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  • il y a 4 jours
Jeudi 17 avril 2025, retrouvez Alain Durré (Rapporteur Général du Conseil National de Productivité) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.

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Transcription
00:00Générique
00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui de la productivité.
00:15Les mystères et les enjeux de la productivité en France.
00:18Nous en parlons avec Alain Duré, rapporteur général du Conseil National de Productivité.
00:23Bonsoir Alain.
00:24Bonsoir Alain.
00:24Merci beaucoup d'être avec nous.
00:26Vous êtes présents ici avec nous aujourd'hui parce que le Conseil National de Productivité a publié cette semaine son rapport annuel sur la productivité en France qui étudie notamment la période post-Covid.
00:39En tout cas l'année de 2019 étant vue pour beaucoup d'économistes dans beaucoup de sujets comme une année de référence, celle du monde d'avant pour dire les choses Alain.
00:47Première question, pourquoi on parle de productivité ? Pourquoi est-ce qu'il faut parler de productivité qui est une notion à la fois compliquée j'imagine à travailler quand on est économiste mais qui est une notion fondamentale quand on veut évoquer la croissance de long terme pour un pays ?
01:05Oui c'est fondamental mais c'est aussi opaque pour le commun des mortels.
01:09Donc je vais essayer d'être aussi clair et simple que possible.
01:13En fait la productivité c'est concrètement la richesse créée par une entreprise par rapport rapporté à l'emploi ou aux heures effectuées pour créer et réaliser cette richesse.
01:24Donc en gros pourquoi c'est important c'est que quand on parle de croissance économique de long terme c'est une notion qui touche beaucoup de paramètres dans l'économie, les finances publiques, la soutenabilité des finances publiques, du système social etc.
01:38Et derrière en fait c'est la productivité, c'est qu'il faut créer de la richesse pour pouvoir mieux dépenser, mieux consommer, mieux investir.
01:47Et il y a la, enfin je me permets, il y a la bonne et la mauvaise productivité. C'est-à-dire qu'une entreprise qui virerait 90% de ses salariés verrait sans doute sa productivité augmenter.
01:57Mais ce serait un choc de court terme et surtout un choc très négatif de moyen long terme. C'est ça Alain ?
02:02Oui tout à fait. Et c'est pour ça qu'en fait il faut regarder à la fois le numérateur qui est à valeur ajoutée, c'est-à-dire la richesse créée par l'entreprise et l'évolution du dénominateur également.
02:13Il y a une limite, effectivement on peut exploser la productivité en licenciant un maximum de gens, mais finalement ce n'est pas viable pour l'entreprise.
02:21Quel est le lien que les économistes font entre productivité et compétitivité Alain ?
02:27Alors les deux notions sont un peu les deux faces de la même pièce. Paul Grugman, l'économiste américain au début des années 90 disait
02:36« La compétitivité d'une nation est une manière amusante de parler de productivité ».
02:42Donc ce qu'il disait à court terme, la productivité ce n'est pas tout, mais à long terme c'est tout.
02:47En fait pourquoi ? Parce qu'une entreprise qui crée de la richesse à emploi donné, elle va avoir plus de marge de manœuvre pour baisser ses prix de vente,
02:57donc être plus compétitive et générer plus de revenus par la suite.
03:02Donc c'est pour ça que les deux notions sont très liées.
03:05L'état des lieux de la productivité en France sur les 4-5 dernières années, Alain, c'est vrai que vous vous êtes prêté à l'exercice de la comparaison internationale.
03:15Bon, il n'y a pas photo, il y a un décrochage important de la croissance de la productivité, de l'absence même de croissance de la productivité en France
03:25par rapport à des paires européens et par rapport bien sûr aux mastodontes américains.
03:32Qu'est-ce qu'on peut dire de cet état des lieux quantitativement et comment on explique effectivement ce décrochage ?
