00:00Et on quitte l'Ukraine et la Russie pour revenir chez nous en France avec Georges Fenech et Charlotte Dornelas.
00:05On va s'intéresser à cette surpopulation carcérale.
00:08Des nouveaux chiffres qui arrivent, j'ai envie de dire toujours la même musique, la même rengaine avec une surpopulation carcérale.
00:14Je me souviens que Georges nous disait il y a quelques jours 5 000 matelas par terre.
00:17Là on est à 84 951 personnes incarcérées.
00:21C'est le nombre de détenus dans les prisons françaises au 1er juillet.
00:2485 000 prisonniers pour moins de 63 000 places.
00:27Écoutez le témoignage de Pascal Lambert, agent pénitentiaire à Brest et secrétaire régional adjoint du syndicat UFAP.
00:33Il constate tous les jours ce problème de surpopulation carcérale qui met aussi en danger les survivants de prison dans leur travail.
00:38Sur notre établissement on a à peu près 200 détenus en plus de l'effectif.
00:43Il y a à peu près 70 matelas au sol.
00:45Donc il y a des cellules à 3 détenus.
00:47Donc insécurité permanente pour le personnel.
00:49Condition de vie pour la population pénale qui est très compliquée parce que forcément dans une cellule d'environ 9 mètres carrés on met 3 détenus.
00:56C'est invivable, il faut être honnête.
00:58Et bon il y a de l'attention qui se crée et avec un manque de personnel qui est fréquent.
01:03Notamment sur Brest on arrive à voir un agent qui travaille sur deux étages.
01:07Donc imaginez-vous quand un agent est obligé de faire deux étages, ça y fait une population à gérer de 120-130 détenus.
01:13Donc en fait on ne fait que de la fermeture, de l'ouverture de porte, la réinsertion, on n'y pense même pas.
01:18C'est impossible.
01:18Georges Fenech, est-ce que cette surpopulation carcérale met en danger les surveillants de prison comme on vient de l'entendre ?
01:25Oui.
01:26Moi si vous voulez, la surpopulation carcérale ne fait pas partie de mon vocabulaire.
01:30Je ne l'emploie jamais.
01:31Parce que ça n'existe pas en réalité.
01:34Vous ne dites pas dans les hôpitaux qu'il y a une surpopulation médicale.
01:38Vous dites qu'il manque des lits.
01:40N'est-ce pas ?
01:40Et en France c'est pareil.
01:41C'est un sous-équipement immobilier pénitentiaire.
01:44Parce que quand vous entendez parler de surpopulation carcérale, pour ceux qui utilisent ce terme, pour quoi faire en réalité ?
01:51Pour abolir la prison.
01:53C'est un point de vue idéologique.
01:55Ils font croire qu'en France on incarcère trop.
01:58Alors ça n'est pas le cas.
01:59Je vous donne un exemple.
02:01Nous avons l'exemple de la Grande-Bretagne.
02:04Qui est comparable à la France.
02:05En Grande-Bretagne vous avez 85 000 détenus à peu près.
02:10Pour la France on vient de franchir le seuil terrible de 80 000.
02:13Sauf que nous, si nous avons 62 000 places de prison, les Britanniques ont 90 000 places de prison.
02:19Vous voyez ? Pratiquement 40 000 de plus.
02:22Donc il faut bien voir que les gouvernements, plusieurs gouvernements, se sont refusés.
02:27Notamment, malheureusement, je dois le dire, de gauche, à construire des places de prison.
02:31Je me souviens, sous Nicolas Sarkozy, nous avions initié un programme de 20 000 places de construction.
02:37On n'arrive pas à les réaliser ces places-là.
02:39Elles n'arrivent pas.
02:40Elles n'arrivent pas à les construire en temps et en temps.
02:41C'est d'un côté, effectivement. Emmanuel Macron avait promis 15 000 places, vous vous en souvenez.
02:46Il en a réalisé à peu près.
02:57Enclenché.
02:58Il y a quelques exemples à ce Salvador, par exemple.
