Avec Caroline Beyer, grande reporter au Figaro et auteur de "La Chute de la maison Sciences Po, La crise des élites françaises" (éditions du Cerf)
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry
🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/
🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴
▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
##LA_VERITE_EN_FACE-2025-06-03##
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry
🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/
🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴
▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
##LA_VERITE_EN_FACE-2025-06-03##
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:009h10, Sud Radio, la vérité en face, Patrick Roger.
00:05Que se passe-t-il à la maison Sciences Po ?
00:08Maison particulièrement importante de, entre guillemets, l'élite française depuis des années et des années,
00:15avec de glorieux prédécesseurs, bien sûr, et c'est vrai que depuis quelques années,
00:21et là, depuis deux ans aussi probablement, il y a eu une accélération dans la dégradation
00:27un petit peu de l'image de cette maison qui cultivait ces élites françaises,
00:32qui les formaient pour ensuite qu'ils fassent de la politique,
00:36qu'ils soient en fait à la tête de grandes entreprises, chez les journalistes également.
00:41Est-ce qu'il y a eu des dérives ou pas ?
00:42Nous sommes avec Caroline Beyer, bonjour.
00:44Bonjour.
00:45Vous êtes journaliste, vous avez journaliste au Figaro, je le précise.
00:49Vous avez écrit donc ce livre, La chute de la maison Sciences Po,
00:52la crise des élites françaises, bien sûr.
00:55Qu'est-ce qui s'est passé alors à Sciences Po ?
00:59Avant de voir aujourd'hui où nous en sommes, bien sûr, avec un nouveau directeur aujourd'hui,
01:06mais qu'est-ce qui s'est passé pour que, à ce point, l'image soit détériorée ?
01:11Il s'est passé beaucoup de choses et c'est bien ça le problème.
01:15Et différentes dimensions.
01:17Il y a d'abord eu de grosses crises de gouvernance après la mort de Richard Descoings en 2012,
01:22qui est mort brutalement, qui était le patron emblématique,
01:26un personnage presque de roman, qui a fait de Sciences Po ce qu'elle est aujourd'hui.
01:30C'est lui qui avait ouvert beaucoup aussi à la discrimination positive, à la diversité.
01:35C'est ça, qui a mis en place la discrimination.
01:37C'est l'impulsion, qu'on soit d'accord ou pas d'accord, mais sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy,
01:41qui voulait absolument qu'il y ait cette ouverture, à partir de 2001,
01:48et puis par la suite, 2007, quand il était au pouvoir.
01:52Donc, avec Richard Descoings et sa mort...
01:56Et sa mort, il y a eu une crise de succession.
01:58D'ailleurs, on a l'impression, quand on discute avec des professeurs à Sciences Po, des anciens,
02:03qu'on est toujours dans le deuil de Richard Descoings.
02:06Et puis, on a l'affaire Duhamel, en 2021, qui a beaucoup secoué l'école.
02:10Donc, Olivier Duhamel, un professeur qui a enseigné longtemps là-bas,
02:13et qui était le président de la Fondation Nationale des Sciences Politiques,
02:16et qui a été accusé d'inceste dans le livre de Camille Gouchner, La Familia Grande,
02:22et qui a emporté avec lui le directeur de l'époque,
02:25dont on a appris au fil des semaines qu'il était au courant.
02:28Et puis, on a eu un autre directeur, Mathias Vichra, un copain de promo d'Emmanuel Macron,
02:33qui, lui, a démissionné pour une affaire de violence conjugale,
02:37alors que sa priorité, c'était la lutte contre les violences sexuelles.
02:41Et puis, en parallèle de ça, de cette crise de gouvernance,
02:43on a toute la question de comment on sélectionne aujourd'hui les étudiants.
02:48Donc, vous avez parlé de la discrimination positive.
02:50On a poursuivi, en fait, la chasse à toutes les épreuves socialement discriminantes,
02:54jusqu'en 2021, où on a mis fin au concours,
02:58où on a recruté les étudiants sur dossier.
