00:007h44 sur BFM Business et sur AMC Live. Notre invité ce matin c'est Olivier Andriès.
00:04Bonjour, vous êtes le directeur général et administrateur de Safran.
00:06Vous êtes aussi président du JIFAS, le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales,
00:11depuis juillet 2025. Vous avez annoncé lundi un investissement de 350 millions d'euros au Maroc,
00:18120 millions pour la création d'une usine de maintenance et 200 millions d'euros
00:22pour la création d'une unité d'assemblage finale des fameux moteurs d'avion LIP.
00:26Pourquoi ce choix du Maroc ? Est-ce qu'il y a une résonance avec la France ? Est-ce que vous y étiez mieux accueilli ?
00:33Alors le Maroc est un pays absolument stratégique pour Safran. Nous y sommes depuis 25 ans.
00:39Nous avons développé progressivement nos activités au Maroc depuis 25 ans.
00:44Aujourd'hui nous avons 5000 salariés au Maroc. Nous avons des talents extraordinaires au Maroc.
00:50un personnel qui est absolument engagé, enthousiaste, au meilleur niveau de performance opérationnelle.
00:59Et nous sommes très bien accueillis au Maroc. Alors effectivement, c'est poser la question pour nous
01:03d'augmenter notre capacité d'assemblage de moteurs d'avion dans un contexte où effectivement
01:10nos clients avionneurs sont en train de monter en cadence. Airbus, mais également Boeing que nous servons.
01:15Et donc dans ce cadre-là, nous devions investir aussi dans de nouvelles capacités d'assemblage de moteurs.
01:23Et nous avons une stratégie depuis quelques années de résilience.
01:26C'est-à-dire que nous ne souhaitons pas, au niveau de notre chaîne d'approvisionnement,
01:31être dépendants d'une source unique ou de points de défaillance uniques.
01:37Donc nous avons une stratégie d'avoir au minimum des doubles sources pour l'ensemble de nos activités.
01:42On l'a fait dans le domaine des nacelles d'avion, où nous avons deux sites qui fabriquent les nacelles d'avion
01:50des Airbus A320 Néo. Nous avons le site du Havre en France et nous avons le site de Casablanca au Maroc
01:56qui est monté en puissance très fort et qui a une performance extraordinaire.
02:00Et donc, nous avons décidé de faire la même chose sur l'assemblage des moteurs.
02:05On devait investir. On avait le choix entre investir, continuer d'investir et d'étendre nos activités sur le site de Villaroche
02:14ou bien d'investir en dehors de France sur un autre site.
02:17Et on a décidé de le faire hors de France, hors de France donc au Maroc, pour avoir effectivement cette double source.
02:26C'est très important ce que vous nous dites. Ce sont des sortes d'usines jumelles.
02:29Au cas où, en France, c'est trop compliqué de produire, vous seriez empêché dans votre gestion du risque.
02:35Ça dépend que de la France.
02:37Gestion du risque, nous avons pris une décision au niveau mondial sur l'ensemble de notre chaîne d'approvisionnement.
02:43Et c'est vrai également de nos activités.
02:44De ne pas, unique, pas confier à des aléas un peu hors de notre contrôle
02:48qui nous amèneraient à nous empêcher de livrer à nos clients.
02:52Et de quoi vous avez peur en France ? C'est quoi l'aléa en France ?
02:56C'est une politique générale. C'est une politique générale qui s'applique également à la France.
03:02Alors le Maroc était un choix évident parce que le Maroc est un pays qui est plein de talents,
03:08qui est en pleine dynamique.
03:10Sous l'impulsion du roi, il y a une vraie dynamique industrielle.
03:13Il y a des infrastructures qui sont très modernes.
03:16Il y a des talents, des écoles d'ingénieurs qui sont formidables.
03:19Et puis, il y a un environnement macroéconomique stable.
03:23Donc le Maroc était un choix évident pour nous.
03:26Nous avons 5000 personnes aujourd'hui.
03:27Nous allons encore recruter 2000 personnes dans les 5 ans qui viennent au Maroc.
03:32L'accueil, c'est très important pour vous.
03:34C'est très accueil.
03:34Mais oui, vous aviez fait la une quand vous aviez parlé des mairies écolo
03:37dans lesquelles vous ne vouliez pas vous implanter justement
03:40parce que vous étiez en partie mal accueillis.
03:43C'est fondamental ?
