Plongée exclusive dans les coulisses de la pièce Le Paradis sur Terre, mise en scène par Bernard Murat, dans laquelle Johnny Hallyday incarne l’un des rôles principaux. Ce reportage diffusé sur Paris Première le 19 novembre 2011 revient sur le défi théâtral de l’artiste au Théâtre Édouard VII à Paris. Interviews, extraits de répétitions et témoignages de l’équipe artistique permettent de découvrir un Johnny Hallyday sensible et engagé dans cette nouvelle aventure scénique.
00:00En mai dernier, au moment de cette séance photo pour l'affiche de la pièce, plus aucun doute n'est possible.
00:11Johnny Hallyday sera bel et bien sur les planches du théâtre Edouard VII pour jouer Chicken dans la pièce de Tennessee Williams, Le Paradis sur Terre.
00:23Bernard Moura y pense depuis plus de 20 ans.
00:26— Honnêtement, est-ce que vous pensez qu'après tout ce que Johnny Hallyday a réalisé dans sa vie de cohésion avec le peuple de France,
00:39avec ce qu'il représente dans l'histoire de France, parce que c'est un personnage qui est rentré dans l'histoire de notre pays, dans la conscience collective,
00:45c'est pour ça qu'on ne le traite pas comme les autres. Est-ce que vraiment on pouvait le mettre dans un texte qui ne soit pas « ouf », comme vous dites ?
00:53Il est évident que chaque fois que Johnny fait quelque chose d'inattendu, tout le monde l'attend.
00:59Donc je suis convaincu qu'il le savait, mais ça fait partie du défi, ça fait partie du challenge. C'est un homme de défi.
01:05— Elle est bien celle-là. — J'aime bien celle-là.
01:07— J'aime bien son visage, là.
01:09— Oui, c'est vachement bien, non ?
01:10— C'était dramatique. Lui, il a vraiment méchant.
01:12— On voit que vous êtes dans les rôles, les enfants.
01:14— Je savais qu'en coulisses, ce serait formidable. Et j'avais besoin, pour quelqu'un qui arrivait comme ça, avec l'expérience, oui, du cinéma, l'expérience, bien sûr, de la scène par le musical.
01:29Et je me disais, mais qu'est-ce que ça va me donner, bon, au théâtre ? Et très vite, j'ai compris. Très vite, j'ai compris.
01:35Et la précaution que j'avais de dire, bon, il y aura Audrey qui sera là et elle sera comme un tuteur, elle l'a été, c'est vrai.
01:44Elle l'a merveilleusement aidée. Mais très vite, elle, comme moi, on a été formidablement surpris parce que jour après jour, il n'avait plus besoin d'aide.
01:54— Je n'avais pas de pression à l'idée de jouer avec Johnny. Au contraire, j'étais tellement heureuse de participer à ce moment d'histoire
02:04parce que Johnny qui fait ses premiers pas au théâtre, c'est historique. Et j'avais tellement envie d'être là pour lui
02:12et qu'il sache qu'il pouvait compter sur moi et que j'étais une partenaire fiable et qu'il ne pourrait rien lui arriver sur scène avec moi
02:20tant qu'on se faisait confiance. Et donc, au contraire, ça m'a donné de la force, beaucoup de force.
02:28— Il ne faut jamais compter sans personne.
02:29— Après plusieurs semaines de lecture en mars, les comédiens et le metteur en scène se retrouvent au théâtre en août
02:35pour les premières répétitions, les premières sensations aussi. Johnny a chicken dans la peau.
02:41— Je ne suis pas du tout chicken, moi, dans la vie, heureusement d'ailleurs.
02:46Ce sont des personnages qui sont comme ça, en équilibre, un petit peu sur un fil.
02:51Mais ça, c'est... Quand on connaît un petit peu le travail de Tennessee William, c'est un petit peu tous les personnages de tous ces romans
02:58qui sont comme ça. C'est toujours des personnages un petit peu comme ça, en équilibre, prêts à tomber, mais qui... Bon.
03:05Et moi, c'est ce qui m'a plu dans cette histoire.
03:09— Oui, c'est vrai qu'il y a des côtés qui lui ont des côtés un peu introvertis.
03:13Le côté un peu introverti. En revanche, Johnny, il n'a pas cette violence. C'est-à-dire qu'il a... C'est un vrai gentil. C'est quelqu'un de généreux.
