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00:00Belgrade, 25 mai 1987.
00:25Cela fait 7 ans que Tito est mort.
00:26Pourtant, chaque année, le peuple jugoslave continue de célébrer son anniversaire.
00:32Le 25 mai 1987, ce sera la dernière fois.
00:56Ce n'est pas comme ça qu'on peut se faire.
01:01Alors, les Français, les Français et les Français, les Français ont été élevés selon la question.
01:07Les Français et les Français se font tout comme ça.
01:11C'est pourquoi nous jouons 8 différents coups ?
01:14Pourquoi ils jouent les coups sur les mélodies nationales,
01:19et ne jouent pas ensemble ?
01:21Nous ne savons pas qu'on ne soit pas ensemble.
01:25C'est ce qu'on connaît comme un regard.
01:27C'est tout de suite.
01:28C'est tout de suite.
01:29C'est tout.
01:41Avec la mort de Tito, le 4 mai 1980,
01:58la Yougoslavie découvre une situation institutionnelle inédite depuis sa création, en 1945.
02:07Celui sur qui reposait tout le système n'est plus.
02:10Le pays entre dans l'inconnu.
02:18Le gouvernement fédéral s'est trouvé dans une situation très difficile après le décès de Tito,
02:23puisque c'est lui qui, en fin de compte, tranchait en cas de conflit idéologique
02:28ou d'intérêt divergent entre les républiques.
02:34Il était en quelque sorte l'arbitre suprême.
02:37Il tirait sa légitimité de ce rôle particulier qu'il s'était accordé.
02:42En fait, il était au-dessus du système politique lui-même.
02:47Sa place et son rôle étaient si particuliers que la Constitution, après sa disparition, a interdit à quiconque d'avoir autant de pouvoir.
02:58Et après sa mort, les républiques et les provinces se sont trouvés dans une situation inédite de devoir négocier entre elles.
03:07Et cela était déjà en soi problématique.
03:10Moins d'un an plus tard, le pays connaît sa première crise institutionnelle et politique.
03:17Où ça ? Au Kosovo.
03:20Depuis la Constitution de 1974, cette province, qui dépend de la République de Serbie, bénéficie d'une large autonomie.
03:27Elle s'est vue considérée par Tito les mêmes pouvoirs que ceux exercés par les autres républiques, mais sans en obtenir le statut.
03:36Et cela, les Albanais, qui représentent désormais près de 80% de la population, ne le supportent plus.
03:42De son côté, la République de Serbie n'a jamais accepté l'autonomie du Kosovo.
03:51La province autonome du Kosovo était représentée au Parlement serbe.
03:58Mais la Serbie n'avait aucune représentation au Parlement du Kosovo.
04:02Il y avait donc un déséquilibre qui pesait en faveur du Kosovo.
04:06Et les Albanais exigeaient que le Kosovo ne soit pas une province, mais une république.
04:10C'était une différence constitutionnelle qui avait une certaine importance.
04:16Il y avait de la résistance de la part de la Serbie, comme vous pouvez l'imaginer.
04:20Des États confrontés à un mouvement indépendantiste ne réagissent pas très bien.
04:27En mars 1981, la province s'embrase.
04:32Des émeutes éclatent à Pristina, la capitale.
04:34Si la situation économique du Kosovo, région la moins développée de toute la Yougoslavie,
04:40exacerbe aussi les tensions, pour beaucoup d'Albanais, leur combat est d'une toute autre dimension.
04:45Je ne pense pas que ces différences économiques étaient la seule cause de la volonté des Albanais de se séparer.
04:59Je pense que les Albanais revendiquaient avant tout leur autonomie et leur indépendance
05:03parce que beaucoup d'entre eux ont considéré que la création de la Yougoslavie,
05:08c'est-à-dire le royaume des Serbes, Croates et Slovènes,
05:11était un produit artificiel créé par Versailles au détriment des Albanais.
05:17Il s'agit vraiment d'une histoire de différence culturelle.
05:20Dans cette façon de voir, on a d'un côté les Slaves du Sud
05:24et de l'autre les Albanais, qui ne sont pas du tout des Slaves.
05:30Ils exigeaient que le Kosovo devienne une république égale à toutes les autres.
05:34Ils souhaitaient que l'on valorise le Kosovo.
05:36À cette occasion, ils se sont mis à scander des slogans fortement nationalistes
05:40qui ont inquiété beaucoup de Serbes, mais aussi les autres Yougoslaves.
05:43La présidence Yougoslave, qui comptait 8 membres et prenait des décisions collégiales,
05:58décide d'engager l'armée populaire Yougoslave contre les manifestants au Kosovo.
06:07Pourquoi ? Parce que l'on considérait que la création d'une république
06:11n'était qu'un pas en direction de la sécession.
06:22Aucune des six républiques, pas plus la Serbie que les autres,
06:26n'est prête à accepter une scission de la Yougoslavie.
06:29La répression menée par l'armée fédérale est brutale.
06:32Des dizaines d'Albanais sont tués, l'état d'urgence est imposé
06:36et l'assemblée du Kosovo suspendue.
06:38L'unité de la Yougoslavie est préservée, pour le moment.
06:45Un autre mal menace la cohésion du pays.
06:48Un mal plus profond et insidieux que le séparatisme albanais.
06:52Un mal qui va en quelques années fracturer la société Yougoslave.
06:56La crise économique.
06:57Les Yougoslavs ont très bien vécu dans les années 70,
07:03mais en grande partie avec beaucoup d'argent emprunté.