03:44C'est-à-dire qu'il faut une véritable politique d'attractivité ?
03:47Ça fonctionne pour vous faire venir et que vous faites des choix clairement en lien avec ça ?
03:50On fait des choix en fonction des conditions d'accueil, effectivement, des talents, des infrastructures, etc.
03:57Donc c'est un choix global qui est totalement objectif, évidemment,
04:01et qui nous amène régulièrement à investir en France,
04:05comme on a pris ces décisions il y a encore quelques temps,
04:08notamment pour la quatrième usine de freins carbone que nous avons décidé de faire en France.
04:12Vous investissez toujours en France ?
04:14Bien sûr, mais nous prenons aussi des décisions d'investir hors de France.
04:17Alors aujourd'hui, dans la politique globale d'accueil de la France,
04:20il y a 10 milliards d'impôts supplémentaires selon le MEDEF
04:22qui vont arriver dans le budget de 2026.
04:24Un obus dans le pied selon Patrick Martin.
04:27Comment vous regardez aujourd'hui ces débats budgétaires pour 2026
04:31à l'Assemblée nationale et avec nos politiciens de manière générale ?
04:34Alors globalement, on a tendance à oublier en France,
04:37on a tendance à oublier qu'avant de redistribuer, je dirais, la valeur,
04:43il s'agit d'abord de la créer.
04:45Et donc il y a un véritable objectif
04:48qu'un certain nombre de pays dans le monde,
04:50d'ailleurs la plupart des pays dans le monde ont parfaitement compris,
04:52qui est d'avoir une politique accueillante vis-à-vis des investisseurs
04:56qui créent de la valeur.
04:58Et donc il ne faut jamais l'oublier,
04:59parce qu'avant, encore une fois, de redistribuer,
05:01il faut d'abord veiller à avoir une politique
05:04qui consiste à, comment dire, favoriser la création de valeurs.
05:09Et la France a tendance un peu ces derniers temps
05:11à oublier ça et à vivre un peu dans une bulle.
05:14Donc c'est un peu triste à voir,
05:16d'avoir un personnel politique qui est plus préoccupé
05:18de sa survie à court terme que de l'intérêt profond du pays.
05:21Mais concrètement, pour une entreprise comme Safran,
05:23quand on rogne sur l'apprentissage,
05:25quand on remet un petit coup de surtaxe d'IS,
05:30quand on revient sur les baisses des aides, entre guillemets,
05:33aux entreprises, qu'est-ce que ça a comme conséquence directement pour vous ?
05:37Ça impacte négativement l'attractivité de la France
05:40pour un investisseur, qu'il soit non français ou qu'il soit français.
05:45Sur la politique commerciale, Donald Trump a redit,
05:48nous sommes en guerre commerciale, l'a redit cette nuit,
05:50vous vous êtes plutôt préservé parce que vous êtes dans l'aéronautique
05:53et donc vous n'êtes pas directement touché par les droits de douane au quotidien.
05:58Qu'est-ce que ça change quand même dans votre activité aujourd'hui ?
06:01Alors les tarifs et l'arrivée des tarifs nous amènent effectivement
06:04à revoir complètement l'organisation de nos flux de pièces
06:09et de marchandises à travers le monde et de les optimiser.
06:12Donc nous sommes, et c'est vrai de l'ensemble des entreprises,
06:15on est tous devenus des experts des douanes
06:18et de la manière d'optimiser nos flux.
06:21Alors on a, quelque part, on a de la chance,
06:25c'est pas que de la chance, mais effectivement,
06:27l'aéronautique bénéficie d'une exemption.
06:30Alors pourquoi ? C'est pas un cadeau.
06:32C'est tout simplement que les États-Unis et l'administration Trump
06:37ont compris que ça servait leurs besoins au fond
06:39et que l'industrie aéronautique américaine
06:42est fortement dépendante également de composants,
06:46de pièces, d'équipements qui viennent d'Europe.
06:49Donc les flux transatlantiques dans l'aéronautique
06:51sont très importants, sont significatifs
06:53et l'intérêt bien compris de l'industrie nord-américaine aéronautique
06:58et l'industrie européenne aéronautique
07:00était de conserver cet accord qui date de 1979,
07:05d'éviter des droits de douane entre l'Union européenne et l'aéronautique.
07:08Mais qu'est-ce que vous avez réorganisé du coup ?
