Samedi 29 mars 2025, retrouvez Marc Tourneboeuf (auteur et comédien) et Christophe Segura (Directeur et producteur, Théâtre de la Comédie Bastille) dans SCÈNE EN LUMIÈRE, une émission présentée par Marie-Laure Falcoz.
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00:00Bienvenue dans Scène en Lumière, votre émission qui vous emmène au cœur du meilleur théâtre
00:12d'aujourd'hui.
00:13Pour cette émission, l'affaire Corneille-Molière, une pièce qui interroge avec humour et érudition
00:20l'un des plus grands mystères littéraires français.
00:22Et si Molière n'avait pas écrit ses propres pièces ? Pour en parler, je vais recevoir
00:28Marc Tourneboeuf qui est l'auteur de cette pièce et comédien aussi sur scène qui nous
00:32racontera pourquoi et comment il a écrit cette pièce.
00:35Ensuite, Christophe Sigura qui est le directeur de la Comédie Bastille et aussi producteur
00:40de cette pièce, qui nous racontera les coulisses de cette pièce, les coulisses de la production
00:45en général et les enjeux financiers du théâtre privé et en l'occurrence de la Comédie
00:50Bastille le sien.
00:51A tout de suite dans Scène en Lumière.
00:53Marc Tourneboeuf, bonjour et merci d'être parmi nous.
01:00Bonjour.
01:01Vous êtes l'auteur et comédien de l'affaire Corneille-Molière qui se joue à la Comédie
01:06Bastille.
01:07Alors comment vous est née cette idée d'écrire sur l'affaire Corneille-Molière ?
01:12Pendant le confinement, j'étais en Normandie, j'avais la chance d'avoir du temps comme
01:16beaucoup de gens et pour moi ça a été une période bénie où j'ai pu ressortir des
01:22livres de Corneille que je n'avais vraiment jamais lus, Sina notamment, des trucs qui
01:27me paraissaient bien poussiéreux, bien barbants et du coup je me suis mis à faire des petites
01:32recherches dessus.
01:33Je suis tombé sur une émission de Franck Ferrand, je ne sais plus comment il s'appelle,
01:36une émission historique de Franck Ferrand qui parlait de cette affaire, l'affaire
01:39Corneille-Molière.
01:40Pour moi c'était tout de suite un truc un peu complotiste, je suis allé mettre le
01:44nez dedans.
01:45Son émission était très à charge pour lui, Molière n'avait pas écrit ses pièces.
01:48Après ça, j'ai eu un doute tout de suite, je suis allé lire le site des Moliéristes
01:56qui est toujours tenu par les professeurs de la Sorbonne et qui a apporté tous les
02:01contre-arguments à ce que Franck Ferrand avait pu dire et je me suis mis à creuser
02:06encore plus.
02:07Je suis allé lire les sites des Corneilliens et plus je creusais, moins je trouvais de
02:12réponses.
02:13J'ai vu que dernièrement il y avait des intelligences artificielles qui avaient voulu
02:17répondre à la question.
02:18Au début des années 2000, une recherche sur la récurrence des lettres, des rimes
02:24selon les auteurs.
02:25Alors on a comparé Corneille et Molière et sur un corpus d'énormément de textes
02:31étudiés, eux ont un pourcentage de ressemblance qui est sans équivoque aucune.
02:37Mais après ça, on dit oui mais en fait on n'a pas comparé assez d'auteurs parce
02:41que si on avait comparé d'autres auteurs de l'époque, on aurait la même construction
02:45puisque les rimes et les thèmes enjoignent forcément un certain vocabulaire.
02:51Donc il y a toujours un doute qui plane et je me suis dit comment le traiter, comment
02:55savoir.
02:56Moi ça me fascine évidemment et j'ai décidé de porter ça sur la scène.
03:01Pour autant, je n'avais pas envie de faire une scène trop académique qui arrivait avec
03:05que les arguments parce que ça Franck Ferrand le fait très bien, Stéphane Baird aussi
03:09a fait une émission dessus.
03:11J'avais pas envie que ce soit une pièce exposée.
03:14On fait une conférence, ça peut très bien marcher.
03:19Moi je suis plutôt un auteur de théâtre, j'aime voir des acteurs qui vivent, qui ressentent
03:25des émotions et je me suis penché plutôt sur l'histoire de ceux qui mènent l'enquête,
03:31qui ont l'exaltation de venir chercher, comprendre, patiner un peu parce que c'est un peu ce
03:37que je recherchais, ce que je ressentais devant mon écran.