07:06Il y avait donc une dette extérieure conséquente
07:09et le pays n'était pas capable de la rembourser aux conditions initiales.
07:13Le Fonds monétaire international est arrivé
07:16et a mis la Yougoslavie sous ce qu'on appelle maintenant un régime d'austérité.
07:19Et un régime d'austérité s'accose bien des souffrances économiques et sociales.
07:25En Yougoslavie, au début des années 80,
07:28les gens ont été soudainement confrontés à cela.
07:30Ils ont connu la pénurie des produits de consommation,
07:33chose qu'ils n'avaient pas vécu depuis les années 60.
07:36De cette époque, je me souviens des restrictions de la circulation.
07:46Si la plaque de votre voiture portait un nombre impair,
07:50vous aviez le droit de rouler le lundi, le mercredi et le vendredi.
07:54Si vous aviez un nombre pair,
07:56vous pouviez rouler le mardi, le jeudi et le samedi,
07:59et le dimanche en alternance.
08:01Les autorités ont pensé que le rationnement ne fonctionnerait pas.
08:06Ils ont distribué des tickets.
08:08Ça n'a pas marché non plus.
08:09Alors ils ont rationné par les prix.
08:11Et ils ont laissé les prix s'envoler.
08:13Bien sûr, tout le monde s'est plaint de l'inflation.
08:16Mais les gens devaient acheter du café, du sucre, de la lessive.
08:19Alors ils ont fait avec.
08:23La Yougoslavie s'enfonce dans la crise.
08:26Le chômage augmente.
08:28Partout, des grèves éclatent.
08:29Et l'inflation explose.
08:32Elle passe de 18% en 1981,
08:34à 1250% en 1989,
08:37et même 2600% l'année suivante.
08:40Je l'ai commencé à travailler pour le chien et la cuisse.
08:45Je l'ai terminé pour la pension de l'agriculture.
08:49Je suis à la pension de l'agriculture et le premier pays.
08:52Je suis à la région de l'agriculture depuis 61 ans.
08:56Et je l'ai appris de la pension de l'agriculture depuis 2 ans.
08:58Dans le cadre de ce régime d'austérité, vous aviez des régions qui s'en sortaient mieux que d'autres.
09:14La Slovénie et la Croatie étaient plus développées.
09:18Elles tiraient des avantages importants de leur position en Yougoslavie et de son système de fonctionnement.
09:24La Slovénie en particulier, puisqu'elle était frontalière avec l'Autriche et l'Italie d'un côté,
09:29et de l'autre avec le reste de la Yougoslavie.
09:32Le marché fermé de la Yougoslavie fonctionnait très bien.
09:36Les marchandises pouvaient être vendues à des prix élevés au sein de la Yougoslavie,
09:40puis proposées à prix cassés dans des pays comme l'Italie.
09:44Vous avez un lien complexe qui existe entre la contestation sociale qui caractérise les années 80,
09:51les grèves, les manifestations, et le réveil des nationalismes.
09:56Ce lien complexe, vous pouvez le comprendre si vous mettez au cœur de l'analyse
10:03tous les systèmes de réallocation des ressources qui existent dans la fédération.
10:08Les querelles concernant l'économie, la question de savoir quelle république exploite les autres, était constante.
10:19Tandis que les Slovènes estimaient donner trop d'argent au fond pour les républiques et provinces sous-développées,
10:28les Serbes, les Bosniaques et les Macédoniens affirmaient que la Slovénie exploitait les autres.
10:34C'était une situation très malsaine. La société prenait vraiment un mauvais chemin.
10:41Devant l'incapacité des autorités fédérales à réformer le système hérité de Tito et à lutter contre la crise,
10:48chaque république se replie sur elle-même et commence à envisager l'avenir en fonction de ses propres intérêts.
10:54Nous pouvons donc dire qu'à cette époque, la Yougoslavie s'était déjà désagrégée en tant qu'entité économique.
11:07Le démantèlement total interviendra, lui, pendant l'été 1990.
11:12Donc la Yougoslavie s'est d'abord désintégrée économiquement avant de se désintégrer politiquement.
11:24En 1987, un certain Zlobodan Milosevic entre en scène.
11:30Âgé de 46 ans, il est un des principaux dirigeants de la Ligue des communistes de Serbie.
11:36Le grand public ne le connaît pas encore.
11:39Il n'était qu'un apparat chic communiste relativement effacé.
11:43Un fonctionnaire qui avait travaillé dans des banques, il aurait pu devenir un réformateur.
11:48Si on lit les articles du New York Times ou les analyses des diplomates occidentaux lors de la première étape de sa carrière,
11:54on voit que certains voyaient en lui le Gorbatchev potentiel de la Yougoslavie.
12:00Fin avril 1987, Milosevic est à Kosovo-Polyi, une petite bourgade située à quelques kilomètres de Pristina.
12:09Il vient rassurer la minorité serbe du Kosovo, inquiète pour son avenir.
12:13Le rassemblement tourne mal.
12:22La police, composée surtout d'Albanais, est accusée par des manifestants de frapper la foule.
12:27Ces quelques mots prononcés devant une caméra de télévision changent tout.
12:54C'est la première fois qu'un dirigeant serbe de Belgrade associe publiquement son sort à celui des serbes du Kosovo.
13:10Plus rien ne sera jamais comme avant.
13:12En Yougoslavie, la règle était de ne parler que du nationalisme de son pays, pas de celui des autres.
13:20Si on était croate, on pouvait critiquer le nationalisme croate.
13:24Les serbes pouvaient critiquer le nationalisme serbe.
