Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 01/11/2023
Communication de Catherine Hurtig-Delattre "laboratoire de co-éducation à Saint-Etienne - Chambon" le 18 octobre 2023 lors d'un webinaire organisé par le secteur formation-recherche de l'ICEM pédagogie Freinet

Catégorie

📚
Éducation
Transcription
00:00 OK.
00:01 Donc voilà, je vais vous parler d'une expérience à laquelle j'ai participé.
00:06 Donc, on va revenir un peu comme au début de la première intervention de Laurent Haute
00:12 sur une question d'un territoire et dans un quartier,
00:14 avec une expérience à laquelle j'ai eu la chance de participer
00:18 qui s'appelait Labo de coéducation.
00:19 Juste quelques mots sur la coéducation,
00:29 parce que c'est le thème général de la soirée,
00:30 sur mon engagement personnel dans la coéducation.
00:32 Donc, moi, je suis engagée sur ce sujet depuis un certain nombre d'années.
00:36 Et finalement, c'est venu vraiment d'un croisement
00:40 entre mes différentes expériences,
00:42 mon expérience professionnelle d'enseignant,
00:44 donc en maternelle, en élémentaire, puis de formatrice,
00:47 mon expérience parentale, puisque j'ai eu trois enfants,
00:50 je suis maintenant grand-mère,
00:52 et puis mon expérience associative,
00:54 donc en pédagogie freinée, bien sûr, à l'ISEM,
00:57 mais aussi à l'AFCPE en tant que parent,
00:59 et aussi auprès de familles sans hébergement, sans papier,
01:03 avec plusieurs associations, RESF, Jamais Sans Toi.
01:06 Et en fait, ces différentes expériences,
01:10 j'ai beaucoup changé, beaucoup évolué
01:14 quand je me suis autorisée à les mettre ensemble, finalement,
01:16 et à cesser de les cliver, c'est-à-dire à cesser de me dire
01:19 « je vais être une bonne professionnelle si j'oublie que je suis parent,
01:22 je vais être un bon parent si j'oublie que je suis prof,
01:24 je vais être une bonne citoyenne si j'oublie que je suis…
01:27 mon engagement citoyen, je vais le séparer de mon engagement professionnel. »
01:32 Et en fait, j'ai mis toutes ces expériences ensemble,
01:35 et je me suis mise à penser à la co-éducation,
01:38 justement en m'autorisant à réfléchir avec ces différentes casquettes.
01:42 Donc ça, j'avais envie de le dire.
01:44 Et notamment, à un moment donné, je me suis interrogée
01:47 sur en quoi est-ce que les principes de la pédagogie freinée
01:50 que je mettais en place en classe
01:51 pouvaient concerner aussi les autres adultes co-éducateurs,
01:55 en premier rang les parents,
01:56 mais aussi, par exemple, tous les autres professionnels
01:58 avec qui je travaille de différents métiers.
02:00 Et il y a trois principes que j'ai transposés.
02:03 Alors, on retrouve ce que les autres intervenants ont parlé,
02:07 qui est l'expression libre,
02:09 me dire que toute personne que j'ai en face de moi
02:11 a le droit de s'exprimer librement,
02:13 de la même façon que mes élèves peuvent s'exprimer librement dans la classe.
02:16 Le non-jugement inconditionnel,
02:18 je ne juge pas mes élèves, je crois en leur éducabilité fondamentale,
02:23 de la même façon, je ne juge pas les adultes que j'ai avec moi.
02:27 Et puis, l'explicitation des dispositifs,
02:29 donc là, je me mets en place plus d'enseignantes,
02:32 garantes de ce que je mets en place,
02:33 et de la même façon que j'explique ce que je fais à mes élèves
02:36 et que j'explicite les dispositifs,
02:37 je me suis mise à les expliciter, notamment aux parents,
02:40 pour qu'ils puissent comprendre finalement ce que je proposais en tant qu'enseignant.