03:40J'ai placé l'action en 1968 pour deux raisons.
03:44Déjà en 68, il y a la remise en question de pas mal de choses qui sont ancrées depuis
03:49des années.
03:50Cornel Molière, on peut dire que ça l'est également et surtout en 1968 paraît une œuvre
03:55qui s'appelle, il me semble, 100 ans de recherche sur Molière et c'est un ouvrage dans lequel
04:02figuraient à peu près toutes les réponses que les héros doivent trouver pour avancer
04:09dans l'enquête.
04:10Je n'avais pas envie que toutes les réponses soient à un seul endroit, j'avais besoin
04:14qu'ils aillent chercher pour donner plus de sens et plus de panache à leur aventure
04:22pour qu'ils aillent creuser eux-mêmes.
04:23Et de là, je me suis inspiré des personnages qui se sont vraiment intéressés à cette
04:27affaire.
04:28L'enquête Molière, oui, c'est début du XXe siècle, 1919, le poète Maudit qui
04:32a été complètement écrasé par l'histoire et notamment pour ses trouvailles sur cette
04:39affaire.
04:40Et puis d'autres, d'autres moins connus, Anatole Loquin, etc., dont on ne cite même
04:45plus les noms parce qu'en fait, il y a tellement de détails sur cette affaire que si on commence
04:48à rentrer dans les détails, vraiment, on ne s'en sort plus.
04:52L'enquête cite évidemment les grosses parties de cette affaire, on ne peut pas aller chercher
05:01les noms de l'histoire, notamment au XVIIe siècle, il y a tellement de noms qui gravitent
05:05autour de Corneille, Molière, Racine, des gens qui n'ont pas été du tout retenus
05:10mais qui pourtant avaient un rôle à jouer.
05:11Donc dans un premier temps, ce qui m'a passionné, c'est tous ces gens qui gravitaient autour.
05:19Soudain, on se rend compte qu'il n'y a pas trois poètes classiques et puis quelques
05:23poètes entre les deux qui ont eu un doute et aujourd'hui, encore le doute qui plane,
05:29il y a eu tout un doute qui s'est creusé, qui a dépendu de plein de gens qui sont venus
05:36mettre leur nez dans cette affaire.
05:40Et derrière, avec tous ces éléments, il a fallu faire une pièce, faire une matière
05:44littéraire.
05:46On voit ces personnages qui mènent l'enquête à travers le Paris de 68 et qui viennent chercher
05:53les miettes que l'histoire a semées.
05:55Oui, vous arrivez très bien à mêler enquête, comédie et érudition.
05:59Et comment avez-vous équilibré tous ces éléments dans la pièce ?
06:03Déjà, j'ai eu la chance d'avoir de formidables relecteurs et ça, c'est une très bonne
06:08phrase de Boileau dans l'art poétique, c'est chercher qu'on vous conseille et non pas
06:11qu'on vous loue.
06:12Gretel Delattre, l'une des comédiennes, Julien Alluguet ont été tous deux de très bons
06:19relecteurs en me disant « ça c'est bien, mais tu ne te rends pas compte qu'en fait,
06:23cette scène-là, elle est beaucoup trop grande, il y a beaucoup trop d'informations ».
06:26Effectivement, au début, c'était vaste, les scènes d'information prenaient beaucoup
06:29plus d'espace.
06:30La pièce est aujourd'hui composée de trois parties et fait environ 65 pages.
06:34Au début, elle faisait deux parties, elle en faisait 95 et donc on n'avait pas encore
06:40la résolution.
06:41Et il y avait, je ne sais pas, j'imagine 30 pages qui n'étaient que de l'académique
06:47où on allait parler de poètes qui avaient dit ça, qui avaient dit ça, ça se controlisait,
06:51des voyages de Molière, de Corneille et finalement, on se rend compte que pour avoir l'idée
06:57du doute, pour montrer au public qu'on ne sait pas, il suffit de quelques briques tout
07:04simplement, il ne suffit pas d'avoir toute la toile sous nos yeux, mais juste de leur
07:08dire que le doute existe et comme de toute manière, il n'existe pas de réponse aujourd'hui
07:13précise.
07:14L'idée, ce n'était pas d'aller pencher d'un côté ou de l'autre, c'était de
07:17dire « ce doute existe, voici les premiers éléments qui sont factuels, ce sont les
07:24plus gros.
07:25Si derrière, des gens veulent aller creuser, on peut leur dire en sortant de la pièce
07:29qu'il y a plein d'autres… Il y a de la matière et qu'ils peuvent aller creuser.
