00:00Il est 19h33 sur Europe 1. Faut-il remplacer les vitraux de Notre-Dame de Paris signé Violet-le-Duc
00:07par des vitraux contemporains ? Sachant que les vitraux d'origine n'ont pas été endommagés par l'incendie, je le précise.
00:13En tout cas, c'est le souhait d'Emmanuel Macron qui a relancé le concours pour désigner l'artiste qui serait à l'œuvre
00:20pour installer des vitraux contemporains dans les six chapelles du bas côté sud de la Neve, donc côté Seine.
00:26Huit candidats ont été retenus et un artiste serait choisi pour la réouverture du monument en fin d'année.
00:32Bonsoir, Didier Richner.
00:33Bonsoir.
00:33Merci d'être avec nous dans ce studio. Historien, fondateur de la Tribune de l'Art et auteur de Notre-Dame, une affaire d'État.
00:40Autant le dire tout de suite, vous êtes contre ce remplacement des vitraux. Pourquoi vous avez lancé cette pétition ? Dans quelles circonstances ?
00:50En fait, j'ai appris au moment où Emmanuel Macron visitait la cathédrale et qui disait qu'il allait remplacer ses vitraux,
00:57que cette décision, il l'avait prise alors que ça faisait longtemps que le clergé, c'est vrai, le diocèse voulait faire cela,
01:03que quatre ans avant, trois ans avant, le ministère de la Culture avait dit non, on ne peut pas le faire.
01:08Donc une continuité de l'État, non, on ne peut pas le faire. On ne peut toujours pas le faire trois ans après qu'on ne pouvait le faire il y a trois ans.
01:14Et donc, moi ça me scandalise parce que Violet-le-Duc est très important pour Notre-Dame de Paris.
01:18On a voulu restaurer la cathédrale dans l'état Violet-le-Duc.
01:22Et là, on va casser un peu plus l'intérêt de Violet-le-Duc parce que c'est vrai qu'il a déjà été pas mal abîmé au cours du temps.
01:29Mais là, ce n'est pas supportable. Donc j'ai lancé la pétition en pensant qu'elle marcherait. Effectivement, elle a marché.
01:34Oui, près de 200 000 signatures à l'heure où l'on parle. On atteint les 200 000 signatures. D'ailleurs, c'était votre objectif.
01:40Il y a une chose que peut-être les auditeurs d'Europe 1 voudraient savoir. On dit que les vitraux n'ont pas été endommagés par l'incendie. C'est vrai. Dans quel état sont-ils réellement ?
01:49En fait, les vitraux étaient en bon état comme la plupart des œuvres d'art dans Notre-Dame. Pas au-dessus, évidemment.
01:54Et ils ont été restaurés même avec l'argent des donateurs.
01:56Ah, ils ont déjà été restaurés ?
01:57Oui, ils ont été restaurés parce qu'il n'était pas question, Roselyne Bachelot avait dit qu'il n'était pas question de les changer.
02:01Donc on les restaure. Bien sûr, ils ont été restaurés en même temps que les chapelles.
02:04Et maintenant, on dit qu'on va déposer ces vitraux restaurés et qu'on va les mettre en caisse. Parce qu'on les mettra en caisse, c'est clair.
02:10On ne va pas les mettre dans un musée comme l'a dit le président de la République. C'est impossible. Ils sont trop grands. Il y aurait trop de place.
02:14Même pas dans un musée. Il n'y aurait pas une place dans un musée si jamais ce que veut Emmanuel Macron aboutit.
02:19Non, parce que ça n'a pas d'intérêt.
02:21Donc c'est de l'argent public gaspillé, on dit les choses.
02:23Clairement, bien sûr, oui. Pour du vandalisme.
02:26On ne pourrait pas les mettre dans un musée. Ils ont un terrain in situ. Ils sont beaux.
02:30Mais parce qu'ils sont dans la cathédrale, ils ont été voulus comme tels. Dans une grande salle, ça n'a pas de sens d'un musée.
02:36Et en plus, ça empêcherait d'exposer d'autres œuvres dans le musée de l'œuvre qu'on va faire.
02:39Didier Rignard, combien ? Juste parce que je suis sûr que les auditeurs de Repent se posent la question.
02:43Est-ce que vous avez une idée du prix qu'a coûté la restauration des vitraux ? Une fourchette, je ne vous demande pas le prix exact.
02:49La restauration des vitraux elle-même, c'était un nettoyage, simplement. Ils ont fait quelque chose d'assez simple.
02:53C'est plusieurs dizaines de milliers d'euros, peut-être quelques centaines, peut-être pas quelques centaines.