02:59Et ce qui, là, a brouillé l'image vraiment de Sciences Po.
03:02Comment sont recrutés aujourd'hui, depuis 2021 ?
03:05Depuis maintenant 4 ans, c'est ça ?
03:07Voilà, c'est ça.
03:07Comment sont recrutés les étudiants à Sciences Po ?
03:10Alors, ils sont recrutés aujourd'hui sur dossier,
03:12et sur entretien,
03:14et on leur fait comprendre qu'on laisse une grande place à l'engagement,
03:17que ce soit associatif et politique.
03:21Quel type d'engagement ?
03:22On explique souvent dans les jurys,
03:25j'ai eu des professeurs qui siègent dans des jurys,
03:28que forcément, c'est plutôt un engagement à gauche.
03:30Et puis, on a eu des polémiques aussi,
03:33autour de lycées parisiens, publics comme privés,
03:37d'excellence, comme Henri IV, Louis Le Grand,
03:39mais aussi Stanislas, Franklin,
03:43un établissement jésuite du 16e arrondissement,
03:46où on s'est aperçus qu'on recrutait de moins en moins d'élèves de chez ceux.
03:50Et s'est installé cette idée qu'il y avait un malus à l'élitisme,
03:54et au privé.
03:55Oui, et qui est réel ou pas ?
03:58Qui est réel, oui, dans les chiffres, c'est vrai.
04:00Mais c'est vrai aussi que Sciences Po,
04:01depuis que l'école est entrée sur la plateforme d'orientation Parcoursup,
04:05elle est plus visible,
04:07il y a beaucoup plus de candidats venus de toute la France,
04:09et aujourd'hui, il y a 22% des étudiants retenus,
04:14enfin des élèves retenus,
04:15qui viennent de l'île de France.
04:16Oui, il y a une plus grande ouverture,
04:19il y a une mécanique,
04:20et ça c'est plutôt une bonne chose,
04:22en tout cas sur le papier.
04:23C'est plutôt une bonne chose,
04:25ce qui est plus problématique,
04:26c'est qu'on a du mal à avoir les critères objectifs de recrutement
04:31avec ce dossier, cet entretien,
04:34sachant que les notes au baccalauréat sont très très aidées.
04:39Avant, il y avait un concours écrit,
04:40il y avait des épreuves écrites.
04:42Voilà, il y avait des épreuves écrites.
04:44Et aujourd'hui, il n'y en a plus ?
04:45Aujourd'hui, il n'y en a plus,
04:46mais le nouveau directeur annonce le changement.
04:49C'est le message qu'il a voulu faire passer immédiatement
04:51quand il est arrivé,
04:53message de retour à la recherche de l'excellence.
04:55Donc on va prendre en compte,
04:56cette année,
04:57dès cette année,
04:58la note obtenue au bac de français,
05:00qui est une épreuve anonyme, nationale,
05:02qui comptera pour 60%,
05:04là où elle comptait auparavant,
05:05mais pourquoi on ne veut pas rétablir,
05:08comme dans d'autres grandes écoles,
05:10un concours,
05:12des concours,
05:12parce qu'il peut y avoir le dossier qui compte,
05:15bien sûr,
05:15et puis la partie concours écrite, non ?
05:19Je pense que maintenant,
05:19ils ont franchi une étape
05:21et que ça va être difficile de revenir en arrière,
05:23que c'est assez lourd à organiser.
05:27En 2026,
05:30il dit déjà qu'il va y avoir un retour de l'écrit,
05:33mais ce ne sera pas le retour,
05:35le grand retour de la dissertation,
05:36ce qui a été vraiment le symbole de Sciences Po,
05:39mais ce sera des QCM
05:41qui vont vérifier les capacités de raisonnement,
05:45de logique,
05:46ce qui se pratique d'ailleurs dans des universités
05:48comme Cambridge ou bien...
05:49Le fait de ne pas avoir de concours écrits,
05:52ça part de quelle idée,
05:57de quel principe ?
