00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique et chaque lundi le thème c'est celui de l'actualité de la vie politique et économique américaine avec le décryptage de notre correspondant américain Pierre-Yves Dugas qui est en visio avec nous.
00:18Bonsoir Pierre-Yves, merci beaucoup d'être avec nous pour revenir effectivement sur cette big beautiful bill qui a été promulguée vendredi par Donald Trump, jour de fête nationale aux Etats-Unis, énorme victoire politique sans doute, est-ce que ce sera pour autant une victoire économique pour le camp Trump ?
00:42Alors c'est un peu le paradoxe dans cette situation en termes de prestige et de capacité, voilà plusieurs semaines que régulièrement nous en parlons et vous aurez décelé dans mon propos un certain scepticisme quant à la capacité de Donald Trump de tenir ses troupes et de concilier l'aile conservatrice et l'aile maga des républicains dans le contexte d'une infime majorité dans les deux chambres, et bien il y est arrivé.
01:10Donc bravo, ça force le respect, pas simplement dans les rangs républicains mais aussi vis-à-vis des démocrates.
01:18Pour autant on est loin de ces révolutions qu'on représentait, je me souviens, la grande réforme fiscale de Warren O'Brien en 1986 par exemple, ou les grandes réformes de Bill Clinton.
01:32Parce qu'en fait, on parle essentiellement dans cette méga loi qui fait 980 pages, de simplement reconduire des allègements fiscaux qui avaient été votés en 2017.
01:46Donc le grand chambardement qui aurait pu intervenir aurait été que cette loi ne passe pas et à ce moment-là, les fortes baisses d'impôts adoptées par le Congrès en 2017 auraient expiré
01:59et automatiquement au 1er janvier de l'année prochaine, on aurait vu s'envoler la taxation de plus de 60% des contribuables américains.
02:10Donc oui, c'est très important, mais c'est très important pour prolonger le statut quo.
02:15Deux éléments de stabilité que l'on pourra, au moins pour l'un d'entre eux, que l'on pourra amèrement regretter, c'est que l'Amérique s'assoie et s'habitue
02:26à un déficit budgétaire chronique en période de croissance de l'ordre de 6% du PIB, à perte de vue, c'est ce que l'on voit, c'est assis alarmant.
02:36Si jamais les États-Unis entraient en récession, on assisterait à un recul des recettes fiscales, dans le même temps une augmentation des dépenses
02:46qui creuserait certainement ce déficit au-delà de 6%, peut-être 10%. On joue quand même avec le feu.
02:55L'autre bonne nouvelle dans le domaine de la stabilité, c'est qu'au passage, on en a eu en pratique trop à parler,
03:01on a relevé de 5 000 milliards de dollars, le plafond de la dette publique, donc le Trésor américain dispose maintenant
03:07pour de longs mois de toute la marge pour continuer d'emprunter et donc continuer de payer ses intérêts.
03:16C'est une bonne nouvelle, on ne peut que s'en féliciter.
03:20Qu'est-ce que les économistes et les modèles économiques nous disent sur la contribution de cet énorme paquet à la croissance ?
03:28Peut-être 0,2 ou 0,5% net de croissance de plus l'an prochain.
03:34Et sur 10 ans, par exemple, la Tax Foundation, qu'on ne peut pas soupçonner d'être particulièrement partisane,
03:43nous dit que le PIB américain probablement aura grimpé un peu plus vite, à hauteur de 1,2 ou 1,4%.
03:51Tout dépend bien sûr de ce que sera l'effet de ces majorations de droits de douane sur le pouvoir d'achat et sur la croissance.
04:00Une des raisons pour lesquelles cet énorme paquet fiscal n'aura pas un impact immédiat dramatique,
04:09c'est qu'il a été délibérément, pour des raisons électoralistes, il faut le dire,
04:15conçu pour maximiser les cadeaux fiscaux au cours des prochains mois
04:19et pour différer au-delà des élections de mi-bandat de novembre 2026
04:25les petits sacrifices que l'on a demandé dans le programme Medicaid,
04:30qui est extrêmement populaire, surtout auprès des New York Times et de mes collègues français.