02:57Mais il faut savoir qu'avec l'argent qu'on avait pour Notre-Dame, on avait dépensé beaucoup d'argent pour aller vite.
03:01Donc c'est vrai qu'il y a, pour six chapelles, on a dépensé au moins plusieurs dizaines de milliers d'euros.
03:06Alors vous nous dites aussi que la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture s'y opposent.
03:11S'y opposent à changer ses vitraux. Est-ce que le chef de l'État peut passer outre cet avis consultatif ?
03:18Alors l'ASANPA est une commission d'experts qui conseille la ministre de la Culture, pas le chef de l'État,
03:25parce que le chef de l'État normalement il n'a pas à s'occuper de ça,
03:28qui conseille la ministre de la Culture ou le ministre de la Culture, qui peut suivre ou non son avis.
03:32En général, dans 95% des cas, le ministre de la Culture suit son avis.
03:35Là, évidemment, c'est le chef de l'État qui décide, donc elle n'a pas suivi son avis.
03:40Mais quels sont vos recours ? Si jamais effectivement...
03:43Mes recours à moi...
03:44Quels sont vos recours ? Enfin, pas les vôtres, bien sûr.
03:47Lydie Rikner, bien sûr, tout le monde aura compris, pas vous personnellement,
03:50mais tous ceux effectivement qui s'opposent à ces changements de vitraux.
03:54Est-ce que vous avez des recours ? Est-ce que vous avez un moyen d'empêcher que l'on change les vitraux de Notre-Dame ?
03:58Outre la mobilisation de l'opinion publique que j'essaie de faire, il y a le moyen judiciaire,
04:03c'est-à-dire d'aller devant les tribunaux administratifs pour contester les décisions qui n'ont pas encore été prises.
04:07Parce que là, ils avancent, ils n'ont pris aucune décision officielle, aucune décision qui peut s'attaquer.
04:11Mais l'association de sites et monuments, qui est la plus ancienne association de protection du patrimoine en France,
04:16est décidée, elle est dans les starting blocks, pour attaquer cette décision qui est attaquable.
04:21Parce que ça concerne un monument classé, et qu'on ne peut pas changer comme ça un monument classé comme on le veut.
04:27Alors effectivement, théoriquement, le ministère de la Culture peut dire qu'on casse même un monument classé.
04:32Mais il y a heureusement des recours, des recours judiciaires, oui, et ceux-ci vont avoir lieu.
04:35Mais ça prend combien de temps ? Ça prend du temps ça, Lydie Rikner ?
04:38Ça prend du temps, c'est toujours le problème. Mais faire les vitraux, ça prend du temps aussi.
04:41C'est-à-dire qu'en novembre, ils doivent désigner l'horaire, mais les vitraux ne seront pas installés avant, il faut les faire.
04:46Donc ça ne sera pas installé, le chantier ne sera pas lancé tout de suite.
04:49Il y a aussi la possibilité de faire des référés. Enfin, on va se battre.
04:54Et puis de toute façon, si on ne se battait pas, ils feraient ce qu'ils voulaient.
04:57Gabrielle Cluzel et Lou Fritek sont dans ce studio. Vous êtes favorable, vous, à des vitraux contemporains, Gabrielle Cluzel ?
05:04Je suis absolument contre. J'avoue que je partage l'avis des 200 000 Français qui ont signé cette pétition, pour trois raisons.
05:11Le premier, c'est le bon sens. Pourquoi on est en train de reconstruire une cathédrale ?
05:15Pourquoi changer ce qui précisément n'a pas été détruit dans l'incendie et rompre l'harmonie dont vous avez parlé, l'harmonie globale ?
05:22Je pense aussi, alors là je parle peut-être en journalisme, j'essaie d'analyser ce qui se passe dans cette pétition.
05:27Je pense qu'il y a une exaspération, d'une part du fait du prince, parce qu'on se dit, mais pourquoi les propriétaires de petits châteaux de province,
05:35dont les châteaux sont classés, ils veulent changer une fenêtre ? C'est impossible.
05:39Mais là, pour un monument pareil, le président de la République peut claquer des doigts et ce sera fait.
05:44Donc ça, c'est assez incompréhensible. Et puis le troisième point, c'est qu'on s'en souvient, il voulait un geste contemporain.
05:50Il en avait parlé pour la flèche de la cathédrale. Il avait même dit ce qu'on avait trouvé quand même tout petit peu prétentieux.
05:55La cathédrale sera encore plus belle qu'avant, je ne sais pas si vous vous souvenez.