02:44 Donc, ça, c'est un peu les principes sur lesquels je suis pour la co-éducation.
02:48 Et puis, effectivement, pendant plusieurs années, pendant trois ans,
02:53 j'ai participé à une expérience de co-formation,
02:55 formation coopérative qui s'appelait le labo de co-éducation.
02:58 C'est ce que je vais vous expliquer.
03:00 Ce labo de co-éducation,
03:04 c'est nous qui l'avons appelé comme ça, entre nous,
03:06 c'est un partage d'énergie sur un certain territoire,
03:08 à Saint-Étienne et au Chambon,
03:10 entre plusieurs partenaires qui sont allés se chercher mutuellement,
03:14 en fin de compte, une association de pédagogie sociale
03:17 que Laurent connaît bien, terrain d'entente,
03:19 des enseignants engagés en pédagogie freinée,
03:22 des enseignants du groupe départemental 42,
03:24 notamment de l'école Gastarmonge, mais aussi du Chambon,
03:27 des professionnels de collectivité territoriale.
03:30 Il se trouve qu'au Chambon-Feugereul,
03:31 il y avait à la médiathèque, au centre social,
03:33 des professionnels qui avaient envie de réfléchir à ces questions.
03:36 Et puis, il y a un groupe qui s'est formé suite à plusieurs rencontres
03:40 qui sont venus chercher finalement,
03:41 qui sont venus chercher des compagnons de route
03:43 à travers moi-même et Frédéric Jésus,
03:47 qui avons proposé de les accompagner.
03:52 Au départ, c'était des constats partagés
03:54 qui venaient surtout de l'association de pédagogie sociale
03:57 qui s'est exprimée, et également des collègues enseignants,
03:59 enfin un peu de tout le monde,
04:00 qui se disaient, finalement, l'école est vraiment souvent
04:03 loin des familles et des enfants.
04:05 Elle agit dans son coin, mais elle est loin des préoccupations.
04:08 Les enfants de milieu populaire sont souvent en difficulté scolaire
04:12 et souvent, ils s'ennuient à l'école.
04:13 Donc là, on n'est pas…
04:14 Il y avait des collègues de pédagogie freinée,
04:16 mais on est plus par rapport à des familles
04:17 qui sont confrontées à de la pédagogie, on va dire, ordinaire.
04:21 Et puis, les familles vivent dans des conditions difficiles.
04:24 C'est difficile pour accompagner leurs enfants.
04:26 Et en même temps, les professionnels sont très engagés,
04:30 mais souvent démunis, peu coordonnés entre eux.
04:31 Et se dire qu'il y a un potentiel de vie et d'énergie dans les quartiers,
04:35 mais qui n'est pas assez pris en compte par l'école,
04:37 et que finalement, chacun agit dans son coin
04:38 sans se prendre en compte mutuellement.
04:40 Donc, on a réfléchi à ce moment-là, pour nous,
04:43 dans notre petit groupe, qu'est-ce que c'était que la coéducation ?
04:46 Pour nous, en tout cas, tel qu'on l'a défini,
04:48 c'était la mise en commun des rôles et des regards.
04:51 Donc, ce n'était pas vraiment forcément faire ensemble
04:53 ni se donner du pouvoir les uns les autres,
04:55 mais plutôt mutualiser et mettre en commun
04:56 entre les différentes personnes qui ont à voir avec l'éducation
05:00 d'un enfant, d'un jeune ou d'un groupe.
05:02 Et du coup, on s'est dit que cette notion de coéducation,
05:04 ça amenait forcément à une conception plus globale,
05:07 plus ouverte que ce qui se passe souvent dans les écoles ordinaires.
05:10 Et donc, on s'est rendu compte que c'était une démarche
05:14 qui était vraiment difficile,
05:15 parce que beaucoup de personnes sont concernées,
05:17 parce que ça demande du temps, du dialogue,
05:19 du respect, de la confiance mutuelle,
05:21 et que ce n'est pas toujours ce qui se passe dans les établissements.