07:34Comment on a fait pour rendre ça ludique, théâtral ? Déjà, on a des personnages
07:40secondaires qui sont haut en couleur.
07:42Il faut rappeler qu'il y a cinq comédiens et un musicien, mais il y a 30 personnages
07:48sur scène.
07:49C'est une industrie pour changer de costume en coulisses, c'est minimétré.
07:54Le théâtre qui se passe en coulisses, et pour les comédiens qui le vivent, je pense
07:59aussi intéressant que le public qui voit ce qui se passe sur scène.
08:03En tant que comédien, j'ai un compère qui s'appelle Jean-Philippe, qui sort, il a
08:0712 secondes pour changer d'époque et de costume, il sort, il arrache ses scratchs,
08:13il met un autre manteau sur lui, il se courbe, il met une casquette, il rentre de l'autre
08:16côté de la scène.
08:17C'est génial de voir comment en un instant, là où une caméra dirait « cut, séquence
08:23suivante, on change de décor, on change de costume », là, soudain, une lumière change
08:30et le public est transporté 25-35 ans auparavant, c'est assez génial.
08:34Déjà, on a 5 comédiens qui jouent une trentaine de personnages, on a les 5 rôles principaux
08:41qui vont lider l'enquête, et à côté de ces 5 rôles principaux, on en a une trentaine
08:45qui sont un peu des météores qui arrivent avec une énorme couleur, avec des caractères
08:51très flamboyants, un peu à la Fedo, on peut retrouver ce côté porte-qui-claque avec une
08:57comédienne de la comédie française dans les années 60, un peu diva, on a Robert Hirsch
09:02qui fait une apparition, qui d'autre ? Des bourgeois du XXe, on a Corneille Molière
09:09qui apparaissent de manière évanescente, est-ce qu'ils sont là, est-ce qu'ils ne
09:12sont pas là ? En tout cas, on a plein de couleurs qui jalonnent la pièce et qui viennent
09:19donner de la saveur à cette enquête.
09:20Oui, puis l'utilisation du musicien aussi, qui rythme merveilleusement la pièce.
09:27On est tombé sur un génie de la musique.
09:29Et comment, pourquoi ce musicien ?
09:33Pourquoi ? Moi, j'avais déjà vu ça dans certaines pièces, on me l'avait conseillé
09:37au début, il n'était pas forcément prévu quand j'ai écrit la pièce et on a commencé
09:42les répètes en voyant avec lui et en fait, tout de suite, ça habite encore plus les
09:50scènes parce qu'au-delà d'avoir créé des musiques qui épousent le rythme, qui
09:56épousent l'ambiance, le musicien connaît la manière de jouer sans les énergies des
10:03comédiens et va venir pouvoir mettre une note soulignée d'une phrase musicale, un
10:11aspect qu'il veut mettre en exergue.
10:13Et soudain, pareil que les rôles un peu flamboyants, ça donne de la couleur, ça donne
10:19du peps ou bien ça aide à avoir plus de couleurs, tout simplement.
10:30Et la pièce fait écho au débat actuel sur la vérité et les véracités historiques.
10:35C'était important pour vous de porter ce sujet en pièce parce que ça n'a jamais été
10:40fait ?
10:41Oui, de toute manière.
10:43Est-ce que c'était important de le mettre dans cette pièce-là ?
10:45Probablement, puisque ce sont des étudiants, des héros qui cherchent la vérité.
10:51Ce qui est intéressant, c'est qu'on est à une époque où la GPT, où les médias, les
10:57réseaux sociaux n'existent pas et que déjà, on se rend compte qu'en fait, il y a une
11:03fausseté noire qui règne dans bon nombre de documents, dans des documents d'archives.
11:09C'est passionnant, déjà rien que dans les recherches, de voir comme le mensonge est
11:12présent depuis longtemps et de voir, lors de l'écriture, que ce débat n'est pas nouveau
11:17en vérité. La première biographie de Molière, qui est sortie par Grimmarest, quand on la
11:22lit, on pourrait vraiment croire que Molière ne savait pas écrire.
11:26Grimmarest, un auteur de la fin du XVIIe siècle, écrit que Molière, on ne l'a jamais
11:31vu une plume à la main, qu'il n'avait aucun livre dans sa librairie, qu'il était
11:36complètement incompétent.
11:38Et surtout, il avait un métier, il était tapissier du roi, il était vraiment entrepreneur.
11:43Bien sûr, mais ce qui est intéressant, c'est que Grimmarest n'a pas du tout connu
11:46Molière, en fait, en vérité.
