- il y a 2 ans
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00:00 [Musique]
00:09 Sylvestre Maurice, je suis astrophysicien et dans la famille des astrophysiciens,
00:13 je suis planétologue spécialiste de l'exploration du système solaire.
00:18 – Quel a été votre parcours d'étudiant ?
00:21 – Ah, étudiant, grandes écoles, préparer à grandes écoles,
00:27 écoles super-aéros, donc l'école d'aéronautique et espace,
00:31 tests d'astrophysique, différents post-docs, l'Agence spatiale européenne,
00:37 le Los Alamos National Lab, donc je pense que les post-docs font partie encore de la formation,
00:43 jusqu'à atterrir ici, à Toulouse, à l'Observatoire Midi-Pyrénées,
00:46 à l'IRAP, le Laboratoire d'astrophysique et planétologie.
00:50 – Y-a-t-il eu une rencontre en particulier en lien avec les domaines de l'astrophysique et du spatial
00:56 qui a pu motiver votre parcours académique ?
00:59 – Ah oui, oui, je crois que nos carrières sont faites de rencontres,
01:04 c'est ça qui est important, c'est de l'humain,
01:05 et j'ai eu la chance de rencontrer Sylvie Vauclair, qu'on connaît bien en France,
01:09 une de mes premières enseignantes, et puis ensuite des personnes toujours très charismatiques,
01:15 Michel Blanc, mon directeur de thèse, Jean-Pierre Lebreton,
01:18 et puis aux États-Unis, qu'elle s'appelle Bill Feldman, avec qui on a travaillé ensemble,
01:22 donc voilà, j'ai plein de noms et j'en oublie d'autres,
01:24 Georges Wintz, mon partenaire sur les projets martiens,
01:28 notre métier est fait de rencontres, ça c'est sûr.
01:33 – Pouvez-vous nous présenter le dispositif ChemCam du rover Curiosity ?
01:38 Comment est né ce projet ?
01:40 Quels ont été les objectifs de cet instrument ?
01:42 Où en est-on du point de vue des récoltes de données ?
01:45 – ChemCam, c'est un instrument parmi dix d'une mission de la NASA qui s'appelle Curiosity,
01:53 qui a été construite par le Jet Propulsion Laboratory,
01:57 qui, aux alentours de 2004, fait un appel d'offre en disant
02:00 "on va vous faire la voiture dont vous rêvez tous",
02:03 elle fait à peu près une tonne, qui peut faire 20 km,
02:07 qui fonctionne la nuit, le jour, l'été, l'hiver, etc.
02:12 Vous en rêvez, on va explorer l'habitabilité de Mars,
02:17 est-ce qu'il y a des conditions physico-chimiques pour que la planète soit habitable,
02:21 qui veut monter à bord, évidemment on enlève la main,
02:24 on est plusieurs à lever la main, il y a une compétition,
02:26 qui retient d'ailleurs pas forcément les meilleurs,
02:28 qui retient une charge cohérente,
02:31 c'est-à-dire que chaque instrument doit répondre à la question de l'habitabilité,
02:35 et puis c'est en croisant les informations des instruments entre eux qu'on pourra conclure.
02:41 Cette sélection conduit à prendre à bord KEMKAM,
02:46 un instrument qu'on a conçu, imaginé, entre le Los Alamos National Lab
02:51 et un consortium de laboratoires français emmené par le CNRS et le CNES, les universités.
02:57 Il se trouve que KEMKAM sera le premier instrument français à la surface de Mars,
03:04 qui va se poser en 2012 avec un compagnon,
03:08 un instrument qui a une contribution française,
03:13 des colonnes de chromatophores, fait par nos collègues de Paris.
03:17 KEMKAM se pose avec Curiosity dans le cratère Gale,
03:23 le comité scientifique a décidé la pertinence de ce cratère pour les études de l'habitabilité,
03:28 et depuis bientôt neuf ans, on est en train d'étudier l'habitabilité passée de Mars.
03:35 KEMKAM joue son rôle en tant qu'explorateur géochimique.
03:40 Il est équipé d'une caméra, très petit champ, mais très haute résolution,
03:46 et d'un laser de puissance, vous savez, une spécialité française, les lasers.
