00:00Europe 1 soir week-end, 19h12, et je salue Jules Torres et également Paul Melun qui ne veut pas me serrer la main.
00:05Tant pis pour moi, ça ne fait rien.
00:06Vous êtes extrêmement bon, vous serrez la main en même temps que vous présentez les chroniqueurs, cher Guillaume.
00:10Je peux faire deux choses en même temps.
00:12Oui, mais les femmes disent que les hommes ne peuvent pas faire deux choses en même temps.
00:15Je vous sers la main par la pensée, Guillaume.
00:17Également, voilà, ils viennent de s'asseoir dans ce studio.
00:19Paul Melun qui est avec nous, donc écrivain, essayiste, et puis Jules Torres, journaliste au JDD.
00:25Bonsoir messieurs.
00:26Bonsoir Guillaume.
00:26Merci de votre présence. Ensemble, nous allons recevoir Maître François-Xavier Causant, avocat au barreau de Toulon.
00:32Bonsoir Maître.
00:34Bonsoir à vous, bonsoir à tous.
00:36Merci d'avoir répondu à l'invitation d'Europe 1.
00:38Maître, 85 000 prisonniers en France pour moins de 63 000 places.
00:43L'Assemblée nationale réfléchit à un système qui limiterait par la loi le nombre de personnes incarcérées via un blocage des admissions ou des sorties accélérées.
00:51C'est ce qui se dit. Serait-ce une fausse bonne idée ?
00:53Je pense que l'idée qui est soumise est très intéressante.
01:00On a un vrai sujet. Je pense qu'il faut arrêter de continuer à se voiler la face.
01:06Ça fait maintenant plusieurs décennies qu'on essaie de décaler la réflexion.
01:10Et aujourd'hui, on en paie les conséquences. Vous l'avez résumé. Je crois que j'avais vérifié récemment les chiffres.
01:23Et certains établissements, d'ailleurs, connaissent 200, 220, 260 % de taux d'occupation.
01:31Ce qui est assez délirant.
01:33Aujourd'hui, en fait, je vais être sincère avec vous. Peut-être que je vais m'attirer les foudres de certains confrères.
01:38Mais je pense qu'être pragmatique ne fera pas de mal.
01:42Vous avez des gens qui, peut-être, ont été placés en détention alors que d'autres solutions étaient possibles.
01:47Je prends l'exemple que j'ai connu avec l'un de mes clients qui avait été placé en détention.
01:53Alors, ce n'est pas très récent, mais ce n'est pas vieux non plus.
01:55parce qu'ils n'avaient pas payé la pension alimentaire.
01:58Je pense qu'on aurait pu envisager quelque chose d'autre.
02:00Oui, c'est la détention provisoire qui pose problème aussi.
02:02Ça pose problème également en France avec pas mal de milliers de détenus qui sont là pour attendre leur procès.
02:08Et un procès qui pourrait peut-être venir dans plusieurs mois, voire un an ou un an et demi.
02:12Est-ce que le système de caution à l'américaine pourrait être intéressant ?
02:18Le système de caution peut être intéressant selon, effectivement, les infractions pour lesquelles des personnes sont poursuivies ou condamnées.
02:23Vous avez également des solutions qui existent, ce qu'on appelle de manière un peu plus vulgaire le bracelet électronique.
02:31Parce qu'aujourd'hui, vous avez des personnes qui sont...
02:3218 000 personnes actuellement qui en ont un bracelet électronique en France.
02:36Et je pense que très très sincèrement, on pourrait peut-être pousser l'exploitation de ce système.
02:43Parce que je peux vous assurer que le retour d'expérience qui est mien me permet de vous dire que pour les gens qui ne sont pas inscrits dans la délinquance,
02:50qui ne sont pas des délinquants d'habitude,
02:52c'est terriblement frustrant et c'est très mal vécu.
02:57Donc ça a du sens.
02:59Après, effectivement, il faut isoler ces personnes, des personnes qui sont extrêmement dangereuses
03:04et qui, de toute façon, doivent aller en prison.
03:07Ça, c'est une certitude.