03:21— Évidemment, la silhouette est assez celle de Johnny. Mais ne nous trompons pas. C'est pas ça, Johnny. C'est pas un abruti.
03:31Donc, il est acteur. Et sauf, encore une fois, un acteur, c'est quelqu'un qui donne un contenu à une forme.
03:39Mais le contenu ne correspond pas forcément à la réalité. Et la forme ne correspond pas à...
03:44Alors là, en l'occurrence, la forme correspond à la réalité du personnage.
03:47Mais le contenu, c'est Johnny qui l'a mis avec sa sensibilité particulière. Il s'est réussi.
03:55Et embrassez-moi sur la bouche.
03:58Allô, moi, je n'ai pas.
04:02L'étape d'après, ça a été la première répétition plateau. Alors ça, ça a été juste incroyable parce que...
04:07D'un seul coup, c'était pas juste Johnny un peu timide en train de lire un texte.
04:10C'est Johnny, debout, qui projette sa voix.
04:13Et quand il a projeté sa voix pour la première fois, j'ai eu des frissons partout sur le corps.
04:17Parce que je me suis dit, mon Dieu, quelle voix !
04:21Et tout de suite, la bête de scène a pris le pas, quoi.
04:25Sur l'homme un peu timide, voilà.
04:28Et alors là, je me suis dit, oulala, si les gens prennent ce que moi je prends, là, on répète.
04:34Ça va être très, très, très, très fort.
04:36Il sait quoi dire au bon moment, comment le dire.
04:41Et il a ça avant même d'apprendre le texte.
04:44Quand on faisait les lectures, il y avait déjà ça, il y avait cette chose-là.
04:47Et il sait où s'inscrire aussi.
04:49Il sait qu'il ne se la raconte pas en étant acteur de théâtre ou quoi que ce soit.
04:53C'est Johnny Hallyday qui va être dans la peau de Chicken pour raconter cette histoire-là.
05:00Et il connaît toute l'atmosphère, la nébuleuse qu'il y a autour de son nom.
05:05Ça, c'est pro, ça.
05:07C'était surtout une question de vie et d'enchaînement des répliques.
05:11Moi, je vous ai trouvé super, Jojo.
05:14Entre Audrey Dana et Johnny, un climat d'ultra-confiance s'est installé.
05:17Je ne prends pas assez le temps de...
05:20Je ne vais jamais lui dire ça.
05:21De réagir, tu vois, de réagir...
05:24Elle m'a sauvé deux, trois fois.
05:27Surtout au début, quand je cherchais le premier mot d'une tirade que j'avais à faire,
05:34ça ne venait pas, je me disais, qu'est-ce que je dis maintenant ?
05:38Elle m'a dit, oui, mais alors c'est une petite blonde.
05:40Et c'est là, je lui dis, oui, mais cette petite blonde, alors elle s'appelait Miss Lottie.
05:43C'est vrai qu'elle m'a sauvé deux, trois fois.
05:45Il m'a sauvé la Miss plusieurs fois, je lui ai sauvé la Miss plusieurs fois.
05:48Il y a eu un...
05:49Donc très vite, au bout de deux, trois semaines de représentation,
05:51Johnny, il était complètement à l'aise à l'idée de monter sur scène.
05:56Complètement à l'aise et il a...
05:58D'ailleurs, il a explosé, quoi.
06:00Il s'est métamorphosé, moi j'ai assisté à la métamorphose de Johnny sur scène.
06:04J'adore être sur un fil, sur un spectacle,
06:07pas savoir à quoi m'attendre.
06:09Et j'ai vraiment le partenaire qu'il faut en face,
06:11parce que dès lors qu'il a compris qu'il avait toute la liberté du monde pour s'exprimer,
06:15avec un grand E, il a commencé à improviser, à faire des choses nouvelles, surprenantes,
06:20à casser les mises en scène, même improviser dans le texte,
06:23à se mettre à répéter mes mots alors que ce n'était pas écrit dans le texte.
06:26Et alors là, on est rentré dans une autre sphère, c'est-à-dire vraiment...
06:29Ok, ça joue, quoi.
06:31Ça joue, ça swingue et on danse ensemble.
06:36Quand on chante, il y a la musique.
06:37Alors quand on joue, il n'y a que la parole.
06:40Moi, ce n'est pas les trous de mémoire, moi, qui me fait le plus peur,
06:43ou qui m'a fait le plus peur.
