00:00Qu'est-ce qui se passe du côté de la Bourgogne ? Est-ce qu'on doit s'inquiéter de certains rachats de nos grands crus, nos grands vins, notamment par des investisseurs chinois ?
00:08C'est en tout cas la question qu'on va se poser de matin dans ce Sud Radio près de chez vous.
00:11Bonjour Thiebaud Hubert Verderot.
00:13Bonjour.
00:14Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Vous êtes le président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne.
00:19Alors que se passe-t-il sur notre patrimoine viticole en Bourgogne ?
00:23Est-ce qu'on est, on peut le dire clairement, face à une menace chinoise quant au rachat qui se dessine ces dernières semaines, ces derniers mois ?
00:31Oui, on peut le dire. Alors malheureusement pas que chinoise, puisqu'il n'y a pas que les Chinois qui sont attirés par les loyaux de la Bourgogne.
00:39Mais oui, on a une menace, parce que ça menace complètement le modèle d'exploitation familiale bourguignonne,
00:46qui se transmet de génération en génération, et où là on s'aperçoit que ça va être très difficile de transmettre.
00:50Et quand vous dites que ça vient, on va dire, gêner tout un système de transmission, toute une tradition, en réalité, qu'est-ce qui se passe ?
00:58C'est parce que les prix tout d'un coup deviennent inaccessibles ?
01:00C'est que les prix sont tellement élevés de la part de ceux qui souhaitent racheter,
01:05qu'en réalité personne n'arrive à renchérir pour que ça reste local ?
01:08Quels sont les problèmes auxquels vous faites face concrètement ?
01:12En fait c'est ça, c'est-à-dire que là c'est un marché spéculatif,
01:14c'est des gens qui investissent par plaisir, donc non pas par rentabilité,
01:20et qui sont prêts à mettre des sommes incroyables pour obtenir un petit bout de la Bourgogne,
01:24alors que nous on est complètement désarmés d'un point de vue de la législation fiscale,
01:28et donc il n'y a aucun outil fiscal qui privilégie la transmission familiale,
01:34et donc dès qu'il y a une transaction, le prix fait référence,
01:37et la taxation va avec, quelle que soit la mutation du bien,
01:41que ce soit une transmission d'un parent à un enfant, ou à un neveu, ou à un non, ou à un frère,
01:48ou que ce soit quelqu'un, un chinois, un américain, et je ne sais quoi.
01:53Et concrètement, pour qu'on comprenne bien, qu'est-ce qui se passe ?
01:56C'est-à-dire que ce sont des rachats de terre, ce sont des rachats d'appellation,
01:59ce sont des rachats de gants crus, et depuis ces dernières semaines,
02:03cela se déroule vraiment dans des proportions importantes.
02:06C'est ça qui provoque ce sentiment, cette vague d'inquiétude ?
02:10En fait, oui, c'est-à-dire que c'est des lopins de terre,
02:13ce n'est jamais une appellation complète, puisque sinon on est très très morcelé.
02:16C'est bien évidemment sur les appellations les plus prestigieuses,
02:19donc c'est nos premiers crus, nos grands crus,
02:21mais c'est en train de découler sur les plus beaux terroirs bourguignons,
02:24et les plus beaux climats.
02:25C'est des gens qui mettent 3, 4, 5 fois le prix du marché,
02:29puisque derrière, ils ne servent pas une rentabilité d'exploitation,
02:32sauf que derrière, ça crée une référence de prix qui va être la référence fiscale.
02:37Donc quand un parent veut juste transmettre,
02:41il n'y a même pas de transaction d'argent,
02:43c'est juste qu'ils mettent sur un papier une valeur de terre,
02:45et bien là, ils prennent cette référence qui n'a rien à voir
02:49avec une rentabilité d'exploitation familiale.
02:52Et là, on ne peut plus, on ne peut plus transmettre,
02:55donc souvent les familles vendent.
02:57Parce que forcément, c'est alléchant quand on vous fait miroiter des millions d'euros.
03:02Oui, ça c'est sûr, et quand vous évoquez en effet le problème et la fin d'un système,
03:06en réalité, le risque derrière pour nos consommateurs,
03:09je pense peut-être à ceux qui se permettaient une jolie bouteille dans l'année
03:12pour un anniversaire, une fête de famille,
03:14c'est de ne plus jamais avoir accès à ce type de vin
03:18ou à ce type de grands crus précisément,
03:19parce que les prix exploseront, c'est vraiment ça le risque à court terme ?
03:23C'est ça le risque, parce qu'en fait, ces gens-là vont produire des vins,
03:26vont continuer de produire et d'exploiter des parcelles, bien évidemment,
03:29mais ces bouteilles vont partir à des prix sarahoniques,
03:31et puis ça va être des bouteilles de spéculation,
03:35c'est-à-dire que ce ne sera pas forcément des bouteilles qui vont être bues,
03:37c'est des bouteilles qui vont tourner dans le monde entier,
03:39sur un petit club d'ultra riches, qui vont se les revendre,
03:43mais qui du coup vont empêcher plein d'amateurs et d'amoureux
03:48des vins de Bourgogne, parce que ça devait être complètement inaccessible.
03:52Donc, on met vraiment un modèle en risque.
03:54On se bat depuis des années pour essayer de favoriser la transmission familiale
03:59et de différencier une transmission familiale d'une transaction,
04:03voilà, d'une vente libre, c'est quand même assez différent.
04:06Et on retient sur tous les deux mots que vous employez en réalité,
04:10c'est-à-dire le risque de spéculation,
04:12et en effet la mise en péril d'un système avec un vin
04:15qui serait désormais réservé aux ultrariches.
04:17Merci beaucoup Thibaut Hubert Verdereau d'avoir été avec nous ce matin,
04:20président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne.
04:23Donc, vous avez entendu, auditeur de Sud Radio,
04:25il est peut-être un peu tôt, mais oui,
04:27il faut sauver les vins de Bourgogne.
04:29Et c'est un appel sonal ce matin, il est 7h19.
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