05:24 Donc, finalement, entre nous, les gens qui étions dans ce groupe,
05:33 ce labo, on s'est rendu compte qu'on partageait des convictions communes,
05:37 qui étaient l'entraide, la coopération, la confiance,
05:40 l'écoute de chacun,
05:41 et que ça nous permettait de mieux communiquer ensemble.
05:44 Et on s'est mis à mettre en place des rencontres
05:48 de différentes formes,
05:49 on s'est rencontrés plusieurs fois intergroupes pour mieux se connaître.
05:52 Pendant le confinement aussi,
05:53 on a fait des rencontres téléphoniques régulières
05:55 où on s'est raconté un peu ce qui se passait sur nos différents terrains.
05:57 Et puis, on s'est dit qu'on voulait aller au-delà,
06:00 c'est-à-dire pas rester entre nous,
06:01 entre personnes qui finalement nous comprenions
06:04 puisqu'on partageait ces valeurs communes,
06:05 mais qu'on voulait essayer sur le territoire
06:07 dans lequel étaient ces professionnels,
06:10 ces parents et ces éducateurs et ces enseignants,
06:12 d'aller vers finalement les autres,
06:16 ce qui n'était pas forcément dans nos idées,
06:18 nos valeurs partagées.
06:20 Et c'est là qu'on a créé ce labo de coéducation
06:23 pour poursuivre la réflexion,
06:24 arriver à construire des propositions
06:26 qui pourraient s'adresser au territoire.
06:29 Donc, on a mis en place,
06:33 on a pensé à certains principes de fonctionnement
06:36 qui élaboraient à partir de la technique des groupes de pères,
06:40 c'est-à-dire l'idée, c'était qu'on allait essayer
06:43 de trouver un certain nombre de professionnels,
06:45 de parents, d'enfants et de jeunes sur le territoire
06:47 qui voudraient s'engager dans la démarche de réflexion,
06:50 qu'on allait réunir un groupe avec ses différentes catégories,
06:54 ce groupe allait définir une ou plusieurs questions,
06:56 et puis ensuite, on allait réfléchir en groupe de pères,
06:59 donc c'est une technique qui est issue
07:02 de la technique des savoirs croisés datée des Quart Monde,
07:04 dans lesquelles on réunit les personnes par catégorie,
07:07 par groupe de personnes qui sont de la même catégorie,
07:09 avant de croiser les points de vue.
07:12 Du coup, on a fait une première grande réunion,
07:14 donc chacun, terrain d'entente d'un côté,
07:18 les professionnels du Chambon d'un autre côté,
07:20 les enseignants de l'autre côté,
07:21 on rôlait, on va dire, des parents, des jeunes,
07:25 des professionnels pour réfléchir à cette question,
07:27 donc on a fait une première soirée,
07:28 on était une cinquantaine à peu près,
07:30 et puis on a réfléchi ensemble,
07:32 par petits groupes de pères et tous ensemble,
07:33 pour définir des questions,
07:35 et les questions, c'était donc, d'après les différentes personnes,
07:39 qui sont les co-éducateurs et quels sont leurs rôles respectifs,
07:42 c'est une première question,
07:43 et deuxième question,
07:45 pourquoi et comment est-ce qu'ils devraient échanger entre eux ?
