Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 16/01/2024
Interview d'Alexis Zajdenweber, Commissaire aux participations de l'Etat, sur BFM Business le 12 janvier 2024

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00 Good Morning Business, le grand entretien.
00:03 Il est 8h20, bon il n'est pas ministre mais c'est tout comme Alexis Zazenweber est le président de l'agence des participations de l'État depuis un an.
00:13 Bonjour.
00:13 Bonjour, mais ça fait 10 ans qu'aux côtés d'Emmanuel Macron, d'abord au ministère de l'Économie puis à l'Élysée, vous êtes l'architecte, l'un des architectes de la politique industrielle de la France.
00:22 Évidemment on va parler d'Air France, de Renault, d'EDF, vous avez été à la manœuvre sur tous ces dossiers, on peut les faire un par un, c'est plutôt intéressant.
00:32 Commençons par EDF, EDF peut-être que la facture des Français va encore s'alourdir dans un mois avec une nouvelle taxe.
00:39 Est-ce que vous n'êtes pas en train, pardon pour l'expression un peu triviale, de vous refaire la cerise sur le dos des clients d'EDF, de trouver l'argent auprès des consommateurs pour sauver cette entreprise ?
00:50 Alors d'abord, vous m'avez fait effectivement beaucoup trop d'honneur en me présentant comme un ministre d'Economie, ce que je ne suis pas, moi je suis un fonctionnaire au service du ministre et du gouvernement.
00:59 Et du président.
01:00 Et du président de la République, évidemment.
01:02 Non pas du tout, je crois que la logique qu'il faut trouver c'est le bon équilibre entre l'ensemble des objectifs que s'était fixé le gouvernement, auxquels nous sommes parvenus notamment avec l'accord qui a été trouvé en novembre.
01:17 En Europe, sur les prix d'électricité.
01:19 Et puis en France, avec EDF, comment est-ce qu'on concilie la nécessité d'investir dans notre appareil de production électrique pour avoir de l'électricité décarbonée, abondante à un prix compétitif, pas simplement aujourd'hui mais dans le futur,
01:33 et la nécessité de protéger les consommateurs en termes de niveau et en termes de volatilité.
01:37 Parce que ce qu'on a vécu en 2022, c'est un épisode de très grande volatilité des prix, l'État a joué son rôle, il a protégé les consommateurs avec le bouclier tarifaire.
01:46 Et ce qu'il faut maintenant, et c'est ce que permet l'accord en novembre, c'est construire un cadre de régulation qui s'appliquera à partir de 2026, qui protégera le consommateur de manière plus structurelle contre cette volatilité.
01:57 Avec un prix qui reste quand même assez élevé pour le consommateur, qui reste quand même une victoire pour EDF, notamment pour arriver à relancer correctement et financer le nucléaire.
02:08 Là-dessus, vous considérez qu'on y est, qu'on est au bon prix ?
02:11 Alors, je ne me place pas en termes de victoire ou pas, je pense que c'est un bon compromis, tout le monde est gagnant.
02:16 Le consommateur français paye une électricité sensiblement moins chère qu'ailleurs en Europe.
02:22 Mais il va payer 40% de plus qu'il y a deux ans.
02:26 Alors, ça c'est l'effet des prix de marché qui continuent à jouer et à peser, mais à l'horizon de temps qu'on définit, la protection contre la volatilité va jouer son rôle.
02:38 Et à nouveau, je pense que l'intérêt du consommateur, c'est les prix et puis c'est aussi l'accès à un volume.
02:44 Aujourd'hui, on voit bien que ce qui a fait s'envoler les prix d'électricité, en particulier l'année dernière, c'est l'absence d'électricité parce qu'il y a eu cet énorme problème de production avec le parc nucléaire d'EDF.
02:56 Aujourd'hui, on est en train d'en sortir, c'est progressif, mais on peut tous se réjouir quand cette fin d'année, fin d'année 2023, début d'année 2024, on passe l'hiver sans souci, sans problème de volume.
03:06 Et on voit que les prix baissent continuellement depuis le milieu de l'année dernière, et donc 2023, et donc on voit bien que l'enjeu c'est bien qu'on sache produire.
03:18 Et il faut que l'EDF puisse produire et pour produire aujourd'hui et demain, il faut pouvoir investir et avoir les moyens de le faire.
03:24 On est au niveau pour financer notre parc nucléaire, là on aura les moyens de le faire ?
03:28 Oui, tout à fait, et puis il y a encore des discussions qui sont en cours sur le futur parc nucléaire, le nouveau nucléaire, les futurs EPR, où là évidemment, EDF mais aussi la puissance publique jouera son rôle, et ces discussions se poursuivent pour trouver le bon équilibre dans ce financement.
03:44 Autre dossier, Renault. Je pense que vous avez soutenu la stratégie du patron de Renault pour filialiser la partie électrique, la partie d'avenir.
03:55 On sait que c'est compliqué, le marché est plus compliqué, le marché de l'électrique est plus compliqué, les constructeurs se livrent à une guerre des prix, ce qui rend moins rentable effectivement cette partie de l'industrie automobile.