13:27Mais Milosevic s'est mis à critiquer le nationalisme albanais.
13:31Là, il a brisé un tabou.
13:32Et il a commencé à se servir du nationalisme comme la capitale politique et stratégique.
13:40C'est ça qu'il a catapulté dans l'orbite politique.
13:46À partir de ce moment, il n'est plus seulement un apparatchi communiste comme jusqu'alors,
13:52mais un homme en qui les serbes ordinaires, pas seulement les communistes, commencent à avoir confiance.
13:58Pour eux, c'est quelque chose de nouveau.
14:07Milosevic devient ce jour-là le nouveau héros des serbes du Kosovo.
14:14Son irruption sur la scène politique ne doit rien au hasard.
14:18À Belgrade, beaucoup sont prêts à le suivre.
14:20Un texte explosif circule alors dans les milieux intellectuels et politiques serbes.
14:24C'est un mémorandum rédigé par des membres de l'Académie des sciences et des arts de Serbie.
14:33Ce document était d'une part une critique de la politique économique yougoslave,
14:37mais également une critique de la politique nationale,
14:41ou plus exactement, une description des droits insuffisants des serbes en Yougoslavie, de leur point de vue.
14:47Le document en lui-même était très ennuyeux.
14:54Il comportait plein d'expressions communistes.
14:58Mais il contenait un terme problématique qui apparaissait bien trop souvent, celui de génocide.
15:06Il y avait clairement une intention nationaliste derrière l'utilisation du mot génocide.
15:12L'affirmation que les serbes étaient exposés à un génocide culturel en Croatie et au Kosovo
15:20n'était pas du tout justifiée et se trouvait très loin de la réalité.
15:29Ce document témoigne donc du fait que la nation serbe se considérait alors comme victime
15:35et qu'elle avait développé une narration nationaliste autour de ce sentiment de victime.
15:46Milosevic va s'inspirer directement des thèses nationalistes développées dans le mémorandum
15:51pour bâtir sa stratégie de conquête du pouvoir.
15:54Avec un message simple.
15:56Les serbes sont menacés partout aujourd'hui, au Kosovo et dans les autres républiques,
16:01comme ils l'ont été hier durant la Seconde Guerre mondiale.
16:03Lui seul saura les protéger.
16:06Pour transmettre son message, il commence par mettre la main sur les médias.
16:14Les médias étaient l'instrument clé du pouvoir de Milosevic.
16:19Ce n'était pas en premier lieu la presse écrite, mais la télévision.
16:23Parce que dans les villages serbes, personne n'achète les journaux.
16:26Les gens regardent la télévision, surtout la chaîne nationale.
16:29Il a consacré beaucoup de son énergie à prendre le contrôle de la télévision.
16:36Celui qui contrôle le passé peut contrôler le présent.
16:43En ce sens, au milieu des années 1980,
16:47les intellectuels de Belgrade ont commencé à déterrer des secrets
16:51que les communistes avaient dissimulés.
16:53Pour la première fois, on commence à parler publiquement du génocide contre les Serbes en Croatie
17:00pendant la Seconde Guerre mondiale.
17:04À l'époque de l'État indépendant de Croatie,
17:07cet État fantoche, l'État oustachie.
17:09C'est alors qu'on a commencé à se servir du passé
17:22à des fins de manipulation.
17:31À partir de 1987, la télévision de Belgrade
17:34multiplie les programmes destinés à rappeler que les Serbes sont un peuple martyr.
17:38Malmenés par l'histoire.
17:43Un documentaire intitulé Voici nos enfants,
17:47diffusé en 1991,
17:49est l'exemple typique de cette tendance.
17:52Ce film raconte une campagne de fouilles
17:54menée en Bosnie par des spéléologues
17:57qui exhument des victimes serbes
17:59tuées lors de la Seconde Guerre mondiale par le régime oustachie.
18:02En 32 jours, près de 3000 corps sont remontés à la surface.
18:17Ils seront plus tard enterrés en présence de hauts dignitaires de l'Église orthodoxe.
18:21Tout est fait pour glorifier l'âme serbe
18:28et réveiller dans la mémoire collective des téléspectateurs
18:30le sentiment de persécution.
18:33Ainsi, l'ensemble du peuple croate est criminalisé.
18:37Celui d'hier, pour ce qu'il a fait,
18:39entre 1941 et 1945,
18:42comme celui d'aujourd'hui,
18:44pour ce qu'il pourrait être tenté de recommencer.
18:46Grâce à l'utilisation des tragédies du passé,
18:51Milosevic espère devenir le nouveau maître de toute la Yougoslavie.
18:55Un nouveau Tito.
18:56Un Tito serbe.
19:04Slobodan Milosevic voulait la même chose
19:07que la plupart des politiciens serbes.
19:11Il voulait renforcer la position de la Serbie en Yougoslavie
19:14et créer une fédération plus centralisée.
19:20D'autre part,
19:22les communistes croates et slovènes
19:25voulaient, eux, une fédération de Yougoslavie un peu molle,
19:29un hybride de fédération
19:31ou une sorte de confédération.
19:33En fait, ce qu'était déjà la Yougoslavie
19:36conformément à la constitution de 1974.
19:39Comme lors de la première Yougoslavie unifiée
19:44du roi Alexandre après 1918
19:46ou celle de Tito après 1945,
19:50c'est une nouvelle fois le même débat qui ressurgit,
19:52celui de l'organisation de l'État.
19:55Quelle forme institutionnelle
19:56doit avoir l'espace yougoslave ?
19:59Pour Milosevic, la réponse est claire.