03:08Justement, Maître François-Xavier Causant, vous évoquez le bracelet électronique.
03:12Est-ce que c'est une vraie sanction, le bracelet électronique, ou un peu juste une contrainte, un peu comme quand notre pays a connu l'assignation à résidence pendant le Covid ?
03:21J'exagère peut-être un peu, mais je vous pose la question.
03:23Je vais vous répondre sincèrement, il faut distinguer les profils.
03:28Si vous avez quelqu'un qui est condamné pour la deuxième, troisième, dixième fois, ça n'a aucun sens.
03:34Soyons clair et honnête.
03:35Et aussi, il faut signaler en fonction du logement, parce que si vous avez une peine sous bracelet électronique dans un 20m² à Paris ou dans une hacienda à Toulouse, c'est pas la même chose.
03:42C'est pas exactement la même chose, je suis complètement d'accord avec vous.
03:45Par contre, si vous prenez un cas isolé, c'est-à-dire quelqu'un qui a dérapé, qui a été reconnu coupable, condamné, qui a déjà vécu sa première comparution comme quelque chose d'assez lourd, parce que ça existe aussi,
03:57le bracelet électronique, ça peut être une vraie solution.
04:00Pourquoi ? Parce que moi, les clients que j'ai et qui en ont bénéficié, qui ne sont donc pas des délinquants d'habitude, que les choses soient claires,
04:07ce sont des gens qui vous disent que c'est terriblement frustrant d'être même dans son appartement, de voir l'extérieur, de voir le jardin,
04:14et de comprendre qu'en fait, on ne peut pas y aller, on ne peut pas dépasser telle limite préalablement fixée,
04:21parce que sinon, le téléphone sonne, et il faut qu'on s'explique, qu'il faut qu'on prenne des risques qui peuvent rapidement être assez délirants.
04:30On ne peut pas forcément, on se souvient à la famille Balkany qui avait fait quelques écarts à multiples, voire plusieurs dizaines de fois,
04:35et au final, ça ne va pas être...
04:37On prenait un cas particulier.
04:39Oui, mais qui est parlant, pour le coup.
04:41Il fallait aller chercher le chien.
04:42Il fallait aller chercher le chien.
04:43Très, très parlant, cet exemple.
04:45Le parc était un peu loin, un peu grand.
04:49Mais moi, je peux vous dire que pour le commun des mortels, pour le français lambda,
04:53quand vous avez l'impossibilité de franchir la porte de votre domicile,
04:57ou le portail de votre jardin, qui n'est souvent pas un parc,
05:02qui vous êtes ce primo délinquant,
05:04ça a véritablement du sens, et je peux vous assurer qu'ils s'en souviennent.
05:08Après, j'insiste vraiment sur le fait qu'aujourd'hui, à mon sens, on a trois problèmes.
05:13On a trois problèmes.
05:14Le premier, c'est que vous l'avez dit à juste titre,
05:16la détention provisoire est trop longue.
05:18Mais elle est trop longue, pourquoi ?
05:20Parce que, indépendamment souvent de toute bonne volonté,
05:23les moyens qui sont donnés aux magistrats et aux greffiers
05:26ne sont pas suffisants, de telle sorte que les procédures traînent,
05:30et puisque les procédures traînent, les détentions provisoires s'allouent.
05:34J'ai l'impression d'entendre la même interview que j'aurais pu faire avec vous il y a dix ans ou il y a vingt ans.
05:38C'est quand même dramatique, ça.
05:40Je pense même trente ans, même si je n'étais pas avocat il y a trente ans.
05:45Mais après quinze années d'exercice presque exclusivement dans la matière pénale,
05:50je peux vous assurer que je vois la situation qui était déjà pas très reluisante se dégrader,
05:55et qu'aujourd'hui on fait clairement du bricolage.
05:58Et c'est pour ça que je vous dis que, sans faire de politique,
06:01et en étant totalement pragmatique et honnête,
06:04ces premières solutions qui ont été proposées par le ministre de la Justice
06:07me semblent être une bonne chose,
06:09parce que ça peut poser les fondations d'une réforme
06:14qui ne pourra qu'être utile et bénéfique.
