Il est en général bon de dénoncer le bullshit, mais savons-nous pourquoi un si grand nombre de dirigeants en sont arrivés à cette forme de communication ? Et si le bullshit était souvent la seule solution qui reste à des dirigeants dans un univers où la parole est exigée, mais doit être politiquement correcte en permanence pour tous. Pour éviter des accusations tous azimuts, courir le risque de l’insipidité et du bullshit est finalement une solution de facilité. [...]
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 [Générique]
00:08 Il est en général bon de dénoncer le bullshit,
00:11 mais savons-nous pourquoi un si grand nombre de dirigeants
00:14 en sont arrivés à cette forme de communication ?
00:17 Et si le bullshit était souvent la seule solution qui reste à des dirigeants
00:21 dans un univers où la parole est exigée
00:24 mais doit être politiquement correcte en permanence pour tous ?
00:28 Pour éviter des accusations tous azimuts,
00:31 courir le risque de l'insipidité et du bullshit
00:34 est finalement une solution de facilité.
00:37 L'entreprise n'est pas une entité fermée,
00:39 elle interagit avec plusieurs univers qui coexistent,
00:42 aussi bien en interne qu'en externe.
00:45 Elle avait avant la possibilité de moduler plus ou moins les messages
00:49 en fonction des différentes cibles.
00:51 Cela est devenu impossible, car d'une part,
00:54 les cibles sont moins distinctes, se recoupent,
00:56 et surtout, d'autre part, les messages ne sont plus invisibles d'une cible à l'autre.
01:01 Tous les murs ont désormais des oreilles.
01:04 La cohérence est exigée entre ce qui est dit aux actionnaires,
01:08 aux parties prenantes, aux employés, aux clients,
01:11 mais les exigences à l'œuvre, souvent contradictoires,
01:15 rendent une communication politiquement correcte pour tous quasiment impossible.
01:20 Dans ce monde d'insatisfaction archipelisée,
01:23 la conclusion est simple, à tous les coups, on perd.
01:27 L'insipide ou la langue de bois,
01:29 sorte de plus petit dénominateur commun de la communication, s'impose.
01:34 Si Hollande, Sarkozy ou Macron sont tous autant critiqués
01:37 et de façon si similaire pendant leur présidence,
01:40 alors qu'ils sont des personnages très différents,
01:42 c'est que la présidence incarne à chaque fois la frustration face à la fonction présidentielle.
01:48 Elle ne peut pas faire tout ce qu'on attend d'elle.
01:50 Elle peut plus facilement annoncer que faire.
01:53 Beaucoup de dirigeants et même de simples managers sont dans la même situation.
01:58 On attend aujourd'hui tout et son contraire des autorités, quelles qu'elles soient.
02:02 À tous les coups, on perd.
02:04 « La critique est aisée, mais l'art est difficile »,
02:07 disaient déjà Détouche en 1732.
02:11 Il y a loin du discours aux actes, même si on veut sincèrement y parvenir.
02:15 On fera ici naïvement, mais volontairement, l'hypothèse de la sincérité des dirigeants.
02:20 Agir pour le climat, verdir son entreprise,
02:23 sans faire ce qui sera dénoncé comme du greenwashing.
02:26 Mettre en œuvre une vraie politique RSE sans que soit dénoncé du social washing.
02:32 Voilà de bons enjeux d'action et de communication,
02:35 où le bullshit sera souvent la solution la plus facile, bien qu'elle soit décriée.
02:40 En stratégie des organisations,
02:42 cela impliquera désormais une très grande prudence en communication
02:46 qui devient une action stratégique majeure,
02:48 qui d'ailleurs sera de plus en plus scrutée par les conseillers d'administration,
02:53 les actionnaires et toutes les parties prenantes externes.
02:56 Il y aura encore beaucoup de bullshit, mais heureusement aussi de vraies interrogations
03:00 sur les actions concrètes à mener, sur la façon de les concevoir, de les communiquer.
03:05 Enfin, on verra aussi apparaître de véritables savoir-faire
03:09 pour exprimer avec clarté ce que l'on fait
03:11 et pour assumer avec courage que quoi que l'on fasse,
03:14 toute mesure rencontrera des oppositions.
03:17 Ce courage devrait être accompagné d'une hygiène de la décision,
03:22 opposable à tous, car expliquant le rationnel d'une décision et du processus qui y a mené.
03:27 Certes, les oppositions et contestations seront presque toujours plus vocales que les approbations
03:33 et il y aura toujours un tribunal populaire pour juger des mesures inacceptables,
03:37 mais les dirigeants courageux devraient être capables de mieux justifier et défendre leur position.
03:44 La communication devient stratégique.
03:46 Il faut donc pour communiquer aujourd'hui avoir de vrais projets, donc du fond,
03:50 de vraies justifications aux décisions, mais aussi l'air insolide, la peau épaisse et une éthique affirmée.
03:58 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]