20:06Le modèle fédéral ne fonctionne plus.
20:08La Yougoslavie doit être recentralisée
20:10avec lui, à sa tête.
20:11La Yougoslavie doit être récord.
20:41Pour modifier la constitution yougoslave dans le sens qu'il souhaite,
21:09Milosevic doit devenir majoritaire au sein de la présidence fédérale, seule instance compétente en la matière.
21:17Comment ? En remplaçant les dirigeants des républiques et des provinces qui la composent.
21:22Et c'est grâce à la rue qu'il va imposer par la force ses alliés politiques.
21:39Pourquoi ?
21:41Je vais pouvoir faire un peu de la barre.
21:46Nous, nous sommes tous les membres !
21:48Nous, nous sommes tous les membres !
21:54Octobre 88.
22:00Milosevic organise et finance des manifestations en Vojvodine,
22:04l'autre région autonome de la Serbie,
22:06pour y placer des proches à sa tête.
22:09C'est la révolution dite des yaourts.
22:25Janvier 1989, Milosevic poursuit la même stratégie au Monténégro
22:29qui se range de son côté.
22:36Sous-titrage Société Radio-Canada
22:40nous avons reçu la souveraineté de notre République
22:42et la souveraineté de l'État.
22:48Mars 1989, Milosevic fait adopter par le Parlement serbe
22:52la suppression de l'autonomie du Kosovo
22:54dont les nouveaux dirigeants lui sont évidemment acquis.
22:59En seulement quelques mois,
23:02il a mis la main sur presque la moitié de la Yougoslavie.
23:04Milosevic pouvait compter sur quatre votes
23:09au sein de la présidence fédérale.
23:11Sur le vote des Serbes,
23:13de la Vojvodine,
23:15du Kosovo
23:16et du Monténégro.
23:18La présidence fédérale
23:20comptait neuf membres.
23:22Huit qui représentaient chacun une république
23:24ou une province
23:25et le neuvième était le président
23:26de la Ligue des communistes de Yougoslavie.
23:29Milosevic pensait que s'il gagnait le pouvoir
23:33dans la Ligue des communistes de Yougoslavie,
23:36il pourrait compter sur cinq voix sur neuf
23:38dans la présidence fédérale.
23:43Et une fois qu'il aura obtenu cette cinquième voix,
23:46il sera majoritaire
23:47et pourra changer les institutions yougoslaves.
23:50Le 28 juin 1989,
23:53Slobodan Milosevic
23:54se rend une nouvelle fois au Kosovo.
24:05Il vient célébrer les 600 ans
24:07de la bataille de Kosovo-Polier,
24:09cette fameuse bataille de 1389
24:11qui a fait du Kosovo
24:13la terre sacrée des Serbes.
24:14Des centaines de milliers de personnes
24:18viennent commémorer le courage
24:20et l'héroïsme
24:20de leurs lointains ancêtres.
24:23Surtout,
24:23ils viennent célébrer
24:24les récentes victoires de Milosevic
24:26et celles à venir.
24:27C'est le triomphe
24:28du nationalisme serbe.
24:30C'est des années plus tard,
24:33aujourd'hui,
24:35nous sommes encore dans les guerres
24:36et avant les guerres.
24:38Ce ne sont pas de guerres,
24:40même si elles ne sont encore élevées.
24:43Mais sans évoquer qu'elles sont,
24:45elles ne peuvent pas être
24:48sans évoquer,
24:49sans évoquer,
24:50sans évoquer,
24:51sans évoquer,
24:53sans évoquer,
24:54sans évoquer des bons personnes
24:55qui ont été présentes
24:57dans la bataille de Kosovo.
25:00Je pense que la clé de son succès est dû au fait qu'il a réussi à satisfaire deux groupes distincts,
25:09ceux qui s'étaient prononcés pour un État national serbe et ceux qui parlaient de sauvegarder la Yougoslavie.
25:16Il a ainsi résolu la quadrature du cercle.
25:20Son succès n'était pas toujours égal avec les deux groupes, mais il est le seul qui a réussi à jouer sur les deux tableaux.
25:26A la fin des années 80, il y a eu cette coalition de nationalistes et de partisans de la Yougoslavie.
25:34Ces deux groupes soutenaient Milosevic.
25:37Alors que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter l'autoritarisme triomphant de Milosevic,
25:43c'est une toute autre histoire qui se déroule dans le reste de l'Europe de l'Est.
25:49A Sofia, Budapest ou Prague, le monde communiste se fissure.
25:53Partout, des hommes et des femmes réclament ce dont ils ont été privés pendant des décennies, la liberté.
26:04Cette révolution en marche trouvera son dénouement final en décembre 1989,
26:10avec la chute du mur de Berlin et la fin officielle de la guerre froide.
26:13En Yougoslavie, la Slovénie est la première à suivre ce mouvement.
26:27Un nationalisme slovéne émerge, bien différent de celui prôné par Belgrade.
26:32En mai 1989, les intellectuels se font les porte-parole de la population
26:37et rendent publique une déclaration.
26:39Applaudissements
26:40Ce que veut la société civile slovene, c'est le pluralisme politique.
27:06L'économie de marché et la liberté d'expression.
27:11La composition ethnique de cette république favorise une telle évolution.
27:16Du point de vue national, nous étions un pays très homogène.
27:20Étant les plus développés, nous avions un grand nombre de travailleurs
27:23venant du sud de la Yougoslavie.
27:26Les gens venaient travailler dans le bâtiment.
27:28Mais nous n'avions pas de minorité nationale.