05:59Que certains vont échouer,
06:01donc seraient moins bons, etc.
06:03et qu'on ne pourrait pas ouvrir à l'ensemble
06:05d'une forme de diversité classique
06:09des origines des uns et des autres.
06:11Voilà, puis ça part de l'idée
06:14que c'est la philosophie de Sciences Po
06:16depuis des années,
06:17qu'il y a des épreuves socialement discriminantes,
06:19elle avait déjà supprimé la culture générale,
06:22voilà, l'idée c'est de mettre fin
06:26à ces biais sociaux.
06:28Oui, parce qu'on dit aussi
06:29qu'il y a une reproduction des élites, quoi.
06:31Oui.
06:32Et on veut casser ça, en fait.
06:33On veut casser ça,
06:34mais alors c'est paradoxal,
06:37parce qu'aujourd'hui 70% des étudiants
06:39viennent de classes sociales favorisées,
06:41donc c'est un peu schizophrénique.
06:45On porte ce message,
06:46mais d'un autre côté on recrute toujours
06:48dans des milieux favorisés et bourgeois.
06:50Oui, bon, et puis alors sur cet engagement politique,
06:55on l'a vu, ça a éclaté quand même un peu
06:56la face du grand public,
06:58avec des manifestations à l'intérieur de Sciences Po,
07:02notamment sur le conflit israélo-palestinien,
07:05avec l'amphi Gaza,
07:07en tout cas, qui a été rebaptisé Gaza.
07:09Oui, et ça, ça a été vraiment une déflagration.
07:13L'amphi Gaza, enfin, il a été rebaptisé,
07:15c'est l'amphi Boutmi, l'amphi du fondateur,
07:17qui porte avec lui des valeurs républicaines,
07:20et qui a été rebaptisé Gaza en mars 2024
07:23par un collectif, le collectif Palestine,
07:27anonyme, officieux,
07:28qui a investi l'amphithéâtre
07:30pour organiser des conférences,
07:32dont l'une sur la judéité et l'antisionisme.
07:34On avait vu des drapeaux palestiniens
07:36qui flottaient dans cet amphi,
07:38des étudiants avec des keffiers,
07:40et puis cette phrase qu'on a beaucoup entendue,
07:42qui a été rapportée par l'Union des étudiants juifs
07:45de France de Sciences Po,
07:46ne la laissait pas rentrer, c'est une sioniste,
07:48et là, ça a été vraiment l'explosion.
07:50Il y avait tous les ingrédients réunis pour la crise,
07:52le directeur Mathias Vichra avait démissionné,
07:55il y avait une forte résonance médiatique
07:57avec ces images qui tournaient de l'amphi Boutmi
08:00sur les réseaux sociaux,
08:01et puis des politiques en pleine campagne des européennes
08:03qui ont pris la parole,
08:04et la France Insoumise qui a soufflé sur les braises.
08:07Alors vous avez parlé de Mathias Vichra,
08:09d'un mot, parce que c'est assez intéressant quand même,
08:12la pression qui avait été exercée,
08:14parce qu'évidemment, il y avait eu,
08:16son affaire avait éclaté,
08:17sur des violences conjugales,
08:20avec sa compagne,
08:23et là, immédiatement,
08:24on a dit dehors,
08:25sans savoir ce qu'allait donner l'enquête.
08:28Oui, oui, c'est ça, c'est ça.
08:29On a vu à ce moment-là des affiches de Mathias Vichra demandant sa démission.
08:38Effectivement, on n'a pas attendu les suites de l'enquête,
08:40et d'ailleurs...
08:41Et les suites de l'enquête qui sont intéressantes,
08:43qui sont intéressantes,
08:44puisqu'il s'agissait de violences conjugales mutuelles,
08:46et que d'ailleurs, sa compagne a eu copé d'une peine avec sursis supérieure à la sienne.
08:51Oui, voilà.
08:52Donc, ça n'excuse pas, évidemment, des violences conjugales, bien sûr.