03:53 En focalisant ce laser, on est capable de créer un plasma jusqu'à 8000 degrés,
03:59 et ce plasma rayonne, il va rayonner depuis le visible jusqu'au proche infrarouge.
04:05 On va capturer cette lumière et le rayonnement de ce plasma va nous donner la convoition chimique.
04:10 C'est ça l'instrument qu'on avait imaginé en 2001 avec mon comparse Roger Wins,
04:17 on avait d'ailleurs fait une époque de R&D pendant 3-4 ans,
04:21 de façon à ce qu'au moment où l'appel d'offres sortait de la NASA,
04:24 on puisse répondre avec cet instrument.
04:27 Cet instrument a fait ce qu'on lui demandait, peut-être même plus,
04:30 on en est toujours émerveillé, il fonctionne depuis neuf ans,
04:34 il a fait à peu près 850 000 tirs lasers,
04:37 et chacun des tirs lasers donne dans cette bande longueur d'onde
04:41 des émissions qui correspondent à l'oxygène, les éléments majeurs,
04:47 le fer, le silicium, l'aluminium, le calcium, le sodium, le potassium,
04:51 et puis même des… qui vont nous dire comment la roche s'est formée globalement,
04:54 quelle est sa nature profonde, et puis des éléments traces,
04:57 le lithium, le barium, le strontium,
05:00 qui vont nous informer sur l'évolution de cette roche,
05:04 en particulier la présence d'eau.
05:06 C'est un instrument qui voit des dépôts de manganèse,
05:09 qui voit des sulfates de calcium, qui a vu des oxygènes de fer,
05:15 pas mal de choses, d'un point de vue chimie.
05:17 C'est un instrument de chimie atomique.
05:20 Il n'est pas seul, il y a les caméras sur Curiosity,
05:24 mais il y a aussi au bout du bras un autre instrument de chimie,
05:27 qui est assez complémentaire.
05:28 Et puis, Sam, ce laboratoire extraordinaire,
05:32 qui va faire des analyses moléculaires,
05:34 complexes en chauffant la matière.
05:36 Kémin, qui fait de la minéralogie, qui est aussi un laboratoire,
05:39 c'est une charge utile compliquée,
05:41 qui ensemble dit autour de 2013-2014, assez vite,
05:45 "Mars fut dans le passé une planète habitable".
05:50 C'est une découverte très technique,
05:53 parce qu'on dit qu'on a vu un peu de chimie organique grâce à Sam,
05:56 et on a vu grâce à ChemCam et aux autres instruments
06:01 qu'on était dans un fond de lac, un fond de lac asséché,
06:03 et qui n'était pas acide, qui n'était pas basique.
06:08 Enfin, plein de propriétés pour dire que c'était une planète habitable.
06:13 C'est une grande révolution,
06:15 parce que vous pensez à cet univers de milliards et de milliards de planètes,
06:19 et pour l'instant, il n'y en avait qu'une seule habitable,
06:21 maintenant, il y en a deux.
06:21 Ce n'est pas une habitabilité d'aujourd'hui,
06:23 c'est une habitabilité du passé.
06:26 C'est-à-dire il y a 3,7 milliards d'années environ,
06:29 et ça nous ouvre le champ à un univers rempli de planètes habitables.
06:35 Curiosity a fait le boulot, il continue,
06:38 il faut qu'on caractérise cette habitabilité.
06:40 Est-ce qu'elle a duré dans le temps ?
06:42 Elle s'est arrêtée, puisqu'aujourd'hui,
06:44 la planète Mars n'est plus habitable,
06:46 donc on continue notre excursion.
06:48 Curiosity, après 9 ans, va bien.
06:50 On commence à sentir que ça coince un peu ici ou là,
06:53 on a la mécanique qui devient difficile,
06:55 l'électronique qui souffre,
06:57 on a des gradients de température entre le jour et la nuit,
06:59 ça fait 90 degrés de différence,
07:01 donc les nuits sont froides, on peut vous le dire.