07:47 Donc, voilà, c'était comme un chantier qu'on a ouvert tous ensemble,
07:52 et à ce moment-là,
07:54 à cette étape de l'expérience,
07:59 ça a un petit peu mieux marché dans une commune que dans l'autre,
08:02 donc on était deux territoires au départ de communes,
08:04 et puis finalement, c'est au Chambon que les choses se sont produites,
08:07 donc les groupes de pères se sont réunis,
08:10 il y a des enseignants qui se sont réunis dans des écoles,
08:13 donc qui n'étaient pas des enseignants en pédagogie freinée,
08:15 également des professionnels dits du temps libre,
08:18 donc des professionnels de l'animation, du sport,
08:20 aussi des gestionnaires de la ville,
08:22 des professionnels agents municipaux,
08:25 donc ça, c'est assez rare qu'on arrive à entendre leur voix,
08:27 donc du personnel de cantine,
08:28 du personnel qui fait traverser les routes, par exemple,
08:32 des professionnels de petite enfance,
08:34 des crèches chez des lieux de petite enfance de quartier,
08:36 et puis également le service d'action jeunesse de la ville,
08:38 donc plus des techniciens de la ville,
08:41 également des élèves,
08:42 donc dans des écoles,
08:44 deux écoles élémentaires dans lesquelles il y a des conseils d'élèves,
08:47 donc c'était les délégués des classes,
08:49 le conseil, le grand conseil, on va dire,
08:51 qui a planché sur le sujet,
08:53 des adolescents dans un centre social,
08:55 et puis des parents,
08:57 également plusieurs groupes de parents avec l'association Terrain d'entente.
09:00 Et donc à chacun de ces groupes,
09:02 il y avait donc une trame d'animation,
09:04 et les groupes étaient réunis
09:06 et on leur posait un certain nombre de questions,
09:09 qui étaient les mêmes questions pour chaque groupe.
09:12 Et puis ensuite, on a fait une séance,
09:14 alors le COVID est passé par là,
09:15 donc on n'a pas vraiment pu faire autant qu'on voulait la dernière étape,
09:20 mais l'idée, c'est qu'ensuite, il y ait des représentants de ces groupes
09:23 qui se réunissent pour croiser
09:25 quelles ont été les différentes conceptions
09:28 et essayer d'aboutir sur des actions sur le territoire.
09:30 Donc je vais vous donner quelques résultats
09:32 de ce que ça a donné dans les groupes.
09:34 Donc la première question qu'on posait
09:36 à ces différents groupes, c'était où est-ce qu'on est éduqué ?
09:39 Ça se passe où l'éducation ?
09:41 Alors vous voyez qu'il y a un grand nombre de lieux,
09:44 bien entendu, les personnes parlent automatiquement
09:46 de la crèche, de l'école et du collège,
09:50 mais également de la famille,
09:51 mais ils parlent également du quartier,
09:53 ils parlent également des lieux culturels,
09:55 ils parlent des lieux sportifs,
09:56 ils parlent des lieux de loisirs,
09:58 ils parlent même, par exemple, du marché,
10:00 c'est les enfants qui ont parlé du marché,
10:01 ils parlent des lieux de soins, de l'hôpital.
10:04 Les jeunes, les adolescents vont parler des lieux de justice,
10:07 ils vont parler bien sûr des réseaux sociaux,
10:09 ils vont parler aussi des lieux de religion
10:11 et puis des lieux de citoyenneté.
10:13 Certains élèves notamment participaient
10:15 à un conseil municipal des jeunes.
10:17 Donc c'est vraiment intéressant
10:19 parce que quand on a beaucoup de groupes comme ça,
10:21 on ouvre énormément tous les lieux d'éducation.
10:23 On leur a demandé ensuite qui éduque.
10:26 Et donc là aussi, bien sûr,
10:28 tout le monde va évoquer la famille et puis les enseignants,
10:30 mais bien entendu, on aura une place pour les animateurs,
10:33 une place également pour tous les autres professionnels,
10:35 une place pour les soignants.
10:37 Et puis les enfants, les jeunes se disent aussi
10:39 "Nous, on s'éduque entre nous".
10:41 Et la question de l'entraide et de la communication
10:43 entre les enfants a été aussi beaucoup mise à l'honneur.
10:46 Et puis la question des réseaux sociaux
10:47 a été amenée plus par les adolescents.
10:49 Et quand on a fait le croissement,
10:52 il y a eu une discussion vraiment du côté des adultes,
10:54 "Ah bon, mais les réseaux sociaux, est-ce que ça éduque
10:56 ou est-ce que pas plutôt ça déforme,
10:57 est-ce que ça embrigade ?"