08:58Mais on l'avisait, lui, alors que c'était...
09:01Oui, il y a eu tout un emballement,
09:03après l'affaire du Hamel,
09:04autour des violences sexuelles et sexistes à Sciences Po.
09:06Il y a eu cette vague de témoignages Sciences Po.
09:11Et Mathias Vichra est arrivé avec ça.
09:13Donc, son affaire de violences conjugales, c'était fichu pour lui.
09:17Exécution, entre guillemets, sur les réseaux sociaux,
09:20et puis avec les affiches.
09:21Voilà, avec les étudiants,
09:23et puis aussi des enseignants qui n'ont pas attendu non plus la justice.
09:28Oui.
09:29Caroline Meier, vous êtes avec nous sur Sud Radio,
09:32sur ce livre,
09:32La chute de la maison Sciences Po.
09:33On va continuer pour voir si ça a un petit peu évolué,
09:36ces derniers mois,
09:38puisqu'il y a eu une reprise en main par un nouveau directeur,
09:41Louis Vassy,
09:43et que, visiblement, on sent quelques changements,
09:47vous l'avez déjà évoqué,
09:48sur des concours qui vont être remis, etc.
09:51Mais également à l'intérieur de Sciences Po,
09:54sur l'engagement.
09:55Est-ce qu'on peut dire qu'à Sciences Po,
09:57on est de droite ou de gauche ?
10:00Est-ce que ça penche d'un côté ?
10:03On dit traditionnellement que c'est plutôt à gauche.
10:04Oui, c'est plutôt à gauche.
10:05C'est ancré à gauche.
10:07D'ailleurs, tous les directeurs successifs depuis Richard Descoings
10:09n'ont pas caché leur appartenance à la gauche.
10:13Oui.
10:14Et pourtant, quand il y avait Raymond Aron et bien d'autres,
10:16ce n'était pas forcément à gauche.
10:17Ce n'était pas forcément à gauche.
10:18D'ailleurs, en 68,
10:20ils n'étaient pas à la pointe de la révolution.
10:22Oui.
10:23Nous poursuivons.
10:23Allez, dans un instant sur Sud Radio,
10:25avec vous, Caroline Meier.
10:26Et puis, si vous voulez appeler, poser un certain nombre de questions
10:30ou des remarques autour des élites françaises,
10:33vous n'hésitez pas.
10:340826 300 300 sur Sud Radio.
10:389h10, Sud Radio, la vérité en face.
10:41Patrick Roger.
10:42La vérité en face jusqu'à 10h.
10:44Tiens, si vous voulez réagir ou interpeller Caroline Meier,
10:47qui a écrit la chute de la maison Sciences Po,
10:49la crise des élites françaises.
10:51C'est particulièrement intéressant,
10:52parce qu'évidemment, Sciences Po,
10:54c'est une école qui brille à l'international,
10:56qui a un grand rayonnement, bien sûr,
10:59et qui a été entachée par énormément d'affaires.
11:01Alors que l'on combat normalement les violences sexuelles et sexistes là-bas,
11:05à chaque fois dans la gouvernance,
11:07il y a eu des problèmes autour de ça.
11:10Comme quoi, évidemment, les donneurs de leçons sont bien souvent ceux qui...
11:15C'est mauvais genre.
11:16Voilà, ça fait mauvais genre.
11:18Il y a eu ces infiltrations.
11:21politiques, bien sûr.
11:22On l'a dit, en fait, tout à l'heure,
11:24et vous avez dit que ça penchait, en fait, plutôt à gauche.
11:27Le nouveau patron qui a été nommé, Louis Vassi,
11:31est-ce que c'est quelqu'un qui veut mettre un terme à ça,
11:35aux engagements, à certaines, entre guillemets, dérives ?
11:38Je mets entre guillemets, bien sûr.
11:39Oui, en tout cas, c'est le message qu'il porte.
11:42Ce qui est tout à fait nouveau,
11:43parce que jusque-là, on ne reconnaissait pas de crise.