27:31Ou plutôt, nous n'avions qu'une petite minorité hongroise
27:34et une petite minorité italienne.
27:37À part cela, nous étions un pays très homogène.
27:39C'était bien sûr très important en 1990.
27:42Parce que c'était beaucoup plus facile que dans un État qui n'était pas homogène
27:46du point de vue de ces nationalités.
27:48Milan Kuczan, le président de la Ligue des communistes slovènes,
27:54prend la tête du mouvement.
27:56Fin septembre 1989, il fait adopter par le Parlement de Ljubljana
28:01une déclaration de souveraineté.
28:04Désormais, les lois slovènes l'emportent sur les lois fédérales.
28:08L'idée d'une indépendance commence à émerger.
28:10La classe politique croate suit naturellement le mouvement.
28:33Il faut dire que de l'autonomie des années 30
28:35au printemps croate des années 70,
28:37elle a toujours cherché à s'affranchir du rôle
28:40trop important à ses yeux, joué par Belgrade.
28:46Le nationalisme croate a traditionnellement deux ennemis.
28:51L'un est la Yougoslavie en tant que telle,
28:53l'autre les Serbes en général
28:55et les Serbes de Croatie en particulier.
28:59Cette idée provient de la thèse que les Serbes,
29:02qui forment la nation la plus grande,
29:05représentent toujours un danger pour le développement de la Croatie.
29:07et que la Croatie est potentiellement
29:10toujours en position défavorisée,
29:13celle d'une nation plus faible.
29:17En 1989, la Ligue des communistes croates
29:21autorise le multipartisme.
29:23Plus d'une trentaine de partis politiques vont apparaître,
29:26deux fois plus qu'en Slovénie.
29:28Partout, les meetings se multiplient.
29:30On ne peut pas, les étoiles,
29:32les étoiles, les émigraines qui,
29:37les émigraines qui ont ici aujourd'hui,
29:39les émigraines qui nous ont un totalitaire,
29:41les émigraines qui ont un émigraines,
29:43parce que les émigraines, les émigraines,
29:43et que les gens ont seulement l'opinée.
29:45Qui peut-être dans ces épochats
29:49pour les évoluer des puits et les puits
29:52et les puits politiques qui sont en tête ?
29:55Si on a peut-être un peu de temps
29:58pour une politique de la politique,
30:01il faut être conscient
30:03que cette politique est très faite,
30:05que elle est en train de la catastrophe
30:07et pourquoi je n'ai pas aujourd'hui,
30:09nous nous dit aujourd'hui,
30:11Un certain Fragno Tudjman crée le HDZ, l'Union démocratique croate, une organisation résolument nationaliste.
30:23Âgé de 67 ans, il a été un des plus jeunes généraux de Tito dans les années 50.
30:28Il est devenu historien, puis surtout militant nationaliste.
30:32Il espère bien que grâce au climat actuel, lui et ses amis pourront imposer leurs idées.
30:41Sous-titrage Société Radio-Canada
31:11La Bosnie-Herzégovine, de son côté, ne veut pas entrer dans une logique d'affrontement avec la Serbie.
31:17La composition de sa population ne le lui permet pas.
31:20A la différence des autres républiques, aucun groupe ethnique n'y est majoritaire.
31:25C'est une véritable mosaïque.
31:27En 1991, il y a 40% de musulmans, 31% de serbes et 17% de croates, sans compter les autres minorités.
31:36Les Bosniens sont très conscients que si la Yougoslavie s'écroule, ce sera très dangereux pour eux.
31:43Ils sont aussi conscients que si tout le monde plonge dans le nationalisme, ils vont avoir un problème.
31:49Parce qu'il n'y a pas de nation majoritairement bosniaque.
31:53Et il y a des hommes politiques qui vont vouloir profiter de cela.
31:58Les politiciens musulmans vont invoquer une nation musulmane, des politiciens serbes, une nation serbe, des politiciens croates, une nation croate.
32:06Et si on regarde une carte de Bosnie-Herzégovine, on voit qu'elle est entourée sur deux côtés par la Croatie et sur un côté par la Serbie, ce qui est fondamentalement très dangereux.
32:19Les élites politiques de Bosnie-Herzégovine vont finalement se rabattre sur une défense un peu vaine du dogme titiste.
32:29C'est-à-dire on défend la constitution de 1974, point.
32:32D'une part parce qu'on craint de perdre dans tous les cas de figure si on touche à cet ordre-là.
32:40Et d'autre part parce qu'on craint aussi que si on touche à cet ordre-là, on va diviser la Ligue des communistes de Bosnie-Herzégovine elle-même.
32:51Belgrade, 22 janvier 1990.
32:5414e congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie.
32:58Pour Milosevic, c'est l'heure de vérité.
33:00S'il parvient à faire élire un de ses proches à la présidence de la Ligue, il obtiendra la fameuse cinquième voix qui lui manque au sein de la présidence fédérale.
33:10Et plus personne ne sera en mesure de s'opposer à lui.
33:13Les recherches sociologiques menées au sein du parti, parmi les membres de la Ligue communiste de Yougoslavie,
33:23ont montré que Milosevic était très populaire dans les rangs du parti.
33:28Au sein du parti, la structure ethnique était bien plus favorable à la Serbie.
33:33Autrement dit, il y avait plus de Serbes dans le parti qu'il n'y en avait parmi la population.
33:38Certains peuples, comme les Slovènes, étaient sous-représentés.
33:42Les Monténégrins, eux, étaient fortement représentés car ils étaient déjà sous l'influence de Milosevic.
