00:00On passe à notre focus de ce samedi soir consacré à l'ouverture à Paris de la maison des mondes africains, la Mansa, installée dans un ancien atelier du 10e arrondissement.
00:09Elle se veut un laboratoire pluridisciplinaire et une agora culturelle ouverte sur les expressions du continent africain de sa diaspora.
00:17Pour en parler, notre invitée Elisabeth Goemis, directrice générale de la Mansa, ancienne journaliste et réalisatrice.
00:23Bienvenue à vous dans le JTA de France 24.
00:25Merci et bonsoir.
00:27Vous avez parlé, j'ai lu dans beaucoup d'entretiens, d'une lutte acharnée pour que la Mansa, cette école, voie le jour.
00:34J'imagine votre soulagement et vous devez être ravie aujourd'hui de cette ouverture.
00:42Revenons peut-être un peu sur l'histoire.
00:44Quelles ont été les plus grandes résistances que vous avez rencontrées pour l'ouverture de cette maison ?
00:49Alors on a beaucoup utilisé un vocabulaire martial pour dire le cheminement et le voyage qu'a été le montage de cette maison.
00:58Ça l'est beaucoup moins.
00:59C'est effectivement une longue marche parce qu'il y a le temps de l'administration, parce qu'il y a le temps aussi de la conviction.
01:07Alors les personnes qui étaient convaincues en premier lieu, c'était Achille Bembé, puisque c'est lui qui a initié finalement ce projet.
01:15Ensuite, ça a été le président de la République.
01:18Et puis après, il a fallu convaincre les partenaires.
01:21Donc je n'irai pas aussi loin en disant lutte acharnée.
01:24Je trouve que c'est toujours un peu exagéré.
01:26C'est juste qu'effectivement, ça requiert du souffle.
01:28C'est un marathon.
01:30La situation en France n'est pas la plus simple en ce moment.
01:34Et donc forcément, voilà, se pose la question de quelle est la légitimité de Mansa aujourd'hui.
01:41Cette légitimité, alors déjà peut-être son inspiration.
01:44Est-ce que l'idée globale, schématiquement, c'est de faire un institut des mondes arabes, l'IMA à l'africaine ?
01:50Est-ce que c'est ça ?
01:51Alors, on pourrait dire cela parce que l'IMA est un superbe exemple et qu'effectivement, nous adorons ce que fait l'IMA.
01:59Bien sûr que l'ambition, elle est aussi grande, je dirais.
02:03Mais on a aussi envie de faire les choses à notre manière.
02:05Comme vous avez pu le constater, on commence par un premier acte.
02:08Et ce premier acte, je dirais, il est quelque part sa force, son mouvement, sa flexibilité.
02:15Le fait qu'on puisse s'adapter aux artistes, le fait que les artistes s'adaptent à nous.
02:18Qu'on puisse également changer le lieu et lui faire prendre n'importe quelle forme.
02:24On passe de la création numérique à de l'art visuel, à de la photographie.
02:29En ce moment même, nous avons Roxane Banga qui, elle, a préféré faire un geste accueillant et créer une maison.
02:35Donc, on est plutôt dans quelque chose de super immersif et qui permet au public de venir et juste de rester.
02:41Et de consulter des livres, d'écouter de la musique, de boire un thé ensemble.
02:48On voulait vraiment faire une proposition et accueillir notre public de la manière la plus chaleureuse possible.
02:56Notre nom, c'est Mansa, Maison des mondes africains.
02:58Alors, peut-être une petite clarification dès le départ.
03:01C'est né, évidemment, vous l'avez rappelé, d'une volonté politique du président de la République, Emmanuel Macron.
03:07Comment on arrive à garantir l'indépendance, tout simplement, culturelle de la maison ?
03:13Parce que nous sommes la France et que la France respecte les institutions culturelles.
03:17Et il n'y a pas d'ingérence, ne serait-ce que dans la programmation.
03:20C'est un fait.
03:22Jusqu'à présent, à aucun moment, ni l'Elysée, ni les ministères ne sont venus remettre en compte la programmation que nous avons établie avec l'équipe.
03:34Respecte nos choix.
03:36Il y avait une note d'intention de départ.
03:39Cette note d'intention a été respectée.
03:41Achille Mbembe avait plutôt été assez directe dans la formulation.
03:45La formulation, c'était pour rompre avec l'ordre et la colonialité de ce monde.