06:46C'est d'avoir...
06:47C'est de bafouiller sur le début d'un mot, par exemple.
06:51Je crois que c'est ça qui fout la trouille un petit peu, d'ailleurs.
06:55Oui, mais ça va venir, mes enfants, à force de...
06:57Ça s'appelle répéter, c'est pour ça.
06:59Le 6 septembre, date de la première, approche à grands pas.
07:03Pourquoi on a le track toujours quand on fait quelque chose ?
07:05C'est parce qu'on a peur de se planter.
07:07On peut se planter, hein.
07:09Vous savez, moi, j'ai fait des disques qui n'ont pas marché,
07:12j'ai fait des spectacles qui ont moins bien marché que d'autres.
07:15Et puis, bon, après, il faut réfléchir à pourquoi.
07:21Et pourquoi ça, ça a moins bien marché.
07:24Et c'est parce qu'on n'a pas toujours le même goût que le public.
07:29Et quand on se trompe, il faut travailler.
07:32C'est un métier où il faut énormément travailler.
07:34Il faut travailler, il faut faire plaisir aux gens.
07:36Le plaisir d'un acteur ou d'un chanteur, c'est de faire plaisir aux gens
07:40et c'est que les gens passent une bonne soirée.
07:41On a fait à peu près dix jours avec deux filages par jour, cette pièce-là.
07:46C'est comme si on avait fait deux samedis, parce que les samedis, on joue deux fois.
07:50Deux samedis pendant dix jours.
07:52Donc, on s'était vu super fatigués.
07:55On s'était vu sortir des choses qui nous surprenaient nous-mêmes,
07:59justement par la fatigue, par le lâcher.
08:01Donc, on savait que même s'il y avait énormément de pression,
08:05le trac, la fatigue de la première allaient servir aussi le propos.
08:09Ça m'a bluffé, parce que je vous jure, soit il faut être complètement con
08:14pour faire ce métier, parce que c'est tellement dur.
08:21Soit il faut avoir un courage absolu.
08:24Je crois qu'il avait ce courage-là.
08:27C'est vraiment pas de la connerie, parce qu'il connaît,
08:29il sait ce que c'est d'aller sur une scène.
08:31Seulement, aller sur une scène et jouer avec des comédiens,
08:36un texte dont il n'a pas l'habitude,
08:37parce qu'au cinéma, quand on peut reprendre, etc.,
08:40là, c'est une heure et demie, non-stop, allez, il faut y aller.
08:42Vous n'allez pas me faire ce que vous ferez dans quatre jours aujourd'hui ?
08:45Bien sûr.
08:45Et le soir de la première, c'est le moment d'affronter le public,
08:49un public d'amis, de fans, mais de journalistes aussi.
08:52Il est grand pur sang.
08:53Je l'ai trouvé bon.
08:55Je trouvais que, bizarrement,
08:58et c'était très intelligent de sa part,
09:00puis de la part de Bernard Murat,
09:01toutes ses faiblesses,
09:04tout ce qu'on pourrait appeler,
09:06sa maladresse, sa lourdeur,
09:09son âge aussi,
09:10parce qu'il est quand même beaucoup plus vieux
09:11que le héros de la pièce.
09:12Tout ça, il en a fait une force.
09:13J'ai trouvé ça très, très bien.
09:15Même son...
09:16Vous savez, cette immobilité,
09:18cette espèce de brutalité,
09:19enfin, c'est vrai,
09:20c'est pas un acteur de séduction.
09:23Eh bien ça, il l'a très, très bien utilisé,
09:25et je trouve qu'il est vraiment
09:28très étroitement dans l'esprit
09:29de Tennessee Williams
09:30et de cette pièce-là.
09:32Vous savez, moi, Johnny,
09:33je le connais depuis 40 ans,
09:35il me bluffe toujours,
09:36donc je ne veux pas vous dire
09:37qu'il ne m'a pas bluffé.
09:39Ce qui m'a plu,
09:40et ce qui m'a séduit,
09:41et même ému,
09:42c'est que tout ça vient
09:43après une épreuve douloureuse,
09:45une épreuve de santé,
09:46il y a maintenant un ou deux ans,
09:48avec toutes sortes d'interrogations
09:49qu'on se posait,
09:51même ses amis les plus intimes,
09:52sur sa capacité de rebondir,
09:55et c'est assez étonnant,
09:56oui, c'est assez stupéfiant.