11:48Mais là, on reconnaît une crise d'image, de réputation.
11:51Louis Vassi, lui, c'est un énarque, comme ses prédécesseurs,
11:55mais il vient du public, du Quai d'Orsay,
12:01contrairement aux autres qui étaient passés par le privé.
12:03C'est aussi le fils d'un réfugié uruguayen,
12:07donc il incarne la méritocratie.
12:09Et il porte le message de l'excellence en disant que tout le monde,
12:15les meilleurs sont les bienvenus à Sciences Po.
12:17Et il est d'ailleurs allé voir ces lycées privés qui s'étaient sentis mis de côté.
12:22Vous dites que les meilleurs sont bienvenus à Sciences Po,
12:25parce que dernièrement, ce n'était plus la méritocratie, justement, à Sciences Po ?
12:29On avait l'impression que, oui, avec cette procédure de sélection,
12:32les critères étaient devenus flous, obscurs, opaques,
12:36et qu'effectivement, la méritocratie...
12:38Mais alors ça, qui est dans les comités de sélection ?
12:40Ce sont les enseignants de Sciences Po ?
12:42Oui, dans les jurys, ce sont des enseignants.
12:46Et effectivement, la nouvelle direction voudrait valider ses membres des jurys
12:52pour se mettre d'accord sur ce qu'on recherche.
12:54Oui, sur ce qu'on recherche, c'est-à-dire d'avoir toujours absolument les meilleurs
12:59ou d'avoir aussi peut-être une représentation de la société française ?
13:03C'est un peu ça ?
13:05C'est l'esprit de Sciences Po depuis des années.
13:08Ce que Louis Vassier dit, il parle effectivement de cette diversité sociale,
13:14mais il parle aussi d'excellence.
13:17Mais il est clair que Sciences Po ne va pas tourner le dos à l'ouverture sociale subitement.
13:23Est-ce que l'image au sein, alors ça, c'est en dehors un peu de votre enquête,
13:27quoique vous l'abordez aussi,
13:29du coup, l'image de Sciences Po dans les entreprises, dans les administrations,
13:32est-ce que ça a évolué ?
13:34Est-ce que les recruteurs, demain, vont se dire
13:35« Moi, Sciences Po, je ne sais pas si je vais le prendre
13:38parce que je ne sais pas sur qui je tombe ? »
13:40Alors qu'auparavant, on se disait « Oh là là, je veux absolument recruter quelqu'un
13:43qui vient de là-bas, de cette école. »
13:45On a beaucoup vu ça, lu ça sur les réseaux sociaux,
13:48notamment sur le réseau social professionnel LinkedIn.
13:52On a des phrases du type « Moi, un CV de Sciences Po, je le jette à la poubelle. »
13:58Alors ensuite, dans la réalité, ce n'est pas exactement comme ça que ça se passe.
14:02Mais j'ai eu, par exemple, un chasseur de tête
14:04qui me dit que, par le passé, on savait qui on recrutait,
14:07quand on prenait un Sciences Po,
14:08d'étudiants classiques, dans le moule, conservateurs,
14:11et qu'aujourd'hui, on ne sait plus trop, l'image est un peu brouillée.
14:16Alors, c'est intéressant ce que vous avez dit, Caroline Bayer.
14:19Quelqu'un de classique, dans le moule, conservateur.
14:22Est-ce que ce n'était pas justement une image, entre guillemets,
14:25des gens de la fabrique des élites,
14:28qui étaient un peu trop lisses,
14:29et un peu peut-être déconnectés de certaines réalités ?
14:33Non ?
14:33Je pense surtout que c'était une école plus petite que Richard Descoings.
14:40Aujourd'hui, c'est 15 000 étudiants.
14:42Donc, ça a pris en ampleur.
14:47Oui, alors que avant, c'était beaucoup moins d'étudiants.
14:49Oui, c'était beaucoup moins d'étudiants.
14:51En fait, tout a triplé en 20 ans.