07:03 Donc voilà, la très belle technologie américaine
07:07 qui a eu la délicatesse de nous inviter à bord,
07:12 et sous la maîtrise d'ouvrage du CNES,
07:15 en France, on est avec le CNES,
07:18 les laboratoires scientifiques et puis les industriels,
07:21 il va falloir plein de monde,
07:23 ont pu construire cet instrument, CAMCAM,
07:27 pour nos amis parisiens, contribuer à SAM,
07:30 cet autre instrument, et ensemble,
07:32 on a livré nos instruments, on fait notre science,
07:34 et la NASA dit "écoutez, on a l'impression que vous avez fait du bon boulot,
07:37 c'était un peu avant qu'on se pose,
07:39 est-ce que vous êtes prêts à les opérer ?
07:41 Est-ce que vous êtes prêts à les opérer à Toulouse ?
07:43 À Toulouse, on montre un centre opérationnel,
07:45 et depuis 9 ans, on opère les instruments français.
07:50 Alors, opérer un instrument, ce n'est pas simplement dire "je tire un laser",
07:52 c'est dire "oui, mais j'ai besoin de l'énergie,
07:55 est-ce que quelqu'un l'utilise ?
07:56 J'ai besoin de la télémétrie, j'ai besoin de rouler ? "
07:59 Donc, il y a tous ces paramètres qui font qu'on a un peu l'impression
08:02 de piloter tout le rover.
08:03 C'est un ensemble, au début, de plus d'une centaine de personnes,
08:06 maintenant, on est un petit peu moins,
08:07 qui tous les jours décident ce que doit faire le rover.
08:10 Alors, on le fait ici à Toulouse, une semaine sur deux,
08:13 l'autre semaine, c'est nos collègues de Los Alamos qui le font,
08:17 et on pilote toutes les ressources de façon à prendre une décision
08:20 scientifique en disant "demain, je vais regarder le soleil,
08:23 ou plutôt je vais faire un tir laser, ou plutôt je vais prendre une image,
08:27 ça c'est pour quelqu'un", et puis l'instrument d'à côté,
08:29 il décide de poser le bras, celui d'à côté décide de faire une mesure,
08:33 par exemple, d'environnement radiatif, etc.
08:35 Donc, voilà, c'est de la science commune, collaborative, c'est certain,
08:40 plein de nationalités, les États-Unis en tête,
08:43 vient ensuite la France, et puis nos collègues espagnols,
08:46 et puis les Russes, et puis les Canadiens pour Curiosity.
08:50 Et donc, une belle mission qui n'a pas fini.
08:53 On a du mal à arrêter nos missions, et c'est juste,
08:56 là on a une nouvelle frontière devant nous,
08:58 une frontière qu'on appelle une région de sulfate,
09:00 qu'on a repérée à distance orbitale, et qui doit nous dire peut-être
09:04 comment se termine cette période d'habitabilité.
09:07 Voilà, donc c'est une belle mission,
09:10 une des missions du grand programme martien,
09:13 pour l'instant la plus agile jusqu'il y a quelques mois,
09:16 et la plus performante à la surface.
09:18 Quels sont les retombées sur la société civile de ce dispositif
09:23 utilisé par le laser ChemCam ?
09:25 Certains soulignent qu'aux États-Unis, le docteur Noureddin Melikshi
09:30 et son équipe ont mis au point une nouvelle technique d'analyse
09:33 basée sur le laser de Curiosity, permettant ainsi de dépister
09:38 le cancer de l'ovaire.
09:41 Oui, alors c'est une thématique importante de l'exploration spatiale,
09:47 de savoir comment on va… L'exploration spatiale,
09:51 c'est quoi son objectif ? C'est la connaissance,
09:53 pour ce qui nous concerne, au-delà de l'orbite de la Terre,
09:56 connaissance assez fondamentale des origines de la vie,
09:59 des origines des planètes, du fonctionnement de tel ou tel volcanisme,
10:04 atmosphère, etc. C'est de la connaissance.
10:07 On investit beaucoup. En investissant, on nous dit souvent
10:12 "mais qu'est-ce qu'on a en retour ?" On dit "oui, on a de la connaissance,
10:16 oui, bon, il y a quelques personnes que ça émeut, d'autres un peu moins".
10:22 D'autres, on leur dit "d'abord, on a fait travailler des industriels
10:25 qui ont besoin de construire, de faire de la technologie,
10:30 et en faisant cette technologie, ils ont potentiellement
10:32 développé des nouvelles technologies".