11:47Donc, pourquoi cette biographie, alors que cet homme n'a pas connu Molière ?
11:51Pourquoi aller le décrédibiliser, écrire sur un sujet qu'il ne maîtrise pas pour
11:56finalement léguer aux générations qui arrivent des vérités qui sont fausses, mais qui
12:01sont les seules qu'on avait à l'époque ?
12:02Ce sont les seuls mots, quasiment, qu'on a sur Molière, à part le registre de la
12:07Grange et deux ou trois autres archives.
12:08C'est tout.
12:09Il n'y a pas grand chose.
12:10Et quelles sont les réactions du public et des gens du théâtre ?
12:13Parce que la langue de Molière, la comédie française, tout le monde est très attaché
12:17à Molière et à croire que Molière a tout écrit.
12:21C'est intéressant, ça soulève encore des passions.
12:23Aujourd'hui, on avait vu il n'y a pas longtemps sur un plateau télé entre, d'ailleurs,
12:26Franck Véran et Francis Huster.
12:29Oui, je m'en souviens.
12:31Ça avait un peu chauffé, mais on voit que ça peut encore déchaîner des passions à
12:34ce point-là, c'est rigolo.
12:35Ce n'est pas ce qui se passe à la comédie Bastille parce qu'on ne penche ni d'un côté
12:38ni de l'autre. Au contraire, on vient apporter une réponse qui est une question
12:42supplémentaire, je dirais.
12:44Et la réaction des gens, elle est intriguante.
12:49Ils viennent souvent poser des questions.
12:51Certains n'ont jamais entendu parler de cette affaire, demandent si c'est vrai.
12:54Quelle est la part de vérité ?
12:57Ils viennent demander dans cette part de vérité, comment on en a entendu parler ?
13:02Sur quels documents ça repose ?
13:04Si ceux qu'on évoque dans la pièce, on peut les consulter.
13:08Le registre de la grange, par exemple.
13:09Est-ce que c'est vrai qu'il figure ça dans tel ordre, etc.
13:13Les gens sont plutôt accueillants à la réflexion, à la mise en cause de ça.
13:19Et c'est vrai que moi, j'étais une moliériste acharnée et en sortant du théâtre,
13:26j'ai eu plein de doutes et j'ai des doutes maintenant.
13:28Donc, c'est réussi parce qu'en effet, il y a un équilibre et chacun, finalement,
13:33ressort avec son opinion ou ses doutes, surtout.
13:36L'équilibre tient à l'opposition des forces qui ont été amenées pendant
13:40ces décennies d'années de recherche.
13:43Aujourd'hui, ce serait un petit peu compliqué d'arriver de manière
13:46péremptoire et de dire non, c'est lui qui a écrit.
13:49Vraiment, on ne le sait pas.
13:50Ça m'étonnerait qu'on puisse le savoir un jour.
13:52Il peut y avoir des convictions.
13:53Le doute est là et toujours là.
13:55Le doute est toujours là.
13:56Merci, merci beaucoup, Marc Tourneboeuf.
13:59Et on va accueillir maintenant Christophe Ségurat, directeur et
14:03producteur de la Comédie Bastille.
14:04A tout de suite.
14:10Bonjour, Christophe Ségurat, vous êtes directeur de la Comédie Bastille
14:14et aussi producteur de la pièce L'Affaire Corneille-Molière.
14:18Merci d'être parmi nous.
14:19Merci, Marie-Laure, de m'accueillir.
14:21On va d'abord parler un peu de la programmation.
14:23Comment choisissez-vous les pièces pour la Comédie Bastille ?
14:27Disons qu'il y a plusieurs vecteurs.
14:29Oui, un moyen pour choisir les pièces.
14:31Tout d'abord, je reçois des textes.
14:33Je lis, on organise des lectures.
14:35Et puis après, j'ai des projets qui arrivent déjà montés.
14:38Mais je pars toujours sur des sujets qui me tiennent à cœur.
14:42Et on va au feeling.
14:44Il faut que ce soit vraiment que le sujet de la pièce m'intéresse
14:48et puisse aussi intéresser les spectateurs.
14:51Est-ce que vous cherchez à ce que le maximum de public soit intéressé
14:55des jeunes ou plus âgés à chaque fois pour chaque pièce ?
14:59Ça dépend des pièces.
15:01Il y a des pièces effectivement qui sont pour un public large
15:03et d'autres pièces qui sont pour un public plus restreint.
15:06Ça dépend des projets, ça dépend des envies aussi.