06:17Aujourd'hui, on est engroué, on sature.
06:21On ne sait plus quoi faire, on est coordonnier du droit.
06:24Maître François-Xavier Causant, vous êtes avocat pénaliste au barreau de Toulon.
06:28Merci de répondre aux questions d'Europe 1.
06:30Je le disais au début de cette interview,
06:32je vous posais la question par rapport à l'Assemblée nationale
06:34qui réfléchit à un système qui limiterait par la loi
06:36le nombre de personnes incarcérées via un blocage des admissions
06:38ou alors des sorties accélérées.
06:39Vous sembliez pour, mais en termes justement de réflexion,
06:44est-ce que les personnes qui ont un casier long comme le bras,
06:47si justement elles sortent en accéléré,
06:49ce n'est pas leur donner un blanc-seing pour continuer ?
06:51Alors attendez, on a un petit souci de connexion,
06:58on vous entend un peu mal,
06:59je vais rediscuter un petit peu avec mes éditorialistes,
07:01on vous rappelle dans 30 secondes, Maître, à tout de suite.
07:03Non mais, en effet, cette question de la surpopulation carcérale
07:09est évidemment un des sujets majeurs aujourd'hui
07:11du ministre de la Justice, Gérald Darmanin.
07:13On a 135% d'occupation,
07:16voire même 200 parfois, 29 établissements,
07:19dans la prison des Beaumet à Marseille, c'est le cas.
07:21J'ai pu la visiter moi et en effet, c'est vrai qu'elle est surpeuplée.
07:27Il y a un autre quartier qui va être ouvert à la fin de la mai
07:30qui s'appellera Beaumet 3, mais ça ne résoudra pas le problème.
07:32Moi, il y a un débat que j'aimerais bien,
07:35que le débat politique est,
07:37c'est le débat de la hiérarchie des personnes qui sont en prison.
07:40En prison, il y a une majorité de personnes
07:43qui, en réalité, ne sont pas dangereuses pour les concitoyens.
07:47C'est-à-dire qu'on parle de la criminalité organisée,
07:51des narcotrafiquants, mais...
07:53Oui, on dépeint le gros tableau qui fait peur,
07:55mais il n'y a pas que des grands méchants.
07:56Et il y a aussi des personnes qui sont incarcérées pour des cambriolages,
08:00des personnes qui sont incarcérées pour des fraudes,
08:03des personnes qui sont incarcérées pour un tas de crimes et de délits
08:08qui n'ont pas visé des personnes.
08:11Non-paiement, par exemple, de pension alimentaire,
08:13et on se retrouve dans la case cellule, c'est difficile.
08:16Par exemple, je parlais des cambriolages,
08:17il y a une grande différence entre un cambriolage et un homejacking.
08:20C'est-à-dire que quand vous vous en prenez à une maison
08:23où il n'y a personne,
08:24c'est différent que quand vous prenez en otage toute une famille.
08:28On a pu le commenter ces derniers temps.
08:30Donc il y a une vraie question,
08:32et je crois que le ministre va effleurer ce sujet
08:34dans les prochains jours et dans les prochaines semaines.
08:37Ce serait intéressant de voir si, oui ou non,
08:38on ne peut pas catégoriser,
08:40faire une sorte de hiérarchie des détenus
08:41qui pourra aller de 1 à 5, de 1 à 10,
08:44pour qu'on puisse aussi éviter cette surpopulation carcérale.
08:48Et l'autre tabou, évidemment, que l'on connaît tous,
08:51c'est la question des étrangers en prison.
08:53Il y a aujourd'hui 25% d'étrangers en prison.
08:55Je ne parle pas des binationaux,
08:56je parle bien des étrangers.
08:58Évidemment qu'on pourrait désengorger nos prisons
09:00en expulsant, même avant la fin de la peine,
09:03certains de nos détenus.
09:04Et j'ajoute que, comme l'a pu l'expliquer Gérald Darmanin cette semaine,
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