10:35 C'est pas les objets. Un rover martien, en lui-même,
10:38 vous le mettez dans les rues de Paris ou de Toulouse,
10:43 il est assez pathétique quand il fera ses 20 mètres dans la journée
10:47 ou ses 50 mètres dans la journée, avec un réacteur nucléaire
10:51 qui rayonne un petit peu, avec une petite puissance électrique.
10:55 C'est pas un transformeur. Son avantage, c'est qu'il est capable
10:59 de fonctionner en relative autonomie dans des conditions absolument extrêmes,
11:04 et donc le spatial cherche une certaine performance,
11:09 mais avant tout une grande fiabilité. Il a traversé un chemin
11:13 de plus de 300 millions de kilomètres, il s'est posé, il a décollé,
11:17 il s'est posé dans des conditions absolument extrêmes,
11:20 il y a des gros gradients de température, il y a des radiations, etc.
11:24 Donc, on imagine, il ne faut pas imaginer que le spatial construit
11:28 le top de la technologie. Top de la technologie, c'est le téléphone.
11:33 C'est impressionnant tout ce qu'il y a dans un téléphone.
11:36 Ne serait-ce qu'un récepteur Galileo grand comme un...
11:40 Ceci dit, un téléphone ne tiendra pas les vibrations, les chocs, etc.
11:44 Et donc, il ne faut pas se tromper, on va aider nos industriels
11:49 à faire surtout des savoir-faire, comment coller un bout de métal
11:54 à tel autre. Et en cela, on participe effectivement au développement
12:00 de la technologie de haut niveau. Il arrive de temps en temps
12:04 que nos instruments puissent les réutiliser. L'instrument CAM-CAM,
12:08 en soi, des instruments basés sur la technologie d'ablation laser,
12:11 existe depuis longtemps. Ils s'appellent des instruments
12:14 qu'on appelle LIPS, qui sont pour faire des études de sol,
12:19 des études d'analyse atomique, diverses et variées, des explosifs,
12:28 etc. Et donc, on a des instruments qui sont très, très, très, très
12:32 efficaces. On ne les a pas dans le cas de Nouraïdine.
12:36 Nouraïdine est un membre de notre équipe. On connaît très bien
12:40 depuis maintenant une quinzaine d'années. Et Nouraïdine développe
12:44 une partie de l'application LIPS sur des biomatériaux avec des
12:49 recherches de type cancer. Avec un certain succès,
12:55 l'application spatiale a permis de regrouper à un moment donné
13:00 sur cette technologie. Beaucoup de monde a essayé de pousser un peu
13:03 aux limites la technologie et en particulier les logiciels de
13:08 traitement de données par analyse multivariée, différentes
13:11 classifications, etc. Et donc, il aurait pu le faire sans le spatial.
13:16 Mais ça lui a donné un nouvel élan et on fait partie aussi
13:20 de cet élan. Et donc, pour revenir sur tes conditions initiales,
13:23 quel est l'apport du spatial ? N'oublions jamais que c'est d'abord
13:27 de la connaissance. Ponctuellement, c'est du développement
13:30 technologique sur certains savoir-faire. Ponctuellement,
13:34 ça peut être des logiciels de compression de données,
13:37 de traitement, etc. Des choses pratiquement du deuxième ordre.
13:41 Mais avant tout, c'est de l'inspiration. C'est montrer aux
13:44 jeunes, et vous êtes complètement dans cette dynamique,
13:47 que la science, c'est cool, que la technologie, ça nous dépasse
13:52 et on peut faire des très, très belles choses. Et je pense que
13:55 c'est peut-être le plus grand apport de notre discipline.
13:59 C'est non seulement de faire rêver les gens. Les gens aiment
14:02 cette exploration planétaire, c'est très clair. Ce n'est pas
14:06 de leur dire on va vous emmener là-bas un jour. Ce n'est pas
14:08 l'objet. C'est vraiment de leur dire à toutes, aux garçons et
14:12 aux filles, on a en plus besoin d'emmener les jeunes filles
14:16 vers les sciences en disant, écoutez, si vous faites de la
14:21 technologie, si vous faites des sciences, il y a vraiment des
14:24 mondes à découvrir et on espère que ça va inspirer les jeunes.