03:02On a montré la capacité de construire en un an 50 000 places de prison.
03:06Donc, M. Darmanin a eu raison de lancer un plan de prison modulaire, plus légère, si vous voulez, qui se construise plus facilement, qui coûte moins cher, qui pose moins de problèmes.
03:15Mais il va falloir construire, on le regrette, mais il va falloir construire des places.
03:19Alors, je vais vous poser la question à tous les deux, peut-être à Charlotte.
03:21En premier, est-ce que de délocaliser nos prisonniers, de les mettre, il y a des pays qui sont prêts à être, en étant bien payés, pouvoir recevoir nos détenus ?
03:29Est-ce que ce serait une solution, Charlotte Dornelas ?
03:31C'est une solution qui est envisagée, mais on voit à chaque fois qu'il y a un déplacement et un passage de frontières, notamment avec des prisonniers, combien c'est compliqué.
03:37Il y a une première chose pour faire passer des frontières à des prisonniers, c'est que nous avons un quart de nos prisonniers qui sont étrangers, qui sont ressortissants étrangers.
03:46Donc là, Gérald Darmanin avait annoncé l'année dernière qu'il entamait des renégociations d'accords avec les pays d'origine de ces prisonniers.
03:57Pourquoi ? Parce que notamment, dans l'Union Européenne, par exemple, c'est pour vous dire, et je rejoins absolument ce que vient de dire Georges,
04:04il n'y a pas simplement des personnes dépassées par des constructions qui ne se font pas.
04:09Il y a eu une volonté, au plus haut sommet de l'État, de ne pas construire ces prisons, de promouvoir l'alternative à la prison,
04:16et de vouloir faire sortir les gens de prison, puisque la prison serait un problème plus grand même que la délinquance ou la criminalité.
04:23Donc il n'y a pas simplement des gens dépassés.
04:25Il faut bien comprendre qu'il y a une bataille aussi culturelle, dans le fond, idéologique, sur le rapport à la prison et sa place dans la société.
04:32Je vous dis ça parce que Gérald Darmanin, au moment où il arrive à Vendôme, et c'est ce qu'il expliquait pour annoncer cette renégociation des accords,
04:40c'est qu'au sein de l'Union Européenne, vous avez la possibilité de passer des accords avec les pays qui reprennent leurs ressortissants.
04:46On a par exemple beaucoup de détenus qui viennent des pays de l'Est, aujourd'hui en France,
04:51et donc vous pouvez avoir des accords en disant, on reprend nos détenus français qui seraient dans vos prisons, et vous reprenez les autres.
04:57Ce n'est pas les plus nombreux.
04:58Justement, il y a des pays dans lesquels c'est très avantageux.
05:01Non mais il y a certains pays de l'Est, je vous prends cet exemple, parce que vous allez voir.
05:05Et Gérald Darmanin découvre, à ce moment-là, qu'en France, on a accordé, on a passé cet accord-là,
05:12et on a rajouté quelque chose que personne ne nous oblige à faire, c'est qu'on a demandé la volonté, l'accord du détenu lui-même.
05:21Alors, c'est vrai dans les pays de l'Union Européenne, c'est vrai dans les autres pays.
05:25Alors, vous avez des détenus qui peuvent glorifier leur pays d'origine et leur pays réel, enfin de leur nationalité, on va dire, toute la journée,
05:32mais au moment où on leur explique qu'ils vont aller purger leur peine, que ce soit en Europe de l'Est, que ce soit au Maroc,
05:37puisqu'ils négocient également au Maroc, l'Algérie, je ne vous en parle même pas, là, ils ne veulent plus du tout aller dans leur pays.
05:43Plus du tout, parce qu'ils savent que les conditions de détention, bien qu'elles soient de plus en plus difficiles pour les détenus,
05:49ne sont pas exactement les mêmes, quand même, que dans leur pays d'origine.
05:53Donc, il y a ces négociations qui sont en cours et qu'à mon avis, il faut suivre.