15:09Voilà, des coups de cœur.
15:11Et quand vous parlez d'une équipe montée,
15:13c'est-à-dire qu'il y a déjà les comédiens qui peuvent venir sur scène,
15:16ça a déjà été répété et préparé ?
15:19Quand j'ai une équipe montée, c'est-à-dire que le texte arrive
15:21avec déjà les comédiens, les metteurs en scène.
15:25L'équipe a été formée déjà.
15:27Et à partir de là, on organise ce qu'on appelle de premier temps,
15:29c'est une lecture au plateau pour voir ce que ça va donner,
15:32le texte en bouche avec les comédiens.
15:33Et vous, en tant que producteur, vous ne produisez pas toutes les pièces
15:36qui sont jouées à la Comédie Bastille.
15:38Comment vous choisissez en fait ?
15:40En fait, je pense que je dois être l'un des seuls directeurs de Paris
15:42à produire la majorité des pièces qui sont à l'affiche,
15:45puisqu'actuellement sur sept pièces qui se jouent,
15:47j'en produis cinq, tout seul.
15:49Après, effectivement, on ne peut pas tout produire
15:51parce que ça a un coût financier conséquent.
15:54Les autres pièces que je ne produis pas,
15:57ce sont des projets qui me tiennent à cœur
15:58et qu'ils peuvent se financer eux-mêmes
16:00parce qu'ils ont des productions pour les accompagner.
16:02Et il y a un intérêt à être producteur aussi ?
16:05Je veux dire, c'est lucratif quelque part ?
16:07On entend tellement souvent dire que c'est quand même compliqué
16:11d'avoir une pièce rentable.
16:12Est-ce que vous vous y retrouvez en termes de viabilité
16:15par pièce finalement en tant que producteur ?
16:17Alors c'est vrai que c'est un métier dur
16:19puisque nous, on est un théâtre privé,
16:21donc on ne fonctionne majoritairement qu'à la billetterie.
16:24Pourquoi déjà ?
16:25Parce qu'en fait, moi, effectivement, je suis directeur de la Comédie Blastive,
16:27mais je suis aussi producteur
16:29puisque j'ai une société qui s'appelle Marie du Production depuis 15 ans
16:31où je produis des spectacles sur le Festival d'Avignon
16:33et j'organise des tournées.
16:34Donc mon métier, mon cœur, c'est d'être producteur.
16:37Alors quand on est producteur, on est joueur aussi.
16:39Et l'autre chose, pourquoi tant de production ?
16:41C'est parce que les associations sont compliquées
16:44et des fois, il vaut mieux être producteur seul
16:46que d'avoir des coproducteurs avec qui ça ne se passerait pas très bien.
16:50Mais la majorité, c'est parce qu'effectivement,
16:53je suis habitué à produire seul des spectacles.
16:55C'est pour ça que j'ai toujours fait comme ça.
16:57Alors, c'est vrai que tous ne sont pas viables
16:59et que vous connaissez l'histoire.
17:01Comment devenir millionnaire en ayant un théâtre ?
17:03Il faut d'abord être milliardaire.
17:05C'est bien dit.
17:08Et donc, il n'y a pas de subvention, c'est ça ?
17:10Il n'y a pas de... ou comment ça se passe ?
17:12Est-ce que de temps en temps, vous en avez, des partenariats pour vous aider ?
17:15Alors, partenariats, non.
17:17Par contre, effectivement, on a l'association
17:19au soutien au théâtre privé qui nous aide dans certains cas.
17:23C'est-à-dire qu'en faisant une création,
17:27on a le droit, effectivement, à une allocation,
17:29ce qu'on appelle allocation montage.
17:31La STP nous aide sur le montage du spectacle
17:33et après, on a ce qu'on appelle l'aide au déficit.
17:37C'est-à-dire que la STP nous garantit 30% des pertes du spectacle qu'on a créé.
17:43Ah oui, d'accord.
17:44Mais ça, je veux dire, ce n'est pas une subvention...
17:49Enfin, comment dire ?
17:50Ce n'est pas une subvention qui est systématique.
17:54Elle n'existe que si on fait de la création.
17:57Oui, je comprends.
17:58Et donc, pour l'affaire Corneille-Molière,
18:05c'est pareil, vous avez le coup de cœur pour produire la pièce.
18:09C'est aussi, je crois, la troisième fois que vous produisez des pièces de marque Tourneboeuf.
18:13Donc, c'est parce qu'il y a un feeling entre vous ?