03:39Alors la configuration post-Covid, c'est qu'en fait toutes les économies, y compris les Etats-Unis, ont chuté au moment du confinement
03:47puisque l'appareil productif était arrêté. On a eu un rebond à l'aune de la réactivation de la production, on a eu un rebond technique dans tous les pays.
03:55Pour le niveau européen, en fait, la productivité a ralenti jusqu'à dans les années 2022-2023.
04:03La spécificité française, c'est qu'elle a ralenti mais elle a baissé en 2023 et 2024.
04:09Donc c'est là où il y a un sujet franco-français et la productivité américaine a explosé, s'est envolé à ce moment-là.
04:16A la fois rapporté au nombre de travailleurs mais également aux heures effectuées.
04:21Bon. Quelles sont les explications plausibles, les plus fortes qui expliquent justement ce décrochage sur quelques années de la productivité en France ?
04:30Alors, au jour d'aujourd'hui, si on regarde le niveau actuel de la productivité française par rapport au niveau prédit par sa tendance d'avant-Covid,
04:40on a un écart de 5,6%. Sur ces 5,6%, on a un point qui est commun à tous les pays de la zone euro.
04:48Le cycle conjoncturel, le ralentissement, la récession en Allemagne et autres.
04:53Et le reste, deux tiers sont expliqués par, en fait, des réformes qui ont été entreprises par le gouvernement.
04:59A savoir l'apprentissage, la facilité d'activation du chômage partiel.
05:05Donc, qui a permis la rétention de travail mais également aussi la composition de main-d'oeuvre.
05:13C'est-à-dire qu'on a été, comme finalement la croissance économique en France a été assez résiliente,
05:20on a été chercher des gens qui étaient assez éloignés du marché du travail
05:23parce que même à compétence pas totalement en adéquation avec ce qu'on recherche l'entreprise, il fallait des travailleurs.
05:29L'appariement était très compliqué sur le marché du travail.
05:32Et ça, on oublie souvent de le mentionner, mais depuis 2019, en fait, le taux de chômage long terme,
05:37c'est-à-dire les chômeurs qui ont été au chômage à plein temps pendant 12 mois et plus, a baissé de 16 points.
05:46Et donc, voilà, des gens très éloignés très longtemps du marché du travail sont moins productifs.
05:51Moins productifs, en tout cas, dans un premier temps, effectivement.
05:52À court terme, mais on espère qu'avec l'apprentissage et l'activité, au fil du temps, ils soient plus productifs.
05:59Est-ce que cette question de la productivité ou de la compétitivité française, d'ailleurs, je reviens au terme de compétitivité,
06:07mais est-ce que c'est également lié au positionnement de la production française en termes de niveau de gamme, Alain ?
06:16Quand on produit des biens, on peut avoir une compétitivité prix, essayer d'être toujours le mieux disant sur les prix
06:23et donc avoir des coûts de production toujours plus faibles, c'est une manière de faire.
06:27Et puis, il y a ce qu'on appelle la compétitivité hors prix.
06:30L'Allemagne a été un modèle en la matière capable de vendre des produits avec un pouvoir de fixation du prix important.
06:38Oui, ça c'est vraiment une question franco-française, qui doit être au cœur du débat économique.
06:46C'est que dans beaucoup de secteurs, les produits français sont perçus par les importateurs mondiaux comme de très bonne qualité,
06:54mais trop chers par rapport à leur contenu de qualité, et notamment dans les produits de consommation textile.
07:00On est en concurrence plus directe avec l'Italie et l'Espagne, qui ont des salaires très très bas, plutôt que l'Allemagne.
07:07Et donc, le véritable enjeu, c'est d'essayer d'augmenter la valeur ajoutée, le contenu en qualité et en technicité de nos produits exportés,
07:17de manière à être dans la position de l'Allemagne.
07:19L'enquête Rex & Cote, Esquema, qui sortira la semaine prochaine, nous montre très bien qu'il y a deux points faibles.