33:47Dès le lendemain, au deuxième jour du Congrès, les délégations slovénes et croates quittent la salle.
33:56Elles refusent le coup de force de Milosevic.
34:03Le Congrès est ajourné, il ne reprendra jamais.
34:06La Ligue des communistes de Yougoslavie cesse d'exister.
34:10L'homme fort de Belgrade a perdu son pari.
34:13Il ne règnera pas sur l'ensemble de la Yougoslavie.
34:15Il va devoir réviser ses ambitions et agir différemment.
34:21Désormais, la fédération est divisée en deux.
34:24La Serbie et ses alliés, d'un côté, forment un bloc centralisateur et autoritaire.
34:29De l'autre, la Croatie et la Slovénie, avec la Macédoine, prônent une évolution confédérale du système.
34:36L'antagonisme est total.
34:38Isolée, la République de Bosnie-Herzégovine refuse de choisir.
34:42La désintégration de la Yougoslavie est en marche.
34:57Deux mois plus tard, en avril 90, on vote en Slovénie.
35:01Ce sont les premières élections libres organisées en Yougoslavie, depuis 1945.
35:05En 1945.
35:15Milan Kuczan, le dirigeant de la Ligue des communistes slovènes, est élu président de la République.
35:21Le gouvernement slovéne de 1990 visait à instaurer le capitalisme.
35:31C'était un des objectifs.
35:34Le deuxième objectif était de devenir indépendant.
35:38Si ce n'est que l'indépendance n'était pas encore parfaitement définie.
35:42La Slovénie avait l'idée que son statut allait simplement changer.
35:45C'était à l'époque où il devenait clair que la Yougoslavie cesserait d'exister en tant qu'État.
35:52Et on se demandait quelle forme prendrait la dislocation.
35:56Serait-elle pacifique ou cela passerait-il par la guerre ?
36:00En Croatie aussi, le processus démocratique suit son cours.
36:06Le 6 mai 1990, le HDZ remporte les élections législatives et Franyo Tudjman devient président.
36:13Il va pouvoir appliquer son programme.
36:16Bâtir un État croate, réservé aux seuls croates.
36:19Pourtant, plus de 20% de la population est serbe, slovène, hongroise ou musulmane.
36:26Comme la Serbie de Milosevic, la nouvelle Croatie de Tudjman remet en question les dogmes historiques de l'époque de Tito.
36:33Et manipule la mémoire à des fins partisanes.
36:36Mais dans un sens opposé.
36:38Les victimes de la grande histoire ne sont plus serbes.
36:41Désormais, elles sont croates.
36:43Un nationalisme ethnique s'installe au pouvoir.
36:46Vous avez la réhabilitation ?
37:14Ou plutôt une tentative révisionniste très intense pour déclarer que les Oustachis,
37:20qui étaient des fascistes et des nationalistes croates pendant la Seconde Guerre mondiale,
37:24ne sont considérés désormais que comme des anticommunistes.
37:29Et personne alors n'a dit, c'est quand même un délit de prôner le fascisme et de nier le génocide
37:34et le nettoyage ethnique des Serbes, des Roms et des Juifs qui ont eu lieu en Croatie.
37:38Soudain, personne ne s'opposait plus à ça.
37:50Tudjman choisit comme nouveau drapeau de la République de Croatie
37:53le drapeau traditionnel à damier rouge et blanc, qui remonte au XVIe siècle.
37:58Ante Pavelic, le chef des Oustachis, avait adopté le même drapeau à quelques nuances près en 1941.
38:13Il franchit ensuite une nouvelle étape dans l'élaboration d'un futur État ethniquement homogène.
38:19Les Serbes de Croatie, qui représentent 12% de la population,
38:25se voient retirer le statut de peuple constitutif de la République,
38:28un statut qui remonte à 1945.
38:31Ils ne forment plus qu'une minorité nationale comme les autres.
38:35Du jour au lendemain, ils perdent toute influence politique et économique.
38:39Les Serbes de Croatie doivent avoir le statut de peuple constitutif de la République,
38:43quand il y a eu une démocratie historique.
38:44En Kraïna, une région du sud-ouest de la Croatie,
38:59peuplée majoritairement de Serbes,
39:01la politique menée par Fragno Tudjman radicalise les esprits.
39:05À l'été 1990, les Serbes de Kraïna prennent les armes contre les autorités croates.
39:31Partout, des barricades apparaissent.
39:32La région s'isole du reste du pays.
39:43Le 26 août 1990,
39:50la Kraïna proclame unilatéralement son autonomie.
39:54Tudjman perd de facto le contrôle de la région.
39:57Pour Milosevic,
40:21le soulèvement des Serbes de Croatie est une aubaine.
40:24Il les soutient aussi bien politiquement que militairement.
40:28Depuis son échec au 14e congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie,
40:32en janvier 1990,
40:33l'homme fort de Belgrade poursuit désormais un autre objectif.
40:37Bâtir et diriger ce qu'il appelle une Yougoslavie partielle,
40:41composée de la Serbie,
40:42du Monténégro,
40:44de la Macédoine,
40:45d'une partie de la Bosnie
40:46et des territoires serbes de Croatie.
40:50La réunion de tous les Serbes dans un seul État,
40:53fût-il à l'intérieur d'une Yougoslavie partielle,
40:56se heurte au projet nationaliste de Tudjman,
40:59qui refuse de voir son pays amputé de la Kraïna.
41:02L'escalade semble irréversible.
41:04Chaque action de Slobodan Milosevic
41:08provoquait la réaction de Fragno Tudjman
41:11et vice-versa.