18:16Oui, il faut dire que Marc, c'est un jeune auteur puisqu'il vient de fêter ses 30 ans.
18:21J'ai eu l'occasion de le rencontrer à la sortie du Covid en 2021.
18:25On avait fait partie d'un festival où on accueillait une de ses pièces,
18:29qui s'appelait Astrid, 12 comédiens qui jouaient pas moins de 50 personnages,
18:321h45 en alexandrin.
18:34Donc, c'est une grosse gageure pour le théâtre,
18:35parce qu'il faut rappeler que la Comédie Bastille, c'est un théâtre de 188 places
18:38et qui dit 188 places dans la salle, forcément,
18:41les loges ne sont pas adaptées pour des grosses équipes.
18:44Donc, sur cet événement, c'était très drôle,
18:46puisqu'on a carrément monté une loge éphémère à l'extérieur avec une tente
18:50pour qu'ils puissent changer ces 12 comédiens.
18:53À partir de là, le spectacle m'a plu et je l'ai produit pendant un an à la Comédie Bastille.
18:57Suite à ça, j'ai produit cette pièce qui s'appelait Astrid,
19:00une deuxième pièce à lui qui s'appelait l'Ambition des damnés.
19:02Et la pièce actuelle, l'Affaire Corneille-Molière, en fait, ça a été un peu plus long.
19:07On a mis trois ans pour pouvoir la monter.
19:09J'ai assisté à plusieurs lectures, trois lectures.
19:11Mais après, c'est toujours pareil, ce n'est jamais le bon moment.
19:14Tout le monde, les acteurs disponibles, connaît la production.
19:17Et voilà, ça s'est fait pour février 2025.
19:20On est très contents parce que ça démarre plutôt bien.
19:22Ça démarre plutôt bien.
19:23Très encourageant.
19:24Et vous la jouez jusqu'à quand ?
19:25Pour l'instant, c'est jusqu'au dimanche 29 juin.
19:28D'accord. Et Avignon est prévu pour cette pièce ou pas ?
19:31Non, pas pour l'instant.
19:32Non, on va laisser sa chance à Paris.
19:33Effectivement, si ça fonctionne bien, on la prolongera jusqu'à la fin de l'année.
19:36Ah oui, d'accord. D'accord, d'accord.
19:38Et quels sont, est-ce que vous avez des projets futurs déjà ?
19:41Est-ce que la programmation est déjà faite pour la rentrée en septembre 2025 ?
19:46Comment vous procédez ?
19:47Alors là, vraiment, cette année, j'ai travaillé très en amont
19:50puisque j'ai déjà deux de mes spectacles,
19:52dont ma création sur septembre qui est déjà prévue.
19:55C'est une pièce sur Diderot-Rousseau
19:59qui s'appelle La raison du plus fou,
20:02qui est une pièce de Franck Mercadal avec Franck Mercadal et Grégory Baquet.
20:06Donc, je suis vraiment très heureux d'avoir Grégory au théâtre chez nous
20:09puisque Grégory est sur 50 000 trucs.
20:12Et c'est vraiment toujours compliqué d'avoir un créneau
20:13pour qu'il puisse être disponible sur Paris.
20:15Effectivement, c'est l'un de mes spectacles, donc la rentrée.
20:18Et le deuxième, nous avons la chance d'accueillir Ziz.
20:21Je ne sais pas si vous connaissez Ziz,
20:22ce personnage en couleur qui vient de Marseille
20:24et qui est dans Les grosses têtes avec Ruquier.
20:26Voilà, et qui a créé son nouveau spectacle qui s'appelle Irrésistible
20:29à la Comédie Bastille à partir de septembre.
20:31D'accord. Voilà.
20:32Et en parlant de programmation, puisque je vais faire un petit peu de publicité aussi,
20:34on a un spectacle qui se joue depuis huit ans maintenant.
20:36On a dépassé les 1800 représentations
20:38et qui parle de l'évolution des droits de la femme sur les 60 dernières années
20:41qui s'appelle, et pendant ce temps Simone Veil.
20:43Gros, gros succès.
20:44Après, spectacle nécessaire parce que les droits des femmes,
20:48il y a des choses qui ont été faites.
20:49Malheureusement, il y a encore beaucoup, beaucoup de choses à faire.
20:51Et c'est vraiment un spectacle qui draine énormément de jeunes publics.
20:54Qu'est-ce qu'on fait, en fait, de jeunes publics ?
20:56On fait beaucoup de scolaires et de collèges et de lycées sur ce spectacle
21:00qui est vraiment nécessaire, autant pour les garçons que pour les filles.
