00:00 d'échelle pour les entreprises direction les grands, bureaux en open space ou plutôt en bon français, comme je l'ai appris hier en lisant le journal Le Monde.
00:06 Les bureaux paysagers, ceux dans lesquels il n'y a pas de cloison entre votre bureau et celui de votre voisin de travail,
00:12 eh bien ça donne de mauvaises conditions de travail. On en parle avec notre invité Jean-Claude Delgène. Bonjour à vous !
00:17 - Bonjour ! - Et bienvenue sur Sud Radio, vous êtes le président fondateur du groupe
00:21 Technologia et auteur notamment de ce livre "Idées reçues sur le burnout", c'est publié aux éditions Cavalier Bleu.
00:27 C'est une étude, une grande étude, qui recense 3 200 000 salariés français,
00:32 menée par la Dares, la direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques du ministère du travail,
00:38 des risques psychosociaux quand on travaille en open space. Est-ce une surprise pour vous ?
00:44 - Non pas du tout, on voit que depuis les années 90,
00:47 les open space sont imposés dans les espaces de travail tertiaires. Pourquoi ? Parce qu'ils sont
00:53 moins coûteux pour les entreprises. Ceci dit, si on voit les coûts indirects, si on regarde par exemple
01:00 les incidences en matière d'absentéisme, en matière de qualité de la production, on peut s'interroger.
01:07 Pourquoi ? Parce que l'open space est une source et un facteur de risque professionnel considérable.
01:13 - Considérable, vous le dites. - Oui, considérable. Nous, dans toutes les études que l'on mène à Technologia,
01:18 on constate que les gens sont à un moment donné épuisés. Pourquoi ? Parce que c'est un phénomène,
01:23 c'est un cercle vicieux. Les gens sont perturbés par le bruit, par les circulations.
01:29 D'ailleurs, on parle de communication, ils sont tous avec le casque anti-bruit sur la tête.
01:34 Ils essayent de faire leur travail, ils sont stressés parce qu'ils doivent mener leur délivérie.
01:40 - Ils doivent rendre attent, c'est ce que vous disiez.
01:44 - Il y a un stress chronique qui s'installe. - On est plus stressé en bureau open space que dans un bureau isolé où on serait seul et presque isolé.
01:50 - Oui, tout à fait. En plus, pourquoi ? Parce que tout simplement, il y a aussi le contrôle social.
01:54 Les gens sont visibles par la hiérarchie,
01:58 ils sont surveillés.
02:00 - On ne peut pas s'enfermer dans son bureau et se cacher en train de faire une grille de chulotus ou de mots croisés.
02:06 - Voilà, tout à fait. Il y a un contrôle social.
02:08 Chacun essaie de préserver sa bulle avec son casque, mais tout ça fait que c'est très épuisant parce qu'il faut se concentrer en permanence.
02:16 Et plus vous vous concentrez,
02:18 plus vous perdez de l'énergie, et plus vous perdez de l'énergie, plus vous faites un mauvais travail, etc.
02:23 Donc c'est un cercle vicieux qui conduit les gens à perte du sens et à des démissions. Il suffit de voir par exemple que l'an dernier,
02:28 on a eu 2 500 000 démissions de personnes en CDI.
02:33 Et sur ces postes-là, il y a un turnover très important.
02:36 - Et vous l'expliquez en partie par l'ambiance de travail dans ces bureaux ouverts.
02:39 - Oui, et en fait si vous voulez, cette ambiance de travail factice, on parle de
02:44 paysager, c'est un côté bucolique, mais en fait non, c'est une aliénation permanente.
02:48 Parce que les gens ne peuvent pas vraiment travailler dans de bonnes conditions.
02:52 - Mais en un sens, on pourrait se dire le contraire. C'est-à-dire que vous êtes tout le temps au contact de vos collègues,
02:56 c'est stimulant, vous pouvez bavarder, faire des blagues par moments, vous détendre,
03:00 et en même temps demander l'avis à quelqu'un parce que vous en avez besoin.
03:03 - Oui, c'est vrai que certaines professions peuvent être intéressantes de ce point de vue-là.
03:07 Ceci dit, en général, vous devez produire, donc vous concentrer, donc réfléchir.
03:11 Et quand vous êtes sans arrêt, on vient vous chercher de manière un peu, comment dire,
03:16 intempestive, intrusive, et bien vous ne pouvez pas faire votre job.
03:20 C'est ça le véritable sujet. Et donc, d'ailleurs, une des réponses à l'Open Space,
03:25 c'était le télétravail. Dès que le télétravail a été validé par le confinement en mars 2020,
03:29 les gens ont voulu rester chez eux pour ne pas subir, je dirais, cette aliénation permanente.
03:35 - Et ça c'est un signe qui ne trompe pas. Pourtant le télétravail, il y a d'autres problèmes,
03:38 vous en parliez aussi, on en reparlera un jour avec vous.
03:40 Dernier conseil, il y a beaucoup de cadres qui vous écoutent en ce moment,
03:43 parce que c'est souvent les cadres qui travaillent dans ces conditions,
03:45 ou d'employés. En Open Space, qu'est-ce que vous leur dites ? Enfermez-vous, faites du télétravail.
03:49 - Il y a des réponses à la fois individuelles et collectives.
03:52 La réponse individuelle, c'est effectivement essayer de se préserver.
03:55 La réponse collective, c'est déjà d'avoir au sein des espaces qui sont organisés ainsi,
03:59 des murs anti-bruits, pour absorber le bruit, parce que c'est vraiment une ruche permanente.
04:03 Il faut penser l'activité aussi, pour éviter que les activités ne se cannibalisent.
04:07 Si vous êtes par exemple avec un groupe de commerciaux, qui travaillent sans arrêt au téléphone,
04:11 à côté de gens qui réfléchissent, et qui font de l'analyse, ça devient très compliqué.
04:16 - Donc regroupez-vous au moins entre gens qui travaillent dans la même ambiance.
04:20 - Absolument, pour essayer d'éviter d'être perturbés en permanence.
04:23 Mais le mieux, c'est quand même de revenir à des bureaux traditionnels.
04:27 Et là, le problème, c'est que les représentants du personnel n'ont pas pu imposer ça, c'est bien dommage.
04:31 - Et ça coûte plus cher, c'est ce que dit aussi l'étude.
04:33 - Ça coûte beaucoup plus cher, mais c'est beaucoup plus rentable sur le long terme,
04:37 parce qu'on a une qualité et on maintient les gens en activité.
04:40 Les gens sont présents, ils ne sont pas absents, ils ne quittent pas l'entreprise,
04:43 parce que dans cette ambiance-là, vous perdez les meilleurs.
04:46 - Est-ce que vous pouvez parler un peu moins fort, on l'a tous dit à des collègues,
04:49 quand on était en train de téléphoner, dans un bureau paysager,
04:52 - Merci beaucoup Jean-Claude Benjamin, président fondateur du groupe Technologia,
04:55 auteur de ce livre, il est reçu sur le Burnout, au Cavalier Bleu,
04:58 vous allez en publier un nouveau bientôt, il est reçu sur le suicide,
05:02 comment le prévenir, c'est ça le plus important.
