il va falloir reconstruire tout depuis le début.
09:11Une résilience aussi de l'ensemble de la population ?
09:15Claire, Claire, incroyable.
09:19Une population, bon, c'est une population qui n'a pas le choix.
09:23Elle est prisonnière.
09:26Elle a perdu des milliers et des milliers de sa population,
09:33des milliers, des dizaines de milliers d'enfants, de femmes, d'hommes.
09:38Mais c'est une population qui continue de vivre, qui continue d'espérer,
09:42alors que c'est difficile d'espérer à Gaza,
09:45parce que peut-être il n'y a pas le choix pour eux.
09:47Mais c'est la seule façon d'aller de l'avant.
09:51C'est une population qui veut retourner au nord,
09:53qui veut essayer de retrouver, qui a été déracinée pendant deux ans,
09:58qui a essayé de planter des racines un peu dans le sud
10:01pour ensuite être rebougée.
10:04C'est une population qui veut vraiment maintenant remettre ses racines
10:07et recommencer et repartir.
10:11Dans ce contexte qu'on décrit depuis tout à l'heure,
10:14on imagine que les besoins en soins psychiques sont également colossaux.
10:17Ce type de soins est-il encore possible pour vous
10:21dans un contexte où tout est une urgence ?
10:24En général, je ne suis pas experte en santé mentale,
10:29mais on a beaucoup de programmes quand même,
10:31médecins sont frontières en santé mentale.
10:33C'est difficile de faire un bon travail,
10:36et un travail de fond, un travail de profondeur,
10:39quand on est dans la crise comme on l'est depuis deux ans.
10:42Et puis, en général, la population a une résilience incroyable
10:48et tient le choc.
10:49C'est maintenant que les choses vont changer, je pense.
10:52Si le cessez-le-feu continue, les gens vont commencer à décompenser.
10:57Par exemple, j'ai eu des histoires de familles
11:00qui sont retournées au Nord pour aller chercher leurs morts.
11:03Et ça, ça va reprendre, ça va remettre du trauma
11:09qu'ils avaient eu peut-être il y a un an ou un an et demi
11:12quand ils ont perdu ses proches.
11:14Parce que maintenant, toutes ces choses-là,
11:16ils vont pouvoir avoir un petit peu de temps
11:18pour mesurer l'ampleur de cette catastrophe.
11:23Et de cette catastrophe qui les affecte, eux,
11:25leur famille et toute la population, toute leur communauté.
11:29Et on pense particulièrement aux enfants aussi
11:31qui font partie des personnes les plus affectées.
11:35Pour beaucoup, ils ont perdu de la famille,
11:38ont été confrontés à la mort, au déplacement, à la faim.
11:40Pour une totalité, même d'entre eux, sont totalement déscolarisés.
11:45C'est une génération sacrifiée.
11:49Une, deux, je ne sais pas combien de générations, mais plusieurs.
11:53Ça a fait vraiment de la peine d'avoir.
11:56Les écoles ont un petit peu repris, mais ce n'est clairement pas assez.
11:59Beaucoup d'enfants sont encore dans la rue.
12:04Ils deviennent de plus en plus agressifs, on remarque.
12:06Ils frappent, ils tapent aux voitures, c'est gentil.
12:10Mais on voit quand même qu'il y a plus d'agressivité.
12:13Ils sont dans la rue, leurs parents n'ont pas de structure.
12:17Quand j'étais à Déralbala,
12:19souvent quand on rentrait de l'hôpital à la maison,
12:22on voyait des enfants jouer avec des armes en plastique
12:25ou des bouts de bois.
12:26Ils jouaient les rôles des pilleurs de farine sur les camions.
12:32Donc, c'est des choses normales.
12:34Ce sont des enfants, mais qui n'ont plus de structure comme ils avaient avant.
12:38On voit les adultes qui essayent de les remettre un peu sur le doigt de chemin dans la rue,
12:43mais c'est les parents qu'il faut.
12:44Et les parents, il y en a plein qui ont disparu.