04:38Bon, donc une loi plutôt bien designée.
04:42Alors sur le plan économique, on verra quels sont les fruits de ce déficit permanent américain.
04:47Un euro ou un dollar de déficit génère peut-être un peu moins de croissance aujourd'hui
04:52qu'il ne pouvait en générer il y a encore quelques années.
04:55Et puis bien designée sur le plan politique, mais là-dessus j'avais assez peu de doutes.
05:00Restons d'ailleurs dans le domaine politique, Pierre-Yves.
05:03Qu'allait-il faire dans cette galère ?
05:05Alors c'est ce que je disais en introduction,
05:07j'imagine que si Elon Musk s'était arrêté chaque fois qu'on lui a dit
05:10« ça ne marchera jamais », il ne serait pas allé bien loin.
05:13Donc là tout le monde lui dit qu'un troisième parti, le parti de l'Amérique, ça ne marchera jamais.
05:18Quel est l'objectif d'Elon Musk d'ailleurs avec la constitution de ce parti de l'Amérique, Pierre-Yves ?
05:25Est-ce que vous connaissez, Grégoire, c'est le quiz du jour,
05:30Monsieur, je vérifie parce que je ne veux pas dire ce que je disais.
05:35Monsieur Chase Oliver.
05:37Non, pas encore.
05:38Vous avez entendu parler de Chase Oliver.
05:40Pas encore.
05:40Non, eh bien moi non plus.
05:43Moi non plus, jusqu'il y a quelques heures,
05:45quand j'ai commencé à préparer cette intervention,
05:49il y a déjà des tiers-partis aux États-Unis, des quarts-partis.
05:52Le parti libertarien existe.
05:56Il avait un candidat aux élections présidentielles, il a fait 0,42%.
06:00Il y a un parti écolo, il y a un parti vert.
06:04Le docteur Jill Stein a fait 0,58%.
06:10Donc, cette dichotomie, non, ce n'est pas vrai, ça existe déjà et ça ne marche pas.
06:19Alors, Elon Musk ne peut pas être candidat aux présidentielles, il est né en Afrique du Sud,
06:23il ne peut pas être président, donc son objectif est certainement de peser sur les élections législatives,
06:29et en particulier celles qui se profilent pour novembre 2026, dite élection de demi-mandat.
06:38Alors là, de deux choses l'une.
06:39Ou bien Elon Musk veut faire du mal à Donald Trump,
06:44parce que les deux hommes se détestent et on est dans le domaine de la vengeance.
06:48Et il va essayer de faire perdre aux Républicains l'étroite majorité dont il dispose au Sénat et à la Chambre.
06:55Ou bien, il veut simplement faire avancer ses idées libertariennes.
07:02Et c'est un petit peu cette alternative, ce double scénario qui nous amène à nous gratter la tête.
07:12Il y a un mois, Elon Musk nous a dit, j'arrête la politique, j'ai déjà trop dépensé dans ce domaine-là,
07:19et puis mes entreprises ont besoin de moi.
07:21La semaine dernière, il nous dit, non, non, finalement, cette méga bille est une catastrophe,
07:26elle ne fait qu'exploser la dette, c'est l'esclavage pour les futures générations.
07:32On se pose des questions sur son inconstance, et ses actionnaires en particulier chez Tesla,
07:37qui à la Roche-Boupart perd encore 6-7%,
07:39se demandent pourquoi il va encore prendre le risque d'augmenter sa visibilité sur des thèmes politiques
07:46qui vont lui porter tort dans les entreprises qui sont exposées au grand public,
07:51en particulier Tesla.
07:53Et qu'est-ce qu'il a à gagner dans cette affaire ?