03:52Donc, je pense que c'était déjà annoncé.
03:55Et nous, ce que nous avons fait, c'est que nous avons continué, finalement, cette feuille de route.
03:59Et la question qu'on s'est posée, c'était comment est-ce qu'on passe les messages ?
04:02Comment est-ce que la culture et l'art vont réussir à poser cela ?
04:07Et c'est pour cela qu'on s'est dit, pas de frontières entre les disciplines, qu'on hybride les disciplines.
04:12Et finalement, qu'on ne s'interdit rien, que tout le monde a la parole chez Monsa.
04:18Et puis, on peut débattre de tout.
04:19On n'est pas obligé d'être d'accord.
04:21On peut être en désaccord.
04:22Mais l'idée, c'est de pouvoir discuter de manière apaisée et d'essayer d'avancer sur ces sujets, oui.
04:27Je sais que vous aimez bien le terme atelier des possibles, justement, dans ce lieu, Monsa.
04:33Quelle collaboration africaine et diasporique vont marquer les premiers temps, peut-être, forts de cette maison ?
04:41Alors, dans un premier temps, je dirais qu'on s'est concentrés sur la France, sur les besoins.
04:48Et effectivement, notre première intuition, ça a été de relier les Antilles.
04:53Donc, on a monté un partenariat, notamment avec la Station Culturelle.
04:57Nous avons également lancé un incubateur pour lequel nous avons vraiment insisté
05:00pour avoir des porteurs de projets qui viennent de Fort-de-France, qui viennent de la Guyane, de la Réunion, de Mayotte.
05:06Parce qu'il était important pour nous de faire maison et donc de faire France également.
05:10Donc, on a commencé dans ce sens-là.
05:12Ensuite, on tire des fils.
05:14En ce moment, par exemple, on discute avec l'école des acteurs à Dakar, le IAD.
05:18Parce que c'est un superbe espace de résidence.
05:20C'est l'ancienne maison d'Ousmane, son nom m'échappe, alors que je ne connais que lui.
05:31Mais effectivement, oui.
05:32Donc, à Dakar avec le IAD.
05:34En France également avec l'AMC 93.
05:37Parce que c'est très important également de sortir de Paris.
05:40L'université de Chicago également nous a invités.
05:43Au Brésil, le musée des arts.
05:46Et un peu plus récemment, le musée Afro-Brasil.
05:49Donc, pour nous, l'idée, c'est vraiment de tirer des fils
05:52et d'essayer de se retrouver au milieu de cette constellation
05:55pour partager parfois des méthodes.
05:58Aussi, changer notre point de vue et nos perspectives.
06:01Parce qu'on voit les choses depuis la France, alors que les mondes africains sont vastes.
06:03Et que son centre se trouve un peu plus dans l'Atlantique qu'à Paris,
06:07à côté de la République, là où nous sommes installés.
06:09Peut-être, d'une phrase pour terminer, vous évoquez une certaine urgence
06:13à faire entendre ces voix-là, justement, sur le continent européen,
06:19en France en particulier.
06:20Pourquoi il y a une certaine urgence à faire entendre ces voix-là ?
06:22Il y a urgence parce que les indépendances, elles datent d'il y a un peu plus de 60 ans.
06:27Les sœurs Nardal sont arrivées il y a un siècle.
06:30Et jusqu'à présent, aucune institution dédiée à ces sujets-là n'a émergé.
06:37Donc oui, il y a urgence parce qu'il y a une partie de la population
06:40qui se pose la question de pourquoi, pourquoi est-ce que je suis là ?
06:44Pourquoi est-ce qu'on me demande et on me renvoie toujours à une identité
06:47prétendue ou présupposée ?
06:50Et qu'il est important de répondre à ces questions pour aussi comprendre la France d'aujourd'hui.
06:53Pour moi, elle est là, l'urgence.
06:55Elle est là parce qu'il y a une génération qui est en train de grandir
06:58et qui, elle aussi, part avec des manquements.
07:02Et j'ai fait partie d'une de ces générations.
07:05Et je me dis qu'aujourd'hui, c'est mon devoir de transmettre.
07:08De transmettre.
07:09Merci beaucoup, Elisabeth Golis, d'être venue nous parler de la maison Mansa
07:14qui a ouvert à Paris ses portes aujourd'hui, ce samedi.
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