00:00 [Musique]
00:08 Alors, je m'appelle Raphaël Chevrier, je travaille chez Arianespace depuis 2016,
00:16 d'abord en tant qu'assistant exécutif auprès du président exécutif d'Arianespace Stéphane Israël,
00:22 et actuellement au sein de la division commerciale,
00:26 et plus spécifiquement au sein de la section business development,
00:30 en charge notamment de plusieurs études de faisabilité et des sujets d'innovation,
00:34 pour vraiment savoir quelle mission on va vraiment pouvoir,
00:38 quelle nouvelle mission on va pouvoir adresser avec notre nouvelle gamme de lanceurs
00:41 qui arriveront cette année à Arianespace et Vegas.
00:45 Quel a été votre parcours d'étudiant ?
00:49 Alors, j'ai un parcours relativement académique,
00:53 j'ai suivi un parcours universitaire,
00:57 j'ai défendu une thèse en physique nucléaire au sein du commissariat à l'énergie atomique, le CEA.
01:03 Cette thèse portait sur l'étude de la structure des noyaux exotiques,
01:07 ce sont des noyaux qui sont extrêmement instables,
01:10 donc qui n'existent pas sur Terre, mais qui existent dans des environnements énergétiques très extrêmes,
01:14 c'est-à-dire les explosions d'étoiles, les supernovas, et à l'intérieur même des étoiles.
01:20 Et ces noyaux, on essaye de les reproduire sur Terre grâce à des accélérateurs de particules,
01:25 en France, aux États-Unis et au Japon.
01:29 Et avec ces accélérateurs de particules, on reproduisait ces noyaux,
01:32 et on essayait de les étudier pendant une infime fraction de seconde,
01:35 avant que ces noyaux se transforment spontanément en d'autres noyaux beaucoup plus stables.
01:40 Et ces résultats nous ont permis d'avoir des informations assez fondamentales
01:45 sur l'une des quatre forces de l'univers, à savoir l'interaction forte,
01:49 qui lie les nucléons entre eux au sein du noyau.
01:52 Alors, après avoir défendu ma thèse,
02:00 mon parcours n'est pas forcément très linéaire pour une carrière spatiale,
02:04 j'ai d'abord intégré un cabinet de conseil qui ouvrait auprès des start-up et des PME,
02:10 qui était lancé dans des travaux de R&D, de recherche et développement et d'innovation,
02:15 et après j'ai intégré donc Ariadespace,
02:20 en rencontrant le PDG Stéphane Israël,
02:23 qui a pris lui vraiment le risque de prendre un profil assez atypique comme le mien,
02:30 et ça je trouve que c'est quand même très très important pour une entreprise.
02:35 Et en parallèle de tout ce parcours, moi j'ai fait beaucoup de journalisme scientifique,
02:39 et notamment au sein du magazine de l'astronomie, ciel et espace.
02:43 Et puis là aussi je voudrais rendre hommage à son rédacteur en chef,
02:47 qui lui aussi m'a embauché pour un stage quand j'étais tout jeune,
02:51 je sortais à peine du bac, j'avais aucune expérience en journalisme,
02:56 et lui aussi a pris le risque de tenter l'aventure,
02:59 et puis finalement ce stage a continué dans une collaboration fructueuse pendant de longues années.
03:04 Avez-vous une rencontre particulière durant votre carrière
03:08 qui vous a influencé pour vous orienter, bien entendu, dans une carrière liée au spatial ?
03:15 Je pense à beaucoup de monde et à beaucoup de rencontres,
03:19 mais les premières personnes à qui je pense sans doute,
03:22 ce sont les professeurs que j'ai pu avoir au collège, au lycée, à l'université.
03:28 J'ai vraiment eu la chance d'avoir des professeurs à la fois en littérature,
03:33 mais de passion, et en science et en physique.
03:36 D'ailleurs, je pense à certains noms, et ce sont des femmes,
03:39 qui m'ont vraiment ouvert à des nouveaux horizons que j'ai pu quitter depuis,
03:45 qui sont effectivement la littérature et la physique.
03:48 Et donc ça, je pense que c'est vraiment essentiel, ce rôle des professeurs,
03:52 pour pouvoir déclencher des vocations, en tout cas ça l'a fait auprès de moi.
03:57 Et puis je l'ai cité, Philippe Henarejos, le rédacteur en chef du magazine Ciel et Espace,
04:03 qui lui a pris le risque de prendre un petit jeune comme moi à la sortie du bac,
04:07 qui n'avait aucune expérience en journalisme, pour un stage.
04:11 Et évidemment, Stéphane Israël, le président exécutif d'Arienespace,
04:17 qui là aussi a pris le risque de prendre et de tenter l'aventure avec moi,
04:24 alors que je n'avais pas fait de grande école d'aéronautique et de spatial.
04:30 Et je pense que les entreprises ont tout à gagner à s'appuyer sur des profits
04:38 qui ne sont pas forcément des profits qui ont suivi une trajectoire.