14:28 En quoi consiste l'instrument SuperCAM à bord de Perseverance ?
14:34 La NASA, suite au succès de Curiosity, en particulier dès qu'on
14:39 se pose et puis la science qui avance, décide d'en faire un autre
14:42 en disant, écoutez, vous nous avez montré que la planète est
14:45 habitable. Dites-nous s'il y a eu de la vie et est-ce que vous
14:49 êtes capables aujourd'hui de trouver des traces de vie ?
14:52 Beau challenge, difficile. On ne le refait pas, une telle question
14:56 avec la même charge utile. La NASA refait un appel d'offres
15:00 avec une nouvelle charge utile. Entre-temps, on avait fait évoluer
15:03 un petit peu notre instrumentation et on a proposé à la fois un
15:10 instrument qui est hérité de CAMCAM, qui est au moins hérité
15:15 de l'imagerie à haute résolution et de l'ablation par laser
15:19 pour la composition chimique, mais aussi qui innovait avec,
15:24 en plus des deux techniques qu'on avait, trois nouvelles techniques,
15:28 deux techniques de minéralogie, soit ramant, soit infrarouge,
15:31 et puis un microphone. On s'est donné un défi, alors qu'on donne
15:36 à nos ingénieurs, c'est eux qui vont faire le travail dans le laboratoire,
15:40 et puis avec nos industriels en disant, écoutez, déjà,
15:44 on ne vous donne pas plus en masse, on ne vous donne pas plus en volume,
15:47 vous avez à peu près une dizaine de kilos, mais dans les 10 kilos,
15:51 vous aviez deux techniques, vous en mettez cinq.
15:55 Vous décompressez tout et la NASA a accroché sur cette idée
15:59 puisqu'elle a sélectionné l'instrument qui était un super CAMCAM
16:02 qui devient super CAM, qu'on construit entre 2014 et puis 2020,
16:08 globalement, la fusée finit par partir et cette année, le 21 février,
16:14 se pose sur Mars dans le cratère, cette fois-ci le cratère Jezero.
16:21 On aime bien les cratères parce que ce sont des dépressions.
16:23 En général, il y a de l'eau qui stagne pendant longtemps.
16:27 Et donc, pour mission, avec les autres instruments,
16:30 cette fois-ci, il n'y en a plus dix, mais il y en a simplement sept,
16:33 parce qu'il a fallu faire de la place et vous allez voir pourquoi,
16:36 parce qu'il y a un énorme système de manipulation.
16:40 Et donc, c'est sept instruments avec toujours des caméras,
16:42 deux instruments au bout du bras, ma météo, un radar,
16:49 donc des instruments avec des collaborations étrangères,
16:52 toujours dans cette philosophie de la NASA d'aller chercher l'excellence
16:54 là où elle est.
16:55 Et nous, on va répondre en collaboration encore une fois avec le Salamos.
16:59 Et puis, avec aussi des petits délires technologiques absolument super,
17:04 comme le Voxy, une fabrique d'oxygène pour les astronautes.
17:07 Un jour, il fallait le faire et c'est fait.
17:09 Ça fonctionne bien.
17:10 Ingenuity, une prouesse de faire un vol motorisé sur Mars absolument
17:20 incroyable, alors qu'il y a très peu d'atmosphère.
17:23 Et donc, un nouveau véhicule qui finira par prendre le nom Perseverance
17:28 dans un nouveau cratère, le cratère Jezero.
17:31 Une nouvelle science recherche de traces de vie qui peut être faite
17:35 de deux façons, soit dans une façon, c'est l'exploration in situ.
17:39 Je regarde ce que je vois.
17:41 Est-ce que je vois quelque chose qui ressemble à des traces de vie?
17:43 On sait que ce n'est pas simple.
17:45 Curiosity nous a dit chercher dans une fenêtre de temps d'il y a au moins
17:48 3 milliards d'années.
17:49 Et donc, les traces sont probablement très ténues.
17:51 Il y a beaucoup d'érosion, moins active qu'une érosion terrestre.
17:54 La Terre efface son passé.
17:56 Heureusement, Mars a une tendance à conserver son passé.
