00:00On va parler justement des Etats-Unis avec ses 2700 rassemblements pour plus de 7 millions de personnes à travers tout le pays
00:06selon les organisateurs de Los Angeles à New York en passant par de plus petites villes.
00:12Le mouvement anti-Trump baptisé No Kings a fait entendre sa voix samedi dans les cortèges des Américains de tout âge.
00:18On vous retrouve à Washington, Mathieu Mabin. Bonjour Mathieu, 7 millions de personnes dans les rues américaines, ça n'est pas tous les jours ?
00:26Non, effectivement, la mobilisation à laquelle nous avons assisté ce week-end ne pouvait pas passer inaperçue, c'est le moins qu'on puisse dire,
00:34et constitue sans aucune forme de doute la réaction la plus visible de l'opposition à Donald Trump depuis son retour dans le bureau Oval il y a quelques mois.
00:44Quelques mois, c'est même difficile à croire, croyez-moi, pour les observateurs ici, quelques mois seulement,
00:50alors que le président américain a soumis ses détracteurs comme ses alliés d'ailleurs,
00:56et ne parlons pas des observateurs à un rythme tout simplement jamais observé dans l'histoire moderne des États-Unis.
01:03On ne fera pas ici l'inventaire des dossiers de politique étrangère, d'économie ou de société
01:08qui matraquent littéralement ceux d'entre nous dont le rôle est de faire humblement l'inventaire des actions politiques et sociales de cette administration.
01:16On le fait globalement tous les jours. 7 millions, c'est le chiffre annoncé par les organisateurs, vous l'avez dit,
01:23quelque chose comme 2500 rassemblements à travers le pays, de la plus petite mobilisation à la plus grande,
01:30à Washington, dans la capitale américaine, où les mêmes organisateurs affirment avoir quand même recensé 200 000 marcheurs.
01:37De mémoire de correspondants, il faut remonter à une manifestation du mouvement pro-life,
01:43sous le premier mandat de Donald Trump pour trouver un chiffre équivalent.
01:47Maintenant, il y a un facteur récurrent dans ce pays et qui peut faire différer les analyses,
01:53c'est l'incapacité des autorités à communiquer des chiffres de mobilisation crédibles.
01:59Soit les outils de comptage n'existent pas, soit cela n'est tout simplement pas dans les habitudes,
02:04contrairement aux fameux « selon la police » que vous utilisez régulièrement quand vous évoquez des mobilisations parisiennes, par exemple.
02:10Il y a donc différentes lectures à faire de la mobilisation de ce week-end.
02:14Même si on table sur le chiffre de 7 millions, si on met ce chiffre en perspective, d'abord avec la population américaine,
02:21ensuite avec la brutalité ressentie par les opposants à Donald Trump ces derniers mois,
02:27cela atténue quand même considérablement l'ampleur du mouvement.
02:30Si l'opposition à Donald Trump considère vraiment que la démocratie est menacée,
02:34comme on l'entend régulièrement au Congrès, par exemple parmi les démocrates,
02:38ou dans les associations de défense des droits des minorités,
02:42alors on aurait pu s'attendre à une réaction plus vive,
02:45au moment où tout ce à quoi l'opposition démocrate affirme tenir est concrètement remis en cause.
02:51Au moment où les tribunaux, par exemple, enregistrent des procédures
02:55à l'encontre des opposants politiques du président américain chaque semaine.
02:59Au moment où des dizaines de milliers de fonctionnaires, de travailleurs sociaux
03:02et de salariés du monde associatif, pour ne nommer qu'eux,
03:06ont été renvoyés purement et simplement dans leur foyer après un licenciement sec.
03:10Ce constat nous amène donc, plutôt que de considérer que la mobilisation a été forte,
03:15à nous interroger sur ce qui retient finalement la moitié démocrate de ce pays,
03:20puisque concrètement, la retenue, c'est vraiment ce qui caractérise
03:24les grandes figures démocrates aux États-Unis ces derniers mois,
03:26c'est le moins qu'on puisse dire,
03:27au point que dans les couloirs du Congrès, il a suffi d'un assassinat
03:32comme celui de Charlie Kirk, par exemple, pour réduire les plus progressistes des élus
03:36et les plus loquaces habituellement, sinon au silence, au moins à la plus grande prudence.
03:41Et donc, si on voulait répondre à la question
03:43« Pourquoi il a fallu attendre ce week-end d'octobre pour voir les rues de Washington envahies ? »
03:48Eh bien, la réponse la plus plausible reste la peur, tout simplement.
03:52La peur de mesures encore plus brutales, la peur de poursuites judiciaires,
03:57ou la peur, tout simplement, d'être identifié comme un leader de la contestation
04:01dans une Amérique où, c'est vrai, le conservatisme fait loi désormais.
04:05Mathieu, ce mouvement, No Kings, il est décrit par le camp Trump comme un mouvement de haine,
04:10je cite, « Ce n'est pas très étonnant, ce sont les fameux ennemis de l'intérieur »,
04:14cette expression que Donald Trump répète à l'envie,
04:17avec cette volonté chez lui de dissocier les bons et les mauvais américains,
04:21rhétorique qui, forcément, accentue les divisions aux États-Unis.
04:24Oui, effectivement, la population qui est descendue dans la rue ce week-end
04:30était un échantillon de ce que l'Amérique compte de mouvements progressistes les plus marqués.
04:35Mais j'ai envie de dire, pas seulement.
04:37Ici, à Washington, on trouvait à côté des mouvements LGBT,
04:40des nostalgiques de Joe Biden ou des militants des droits des minorités,
04:44des familles, tout simplement, sincèrement inquiètes pour l'équilibre des pouvoirs aux États-Unis.