05:58Il avait eu une broncaille, il avait finalement oublié, enfin mis de côté ce geste contemporain.
06:03Sorti par la porte, il revient par la fenêtre avec des vitraux qui en plus, encore une fois, n'ont pas été détruits.
06:07Donc c'est encore moins justifié, si j'ose dire.
06:09Alors Lou Fritelle, je voudrais aussi vous entendre, journaliste politique à Paris Match.
06:14Pardon, mais Emmanuel Macron, par ce fait du prince, comme le dit Gabriel Cluzel, il veut quoi, laisser une trace dans l'histoire ?
06:22Est-ce que c'est très mégalo, finalement ?
06:24Tout à fait, mais il a en exemple, dans son panthéon personnel, un certain François Mitterrand.
06:29François Mitterrand qui avait été très attaqué sur des décisions comme la pyramide du Louvre ou la Bibliothèque Nationale de France.
06:36Toutefois, il y avait une grande différence, c'est que Mitterrand avait une implication personnelle et un attachement à la question architecturale
06:46qui n'est pas du tout celle d'Emmanuel Macron.
06:48Lui, il a suivi pendant des mois, des années, des travaux d'ampleur.
06:52Et en plus, pour avoir quand même quelques ennuis à la fin, je pense à la Bibliothèque Nationale de France
06:56où la disposition faisait que les ouvrages pouvaient être adbinés par le soleil traversant les vitres.
07:04Emmanuel Macron, quand il propose de remplacer les vitraux sans crier gare, on ne sait même pas vraiment d'où ça sort,
07:11est dans un mimétisme qui trahit d'autant plus son absence finalement de colonne vertébrale.
07:18Une question encore, pas sur Emmanuel Macron.
07:21Vous avez vu que le pape François a d'ores et déjà annoncé qu'il ne se rendra pas à la cérémonie de réouverture de la cathédrale Notre-Dame.
07:29Il n'a donné aucune raison à cela.
07:31Est-ce que vous y voyez peut-être, Didier Rikner, historien, fondateur de la Tribune de l'Art, auteur de Notre-Dame, une affaire d'Etat,
07:38est-ce que vous y voyez un signe de mécontentement du pape ?
07:41J'aimerais bien que ça soit un signe de mécontentement.
07:43Je vais lui envoyer un message pour signer la pétition.
07:47Je ne suis pas certain, parce qu'il est vrai que Mgr Ulrich, qui est aussi favorable à cela, n'est pas un ami du patrimoine,
07:54et Mgr Ulrich a vraiment été nommé par le pape.
07:56Je ne suis pas certain que l'Église, il faut se rappeler, je le rappelle toujours,
08:00que dans les années 60-70, la plus grande destruction, le plus grand vandalisme en France, dans les édifices collégiaux, c'est l'Église qui l'a fait.
08:06Depuis la Révolution française.
08:07Et ça continue un petit peu maintenant.
08:09Pourquoi ? Expliquez aux auditeurs.
08:11Le Concile Vatican II qui a été mal compris en France.
08:14En Italie, les églises sont restées normales, mais en France, on a détruit les chaires, les clôtures de chœurs.
08:19Il faut savoir que la clôture de chœurs de Viollet-le-Duc a été enlevée par Mgr Lustiger il y a 15 ans.
08:24Parce que que disait Vatican II, pardon, excusez-moi, mais ça m'a échappé.
08:26Vatican II, c'était, vous savez, Vatican, entre autres, c'était l'officiant est devant le peuple, enfin devant les fidèles,
08:35et il ne tourne plus le dos aux fidèles.
08:37Donc on change de place l'hôtel, mais on peut très bien faire ça dans un monument ancien.
08:42En France, on a considéré qu'il fallait enlever tout le mobilier ancien.
08:45Et il y a eu beaucoup de vandalisme dans beaucoup d'églises.
08:48Et ça a continué dans Notre-Dame il y a encore quelques années.
08:50On a enlevé la couronne de lumière de Viollet-le-Duc.
08:53On a enlevé la clôture de chœurs de Viollet-le-Duc.
08:55Et c'est un vrai problème.
08:56Merci beaucoup Didier Rickner d'avoir été avec nous.
08:59En direct sur Europe 1, votre pétition va atteindre les 200 000 signatures.
09:04Sera-t-elle suffisante pour faire pression et faire barrage à Emmanuel Macron ?
09:08Merci beaucoup.
09:09Je vous rappelle que vous vous battez pour que les vitraux de Notre-Dame qui ont été restaurés,
09:13qui sont en bon état, les vitraux d'origine, soient conservés.
09:17Merci beaucoup.