17:59 L'érosion est lente, un peu d'eau, beaucoup du vent.
18:03 Et donc, on sait que ça va être difficile.
18:05 On va le faire in situ.
18:07 Mais si on n'y arrive pas in situ, on va se donner une deuxième chance
18:11 en préparant des échantillons qu'on emballe dans des petits tubes
18:14 et qu'on va pouvoir rapporter sur Terre en 2031.
18:19 Et donc, Perseverance est la première mission de retour d'échantillons.
18:25 Et ça, c'est quelque chose de très important parce que ça fait 20 ans
18:28 que tous les planétologues martiens disent que le Graal, c'est un échantillon.
18:33 À l'image de ce qui a été fait sur la Lune, le Graal de l'exploration lunaire
18:36 a été les échantillons.
18:38 Eh bien, on y est parti et on va comme ça rapporter ces échantillons.
18:44 On n'a pas encore prélevé le premier.
18:45 On en a 40 à prélever.
18:47 On va se donner à peu près 6 ans pour le faire.
18:50 Et un instrument comme SuperCam, il a ce rôle de regarder autour en disant
18:55 par là, ça a l'air pas mal, on y va.
18:57 Je caractérise les roches en disant, tiens, celui-là, il a un peu plus de fluore,
19:00 de machin, de truie, de manganèse.
19:02 Hop, celui-là, on le prend.
19:04 Et là, on le prend, on le met en boîte, on le garde avec nous.
19:07 Au bout d'un moment, on le dépose au bord du chemin et puis on se retourne
19:10 vers les agences spatiales en disant, là, il est temps d'aller les chercher.
19:13 Et les décollages devraient se produire pour deux missions vers 2026,
19:17 pour des retours, une mission qui met les échantillons en orbite
19:20 et une mission qui les rapporte sur Terre.
19:23 Donc, c'est deux missions différentes faites entre la NASA et l'Agence
19:27 spatiale européenne.
19:28 Donc, on retombe dans cette dynamique d'un programme international.
19:34 En tant que Français et en votre qualité de co-responsable de projets
19:39 de grande envergure et de renommée internationale,
19:42 comment vous positionnez-vous dans ce contexte mondial où la concurrence
19:46 côté spatial est rude ?
19:48 Comment affirmer, dit autrement, la présence française garante
19:52 d'un savoir-faire d'excellence ?
19:54 Tout cela en considérant l'émergence des différentes startups,
19:58 la présence incontournable de la NASA, le développement du spatial chinois,
20:02 russe, pour n'en citer que quelques-uns.
20:04 Il faut reconnaître qu'effectivement, l'univers du spatial évolue.
20:09 Et c'est une très bonne chose.
20:11 Il faut reconnaître aussi le mérite des agences spatiales nationales
20:16 qui ont fait naître des fusées, des satellites, mais aussi des
20:22 écosystèmes industriels qui vont ensuite prendre de plus en plus
20:26 d'importance, prendre de l'autonomie et commencer à faire cette
20:32 exploration par elle-même.
20:34 Il ne faut pas se tromper non plus.
20:37 98 % du spatial, c'est la Terre.
20:41 C'est mettre un satellite autour de la Terre pour des communications,
20:45 pour des observations, pour la navigation, pour ensuite différents
20:52 champs, qu'ils soient militaires, qu'ils soient météo, etc.
20:56 Nous, on ne compte pas dans cette histoire.
20:59 Les gens qui explorent le système solaire sont une infime petite partie.
21:06 C'est encore un monde réservé en grande partie aux agences.
21:11 Pourquoi ?
21:12 Parce qu'il n'y a pas de modèle économique.
21:13 On ne construit pas un modèle économique avec de la donnée de
21:17 composition des roches sur Mars.
21:19 Ce serait bien, mais ça reste de la connaissance.
21:23 Les fabriques de connaissances sont encore organisées par les agences
21:29 spatiales.
21:30 Et puis d'ailleurs, les agences spatiales, il ne faut pas se tromper,
21:32 il y a de nouveaux acteurs, mais c'est elles qui financent,
21:34 elles qui définissent la politique.
21:35 Donc, il n'est pas question de les mettre hors course.
21:38 Quant à la science fondamentale, elles en restent les pilotes.
