00:00Je souhaite également préciser qu'on croit parfois ou on écrit parfois que les pages sombres de l'histoire de France auraient été en particulier l'esclavage édulcoré, voire occulté dans les manuels scolaires jusqu'à une période très récente.
00:15Je peux témoigner que ce n'est pas exact.
00:17Moi, j'ai eu une page en CM1 qui m'expliquait ce qu'était l'esclavage avec une illustration du candide de Voltaire qui était extrêmement éloquente à ce sujet puisque la légende c'était c'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.
00:30Une page ne suffit pas pour des siècles d'esclavage.
00:34Guillaume Perrault, chef rédacteur du Figaro, dit qu'il se souvient d'une page en CM1 sur l'esclavage avec une illustration tirée du candide.
00:43Mais franchement, une page à 9 ans, c'est ça qu'on appelle traiter un crime contre l'humanité ?
00:48L'argument est simple mais trompeur.
00:51Parce qu'on a une page, alors on ne peut pas dire que le sujet a été occulté.
00:56Mais une page, ce n'est pas enseigner, ce n'est pas transmettre l'esclavage, ce n'est pas une parenthèse dans l'histoire de France.
01:03C'est plusieurs siècles de déportation, de violence, d'exploitation économique qui ont enrichi le pays tout entier.
01:10Croire qu'une illustration en CM1 résume ça, c'est minimiser la profondeur du sujet.
01:15Pendant des décennies, les manuels scolaires français ont traité l'esclavage en quelques lignes.
01:22On présentait souvent le commerce triangulaire comme une simple route commerciale, sans insister sur la barbarie derrière ces mots.
01:30On réduisait les victimes à des chiffres sans jamais montrer la violence quotidienne.
01:35Une page en CM1, je suis désolé, mais ça ne suffit pas.
01:38Parce qu'elle ne replace pas l'esclavage dans son contexte, les débats politiques en France, l'enrichissement de Bordeaux, Nantes ou même La Rochelle, l'impact sur les sociétés africaines, la résistance des esclaves eux-mêmes, l'impact économique sur les guerres européennes.
01:53Tout ça était absent ou relégué en note de bas de page.
01:57Quand Guillaume Perrault dit « Moi, j'ai eu une page, donc on ne peut pas dire que c'était occulté », il oublie que l'enjeu n'est pas l'existence d'un paragraphe.
02:07L'enjeu, c'est quelle place on donne à cet événement majeur dans le récit national français.
02:13Comparer juste quelques secondes.
02:15La Révolution française, c'est des chapitres entiers.
02:18La Première et la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de pages.
02:21Et l'esclavage, qui a duré quatre siècles et concerné des millions de personnes, une page.
02:28C'est bien ça le problème.
02:29L'esclavage a longtemps été marginalisé dans nos programmes scolaires.
02:34Ce n'est que depuis les années 2000, après la loi de Taubira en 2001, qu'il commence à avoir une vraie place dans l'enseignement.
02:41Alors non, je suis désolé, mais une page d'enseignement dans les années 80, ce n'est pas suffisant.
02:46Ce n'est pas cohérent avec la gravité historique de ce crime.
02:50Et dire le contraire, c'est participer à la banalisation.
02:54L'esclavage n'est pas une parenthèse.
02:57C'est une part entière de l'histoire de France.
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