12:46Il y a plein d'enfants qui sont maintenant en train d'être élevés
12:51par leur grand-mère ou par un voisin.
12:53Et puis, dans quelles conditions ?
12:57Dans des conditions abjectes, où la nourriture n'existe pas,
13:02où la maison, l'abri n'existe pas.
13:07L'insécurité, ils voient des choses horribles tout le temps.
13:10Quelles conditions pour ces enfants ?
13:12Karine Huster, vous travaillez dans des conditions extrêmes.
13:16Vous avez aussi été confronté au décès de certains de vos collaborateurs les plus proches.
13:20Dernière en date, votre collègue, Abed Al-Hamid Karadaïa,
13:25mort le 5 octobre dernier de ses blessures, causée par des éclats d'obus.
13:28C'était lors d'une attaque dans laquelle un autre collègue, Omar Hayek, a également été tué.
13:33Il portait pourtant des gilets estampillés MSF.
13:37Il se trouvait à Derelbala, pourtant décrite comme une zone sûre.
13:40Vous étiez d'ailleurs sur place lorsque c'est arrivé.
13:43Vous avez d'ailleurs accompagné votre collègue jusqu'au bout.
13:46Vous nous avez d'ailleurs transmis une image de l'hommage qui lui a été rendu.
13:51Voilà, on voit cette image à l'antenne.
13:53Karine Huster, vous espérez qu'un jour, justice lui soit rendue, leur soit rendue.
13:58Je ne sais pas.
14:01Non, j'espère, mais je n'y crois pas.
14:05Tout ce que je sais, c'est que la population Gazaoui, tous les membres de MSF,
14:13on a tous perdu 15 personnes depuis le début de ce conflit.
14:18Abed était le dernier en date, le 15e.
14:23Rendu justice, on a perdu quelqu'un d'incroyable,
14:25quelqu'un qui était pour moi et pour beaucoup d'entre nous à MSF,
14:30la lumière dans cette guerre et dans cette nuit de Gaza.
14:35c'était un physiothérapeute ou kinésithérapeute en France qui avait une foi incroyable
14:47et une énergie qui était débordante et il arrivait à faire des choses qu'on ne pouvait pas faire à Gaza.
14:56Il ne reculait devant rien, c'était quelqu'un qui était pour moi l'espoir de Gaza
15:06et l'espoir pour les enfants de Gaza et pour les blessés de Gaza.
15:11Et c'est quelqu'un qui pouvait rendre avec son équipe les blessés,
15:17leur redonner une qualité de vie qu'ils vont avoir du mal à avoir.
15:22Et ça, on nous a pris des gens extrêmement talentueux et ça sera dur à compenser.
15:30On n'oubliera jamais.
15:32Autre image que vous nous avez transmise, Karine Huster, à ma demande,
15:36c'est votre carte blanche dans Au cœur de l'info,
15:38cette photo en noir et blanc d'enfants à Gaza, c'était la vie avant la guerre.
15:43Votre regard sur l'avenir ?
15:46Qu'est-ce que j'aimerais que ce soit ça que je vois aujourd'hui ?
15:52Je vois la mer aujourd'hui de chez moi.
15:55Je vois la mer tous les jours et je ne vois pas ce bonheur sur le visage des gens,
16:01sur le visage des enfants.
16:03Et ça, ça fait très mal.
16:06On arrive à bloquer ça, mais c'est avec difficulté.
16:10avec des enfants, de voir des enfants avec des yeux vieux, des yeux tristes.
16:20C'est vraiment difficile pour moi de voir tout ce poids sur leur petite vie
16:29qui vient de commencer, ce n'est pas normal.
16:31On veut voir des enfants qui jouent, on veut voir des enfants à l'école,
16:34on veut voir des enfants qui surfent dans l'eau.
16:36Et on ne voit pas ça aujourd'hui.
16:39On ne voit que de la misère.
16:43Merci beaucoup, Karine Huster, pour votre témoignage ce soir sur France 24.
16:48Cet entretien est à retrouver sur notre site Internet et nos réseaux sociaux.
16:53Et on ne voit pas ça aujourd'hui.
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