04:48Ce socle démocratique qu'on enseigne aux enfants à l'école publique dès le plus jeune âge
04:55et qui jure, ce socle, que la démocratie américaine repose sur un délicat équilibre
05:01entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et judiciaire, évidemment.
05:05Trois masses de granit qui sont aujourd'hui concrètement aux mains d'un seul homme,
05:09en tout cas selon l'opposition.
05:11Et puis, il faut bien le reconnaître,
05:13depuis que la Cour suprême a basculé entre les mains des plus conservateurs.
05:17C'est un fait, en tout cas sur le plan judiciaire.
05:19Donald Trump n'en a d'ailleurs jamais fait mystère.
05:21Il s'exerce sur lui une forme de fascination
05:25quand il envisage étendre les pouvoirs du président.
05:28C'est quelque chose que nous avions déjà détecté,
05:31pour être tout à fait honnête,
05:32durant son premier mandat,
05:33quand il avait par exemple affirmé qu'il était le président
05:36et que c'était donc lui qui décide.
05:38Ce qui contredit absolument l'esprit de la Constitution
05:41rédigée par les pères fondateurs.
05:44Alors, pour répondre directement à votre question,
05:46oui, la fracture n'a jamais été aussi profonde.
05:48Et ça, ça n'est pas un mystère.
05:49On en parle encore une fois tous les jours.
05:51La fracture, ou plutôt les fractures sociales, financières,
05:55ethniques, religieuses, et j'en passe,
05:56mais aussi géographiques,
05:58avec une population qu'on qualifiera de progressiste
06:01qui a trouvé refuge,
06:02c'est l'expression qui convient,
06:04dans les grandes villes américaines,
06:06comme Washington, Los Angeles, Chicago,
06:08et sur les côtes.
06:09Et une Amérique, à l'inverse,
06:11conservatrice, chrétienne et rurale,
06:13qui revendique la propriété, je dirais,
06:16et je dirais même la paternité de ce pays.
06:19Ce sont eux qui ont fait ce pays dans leur esprit.
06:22Au moment où nous parlons,
06:24et à mesure que nous nous approchons
06:25de l'échéance de l'élection de mi-mandat,
06:28dans un an, strictement rien n'indique
06:30que l'influence conservatrice
06:32n'enregistre une quelconque forme
06:33de fléchissement dans l'avenir.
06:35Pas même le genre de mobilisation
06:37à laquelle nous avons assisté ce week-end.
06:39Et vous l'avez sûrement vu passer, Mathieu,
06:41cette vidéo générée par l'intelligence artificielle.
06:44Elle montre Donald Trump,
06:45on va la découvrir, cette vidéo,
06:47Donald Trump dans un avion,
06:49en train de bombarder d'excréments
06:51les manifestants.
06:52Vous allez le voir.
06:54Elle a été republiée par le président américain.
06:56Signe, exactement, l'expression est bien trouvée.
07:00Gauthier, Signe, s'il en fallait,
07:01du respect que Donald Trump peut avoir
07:03pour ses adversaires politiques.
07:06Oui.
07:09Simplement, cette vidéo n'est pas marquée
07:12par la finesse la plus extrême.
07:14Mais ce qui est intéressant,
07:16c'est de voir que d'une certaine manière,
07:18elle correspond au côté bouffon,
07:21vous le voyez avec cette couronne royale
07:23que porte Donald Trump,
07:24au côté bouffon du personnage
07:26et au fond, à la manière dont il a toujours parlé,
07:29non seulement de ses opposants,
07:31mais aussi, par exemple, des femmes.
07:33Souvenez-vous, quand il disait
07:34qu'il fallait les attraper par la décence malterdite
07:36de nommer la chose.
07:38Et donc, il y a quelque chose de vrai
07:40dans cette vidéo,
07:42même si, encore une fois,
07:44elle est quelque chose
07:46qui ne s'oppose pas directement à Trump,
07:49même si lui va le considérer comme tel.
07:51Simplement, ce qui est intéressant,
07:52c'est de voir que,
07:53outre les manifestations,
07:54et je suis d'accord avec ce que dit Mathieu Mabin
07:56sur le fait qu'il faut relativiser leur impact,
07:59mais l'affrontement aujourd'hui,
08:01pour certains,
08:02il consiste à y aller franco,
08:05franco de port,
08:06et d'une manière, finalement,
08:08excessive et tout aussi, peut-être, puéril
08:11que l'est Trump lui-même.
08:12La différence, c'est que Trump a le pouvoir.
08:14Et on n'ira pas jusqu'à parler de guerre civile,
08:16mais Donald Trump, il alimente ce climat,
08:18ce contexte.
08:19Tous les jours.
08:20Souvenez-vous, même pendant sa campagne électorale,
08:23la dernière,
08:25on s'est dit,
08:26Trump va s'amender,
08:27il va mettre de l'eau dans son vin
08:28pour essayer d'élargir son électorat.
08:31Pas du tout.
08:32Pas du tout.
08:33Il a même engrangé des voix supplémentaires,
08:35je ne sais plus combien de millions,
08:37je crois que c'est 6 à 7 millions,
08:38par rapport à son élection précédente,
08:40c'est-à-dire de personnes
08:42qui étaient tout à fait convaincues
08:44qu'il fallait tester encore
08:46la présidence de Trump.
08:47Et donc, il n'a pas eu à élargir son socle,
08:51il était parfaitement dans ses bottes
08:53et, d'une certaine manière,
08:55ce qui sidère aussi l'opposition aujourd'hui,
08:57et ce qui sidère les démocrates,
08:59c'est qu'on pensait que même sa campagne électorale
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