04:41 Alors pouvez-vous nous énoncer les grandes lignes de l'innovation d'Arienespace,
04:46 et pas que dans le domaine de la technique ?
04:49 Alors je vais quand même commencer par le domaine de la technique,
04:52 puisque Arienespace et l'Europe ont fait le choix de se lancer dans un cycle d'innovation continue
05:02 avec sa nouvelle gamme de lanceurs.
05:04 Et par exemple, Ariane 6 qui volera en 2025 ou en 2030
05:09 ne va pas forcément ressembler à l'Ariane 6 qui volera au second semestre de cette année.
05:14 Ariane 6 en 2025-2030, elle va bénéficier d'une augmentation continue de sa performance,
05:21 de ses capacités à envoyer de la masse dans l'espace,
05:25 notamment grâce au développement d'un étage supérieur beaucoup plus léger à base de fibre de carbone.
05:31 C'est aussi un lanceur qui pourrait bénéficier d'un nouveau moteur,
05:36 dix fois moins cher à produire, basé sur l'oxygène liquide et le méthane,
05:41 et surtout basé sur les nouvelles techniques d'impression 3D,
05:44 qui s'appellent le moteur Prometheus.
05:46 Et puis, c'est un lanceur qui pourrait bénéficier, si jamais le modèle des lancements de l'Europe,
05:53 et surtout sa cadence augmente significativement, donc si ça fait sens,
05:58 qui pourrait bénéficier du réutilisable.
06:00 Je sais que l'Europe aujourd'hui se prépare à utiliser cette technologie
06:05 à travers notamment les projets Temis et Caliston.
06:08 Et puis, d'un point de vue un peu plus Ariane-espace,
06:13 j'ai envie de dire qu'on innove au jour le jour.
06:17 On a vraiment une section dédiée à l'innovation, donc ça en a un espace.
06:24 Et on réfléchit tous les jours à la façon dont on peut augmenter
06:29 et délivrer des services toujours plus alignés avec les demandes des clients.
06:36 Et ce sont des services qui sont de plus en plus complexes,
06:40 avec des demandes qui sont de plus en plus affinées.
06:42 Je peux vous prendre plusieurs exemples.
06:45 On a l'augmentation du marché des petits satellites,
06:48 avec la miniaturisation des technologies.
06:51 Et Ariane-espace, dans ce cadre-là, a répondu à cette demande
06:55 en développant des structures d'emport multiples,
06:57 où on peut embarquer plusieurs satellites à la fois,
06:59 de nombreux satellites qui seront déployés ensuite
07:02 sur divers endroits de l'espace en un seul vol.
07:05 Je peux aussi penser à cette nouvelle appétence pour la Lune.
07:09 Tout le monde en parle et elle est là.
07:12 Il y a beaucoup d'acteurs qui aujourd'hui s'intéressent à la Lune,
07:15 notamment motivés par les nouvelles ambitions américaines d'y retourner
07:19 et de redéposer des hommes et des femmes sur notre satellite naturel.
07:24 Et là encore, Ariane-espace réfléchit à développer,
07:27 pour la première fois de son histoire,
07:29 des missions qui pourraient emporter plusieurs satellites à la fois,
07:33 plusieurs engins spatiaux, en direction de notre satellite naturel,
07:37 en prenant une sorte d'autoroute vers la Lune,
07:43 pour pouvoir donner toute la flexibilité à ces nouveaux acteurs.
07:47 Et puis, j'ajouterai aussi une dernière chose,
07:51 c'est que toutes ces nouvelles activités,
07:55 et c'est aussi de l'innovation en quelque sorte,
07:57 Ariane-espace essaie d'accompagner ces nouvelles activités spatiales
08:05 de façon durable.
08:07 Et ça, c'est très important dans un contexte
08:10 où de nouveaux acteurs, parfois, sont tentés d'aller déployer
08:16 beaucoup de choses en orbite,
08:18 dans un état d'esprit un peu far-west,
08:21 ce dont nous ne n'appelons pas de nos voeux,
08:24 et surtout, en ne se souciant qu'à ne pas laisser des débris derrière eux.
08:28 Et ça, c'est vraiment, sur Terre comme dans l'espace,
08:31 un vrai axe d'innovation qui est d'essayer de définir
08:37 un cadre d'activité durable pour pouvoir utiliser tout simplement
08:41 l'espace pendant de nombreuses années,
08:43 puisque l'espace, il est avant tout utilisé
08:45 pour le plus grand bénéfice des terriens.
08:47 Récemment, vous avez écrit un livre, "Ça alors",
08:51 histoire de ces découvertes que l'on n'attendait pas.
08:54 À qui s'adresse-t-il en premier lieu,
08:57 et quelle méthode avez-vous utilisé pour l'écriture de ce livre ?
09:03 Je n'ai pas utilisé de méthode particulière pour écrire ce livre,
09:06 mis à part mobiliser mon intérêt, ma curiosité,
09:10 et puis surtout ma passion pour l'écriture,
09:12 qui m'a permis de faire des recherches,
09:14 de lire, de lire, et de relire de la documentation,
09:18 et puis surtout de vérifier la fiabilité
09:21 et la pertinence de ces sources.