07:10Quand vous dites qu'on a réorganisé les flux,
07:13qu'est-ce que ça a changé ?
07:14Par exemple, typiquement, dans certains cas,
07:18nos pièces fabriquées dans un pays donné,
07:22à destination d'une compagnie aérienne hors des États-Unis,
07:25donc dans un autre pays,
07:26passées de temps en temps par les États-Unis
07:28avant d'être redispatchées auprès des compagnies aériennes.
07:31Donc par exemple, nous envoyons des pièces de rechange
07:36vers les États-Unis pour qu'ensuite se soient dispatchées
07:40sur l'ensemble du continent nord-américain ou sud-américain.
07:43Donc là, on se dit que ce n'est pas la peine de passer par les États-Unis
07:46pour ce genre de logistique.
07:49Autant envoyer les pièces directement.
07:50Dans une demi-heure, on recevra Voltaéro.
07:52Ils essayent de réfléchir à l'avenir de l'aérien.
07:55Ils veulent créer un avion électrique notamment.
07:58Il y avait des tests qui étaient prévus.
07:59Ils voulaient doter leurs avions des futurs moteurs hybrides de chez vous, Safran.
08:03Ils sont en redressement judiciaire à cause notamment de leur actionnaire.
08:07Il nous expliquera ça tout à l'heure.
08:09Le patron Voltaéro, il dit que les industriels français ne nous suivent pas.
08:12On n'aime pas l'industrie en France.
08:14Il est un peu dans un compte à rebours très important.
08:17Il a deux mois pour trouver 2 millions d'euros.
08:19Qu'est-ce que vous lui dites ?
08:21Est-ce que ça vous touche ?
08:23Est-ce que vous avez envie d'investir dans ce type de projet ?
08:27Alors bien sûr, ça nous touche.
08:30Nous avons des contacts avec Voltaéro.
08:32Il y a beaucoup de projets dans le domaine de ce qu'on appelle
08:35les nouvelles mobilités aériennes.
08:37Il y a des centaines de projets de par le monde.
08:40Donc dans cette multitude de projets, il y a des projets qui iront jusqu'au bout
08:44et qui réussiront et d'autres projets qui malheureusement n'iront pas jusqu'au bout.
08:49Nous, nous avons développé effectivement un moteur électrique
08:52qui est le premier moteur électrique certifié dans l'aéronautique.
08:57Donc beaucoup d'entreprises et de start-up nous appellent pour équiper
09:02leur projet de plateforme de nos moteurs électriques.
09:05Évidemment, ce n'est pas notre vocation d'investir dans cette multitude de projets
09:10partout dans le monde.
09:12Donc on est très sollicité au niveau de nos équipements.
09:14Ça ne fait pas de nous un investisseur dans l'ensemble de ces différents projets.
09:18Dernier point sur Martin Sion qui part chez Alstom
09:22après avoir remis au carré, si on peut dire, Ariane Group,
09:25co-entreprise de Safran et d'Airbus.
09:28C'est quoi le bilan de Martin Sion chez Ariane Group ?
09:32C'est un très bon bilan. Martin est une personne qui est arrivée chez Ariane Group
09:38il y a deux ans maintenant, plus de deux ans, dans un moment qui a été difficile.
09:43Il fallait réussir le premier vol d'Ariane 6 qui a été fait en 2024.
09:51C'était l'an passé, donc premier vol réussi, puis deux vols commerciaux qui ont été réussis.
09:56Donc Martin a un très bon bilan sur Ariane Group.
09:59C'est une personne qui avait une connaissance profonde de l'industrie spatiale.
10:04Il avait, comme on dit, un background important dans ce domaine.
10:08Il a effectivement été formé à l'école Safran en management.
10:12Le fait qu'on exporte certains de nos cadres est plutôt...
10:16Ça arrive assez souvent.
10:17...une bonne reconnaissance de la formation qu'on peut avoir chez Safran.
10:23Vous avez un nom de successeur ou pas aujourd'hui ?
10:26On y travaille avec Airbus, c'est une question d'actualité.
10:30De chez Safran peut-être, puisque vous êtes...
10:32De chez Safran et Airbus, puisque c'est une filiale commune entre Airbus et Safran,
10:36c'est une décision que nous allons prendre conjointement avec Guillaume Fauri,
10:41le président directeur général d'Airbus.
10:43Merci beaucoup, Olivier Andréa, d'être venu ce matin dans la matinale de l'économie.