10:59 Donc en fait, en tout cas, les ados, eux, ils ont dit
11:02 "Bah oui, nous, ça nous éduque".
11:03 Et puis on a demandé à chacun de ces groupes
11:07 "Pourquoi est-ce qu'on éduque ? Ça sert à quoi l'éducation ?"
11:09 Alors les enfants parlent plus du vivre ensemble.
11:13 On nous éduque pour qu'on apprenne à vivre ensemble.
11:15 Les adolescents, en tout cas ce groupe-là,
11:17 a eu un point de vue assez normatif.
11:18 On nous éduque pour que nous, on ait un bon comportement.
11:21 Et puis les professionnels,
11:23 on voit qu'ils ont des points de vue différents.
11:25 Les professionnels plus, par exemple, de petite enfance
11:28 ou qui sont en dehors de l'école,
11:30 vont parler de guider l'enfant.
11:32 Les professionnels de l'animation vont parler
11:34 d'accompagner l'enfant dans son épanouissement.
11:36 Tandis que les enseignants vont être beaucoup plus
11:38 du côté de l'apprentissage et d'esprit critique.
11:40 Et puis les parents, eux, ils voient qu'il s'agit
11:43 d'aider l'enfant à grandir pour devenir indépendant.
11:45 Donc c'est assez intéressant parce qu'on a
11:47 des définitions différentes de l'éducation.
11:49 Et voilà, on aurait voulu aller encore plus loin
11:51 pour ensuite essayer de voir comment est-ce qu'on peut
11:54 harmoniser ces différentes façons
11:55 et voir comment est-ce qu'elles sont complémentaires.
11:57 Et puis on leur a demandé "C'est quoi co-éduquer ?"
12:00 alors ce n'était pas forcément un mot qu'ils connaissaient.
12:02 Donc on a regardé co-éducation, co-location, co-voiturage
12:06 pour faire comprendre quel était ce mot co-éducation.
12:08 Et donc là aussi, on voit que les groupes ont différentes réponses.
12:11 Les enfants parlent plutôt du fait qu'on va apprendre
12:14 dans plusieurs lieux, avec plusieurs personnes.
12:17 Les adolescents aussi ont un petit peu cette vision.
12:21 Du côté des personnels de l'animation,
12:23 ils pensent qu'il faut éduquer ensemble
12:24 en partageant une vision commune.
12:26 Et cette question de la vision commune
12:28 va être vraiment très discutée
12:29 avec par exemple les professionnels de petite enfance
12:31 qui disent "Non, on n'a pas forcément une vision commune.
12:34 Il va falloir que l'enfant navigue
12:35 entre les différentes personnes et les lieux.
12:37 On va l'aider à naviguer,
12:38 mais on ne va pas chercher à avoir une vision commune."
12:40 Et puis du côté des parents,
12:42 on sent une demande qu'ils ont en disant
12:44 "Nous, on veut de la confiance,
12:46 on veut de la communication, on veut du respect des différences."
12:49 Et du côté des parents, ça a été assez fort
12:51 parce que quand on leur a demandé "C'est quoi co-éduquer ?"
12:53 ils ont plus dit "On n'en a pas de la co-éducation."
12:55 Quant aux enseignants, eux,
12:57 ils ont parlé de réciprocité entre les parents et les professionnels
13:00 en disant que c'était pour eux quelque chose de difficile.
13:03 Du coup, on a demandé au groupe aussi,
13:06 pendant chaque groupe,
13:07 "Vous voyez quoi, vous, comme action de co-éducation ?"
13:10 Les enfants,
13:12 ils ont dit que finalement tout le monde était important
13:14 et que par exemple les dames de cantine
13:16 comptaient pour eux dans leur vie
13:18 ou les animateurs du péri-scolaire
13:20 ou même le chauffeur de bus pour ceux qui ont...