07:26C'est que, un, l'Allemagne, les gens, les importateurs vous disent, les produits allemands sont chers, mais je ne trouve pas d'alternative,
07:34donc je suis obligé de l'acheter.
07:34Alors que nous, ce n'est pas le cas. On est une Peugeot, et plus en concurrence avec une Fiat qu'avec une Mercedes.
07:43Ensuite, cette enquête montre également que la variété, donc ça, on est dans la qualité, l'évaluation hors prix,
07:52la variété de fournisseurs au sein du pays est plus faible en France qu'ailleurs.
07:56Et ça, c'est lié à la base industrielle étroite que l'on a.
07:59Et ça, c'est une entrave à la montée en gamme ?
08:03Oui, parce que ces deux éléments font que, en fait, les produits français exportés, dans leur majorité,
08:09sont plus, ce qu'on appelle, sensibles à la concurrence prix.
08:12C'est-à-dire que c'est le prix qui va déterminer qu'on achète ou pas français.
08:17Alors que les produits allemands, qui sont à plus haut contenu technologique, eux, ils n'ont pas cette sensibilité-là.
08:25Comment on sort de ça, Alain ?
08:28Alors, on ne se met pas à la place des décideurs, mais quels sont les choix, les arbitrages possibles
08:33qui permettent de sortir de cette situation, de restaurer une compétitivité hors prix,
08:39de restaurer un niveau de productivité équivalent à ce qu'on observe ailleurs en Europe ?
08:43Alors, ce que souligne notre rapport du Conseil national de productivité,
08:47c'est que, sur les dernières années, les petites améliorations que l'on voit depuis 2023
08:52sont certainement liées aux réformes qui ont été entreprises et la politique d'offre du gouvernement,
08:57c'est-à-dire la baisse des coûts de production via l'impôt de société réduit
09:03et une baisse des charges patronales.
09:06Mais ça, ça nous maintient dans la compétitivité prix, ça ?
09:08Oui, mais à court terme, c'est inévitable.
09:09C'est indispensable.
09:10D'accord.
09:11Parce que, pour augmenter le contenu technologique des produits, c'est des investissements, c'est un projet de long terme.
09:15Donc, à court terme, il faut maintenir cette partie-là de la compétitivité.
09:19Il ne faut certainement pas remettre en question ce qui a été fait.
09:22Mais à long terme, la vraie solution, c'est celle de long terme,
09:25qui est d'investir, d'innover et, si possible, de ramener des entreprises
09:29à production de haute valeur technologique
09:32pour pouvoir se distancer de cette sensibilité à la compétitivité prix.
09:37Il y a une enquête que vous citez, Alain,
09:40et qui montre là aussi un point de divergence entre la France et le reste de l'Europe.
09:45Quand on interroge les entreprises françaises sur le sens de leurs investissements,
09:50elles sont très peu à dire, en fait, que c'est l'innovation qui guide leurs investissements.
09:54Oui, ça, c'est assez surprenant.
09:55Donc, c'est l'enquête de la Banque européenne d'investissement.
09:58Quand on regarde la catégorie petite et moyenne d'entreprise,
10:0271% de ces entreprises interrogées vous disent que leur investissement
10:06n'est pas nécessairement lié avec un objectif d'innovation.
10:09C'est plutôt l'expansion de capacité de production.
10:13Alors qu'on est à de l'ordre de 60% pour les entreprises européennes,
10:17interrogées dans cette même enquête,
10:19et moins de 50% pour les USA.
10:23Comment réfléchir à l'IA, bien sûr,
10:24parce que c'est quand même le sujet de demain et sans doute de long terme.
10:28Qu'est-ce que l'IA peut apporter à la productivité ?
10:31Est-ce que c'est positif, productivité ?
10:33Pas forcément.
10:34Est-ce que c'est négatif, productivité, Alain ?
10:36Alors, tout d'abord, il faut définir de quelle IA on parle,
10:42puisque les premières formes, comme vous le savez, de l'IA dépendent,
10:47date de 1951.