05:57Et ensuite, il y a la question, en effet, de la construction de cette sous-dotation, là, je rejoins encore absolument Georges,
06:03il faut ne pas penser, parce qu'en effet, le problème de la surpopulation,
06:08et d'ailleurs, Gérald Darmanin, encore, d'ailleurs, c'était avec vous, a évoqué le sujet,
06:11il dit, on m'a encore proposé la question de la régulation carcérale,
06:14parce que qui dit surpopulation, on ne se dit pas, il faut trouver les moyens de garder ou de mettre en prison les gens qui méritent de l'être,
06:22on se dit, il faut réguler la population carcérale, c'est-à-dire faire sortir plus tôt,
06:26et Mme Belloubet l'a encore fait extrêmement récemment.
06:29Donc, on a un problème, en effet, de rapport à cette prison.
06:33Allez-y, je vous en prie.
06:35Vous parliez, effectivement, de danger pour le personnel pénitentiaire, vous avez raison.
06:40Particulièrement, vous avez des prisons en surchauffe, vous avez...
06:43Ça cristallise des tensions, et à un moment, ça...
06:45Mais évidemment, et puis le personnel n'est pas suffisamment nombreux pour une telle population.
06:50Donc, je crois vraiment qu'aujourd'hui, il va falloir...
06:53Alors, parmi les pistes qui sont proposées, Georges, il y a notamment l'Assemblée nationale
06:56qui réfléchit à un système qui limiterait par la loi le nombre de personnes incarcérées
07:00via un blocage des admissions ou des sorties accélérées.
07:02C'est à l'étude, c'est ce qui se réfléchit.
07:04Est-ce que ce serait une fausse bonne idée ?
07:06C'est une fausse bonne idée, c'est de faire des quotas.
07:09D'ailleurs, en fait, en réalité, c'est déjà le cas, mais on ne le dit pas.
07:13Bien sûr.
07:13Si vous voulez, vous avez une sorte de numerus clausus, qui ne dit pas son nom,
07:17où le procureur, avant de faire incarcérer, il appelle le directeur de la prison,
07:21est-ce que vous avez encore de la place ?
07:22Non.
07:22Alors, qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là ?
07:24Mais on ne fait pas exécuter.
07:25Ce qui fait qu'au bout du compte, d'après les éléments qu'on peut avoir,
07:29vous auriez autour, en ce moment, de 80 000 places, 80 000 peines de prison ferme prononcées
07:34qui ne sont pas exécutées.
07:35Ce qui est énorme.
07:36Ce qui aboutit finalement à une inexécution des peines,
07:39et donc un sentiment d'impunité, et donc de la récidive, et donc de la délinquance,
07:43et donc de la surpopulation.
07:44On est dans un cercle vicieux.
07:45Oui, parce que le rapport bénéfice-contrainte, justement,
07:48les grands bandits peuvent se poser la question,
07:51de se dire, attends, si je tente ça, peut-être que ça passera à l'as,
07:53puisque justement, il y a trop de personnes qui sont incarcérées.
07:56Donc je peux tenter de faire mon bon délit.
07:59On a quand même un système d'aménagement de peines qui est extrêmement généreux,
08:02auquel veut s'attaquer, effectivement, et il a raison, Gérald Darmanin.
08:06Je demande à voir, dans la sens de majorité, ce que ça peut donner.
08:09Est-ce qu'on est sur une atteinte aux droits fondamentaux,
08:11avec cette surpopulation carcérale ?
08:13Oui, et aux droits fondamentaux de beaucoup de gens.
08:15Charlotte Dornelas.
08:16Parce que pour répondre, d'abord, réagir, on va dire,
08:21à cette question du projet de loi, proposition de loi,
08:24ou je ne sais pas de qui ça vient.
08:25C'est dans les tuyaux.
08:26Exactement, mais de ce tuyau, c'est à peu près revenir à la question,
08:29il faut bien comprendre ce que ça veut dire, en gros,
08:31de se dire, on va mettre des quotas de prisonniers.