09:58C'est insurvivant, cet homme.
10:00À la fin de la représentation,
10:02je pleurais de joie,
10:04parce que je me suis dit,
10:05putain, on l'a fait,
10:06mais je pleurais de joie
10:06pour Johnny, en fait.
10:08Je me suis dit,
10:09tous ces gens qu'on dit
10:10il ne tiendra pas,
10:10il ne le fera pas,
10:11il ne dira pas,
10:12il annulera, etc.,
10:13eh bien voilà, il l'a fait,
10:15et puis j'ai pris conscience
10:16du moment historique
10:17que je venais de vivre,
10:18et là, je pleurais,
10:19je pleurais,
10:19mais je pleurais de joie, quoi.
10:22Ça y est, il y a eu, voilà,
10:23ça y est, ça y est,
10:24on l'a fait, on a joué cette pièce.
10:26Je n'oublierai jamais ce moment, jamais.
10:28Il m'a impressionné
10:29parce que j'ai réussi à l'oublier.
10:31C'est-à-dire que j'ai réussi
10:32à dire, tiens,
10:33c'était vraiment Chicken,
10:34ce n'est pas Johnny.
10:36Ce qui n'est pas évident,
10:39sincèrement,
10:39parce que c'est une telle vedette populaire,
10:42il a un tel charisme,
10:44mais surtout,
10:44j'ai trouvé impressionnant,
10:47il fait peur des moments,
10:48c'est-à-dire qu'il fait peur,
10:49puis il a quand même
10:49une telle tendresse
10:51il a des déchirures
10:54qui pourraient être
10:55celles de Johnny, voilà.
10:56J'ai oublié le chanteur complètement,
10:58moi j'ai regardé l'acteur,
11:00mais moi j'avais la chance
11:01de tourner avec lui,
11:02donc je n'avais pas...
11:05Voilà, mais par contre,
11:06comme c'était ses premiers pas au théâtre,
11:07voilà, je voulais voir
11:08comment il amenait les choses, etc.
11:12Encore une fois,
11:13en 15 jours,
11:14ça a bougé
11:15de façon absolument incroyable.
11:16Il était tendu,
11:17le jour la première
11:17était très très tendu,
11:18après 15 jours après,
11:19c'était, voilà,
11:20il bat comme un marteau,
11:23il bat,
11:24bat, bat, bat,
11:24Moi, je ne suis jamais content de ce que j'ai pu faire, même au meilleur de ce que j'ai pu faire.
11:38Je crois qu'on peut toujours faire mieux. On fait un métier où on peut toujours faire tellement mieux, d'ailleurs.
11:45Oh là là, mon Dieu.
11:48Oui, je vous le disais, une première réussie, ça n'est jamais qu'une suite de catastrophes évitées de justesse.
11:54Je me dis ça tout le temps. C'est vraiment ça.
11:58Ça ne se définit pas l'amitié.
12:00Donc, lorsque arrive un événement pareil, il est évident que moi j'y vais avec le préjugé de l'amour.
12:06Parce que l'amour et l'amitié, c'est pareil.
12:08Mais j'ai essayé, face à cette pièce, face à cet événement, d'avoir aussi le recul du journaliste, du observateur, du Parisien.
12:16Je me suis dit, mais si tu n'aimais pas Johnny comme tu l'aimes, que penserais-tu ?
12:21Eh bien, je penserais que c'est quand même assez formidable, ce qu'il a fait.
12:24Il aurait perdu son pari s'il avait été mauvais. Mais encore une fois, il est bon. Alors s'il a pris un risque, il a eu raison.
12:30Il fallait quelque chose comme ça qui soit normalement réaliste.
12:33Vous savez, c'est le mot de Picasso qui dit, l'art, ce n'est pas fait pour copier. C'est fait pour faire penser à.
12:39Johnny, ça fait partie de ces gens qui ratent rien et à qui on pardonne tout. Parce qu'il ne serait pas là s'il n'avait pas ce talent, mais aussi cette générosité.
12:49Et puis ce respect du public, parce que c'est un tout. En fait, Johnny, c'est TTC, travail, talent, chance.
12:55Qu'est-ce que vous allez retenir de cette aventure ?
13:25Maintenant, vous allez être transporté dans les années 60, dans l'état du Mississippi, un cyclone menace. Accrochez-vous.
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