14:55Pendant un temps, on avait l'image de Sciences Po
14:58comme un salon bourgeois, avec ses grands esprits,
15:00ses grands profs, René Raymond,
15:02et puis des étudiants du 7e qui venaient y préparer l'ENA.
15:05Aujourd'hui, ça a totalement changé de dimension.
15:08Oui, oui.
15:08Beaucoup de nos politiques ont fait Sciences Po.
15:10Oui.
15:11Des énarques, bien sûr, quoi.
15:13Oui, voilà.
15:14Emmanuel Macron ?
15:16Emmanuel Macron, oui, bien sûr.
15:18Les cinq derniers...
15:20Les cinq présidents de la 5e République.
15:24Voilà.
15:24On fait Sciences Po.
15:26Donc, c'était la fabrique des élus.
15:28Ça l'est toujours, d'ailleurs, parce qu'aujourd'hui, l'ENA,
15:30qui a été supprimée, mais qui existe toujours sous un autre nom,
15:34l'essentiel des futurs énarques,
15:37viennent de Sciences Po.
15:38Donc, c'est toujours le cas, quand même.
15:39Alors, il y a un petit paradoxe, c'est vrai.
15:42Quand on regarde dans le détail, ça a triplé,
15:45vous avez dit, les effectifs,
15:47et on a l'impression qu'il y a du business,
15:48il y a beaucoup de finances, en fait, là-bas,
15:50alors qu'on a voulu s'ouvrir à d'autres origines sociales,
15:54donc des gens qui ont moins d'argent pour financer ces études.
15:58On rappelle que c'est public, bien sûr.
16:01Alors, pourquoi il y a cette polémique autour des finances et du business ?
16:06Alors, le problème des finances, c'est la dotation de l'État,
16:11qui était très importante, sous Richard Descoings,
16:14qui représentait les deux tiers du budget aujourd'hui.
16:17Ça représente un tiers, et donc Sciences Po doit chercher des ressources propres.
16:21Et l'essentiel de ces ressources, pour moitié,
16:25c'est les frais de scolarité.
16:27Alors, les frais de scolarité, ils sont modulés, justement.
16:29C'est-à-dire, les plus défavorisés vont bénéficier d'une redistribution.
16:34Et là-dedans, ce sont les étudiants étrangers,
16:37enfin, hors Union européenne, qui payent plein pot.
16:40Qui payent plein pot.
16:41Et là, il y en a beaucoup, ça a beaucoup augmenté, évidemment.
16:44Voilà. Ça a beaucoup augmenté pour l'internationalisation,
16:46pour que Sciences Po soit dans la course,
16:48mais aussi parce que c'est une manne financière.
16:51C'est 20 000 en master et 15 000 en bachelor,
16:54pour ces étudiants hors Union européenne.
16:56Et là, ça permet d'accentuer, peut-être,
16:59le rayonnement, justement, de Sciences Po à l'international, ou pas ?
17:04Quelle image est là, aujourd'hui, à l'international, cette école ?
17:07Écoutez, elle est connue dans les universités
17:10avec lesquelles elle a des partenariats.
17:12Et c'est vrai qu'elle en a beaucoup.
17:14Elle en a avec Columbia.
17:15Ensuite, ça reste une petite école.
17:20Richard Descoings me parlait de faire Harvard à la française.
17:23On en est loin, quoi, en termes de dimension, de budget.
17:28Ensuite, elle est relativement bien classée dans les classements,
17:32dont sont friands les étudiants et les parents,
17:34mais toujours dans les sciences politiques,
17:37dans ces domaines qui sont restreints.
17:40Vous avez évoqué tout à l'heure Louis Facile, le nouveau directeur.
17:44Est-ce qu'il veut essayer de lutter contre l'engagement trop fort
17:50de certains enseignants, de certains étudiants ?
17:53Et comment faire pour essayer de retrouver une forme de neutralité
17:57de ces futures élites ?
17:59Eh bien, écoutez, déjà, il a défini une doctrine...
18:02Aujourd'hui, c'est la réserve institutionnelle
18:07qui est instaurée sur tout sujet politique et géopolitique.