08:32C'est dire, vous avez des responsables politiques qui vont se dire,
08:35à partir de maintenant, on accepte 2400 criminels en France.
08:39Mais ça n'a aucun sens.
08:41C'est d'une bêtise ahurissante, en fait.
08:43On ne décide pas du nombre de criminels qu'on va avoir.
08:45On ne met pas un quota du nombre de criminels ou de délinquants
08:47qu'on va avoir dans les prisons.
08:49Il y a évidemment, là, honnêtement,
08:52sur le fond, c'est la question de la justice elle-même qui se pose.
08:54À quoi sert la justice ?
08:55Elle sert à réguler, à peu près,
08:57en fonction du nombre de lits, en fonction du nombre de places ?
08:59Non, évidemment, la justice, elle sert d'abord à rendre justice à une victime,
09:04à une victime du délinquant, du criminel.
09:07Donc, il y a une peine qui est prononcée pour rendre justice à la victime
09:10et ensuite à la société, dans la protection de la société.
09:14Et ensuite, se pose la question, en effet, de la réinsertion du prisonnier lui-même.
09:18Et à toutes ces étapes-là, de la nécessité de la prison,
09:23en effet, il y a une atteinte aux droits fondamentaux.
09:24Je pense que, dans votre question,
09:25les personnes qui évoquent l'atteinte aux droits fondamentaux
09:27parlent de ceux des prisonniers.
09:29En effet, trois personnes dans 9 mètres carrés, dont un sur le matelas,
09:32c'est indigne, c'est indiscutable.
09:34Donc, il y a cette question-là.
09:35Mais il y a les droits fondamentaux des victimes
09:37à qui la justice n'est pas correctement rendue,
09:39il y a les droits fondamentaux de la société elle-même,
09:42et il y a même les droits fondamentaux des prisonniers
09:44qui jouent le jeu, entre guillemets,
09:46qui sont méritants d'une réinsertion correcte
09:49pour, justement, à partir de leur faute,
09:51comprendre comment se réinsérer correctement dans la société
09:54une fois la peine purgée,
09:55et eux, passent à la trappe totale.
09:58Parce que, qu'est-ce qui se passe quand vous avez une surpopulation ?
10:00Le surveillant pénitentiaire l'expliquait.
10:03Il y a une question immédiate d'impossibilité totale
10:06pour les agents pénitentiaires de faire leur travail.
10:08Donc, il y a d'abord un problème de sécurité directe pour eux,
10:11il y a un problème de sécurité entre détenus,
10:12les agressions entre détenus sont en augmentation considérable aussi
10:16ces dernières années.
10:17Il y a une impossibilité de faire le travail nécessaire en prison
10:20pour les prisonniers, encore une fois, qui le méritent.
10:23Il y a des menaces qui sont exercées sur ces prisonniers-là,
10:25qui donc, vous avez une sorte de mafia qui s'installe dans la prison,
10:29il y a des gens qui sont mis en coupe réglée.
10:31Quand on sait la poursuite de la criminalité
10:34au sein de la prison elle-même,
10:37c'est une question qu'il est absolument urgent de régler,
10:40en effet, en raison de la multiplication des attentes
10:43aux droits fondamentaux que ça représente.
10:44Georges Fenech, est-ce que les juges sont responsables
10:48de la surpopulation carcérale ?
10:50Est-ce que les juges sont responsables de la surpopulation carcérale ?
10:53Je pense que oui, quelque part,
10:57mais pas uniquement les juges, il y a aussi les politiques.
11:00Dans la mesure où on avait supprimé
11:02les courtes peines d'emprisonnement,
11:03finalement, on laisse filer une délinquance de plus en plus grave
11:07et qui aboutira à des condamnations de plus en plus longues, voyez-vous ?
11:11Et d'ailleurs, M. le ministre Darmanin l'a très bien compris,
11:14puisque dans sa proposition de loi...
11:16Alors justement, vous allez nous expliquer ça
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