13:22 qui prennent le bus pour aller à l'école.
13:26 Les adolescents ont plus parlé des instances démocratiques
13:29 comme le conseil de vie collégienne
13:31 ou bien le conseil municipal d'enfants,
13:33 tout en disant qu'ils n'étaient justement pas assez démocratiques
13:35 et qu'ils aimeraient bien avoir plus de poids.
13:37 Les professionnels ont beaucoup parlé de problèmes de communication,
13:42 d'interconnaissance, de convivialité,
13:43 qu'ils ne se connaissent pas finalement entre métiers.
13:46 Les parents ont dit qu'ils avaient besoin d'espaces d'accueil et de dialogue.
13:50 On a vraiment senti ce manque chez les parents.
13:52 Quant aux enseignants, eux, ils ont été plus techniques.
13:55 Ils ont dit, oui, on va mettre en place des dispositifs
13:57 d'information et de participation.
13:59 Là aussi, on voit que selon les groupes,
14:01 on n'a pas la même vision des actions.
14:03 On a demandé aussi aux groupes quels sont les freins.
14:06 Alors là, les enfants ont été très clairs.
14:08 Ils ont dit que les adultes ne communiquent pas entre eux.
14:10 Nous, on a des animateurs, ils ne connaissent pas les enseignants.
14:14 À la piscine, le maintenageur ne connaît pas, etc.
14:18 Et donc, ils se contredisent et on voit bien qu'ils ne se parlent pas.
14:20 Les ados, eux, ils ont dit,
14:24 bien sûr, je vous fais vraiment un résumé de quelques paroles.
14:26 Ils ont dit beaucoup plus de choses.
14:27 Ils ont dit, globalement, notre parole n'est pas prise au sérieux.
14:30 On parle, on parle, on donne des instances,
14:32 mais en fait, on n'en tient pas compte.
14:34 Les animateurs ont repéré un manque de connaissances
14:37 et de reconnaissances mutuelles.
14:39 Les professionnels aussi ont parlé,
14:42 les professionnels de petite enfance notamment,
14:44 ont parlé du risque de jugement mutuel.
14:46 C'est quelque chose qui était très fort dans les crèches,
14:48 quand finalement, on préconise une certaine façon de faire
14:51 avec les jeunes enfants et puis on voit des parents,
14:53 qui ont une autre façon de faire.
14:54 Et comment faire entre conseils et écoute.
14:57 Donc, ils ont vraiment tâtonné autour de ça.
14:59 Du côté des parents, on a retrouvé un petit peu la même chose
15:02 que précédemment.
15:03 C'était souvent des mères qui étaient dans ces groupes.
15:07 Elles ont vraiment exprimé un manque de compréhension
15:10 de la part des professionnels.
15:11 Elles ont parlé aussi de leur peur,
15:12 la peur de l'orientation, la peur que leur enfant,
15:15 surtout quand il a des besoins particuliers,
15:17 ne soit pas suffisamment respecté.
15:18 Et donc, en se demandant, comment est-ce qu'on peut avancer avec ça ?
15:23 Les enseignants, eux, ont parlé du manque de temps,
15:25 du manque de formation,
15:26 et puis de toutes les contraintes institutionnelles qu'ils ont.
15:29 Et puis, ils ont parlé aussi du fait que certains parents
15:31 ont peur de venir à l'école.
15:32 Et là, on voit bien, c'est quelque chose qu'Athénae Carmond
15:34 a aussi beaucoup travaillé, la question des peurs réciproques.
15:37 Finalement, les parents ont peur d'aller voir les professionnels,
15:40 les professionnels ont peur d'aller voir les parents.
15:42 Donc là, les groupes ont pu quand même se parler en ce projet.
15:45 Voilà, donc, toute cette démarche qui a pris,
15:50 vous l'imaginez, un certain nombre de séances,
15:52 de semaines, voire de mois pour se mettre en place.
15:54 Donc finalement, on a pu organiser le croisement
15:56 entre ces différents groupes.