10:48Oui, ce n'est pas arrivé avec ChatGPT en 2022, oui.
10:50Voilà.
10:51Et jusqu'à présent, en fait, c'était de l'IA compliqué, je vais dire.
10:56C'est-à-dire que jusqu'au début des années 2000,
10:59c'était ce qu'on appelle en bon français deep ou machine learning,
11:04qui demandait des compétences très, très techniques.
11:09Alors, ça a probablement eu un impact positif,
11:14c'est ce que beaucoup d'études disent,
11:16mais ça a été noyé au milieu de chocs en tous sens,
11:20donc on ne l'a pas vraiment ressenti.
11:22On peut dire, le contre-factuel, c'est que probablement,
11:25on aurait été plus bas, on serait plus bas.
11:27Maintenant, le véritable enjeu, c'est l'IA telle qu'on la connaît aujourd'hui.
11:33Ça a commencé avec Siri dans les iPhones, dans la Xbox, etc.
11:39Aujourd'hui, avec l'IA générative, on n'a pas de recul.
11:42On a deux approches.
11:44Il y en a qui regardent les études de cas.
11:47Par exemple, dans tout ce qui est consultants,
11:50ils améliorent leur qualité grâce à ChatGPT de 40%.
11:53Mais c'est vraiment très ponctuel.
11:56Et plutôt dans le réseau académique, on a des études théoriques qui posent des hypothèses.
12:02L'impact sera certainement positif, je n'en doute pas.
12:07Mais de quelle ampleur et sur combien de temps, c'est la véritable interrogation.
12:12On a essayé dans le rapport annuel de faire une estimation sur base justement de cette enquête de la Banque européenne.
12:18On arrive aujourd'hui, ça comprend des questions sur la robotique et sur l'IA, non générative, parce que ça s'arrête en 2023.
12:28Et on a un impact sur le taux de croissance annuel de la productivité globale des facteurs, capital et humain, capitaliste, de 0,3% par an.
12:38D'accord.
12:38De 0,3% par an.
12:40Oui, oui.
12:40Et c'est bien, vous l'avez dit d'un mot, mais c'est bien l'alliance IA et robotique qui est le levier le plus puissant.
12:46C'est ça ?
12:47Oui.
12:47Alors justement, oui.
12:48C'est la robotique d'abord et un effet synergique de l'IA pour les entreprises qui utilisent déjà la robotique dans les secteurs à haut niveau technologique.
12:58Mais je voudrais insister sur le fait que c'est maintenant qu'on doit prendre des décisions pour faire les bons investissements,
13:04parce que devant nous, on a l'impact négatif sur la productivité du vieillissement de la population et l'impact négatif, à court terme du moins, de la transition climatique.
13:13Il va falloir encaisser ces effets et les contrer avec des efforts d'investissement qui doivent commencer aujourd'hui.
13:18On n'aura pas eu le temps de parler de l'éducation, mais en un mot, Alain, évidemment, tout ça nous ramène aussi à la problématique d'éducation du capital humain, pour parler le langage économique.
13:28Tout à fait.
13:28Et donc, en parallèle du rapport, on a publié une note spécifique qui est une revue de la littérature de toutes les études sur l'éducation, l'impact sur la productivité en termes de composition de classes, en composition d'expériences pratiques, etc.
13:43Et donc, c'est une étude très intéressante également.
13:45Bon, tout ça est à retrouver. Alors, j'imagine, il y a un site pour ça, le Conseil National de Productivité.
13:50Voilà, qui est hébergé sur le site de France Stratégie.
13:52Bien sûr, à retrouver. Et la structure, le rapport est assez simple à lire pour ceux qui s'y intéresseraient d'un peu plus près.
13:58Merci beaucoup Alain. Alain Duré, rapporteur général du Conseil National de Productivité, invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse.
14:13Conseil en investissement, produits structurés, gestion d'actifs, technologies.

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