09:23 Ensuite, ce livre, il s'adresse à n'importe qui.
09:26 Qui est curieux des sciences,
09:28 mais pas que.
09:30 En racontant des histoires de grandes découvertes scientifiques
09:34 qui ont été faites par hasard, ou par accident,
09:36 ou par un concours de circonstances,
09:38 finalement, j'ai surtout essayé de comprendre
09:42 l'état d'esprit des protagonistes de ces histoires,
09:46 pour savoir qu'est-ce qui avait fait
09:49 qu'ils avaient su transformer un hasard en chance,
09:53 un accident en quelque chose qui leur était bénéfique,
09:56 rebondir sur des imprévus,
09:59 et vraiment faire avancer la science
10:02 dans des conditions qui ne sont vraiment pas évidentes,
10:04 c'est-à-dire dans des conditions d'inconnues.
10:07 Et en fait, je me suis rendu compte que
10:09 dans toutes ces histoires, il y a un point commun,
10:12 ce sont des individus qui n'ont pas des parcours très linéaires,
10:15 ce sont des individus très atypiques,
10:17 qui beaucoup étaient...
10:20 certains étaient analfabètes,
10:23 d'autres étaient autodidactes,
10:25 d'autres n'ont pas hésité à combattre
10:28 les idées un peu ambiants qu'ils entendaient autour d'eux,
10:32 et surtout les obstacles qu'ils avaient
10:34 de la part de leurs propres collègues.
10:37 Et ça, je pense que c'est, au-delà du livre,
10:40 c'est un message assez important à délivrer
10:42 au sein des entreprises,
10:44 et même au sein du monde académique,
10:46 laisser la place à l'imprévu,
10:48 et surtout entendre des individus,
10:51 des salariés, qui ont des idées,
10:53 qui ont des idées qui peuvent sortir du cadre.
10:56 Ça ne fonctionnera pas toujours,
10:58 mais ça fonctionnera parfois,
11:00 et je pense que les entreprises ont tout à y gagner
11:02 de vraiment s'appuyer sur des conflits tels que ceux-là.
11:15 Alors, je leur conseillerais d'abord
11:18 de bien réfléchir à ce qui les motive,
11:21 et ce qu'ils aiment.
11:22 Qu'est-ce qui fait qu'ils se réveillent le matin
11:25 pour aller travailler ou pour aller étudier ?
11:27 Ça, c'est la première chose.
11:29 Et la seconde chose, c'est que,
11:31 tout en ayant des passions,
11:33 et en sachant ce qu'ils veulent faire,
11:35 vraiment garder son esprit alerte,
11:37 et ne pas hésiter à saisir des opportunités
11:41 qui peuvent parfois les emmener
11:43 sur des chemins différents, là encore.
11:45 Je sais qu'en France, on est assez marqué
11:49 par cette volonté de suivre un parcours professionnel
11:52 qui colle parfaitement à son parcours académique,
11:56 pour ne pas dévier du chemin,
11:58 mais là encore, je pense qu'il est important,
12:00 et je pense que les entreprises le comprennent
12:02 de plus en plus,
12:04 de s'appuyer sur, évidemment,
12:07 des profils qui ont acquis de grandes compétences,
12:11 mais aussi des profils plus atypiques.
12:13 Alors, pour terminer,
12:15 les associations scientifiques et techniques
12:17 sont-elles pour vous une nécessité
12:19 au sein de notre société,
12:21 au-delà de la dynamique propre
12:24 des entreprises françaises et européennes ?
12:27 De par mon expérience,
12:29 là, vous me prêchez à un convaincu.
12:31 Évidemment, je trouve que le travail que vous faites
12:34 de vulgariser la science auprès du grand public,
12:37 il est absolument essentiel,
12:39 pour des raisons qui sont évidentes.
12:41 C'est que la science et la technique,
12:43 elle appartient à tout le monde.
12:46 Je veux dire, n'importe quelle découverte scientifique
12:49 ou les applications spatiales que l'on déploie,
12:52 elles appartiennent à la fin, à tout le monde.
12:54 C'est important, finalement,
12:57 que tout le monde se l'approprie
12:59 et d'avoir le soutien du public.
13:01 Moi, c'est ce qui m'a marqué
13:03 quand je suis arrivé chez Aerospace,
13:05 c'est d'être entouré de gens
13:07 qui sont aussi passionnés,
13:10 des gens qui sont bienveillants,
13:13 qui sont dévoués à leur travail.
13:19 Et je pense que c'est important de partager ça.
13:21 L'Agence spatiale, là encore,
13:23 elle a toutes les raisons d'attirer la jeunesse
13:25 la plus brillante et la plus passionnée qu'il soit.
13:27 Tout simplement, on a toutes les raisons
13:30 d'aborder, en tout cas dans le domaine spatial,
13:32 l'avenir avec confiance.
13:34 Très bien, merci.
13:36 Merci.
13:38 [SILENCE]