15:57 Et du coup, il y a un certain nombre d'actions qui ont été décidées.
16:01 Donc, par exemple, les élèves, dans les délégués d'élèves,
16:04 on dit qu'ils allaient continuer à réfléchir à ça
16:07 avec l'ensemble des élèves de leurs écoles.
16:09 Il a été décidé de travailler sur les règlements dans les lieux communs,
16:12 de se dire, par exemple, quand dans une classe,
16:14 la classe est utilisée pour la classe et pour le péri-scolaire,
16:17 on va se mettre ensemble et entendre le point de vue des élèves,
16:19 notamment, pour le règlement.
16:22 Donc là, il y a eu un gros travail dans cette commune
16:23 sur la question tout simplement des règlements des différents lieux.
16:27 La Ville également a mis en place une démarche
16:31 auprès des parents élus des écoles
16:32 pour mieux faire fonctionner les conseils d'école.
16:35 Et puis, il a été décidé que plusieurs professionnels,
16:39 comme les ADCEM, les équipes péri-scolaires
16:40 ou les personnels de petite enfance,
16:42 pourraient participer aux équipes éducatives,
16:44 ou aux équipes, vous savez, ça veut dire équipes de suivi de scolarité
16:48 pour les enfants porteurs du handicap.
16:49 Et ça, c'est des choses qui devraient être normales,
16:51 mais qui ne sont vraiment pas des pratiques ordinaires dans les écoles.
16:54 Voilà, donc modestement,
16:58 cette expérience qui était vraiment très intéressante.
17:02 Ça n'a pas été si facile de la faire déboucher sur les actions.
17:05 On a vu que les équipes se sont essoufflées,
17:08 qu'une action, une démarche comme ça,
17:10 ça prend plusieurs années et qu'il y a du turnover,
17:12 finalement, les directeurs ne sont plus là, etc.
17:14 Donc, c'est assez compliqué.
17:16 Les écoles, on le sait,
17:17 sont sous le feu des injonctions institutionnelles.
17:20 Ils n'en peuvent plus des évaluations nationales,
17:22 des contraintes de sécurité, de vigie pirate et du reste.
17:24 Donc, ça limite beaucoup les actions.
17:26 Puis, c'est compliqué de faire rentrer les collèges dans une action comme ça.
17:30 On a vu l'implication de la ville.
17:32 Là, ça a pu se faire sur un territoire
17:34 parce que la ville de Chambon était très investie.
17:36 On a eu la chance d'avoir les professionnels de la ville.
17:38 Malheureusement, à Saint-Étienne, ça n'a pas suivi.
17:40 Donc, l'association Terrain d'entente s'est trouvée à couteau tiré
17:43 avec la ville et puis avec les écoles.
17:44 Et on a vu dans certains cas le piège de certains dispositifs,
17:48 comme ce qu'on appelle les cités éducatives ou les parents ambassadeurs,
17:51 qui sont normalement des dispositifs qui prônent la coéducation.
17:54 Et là, en tout cas, ça fait un clash avec ces groupes de pères
17:58 qui étaient pris en charge un peu spontanément par des groupes militants.
18:01 Et puis, les parents restent, entre guillemets,
18:06 une catégorie de personnes qui ne sont pas faciles à mobiliser.
18:09 Un petit groupe s'est mobilisé, mais il continue à nous dire
18:12 que les autres, on n'arrive pas forcément à les faire venir.
18:17 Voilà, donc aujourd'hui, je termine sur cette conclusion.
18:19 Donc, ce labo de coéducation ne se réunit plus,
18:21 l'expérience s'est arrêtée.
18:23 Le travail se poursuit quand même entre les écoles,
18:27 l'association Terrain d'entente continue,
18:29 le groupe départemental aussi.
18:31 Et voilà, petite page de pub dans cette expérience
18:33 qui est relatée dans cet ouvrage que j'ai coordonné.

Recommandations