21:43 Elles peuvent contracter à de nouveaux entrants, petites ou grandes
21:47 entreprises, des véhicules, des bras, mais gardent le plus souvent
21:53 dans le champ académique les instruments.
21:55 Pourquoi ?
21:56 Parce que si un véhicule comme Perseverance fait plus d'une tonne,
21:59 il a moins de 10 % de sa masse qui est la charge utile et une charge
22:06 utile qui va faire la science.
22:08 Et cette charge utile, elle est faite là où on étudie,
22:11 où on fait la recherche, c'est-à-dire dans le monde académique.
22:14 Et donc, le monde change.
22:17 On reste quand même près des laboratoires de recherche.
22:22 En France, c'est le CNRS, les universités, avec évidemment
22:25 le CNES, qui sont capables de faire ces instruments.
22:28 Qu'est-ce qui fait la valeur de notre savoir-faire français ?
22:31 En fait, cette aventure, on l'a vécue ou on la vit depuis très longtemps.
22:36 On s'est fait une spécialité de très beaux instruments sur des missions.
22:40 Au niveau français, en propre, on développe rarement des missions.
22:44 Ça nous arrive, mais souvent, on contribue à d'autres missions.
22:49 Notre agence, c'est aussi l'Agence spatiale européenne et le CNES.
22:53 Donc, on met la moitié de notre argent au CNES, la moitié de notre
22:55 argent à l'Agence spatiale européenne, et puis de CNES,
22:57 on pilote un peu ce qui se passe là-haut.
22:59 Et eux vont faire un véhicule, prenons DEWS qui va partir vers Jupiter,
23:05 MESSENGER, c'est côté américain, MESSENGER c'est américain,
23:10 mais côté américain, BepiColombo, vers Mercure, ou bien une mission
23:14 martienne, et vous n'oubliez pas la mission EXOMARS,
23:17 qui est la mission martienne européenne.
23:19 L'agence fait ces missions et la France fait des instruments.
23:23 Et la France, avec le temps, a développé des filières d'instruments
23:27 soit autour de la chimie, comme je viens d'en parler,
23:31 Curiosity, avec ChemCam, Perseverance SuperCam.
23:36 On a aussi un instrument sur EXOMARS.
23:38 On a une contribution avec les Chinois.
23:42 Aussi, des instruments autour des sismomètres avec des très belles
23:45 réalisations sur INSIGHT, par exemple, sismomètre martien.
23:49 Des instruments infrarouges d'observation à distance.
23:52 On a des familles d'instruments, d'instruments de chimie, par exemple.
23:57 Ces familles, qui ne sont pas des niches, qui sont plus que des niches,
24:01 nous ont fait une communauté très puissante en planétologie et qui,
24:08 je pense, nous place derrière les États-Unis, en particulier pour Mars,
24:13 pour la Lune, peut-être un peu derrière, en collaboration avec les Allemands,
24:20 ceux qui aiment beaucoup la Lune.
24:22 Chacun définit son champ, mais je pense que les instruments,
24:26 plus les chercheurs qui les portent, et puis ceux qui sont modélisateurs,
24:33 par exemple du climat, font des travaux impressionnants.
24:37 Tout ça avec, encore une fois, notre ensemble d'industriels,
24:47 d'agences spatiales, et puis même de centres de culture
24:52 scientifique, et puis des relais comme vous, les médias,
24:55 place la France tout en haut de l'excellence en exploration,
25:01 peut-être derrière les États-Unis, qui en ont fait un cheval de bataille,
25:06 un étendard depuis plus longtemps que nous, avec plus de moyens,
25:09 mais je dirais qu'ils sont un peu seuls à faire la course en avant,
25:14 avec les Chinois maintenant qui commencent à l'étalonner,
25:17 et puis nous, dans notre champ, avec peut-être des choses un petit peu
25:22 plus ciblées. La France a un très, très beau rôle à jouer.
25:25 Ça peut durer, à condition qu'on reste dans cette dynamique,
25:29 de multiplier les accroches avec l'Agence spatiale européenne,
25:34 qui est notre principal accroche, mais aussi avec la NASA,
25:37 parce qu'on fait des approches bilatérales ou plus complexes,
25:40 et puis maintenant avec la CNSA pour nos amis chinois,
25:45 et puis on a des collaborations avec les Japonais, la JAXA,
25:48 avec l'ISRO, et donc c'est l'Inde, avec la Russie,
25:52 qui sont en fait tous ensemble les acteurs principaux de l'exploration
25:56 interplanétaire. Donc, on a notre rôle.