07:56C'est assez curieux.
07:59C'est un homme qui a fait preuve d'une énorme naïveté en matière politique.
08:02Il a cru que le rendre-dedans qu'il a pu pratiquer dans le passé avec les entreprises
08:07dont il était 100% propriétaire était une méthode qui allait fonctionner à Washington et en politique.
08:13Il s'est aperçu que ça ne marchait pas.
08:15Il a déjà perdu quelques 20 millions de dollars pour financer un candidat conservateur
08:19dans l'élection du Wisconsin pour la Cour suprême,
08:22et il a perdu ces 20 millions.
08:24Qu'est-ce qu'il cherche à faire ?
08:25Si vraiment il cible ses dépenses sur des États comme la Géorgie,
08:31des États comme le Michigan, des États comme le Wisconsin, la Pennsylvanie,
08:37s'il capte 1 ou 2% de l'électorat, et a priori surtout des votes qui seraient allés pour les Républicains,
08:44il va faire gagner les Démocrates.
08:46Et à ce moment-là, la deuxième partie du mandat de Donald Trump sera catastrophique.
08:51Il ne pourra non seulement plus rien faire, mais on va repartir dans une logique de destitution,
08:57de poursuite, ça va être la débandade.
09:01Il a déjà des soutiens ?
09:04Il va avoir besoin quand même de têtes d'affiches politiques,
09:08j'allais dire de l'establishment politique américain pour l'accompagner,
09:12ou ce n'est pas du tout le projet qu'il défend là ?
09:15Alors, son programme est intéressant, et il va avoir besoin certainement localement,
09:23si son objectif et ce sont les élections législatives, il va avoir besoin de bons candidats.
09:29Mais d'abord, il va avoir besoin d'énormément d'organisations.
09:32Le fils de Bobby Kennedy, qui est maintenant dans le cabinet de Donald Trump,
09:37JFK Jr., RFK Jr., pardon, a eu beaucoup de mal à se présenter dans tous les États américains.
09:46Les démocrates lui ont livré une bataille terrible pour l'empêcher de se présenter.
09:52Il faut réunir des signatures, il faut organiser des primaires.
09:55Il y a toutes sortes de conditions qui sont différentes, d'ailleurs, dans les 50 États américains.
10:00Ils font une énorme organisation logistique pour faire ça.
10:02Et tout le mal que les démocrates ont cherché à faire à RFK Jr.,
10:09croyez-moi, les Républicains vont maintenant essayer de le faire à Elon Musk pour se défendre.
10:14Le programme d'Elon Musk est intéressant.
10:17Il dit qu'on peut faire d'énormes économies en robotisant les dépenses du Pentagone et les dépenses militaires.
10:25Il ne croit pas aux avions, il croit aux drones.
10:28Il faut massivement investir dans l'intelligence artificielle, dans le domaine militaire,
10:33pour faire des économies dans le budget du Pentagone.
10:36Ça, c'est un discours qui peut-être peut séduire certains Républicains.
10:42Le problème est que si le budget du Pentagone est si grand,
10:45c'est que les entreprises de la défense sont dans toutes les circonscriptions des États-Unis
10:48et que chaque élu américain est fier de dire, vous voyez, en termes d'envoi,
10:52les dépenses militaires, ça nous rapporte.
10:54Bon, ben voilà, il y a un pari de plus, j'allais dire, dans l'univers d'Elon Musk,
11:02celui de la politique.
11:03On verra jusqu'où ce parti de l'Amérique mène Elon Musk et ceux qui le suivront.
11:08Merci beaucoup Pierre-Yves.
11:09Pierre-Yves Dugas avec nous chaque lundi dans le quart d'heure thématique de Smart Bourse,
11:13en direct sur BeSmart for Change, bien sûr, à la télévision via Vobox
11:17et à retrouver en replay chaque lundi, évidemment, sur BeSmart.fr.