41:13Cela a toujours été comme ça dans l'histoire des Serbes et des Croates.
41:17Chaque action des nationalistes serbes
41:20provoquait la réaction des nationalistes croates
41:23et inversement.
41:24C'était comme cela.
41:26C'était un jeu.
41:27Les Serbes et les Croates ont toujours lutté pour le pouvoir
41:30en Yougoslavie.
41:31Évidemment, le nationalisme était maintenu par la peur,
41:38par le sentiment d'être menacé par l'autre,
41:41par la conviction que l'autre souhaite nous infliger du mal.
41:46Donc, la plupart des dynamiques nationalistes
41:49n'étaient pas basées sur le souhait d'un grand État serbe,
41:52albanais ou croate,
41:54parce qu'on trouvait cette idée attirante
41:56et qu'elle nous emplissait d'enthousiasme,
41:58mais bien plus sur la peur d'être dominée par l'autre.
42:05Malgré leurs projets concurrents,
42:07Milosevic et Tudjman sont d'accord sur un point.
42:10Les frontières géographiques de chacun de leurs futurs États
42:13devront correspondre à leurs frontières ethniques.
42:17Résultat,
42:18la République de Bosnie-Herzégovine,
42:20peuplée de musulmans,
42:21mais aussi de croates et de serbes,
42:23va être la grande victime de leurs ambitions.
42:25Ils semblaient être adversaires,
42:32ce qu'ils étaient, bien sûr.
42:34Tudjman voulait une Croatie indépendante.
42:37Il voulait chaque centimètre du territoire croate
42:39et aussi une bonne partie du territoire bosniaque.
42:45Milosevic visait, lui, une Yougoslavie partielle
42:48qui, de son point de vue,
42:50devait inclure aussi une partie de la Bosnie-Herzégovine.
42:56Depuis les élections de décembre 1990,
43:00c'est Alia Izetbegovic,
43:02le leader des musulmans,
43:03qui préside la Bosnie-Herzégovine.
43:06Mais il ne préside qu'une coquille vide.
43:09Il doit partager le pouvoir
43:10avec les croates et les serbes de Bosnie.
43:13Son pays est au bord de la guerre civile.
43:15La question est, que veulent les musulmans ?
43:22Que veut Alia Izetbegovic ?
43:24Il est très conscient du fait
43:26que les musulmans forment le plus grand groupe,
43:28mais ne sont pas majoritaires dans la population.
43:31Et bien sûr, ça lui pose un énorme problème.
43:33Parce que si la Yougoslavie s'écroule,
43:35que va devenir la Bosnie ?
43:38En mars et avril 1991,
43:45Tudjman et Milosevic se rencontrent à deux reprises,
43:48alors même que la situation des serbes de Croatie
43:50peut dégénérer en un conflit ouvert.
43:52Au menu de leur discussion,
44:00le démembrement de la Bosnie-Herzégovine.
44:06Milosevic et Tudjman élaboraient différents projets
44:08et se mettaient ensuite d'accord.
44:11L'une des possibilités était la division de la Bosnie-Herzégovine.
44:15La partie dans laquelle les serbes sont majoritaires
44:18appartiendrait à la Serbie.
44:19Et la partie où les Croates sont les plus nombreux
44:23reviendrait à la Croatie.
44:25Mais il restait toujours la question.
44:28Que faire avec les musulmans ?
44:30Doit-on former un petit état musulman ?
44:32Ou simplement les répartir ?
44:34Milosevic et Tudjman pensent
44:37que Izetbegovic est un acteur faible,
44:41sans armes, pour dire les choses simplement,
44:44et qu'ils pourront lui imposer leur volonté.
44:47Izetbegovic refuse le projet de partition de la Bosnie-Herzégovine
44:54parce que dans une partition de la Bosnie-Herzégovine,
44:57les musulmans ne peuvent que perdre
44:58et se retrouver avec un mini-état non viable,
45:03n'associant pas dans un seul territoire
45:05toutes les populations musulmanes.
45:08En s'opposant à Milosevic et à Tudjman,
45:12Izetbegovic sait qu'une guerre interviendra tôt ou tard
45:15sur le sol de son pays.
45:17En attendant, le processus de décomposition politique
45:20de la Yougoslavie,
45:22amorcé avec les élections en Slovénie et en Croatie,
45:25entre dans sa phase finale.
45:26Le 25 juin 1991,
45:49la Slovénie et la Croatie proclament leur indépendance.
45:51La Fédération Socialiste de Yougoslavie,
45:55créée en 1945 par Tito, n'existe plus.
46:00Ces images de liesse populaire à Zagreb ou Loubiana
46:02cachent mal la tragédie qui s'annonce.
46:05L'explosion des nationalismes,
46:07la manipulation des tragédies du passé
46:09et les stratégies suicidaires des principaux acteurs politiques
46:12ont fait leur œuvre.
46:13L'explosion des nationalismes,
46:43...
47:12...
47:42Cette décennie de guerre
48:12aura été d'une brutalité inouïe.
48:15150 000 morts
48:16dans les deux tiers en Bosnie.
48:18Un nettoyage ethnique généralisé.
48:21Plus de 2 millions de réfugiés
48:22et de déplacés.
48:24Et partout,
48:25la victoire des nationalismes.
48:27Pour imposer la paix,
48:30la communauté internationale accepte que cet État
48:33succède à l'ancienne Yougoslavie multi-ethnique.
48:37La Slovénie,
48:38la Croatie,
48:39la Serbie,
48:40le Monténégro,
48:42la Macédoine.