21:02Bien sûr, bien sûr. Et oui, donc depuis huit ans.
21:06Oui, exactement. Depuis mai 2017.
21:08Ah oui, joli, joli succès.
21:11Et en termes d'enjeux financiers,
21:14comment trouvez-vous l'équilibre pour les productions ?
21:16On a compris que c'était un petit peu compliqué.
21:18Mais pour le théâtre lui-même, comment vous fonctionnez en fait ?
21:21On fonctionne à la billetterie.
21:23Exactement.
21:23C'est tout.
21:24Oui, donc je repris, moi, juste pour avoir un petit peu l'historique,
21:27j'ai repris le théâtre en direction depuis juin 2015.
21:31Donc, on est arrivé juste après les attentats de Charlie Hebdo,
21:33parce qu'il faut savoir que la Comédie Bastille se situe aux cinq rues Nicolas Perthes.
21:37Charlie Hebdo était aux dix rues Nicolas Perthes,
21:39donc vraiment le soutenir d'en face.
21:40Et après, malheureusement, on a eu des attentats de novembre du Bataclan.
21:43On s'est vraiment trouvé au milieu de ces deux attentats horribles.
21:48Et il a fallu déjà dans un premier temps refaire surface
21:50parce que le deuxième attentat étant dans une salle de spectacle,
21:53on a perdu du jour au lendemain, on a perdu 90% du public
21:57parce que le public avait eu peur, ce qui est normal.
22:00Donc, il a fallu travailler là-dessus, reconquérir un public de quartier.
22:04Donc, on a mis en place un tarif professionnel pour les habitants du 11e,
22:08donc à 12,50€ au lieu de 39,50€.
22:11C'est moins cher qu'une place de cinéma.
22:12Et ce qui permet, en fait, du dernier moment,
22:14ils se disent, tiens, qu'est-ce qu'on fait ce soir ?
22:15Tiens, si on allait au théâtre.
22:16Ils descendent et ils viennent nous voir.
22:18Ça, c'est une bonne chose, très bonne chose.
22:20Est-ce que les entreprises vous aident ou est-ce que vous souhaiteriez qu'elles vous aident ?
22:23Si elles ne le font pas, comment elles pourraient vous aider ?
22:27Alors, je vais sortir une phrase que m'a sortie Marc Tourneboeuf.
22:30Cet auteur jeune, talentueux, en me disant,
22:32ben voilà, il faudrait demander à nos chers mécènes qui nous aident pour mécènes au théâtre.
22:38Effectivement, c'est vrai que tout ce qui est mécénat,
22:42c'est plus pour, on va dire, tout ce qui est le musée ou alors c'est les grands théâtres.
22:49C'est comme la Comédie-Française, le Théâtre du Châtelet, ils ont des mécènes.
22:51Mais c'est vrai que nous, les petits théâtres, non, on ne bénéficie d'aucun mécène,
22:55sachant qu'en plus, ils ont le droit à une défiscalisation comme partout à 60%, je crois,
23:00d'autofiscalisation s'ils aident à une production.
23:04Donc, aux entrepreneurs, un bon message.
23:06Donc, le théâtre privé peut être aidé de façon intéressante.
23:11Bien sûr.
23:12Oui, c'est vrai que c'est la différence entre le public et privé qui se joue là.
23:17Il y a les subventions et le mécénat pour le public et en fait rien pour le privé.
23:22On essaye, mais c'est vrai que c'est compliqué.
23:25Qu'est-ce que vous diriez aux spectateurs pour qu'ils viennent voir l'affaire Cornille-Molière,
23:32notamment, parce que vous êtes producteur quand même de cette pièce.
23:35Disons que c'est une...
23:36Moi, ce que j'adore dans...
23:38Déjà, l'écriture est très jeune, c'est très dynamique, ça va très vite.
23:41On a cinq comédiens sur scène qui jouent 40 personnages.
23:43Donc, ça va vraiment très, très vite, 1h20.
23:45Et l'avantage de cette pièce, je trouve aussi, ça a été l'originalité,
23:48c'est-à-dire de mettre un musicien en live,
23:51donc qui est là avec le public et qui fait toutes les musiques de scène et tout le bruitage.
23:55C'est vraiment très intéressant.
23:56Ah oui, ça rythme complètement la pièce.
23:58Exactement.
23:59Et puis le fait de partir comme ça, de se retrouver en 1968 avec trois étudiants
24:02qui repartent chercher la théorie de Pierre-Louis en 1919
24:06et ensuite on repart dans les années...