25:59 On le tient. On est présents, je pense, partout,
26:02 dans toutes les commissions, dans toutes les choses.
26:04 Le spatial, vous avez raison, se modernise, se renouvelle,
26:08 plutôt côté lanceur dans un premier temps, et puis ensuite côté véhicule.
26:13 Côté instrumentation, on est encore très proche des laboratoires
26:18 scientifiques parce que c'est eux qui vont analyser la donnée.
26:21 Donc, c'est plus sain que ce soit eux qui construirent leurs instruments.
26:25 – Alors, pour terminer, que conseillez-vous aux jeunes,
26:30 intéressés, jeunes hommes, enfin garçons et filles,
26:34 intéressés par les sciences en général et l'astrophysique
26:39 et le spatial en particulier ?
26:41 – Bon, c'est très clair, c'est notre mission.
26:44 Notre mission, elle est de faire de la recherche, c'est clair,
26:47 mais aussi de se tourner vers les jeunes, dont notre rôle,
26:51 c'est un rôle pédagogique. On est des enseignants,
26:54 et donc on enseigne des stages de découverte,
26:58 les plus petits jusqu'en thèse, évidemment, dans tout le champ,
27:03 et puis même après. Mais notre rôle est aussi de communiquer.
27:07 Je vous remercie de me donner l'occasion de communiquer,
27:10 cette communication qui va permettre d'inspirer les jeunes,
27:15 de les faire venir si possible vers les sciences.
27:20 Vous l'avez dit, garçons comme filles, dans notre univers latin,
27:26 on est encore assez mauvais dans cette parité,
27:29 donc il faut rétablir une parité, il n'y a pas de raison qu'elle ne le soit pas,
27:34 et leur dire que vous pouvez aller vers des petites entreprises
27:38 comme des grosses, petites entreprises qui fera un connecteur,
27:42 un petit bout de telle chose, ou bien une énorme entreprise,
27:46 ce qu'on appelle des "primes", des agences spatiales
27:49 qui font des véhicules ultra-complexes.
27:51 Et en fait, c'est peut-être ça le plus impressionnant,
27:53 c'est que cette industrie du spatial peut vous permettre de vous épanouir,
27:58 soit dans des disciplines, il y en a qui aiment la mécanique,
28:00 l'électronique, l'optique, la qualité, etc.
28:03 Plein de disciplines à tout niveau.
28:05 Il faut savoir qu'on a des gens chez nous qui ont BAC+2,
28:07 des gens qui ont BAC+3, des gens qui ont BAC+… on ne compte plus.
28:11 Il y a tout le spectre.
28:13 Et puis, des gens, des personnes qui font de l'administration,
28:16 de la gestion de contrats, de la communication vers le grand public et tout.
28:21 Beaucoup de métiers.
28:23 Il ne faut pas voir que le chercheur.
28:25 Le chercheur, une petite partie, j'ai la chance de représenter.
28:29 Et souvent, c'est nous qui parlons, mais il ne faut jamais oublier
28:31 qu'on va parler au nom d'une équipe, Supercam,
28:34 c'est 300 personnes en France, de tous horizons, de tous métiers,
28:39 de toutes qualifications.
28:40 Et donc, le spatial a cette chance d'avoir un objet d'étude extraordinaire,
28:46 c'est l'univers, il n'y a rien de plus beau.
28:48 Et puis, différentes façons d'y arriver avec vos compétences,
28:53 avec vos talents pour les plus jeunes.
28:55 Et donc, c'est un bel endroit où aller.
28:59 J'invite les jeunes à se tourner vers l'espace, vers le haut,
29:04 vers le ciel, et puis nous accompagner, accompagner ce grand mouvement
29:08 vers l'observation d'abord de la Terre, et puis ensuite, peut-être,
29:13 quelques-uns d'entre eux, partir vers la Lune, Mars ou même Jupiter.
29:18 [SILENCE]
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