18:11Ensuite, on ne va pas supprimer, je pense, l'engagement,
18:16surtout qu'à Sciences Po, il y a tous les partis qui sont représentés.
18:19Enfin, il y a quand même une forme de pluralisme.
18:21En 2022, il y avait le parti d'Éric Zemmour
18:25qui était représenté là-bas.
18:28Mais ce qu'il faut, c'est mettre fin à l'agitation, au blocage.
18:32Il y a des querelles entre eux, entre étudiants, justement,
18:34des batailles politiques à l'intérieur de l'établissement ?
18:38Oui, il y a des batailles.
18:40Parce qu'on a l'impression, vu de l'extérieur,
18:41on avait l'impression ces derniers mois
18:43que c'était uniquement certains militants,
18:45très à gauche, qui maîtrisaient tout dans cet établissement.
18:50Et c'est le cas.
18:50C'est le cas.
18:51En tout cas, pour les blocages et les mobilisations dont on parle.
18:54Parce qu'il y a un fort écho.
18:57La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon,
18:59les étudiants sont plutôt favorables.
19:05C'est venu comme quand il a rempli l'amphi Boutmi
19:09juste après l'histoire de l'amphi Gaza.
19:12Donc, ça veut dire qu'il y a une influence, en fait,
19:15beaucoup plus forte de ces parties,
19:17plutôt d'extrême gauche.
19:19Oui.
19:19Parce qu'ils font plus de bruit
19:21ou parce que réellement, ils sont plus nombreux ?
19:23Ils sont, je pense, plus nombreux.
19:25Les jeunes insoumis sont plus organisés, plus nombreux.
19:28Et puis, je rappelle qu'en 2022, à la présidentielle,
19:31ils ont voté, selon un sondage interne,
19:33à 55% pour Jean-Luc Mélenchon.
19:35Donc, c'est beaucoup.
19:37Ça, c'était en 2022.
19:38C'était en 2022.
19:39Et puis aussi, après ces mobilisations pro-palestiniennes,
19:42il y a eu des élections syndicales à Sciences Po.
19:44Et là, les syndicats d'extrême gauche ont gagné des voix.
19:49Ce qui a été, en fait, une validation de toutes ces actions.
19:53Oui.
19:53Et Louise Vassy, le nouveau directeur,
19:55justement, vous l'avez dit,
19:57lui, il veut faire évoluer.
19:58Tout ça va passer par le recrutement.
20:00Alors, le recrutement des nouveaux étudiants
20:04et des enseignants, non ?
20:06Parce que les enseignants, ils valident tout cela ou pas ?
20:09Les enseignants, ils sont partagés.
20:13Mais alors, on explique...
20:15Enfin, plusieurs professeurs et étudiants expliquent
20:17que depuis plusieurs années, il y a une forte place.
20:21Enfin, que la sociologie a pris beaucoup de place.
20:23Oui.
20:25Y compris sur les relations internationales, sur la politique.
20:29et que c'est eux qui sont à la pointe de la contestation.
20:34Oui.
20:34Merci beaucoup, Caroline Bayer.
20:36Merci à vous.
20:37Alors, la chute de la maison Sciences Po,
20:38la crise des élites françaises aux éditions du CERF.
20:41Enquête passionnante, bien sûr,
20:43sur l'évolution de cette grande école.
20:45Ça reste, évidemment, une grande école.
20:47Dans un instant, la partie médias,
20:49avec Gilles Gansman et Valérie Expert,
20:53qui recevront notamment une nouvelle chaîne.
20:55Les patrons d'une nouvelle chaîne,
20:56Christopher Baldéli et Caroline Cauchot,
20:58président de T18,
21:01la nouvelle chaîne qui arrive,
21:02gratuite de la TNT,
21:03qui débute vendredi.
21:04Et Caroline Cauchot, la directrice des programmes.
21:06Et puis ensuite, les débats qui continuent,
21:08évidemment, sur Sud Radio.