04:06 Est-ce que vous souhaitez toujours, comme actionnaire de Renault, la filialisation de cette partie en paire au cours de l'année 2024 ou plus tard, ou est-ce qu'on peut faire différemment ?
04:17 Alors, peut-être revenir un petit peu quelques années en arrière. Je pense que ce qu'il faut noter, c'est qu'il y a encore trois ans, Renault était une entreprise en crise, en pleine crise Covid.
04:29 Un peu à cause de nous, avec Nissan.
04:31 D'abord et essentiellement, non je ne suis pas d'accord, essentiellement à cause de la crise Covid, qui touchait d'ailleurs l'ensemble de l'industrie automobile mondiale, et Renault était partiellement touchée.
04:41 Il faut quand même saluer le travail de Luc Adameo, le travail de la gouvernance et le travail des équipes de Renault et des collaborateurs de Renault, qui en trois ans ont, à travers le plan Renault-Lucion,
04:52 complètement redressé la situation économique, la production, relancé une nouvelle, je dirais, une nouvelle culture au sein du groupe.
05:01 Ça c'est un succès majeur et il faut le saluer, et en tant qu'actionnaire, je le salue, et on continuera évidemment à l'accompagner dans cette stratégie.
05:08 Par ailleurs, c'est une industrie automobile, et Renault n'y échappe pas, qui est confrontée à des transformations considérables.
05:15 L'arrivée du véhicule électrique, c'est un changement, pas simplement, je dirais, dans le mode de propulsion des véhicules, c'est pas qu'une question de moteur, c'est pas qu'une question de batterie, c'est une question d'architecture.
05:25 L'objet voiture électrique, véhicule électrique, c'est un objet très différent du véhicule thermique.
05:29 Pour ça, il faut que le groupe s'organise, et qu'il s'organise avec une filiale dédiée, donc c'est le fameux Ampère, qui sera construite un peu, je dirais, comme un Tesla,
05:40 capable d'attirer les talents, capable de développer un produit qui finalement est un produit très différent de ce qu'est le véhicule thermique aujourd'hui.
05:47 - Il faut l'apprendre en bourse ou pas ? - Donc on le soutient.
05:49 Alors on parlait de filialisation, elle a lieu, puisque Ampère existe depuis la fin de l'année dernière.
05:53 - Et la mise sur le marché ? - La mise sur le marché, le cadéméo a été très clair, et l'entreprise a communiqué sur les marchés.
05:59 On le soutient, mais l'idée n'est pas de brader.
06:03 Donc si les conditions de marché et les conditions de valorisation sont bonnes et correspondent aux attentes du groupe, ce sera fait,
06:08 mais il n'y a pas de nécessité pour le groupe de le faire, ils ont les moyens de développer cette activité sans cette mise en bourse,
06:13 donc elle n'aura pas lieu si elle ne se fait pas dans des bonnes conditions.
06:16 Et ça évidemment, en tant qu'actionnaire de Renault, on soutient la position de l'équipe dirigeante de Renault sur ce point.
06:20 - On est évidemment sur un sujet très différent par rapport à EDEF, parce que dans Renault vous avez 15%, l'État n'est pas actionnaire majoritaire.
06:26 Peu importe, à partir du moment où l'État est là, de toute façon, tout est politique,
06:31 ou vous comportez avec l'UKDMO comme un stratège à côté, un conseiller, juste vous mettez une petite touche "État", ça fonctionne comment ?
06:39 - Alors l'agent des participations de l'État que je dirige, c'est un service de l'État qui a été créé il y a 20 ans,
06:44 précisément pour jouer un rôle d'actionnaire professionnel, pour identifier la fonction de l'État actionnaire au sein de l'État.
06:50 Et donc vis-à-vis de nos entreprises, on a un rôle qui est un rôle qui s'efforce d'être celle d'un actionnaire public,
06:56 qui porte des objectifs de politique publique, mais avec le comportement, le savoir-faire, la compétence d'un actionnaire professionnel,
07:03 qui pourrait être un actionnaire privé.
07:04 Donc notre relation avec le management de ces grands groupes, contrairement à l'image qu'on peut en avoir,
07:08 il n'est pas en permanence et systématiquement politique, il est d'abord celui, effectivement, d'un actionnaire de long terme,
07:15 d'un actionnaire qui a des objectifs de politique publique, mais qui est d'abord un actionnaire et qui se comporte avec son management comme tel.
07:21 Est-ce qu'il faut forcément rester habitable et tenable dans les entreprises ?
07:24 A l'aéroport de Paris, on avait évoqué sa privatisation avant la crise Covid.
07:28 Est-ce que c'est de nouveau sur le haut de votre pile ? Est-ce que vous étudiez la privatisation d'ADP ?
07:34 Alors non, ça n'est pas d'actualité.
07:37 Pourquoi ?
07:38 Après, pour répondre plus aux conditions de marché, les conditions économiques ne s'y prêtent pas.
07:42 Mais plus globalement, pour répondre à votre question, je pense qu'on est encore dans une période qui, personnellement,
07:49 a redonné, je trouve, a redonné une légitimité à l'État actionnaire.