48:43Le Kosovo,
48:44reconnu par plus de la moitié des membres de l'ONU,
48:47est indépendant de fait.
48:48reste le cas de la Bosnie-Herzégovine.
48:53C'est sur son sol que les tragédies ont été les plus sanglantes.
48:57Les accords de Dayton de décembre 1995
49:00créent un État pacifié mais ingouvernable.
49:03La Bosnie-Herzégovine
49:04est désormais l'union de deux entités distinctes
49:07avec chacune leurs institutions.
49:10La République serbe de Bosnie,
49:12peuplée de serbes,
49:13et la Fédération de Bosnie et Herzégovine,
49:17peuplée de musulmans et de croates.
49:20Sarajevo,
49:21la capitale de l'ensemble,
49:23accueille la présidence collégiale
49:24représentant les trois communautés
49:26ainsi qu'un haut représentant de la communauté internationale.
49:30Le pays est en réalité sous tutelle.
49:32Surtout,
49:33avec 40% de chômage
49:35et des partis nationalistes
49:36toujours au pouvoir depuis la guerre,
49:39il est profondément déchiré.
49:44Si vous allez sur le terrain
49:45et si vous parlez avec les gens,
49:47vous remarquerez que les serbes
49:49font leurs courses dans des magasins
49:50dont les patrons sont serbes,
49:52les bosniaques dans ceux dirigés par des bosniaques.
49:56Les gens fréquentent les cafés
49:58dont les patrons sont de leur nationalité.
49:59Si vous jetez un regard sociologique,
50:06vous verrez quelque chose
50:07que la métaphore du conflit gelé décrit le mieux.
50:13Il me semble donc qu'il existe une sorte de tension
50:15qui, dans des conditions propices,
50:18pourrait exploser de nouveau.
50:19En Bosnie,
50:25comme en Serbie,
50:26en Croatie
50:26ou au Kosovo,
50:27personne n'a oublié.
50:29Les drames des années 1990
50:30sont bien plus
50:32que d'encombrants souvenirs.
50:34Il reste des blessures à vif.
50:36À l'image des cérémonies
50:37des 20 ans
50:38du génocide de Srebrenica
50:39en Bosnie,
50:40en juillet 2015,
50:41Alexandre Vucic,
50:44le premier ministre de la Serbie,
50:46qui a accepté la responsabilité
50:47de son pays dans cette tragédie,
50:49mais sans reconnaître l'existence d'un génocide,
50:52a été contraint de quitter les lieux
50:53sous les menaces de la foule.
50:54A la guerre des armes
51:07a succédé une autre guerre,
51:10celle des souvenirs
51:11et des mémoires concurrentes.
51:16La manière
51:17dont certaines structures politiques
51:19se positionnent
51:21envers les victimes
51:22est horrible.
51:24Les dirigeants bosniaques
51:26mettent l'accent
51:28sur les victimes bosniaques,
51:30les dirigeants serbes
51:31sur les victimes serbes,
51:32les leaders croates
51:33sur les victimes croates.
51:35C'est bien là
51:36notre plus grand problème.
51:41Quand ils font leur discours
51:43et même quand ils s'excusent,
51:45ils parlent de toutes les victimes.
51:48Mais on sait très bien
51:50qu'au fond,
51:51ils ne se confrontent pas
51:52vraiment à la vérité.
51:54si de chaque côté,
52:00un certain nombre de personnes
52:02est persuadé
52:03que sa nation
52:04est la seule victime
52:05de ces guerres,
52:07ils sèment ainsi
52:08les graines de conflits futurs.
52:11Et actuellement,
52:11nous en sommes témoins.
52:12il n'y a pas assez
52:17de compassion
52:18envers les victimes
52:19des autres nations,
52:22mais bien plus
52:23une auto-victimisation
52:24de la part
52:26de chaque nation.
52:26Il faudra sans doute
52:32des années avant
52:32que les peuples
52:33des Balkans
52:34et leurs dirigeants
52:34parviennent
52:35à reconnaître
52:36leurs responsabilités
52:37respectives
52:38dans les tragédies
52:38des années 1990.
52:41Mais c'est une nécessité.
52:43La réconciliation
52:43et la construction
52:45de démocraties stables
52:46sont à ce prix.
52:48Pour cela,
52:49l'Union européenne
52:50doit jouer tout son rôle.
52:52Elle,
52:52qui a su intégrer
52:53la Slovénie
52:54et la Croatie,
52:55connaît aujourd'hui
52:56une crise profonde
52:57marquée par la montée
52:58de l'euroscepticisme,
52:59des nationalismes
53:00et une impuissance coupable
53:02devant les drames
53:02du Moyen-Orient.
53:03Toute nouvelle intégration
53:05est désormais suspendue.
53:08Pourtant,
53:08l'Union européenne
53:09ne peut pas oublier
53:10qu'il n'y a pas si longtemps,
53:11c'était en 2012,
53:13elle recevait
53:14le prix Nobel de la paix
53:15pour son rôle
53:15dans la transformation
53:16d'un continent de guerre
53:17en continent de paix.
53:20Alors,
53:21comment pourrait-elle
53:21continuer à se détourner
53:22de son propre passé ?
53:25Comment pourrait-elle
53:25laisser ses peuples
53:26des Balkans
53:27à sa périphérie
53:27et refuser
53:29de les accueillir,
53:30eux,
53:30qui ont toujours été
53:31au cœur de l'histoire
53:32du continent européen ?
53:33Sous-titrage Société Radio-Canada
54:03...

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