24:07Enfin, 17e, c'est-à-dire en 1772, à l'époque de Cornille-Molière à Rouen.
24:12Ça passe d'une époque à l'autre, d'une rapidité phénoménale.
24:16Et en plus, il y a un jeu de lumière avec des LED qui est vraiment très original aussi,
24:20puisque ça nous permet vraiment de découper, comment dire,
24:24créer les ambiances et les lieux en deux secondes.
24:27Vous avez une fenêtre, vous avez la voiture, c'est vraiment hyper bien fait et original.
24:31Oui, c'est très innovant aussi.
24:34Et est-ce que vous accordez une place particulière aux jeunes créateurs,
24:37aux jeunes metteurs en scène ?
24:39Ou est-ce que c'est selon les coups de cœur, comme vous le disiez au début ?
24:43Oui, alors je travaille vraiment majoritairement avec des auteurs vivants, contemporains vivants.
24:49C'est rare que je fasse du classique.
24:51Après, je n'ai pas plus de prédilection pour l'âge.
24:56C'est vraiment les coups de cœur et c'est l'écriture qui me tient à cœur.
24:58Après, effectivement, quand Marc Tournebeuf,
25:00disons que c'est quelqu'un avec qui je travaillais, c'est un auteur que je travaille depuis trois ans.
25:03Enfin, c'est la troisième année que je travaille avec lui,
25:05donc effectivement, il y a des liens qui se créent et c'est plus facile.
25:09Et quand ça marche bien avec quelqu'un, c'est comme partout.
25:11Vous gardez toujours les équipes avec lesquelles ça fonctionne bien.
25:14Mais sinon, il n'y a pas de critère pour du jeunisme ou pas du tout.
25:19On ne change pas une équipe qui gagne, c'est un peu ça.
25:21On vous voit très, très actif au théâtre.
25:25Tous les soirs, vous êtes présent, vous accueillez absolument tout le monde.
25:28Vous faites plein de vidéos pour montrer ce que vous avez fait de nouveau comme décoration.
25:33Vous êtes très investi.
25:34C'est presque un sacerdoce, en fait, votre métier.
25:38Non, je ne dirais pas un sacerdoce, c'est une passion.
25:40Effectivement, je suis sept jours sur sept au théâtre du matin au soir.
25:45Pour moi, l'accueil du public, c'est ce qu'il y a de primordial.
25:48Donc, on fait tout au théâtre pour que le public, de toute façon,
25:50il est là pour passer un bon moment, pour qu'on les accueille,
25:52qu'ils soient accueillis dans les meilleures conditions et pour venir se distraire
25:55et se divertir, puisqu'on est là pour offrir pendant une heure vingt
25:59ou une heure et demie, un sac de décompression.
26:01C'est à dire qu'il va rentrer dans la salle,
26:03il va s'installer et on va lui faire oublier pendant une heure,
26:06voilà un peu plus d'une heure, les tracas du quotidien.
26:09C'est hyper important pour moi.
26:10Et ce que je disais en dix ans, effectivement, on a vraiment,
26:13j'ai la chance et c'est une chance qui a été travaillée avec mes équipes.
26:17C'est vraiment un travail de faire venir au théâtre un public.
26:21En plus, j'ai vraiment une programmation très éclectique,
26:23vraiment très, très large.
26:24Il y en a pour tous les goûts et on a la chance d'avoir un public qui nous suit.
26:27Généralement, quand il y aura une de nos pièces,
26:28ils viennent après voir toutes les autres.
26:30Exactement, c'est ce que je disais souvent.
26:32C'est ce que je dis souvent, c'est qu'il y a une programmation formidable
26:35à la Comédie Bastille et on peut y aller les demander.
26:38C'est toujours des pièces merveilleuses à voir.
26:41Et puis, l'accueil de vous, de vos équipes est aussi merveilleuse.
26:46Il y a le petit bas, c'est très, très cosy en plus, je trouve.
26:49Voilà, merci beaucoup, Christophe Segura.
26:53Merci infiniment et on va venir vous voir ou vous revoir à la Comédie Bastille.
26:59Et donc, c'est ainsi que se termine notre émission.
27:01J'espère que vous allez tous aller voir l'affaire Corneille-Molière
27:04à la Comédie Bastille qui se joue jusqu'à fin juin 2025.
27:08Et merci à Christophe Segura et à Marc Tourneboeuf.
27:11Et à une prochaine fois pour une prochaine émission.
27:13À très vite sur Scène en lumière.