07:53 Les années de crise ont montré, et pour beaucoup d'entreprises, que la présence d'un actionnaire de long terme,
07:58 capable d'apporter un soutien en période de crise, était essentielle.
08:01 Par ailleurs, la réindustrialisation que porte le gouvernement nous donne un rôle particulier,
08:05 parce que nous sommes un actionnaire public particulièrement présent dans le secteur industriel.
08:09 Et puis, le long terme revient en force, parce que les nécessités de la transition écologique, de la décarbonation,
08:15 montrent qu'il faut penser long terme dans ces entreprises.
08:18 Et nous sommes un actionnaire de long terme, voire de très long terme.
08:21 Et puis, pour finir, les enjeux d'indépendance de notre pays, de souveraineté, aussi, ces dernières années, sont devenus beaucoup plus prégnants.
08:29 Pour toutes ces raisons, il y a une légitimité à avoir un État actionnaire.
08:31 Est-ce que ça veut dire qu'on doit rester dans toutes les entreprises pour lesquelles on est actionnaire ?
08:35 Pas nécessairement.
08:36 En permanence, je ne vais pas vous répondre point par point.
08:39 La logique, c'est que si on juge à un moment ou à un autre que la présence de l'État doit être réduite ou n'est plus nécessaire,
08:46 évidemment, on se sent libre d'agir.
08:48 Mais aujourd'hui, aucune opération de privatisation n'est prévue.
08:52 On a communiqué auprès du Parlement dans le cadre de notre rapport annuel,
08:55 et dans le cadre du projet de loi de finances pour l'année prochaine, il n'y a pas d'opération de ce type prévue.
08:59 On avait ce débat avec Nicolas Dosé et Jean-Marc Daniel ce matin à 7h10,
09:01 que je vous invite à aller réécouter en replay, en podcast sur, évidemment, vous et les auditeurs.
09:05 Est-ce que l'État a toujours vocation à être là dans ces entreprises privées ?
09:10 Jean-Marc Daniel soulignait que vous avez 83 entreprises.
09:13 Pour EDF, c'est plus facile à justifier.
09:15 Pour les casinos de Hex-les-Bains, ce n'est pas forcément évident.
09:19 Est-ce que là, par exemple, vous dites "Bon, là, ça ne sert à rien".
09:22 Je passe un peu plus de temps à m'occuper de l'EDF que du casino d'Hex-les-Bains.
09:25 J'imagine, mais c'est quand même pas une question d'État.
09:27 Pour vos questions, je reconnais que c'est un petit peu ésotérique.
09:29 Mais alors quand même, parce que ce débat était intéressant,
09:31 parce que Jean-Marc Daniel est très libéral, il disait "Mais que fait l'État dans ces entreprises ?"
09:35 On peut très bien financer le nucléaire avec les investisseurs privés.
09:38 C'est le cas notamment au Paris du Japon, je crois.
09:40 On peut très bien financer le spatial avec l'industrie privée.
09:45 C'est le cas, par exemple, avec Tesla aux États-Unis.
09:48 Est-ce que vous faites toujours les bons choix ?
09:50 On vous reproche d'avoir saboté le mariage Renaud-Nissan
09:52 en voulant accélérer la fusion à un moment donné.
09:55 Est-ce que l'État est toujours très avisé ?
09:57 Alors, j'ai vu ça. Là à nouveau, c'est beaucoup trop donneur que de me faire.
10:02 Je pense que l'État a une pertinence.
10:06 Et je pense que dans toutes ces grandes industries
10:09 où il faut investir massivement sur des cycles longs
10:12 et où la présence d'un actionnaire de long terme est nécessaire,
10:15 il y a une pertinence pour l'État.
10:17 Et moi, personnellement, je pense, et d'ailleurs ce qu'on voit en Europe,
10:19 c'est que les grands programmes de nucléaire civils
10:25 ne peuvent pas se faire sans la présence et la participation active de la puissance publique.
10:29 Idem pour le spatial, même si les formes peuvent évoluer.
10:32 Idem pour le ferroviaire, idem pour beaucoup d'autres domaines
10:35 dans lesquels on est investi aujourd'hui.
10:37 Donc ma réponse est très claire.
10:39 L'État actionnaire a un rôle à jouer et il est pertinent.
10:42 Et il y a beaucoup de choses qui pourraient difficilement ou pas se faire
10:44 sans une intervention publique et sans la présence de l'État.
10:46 J'adorerais savoir comment vous bossez au quotidien.
10:48 Vous avez 83 dossiers avec chacun une pile et vous les prenez au fur et à mesure.
10:52 Comment vous faites pour être spécialiste de tous ces dossiers ?
10:54 Vous allez me dire que c'est l'équipe.
10:56 Je n'ai pas la prétention, mais j'ai une très bonne équipe
10:58 avec laquelle je retrouve tous les matins un grand plaisir.
11:00 Merci beaucoup Alexis Zadjian-Weber,
11:02 commissaire en participation de l'État,
11:04 directeur de l'Agence des participations de l'État.
11:06 Merci à vous.

Recommandations