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  • 09/06/2023
Vendredi 9 juin 2023, SMART SPACE reçoit Béatrice Hainaut (chercheuse "Espace", IRSEM) , Christine Lavarde (sénatrice, Hauts-de-Seine) et Philippe Coué (auteur et chercheur indépendant)

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Transcription
00:00 [Musique]
00:04 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space, au programme de notre émission en collectus inédit.
00:10 Aujourd'hui, nous vous proposons un entretien avec la sénatrice Christine Lavard,
00:15 qui vient de déposer un rapport sur l'exploitation des ressources dans l'espace.
00:20 Rapport qui sera rendu public lundi prochain. Nous en découvrirons les enjeux ensemble dans cette émission.
00:27 Et puis ensuite, ce sera votre Space Toll qui en parlera de la Chine et de sa fulgurante croissance,
00:33 qui en 30 ans a non seulement réussi à rattraper son retard, mais aussi à se positionner aujourd'hui comme la deuxième puissance spatiale.
00:41 Voilà pour le programme. On démarre tout de suite avec le Collectus sur Bismarck.
00:46 [Musique]
00:50 Dans un contexte ultra compétitif, le retour sur la Lune, le développement du vol habité
00:56 et tous les enjeux de souveraineté qui vont avec, deux sénatrices, Vanina Paoli-Gagin et Christine Lavard,
01:02 mettent en lumière l'enjeu de l'exploitation des ressources spatiales dans un rapport délivré au Sénat,
01:09 qui sera rendu public lundi prochain.
01:12 Pour en parler, Christine Lavard, sénatrice LR, co-rapporteur de ce rapport, est avec nous à distance.
01:18 Bonjour Christine Lavard, bienvenue dans Smart Space.
01:21 Alors, on n'a pas pu lire l'entièreté de ce rapport encore chez Bismarck et nulle part ailleurs a priori,
01:26 puisque il sera rendu public la semaine prochaine. On touche du doigt quelques enjeux avec une synthèse qui a été délivrée.
01:33 Christine Lavard, quelle est la vocation précisément de ce rapport ?
01:38 Alors ce rapport, donc effectivement, aujourd'hui la synthèse est publique, puisque le rapport a été adopté par la délégation à la prospective du Sénat.
01:46 Donc c'est une délégation qui vise à réfléchir aux enjeux du futur pour éclairer ensuite la décision des décideurs publics.
01:56 Et donc c'est justement tout l'enjeu de ce rapport, c'est d'attirer l'attention sur l'enjeu de l'exploitation des ressources spatiales,
02:06 sujet qui aujourd'hui est assez éloigné des préoccupations des Européens, alors que d'autres pays qui sont en fait nos compétiteurs,
02:14 notamment la Chine et les États-Unis, eux ont bien compris tous les enjeux économiques qui se cachent derrière ces ressources.
02:23 Derrière l'exploitation des ressources spatiales. Alors vous le disiez, vous avez cité l'Europe, c'était ma prochaine question.
02:28 Est-ce que l'objectif de ce rapport, c'est d'alerter au niveau national, au niveau européen ? Quelle est votre ambition ?
02:35 Alors ce qui est certain, c'est que la conquête spatiale aujourd'hui, c'est une politique qui a vocation à devenir européenne.
02:41 La France ne pourra jamais rivaliser seule face à la Chine ou aux États-Unis.
02:47 Et aujourd'hui, nos grands programmes spatiaux, Ariane, Airbus, ce sont des consortiums européens, ce sont des politiques européennes.
02:54 Alors ce qui est assez compliqué, c'est qu'on a finalement une agence spatiale européenne qui n'est pas une entité de l'Union européenne,
03:01 puisque des pays non membres de l'Union européenne sont membres de l'agence spatiale,
03:05 et que la politique spatiale, elle est encore finalement peu au cœur de la politique de l'Union européenne,
03:11 même si on a compris qu'un texte devrait être proposé dans les prochains mois sur cette question.
03:19 Après, au niveau français, ce que l'on peut faire déjà, c'est venir mettre à jour une loi de 2008, justement, qui traite des questions spatiales,
03:29 sachant que certains pays de l'Union européenne, eux, ont déjà pris les devants et autorisent, par exemple, l'exploitation des ressources par leurs citoyens.
03:37 Je pense au Luxembourg ou à la Belgique.
03:39 Qui font encore partie des exceptions. C'est un sujet très touchy. En réalité, il n'y avait pas de légisfération au niveau international.
03:49 Le traité de l'espace de 1967 dit très peu de choses, finalement. Ce n'est pas vraiment une réglementation.
03:54 Aujourd'hui, il n'y a rien. L'objectif, c'est de poser des jalons de réglementation et de se mettre en harmonie avec tout le reste.
04:01 Ou c'est plutôt de protéger les intérêts français et européens d'abord, et ensuite, peut-être, créer une collaboration sur le sujet.
04:08 En fait, on ne peut pas dire qu'il n'y a rien. Mais ce qui existe n'est pas assez complet.
04:13 Parce qu'effectivement, vous citiez le traité de l'espace.
04:16 Le traité de l'espace dit juste que nul ne peut s'approprier un astre qui appartient au patrimoine commun de l'humanité.
04:24 Il a ensuite été complété par le traité de la Lune, qui lui va un peu plus loin et qui dit que les astres sont le patrimoine de l'humanité.
04:33 Et qu'on ne peut pas exploiter leurs ressources. Malheureusement, en fait, ce traité sur la Lune, il n'a été signé par aucune des grandes puissances spatiales.
04:41 La France l'a signé, mais elle n'a pas ratifié. Donc, il n'est d'aucune portée juridique.
04:49 Depuis, les États-Unis ont pris les accords Artemis, qui là ont été signés par plus de pays.
04:57 Mais en fait, ces accords, ce qu'ils disent, c'est qu'ils autorisent à aller sur la Lune, à exploiter.
05:05 Ils vont même plus loin. Ils disent que si jamais la présence d'un tiers pouvait nuire aux intérêts américains sur la Lune, on pourrait autoriser une sorte de militarisation de la zone occupée.
05:17 Et là, c'est une véritable question, puisque sur la Lune, en fait, la zone sur laquelle on peut s'installer, on peut vivre et où on peut extraire des ressources, notamment de l'eau, est très petite.
05:27 C'est la taille de l'agglomération parisienne. Donc, ce sera premier arrivé, premier servi.
05:32 Donc, cette question du droit, ce ne sera pas la France, malheureusement.
05:37 Alors, est-ce qu'il y a un sujet éthique dans ce rapport qu'on pourra découvrir en entier la semaine prochaine ?
05:44 Parce que la question des ressources spatiales, c'est aussi une question éthique.
05:48 Alors, quelle définition vous accordez ?
05:52 Est-ce qu'on a le droit de s'emparer de ressources spatiales ? C'est une vraie question.
05:56 On a déjà abordé le sujet aussi dans Smart Space, décider d'aller exploiter les ressources de notre astre.
06:03 Ça soulève toujours des questions éthiques qu'il faut justifier ou en tout cas prendre en compte, peut-être dans une question de réglementation.
06:08 Est-ce que vous commencez à explorer un petit peu ce sujet dans ce rapport ?
06:12 Alors, on commence à l'éthique. Ce qui est sûr, c'est que dans le domaine spatial, on n'a pas de biodiversité.
06:18 Donc, on n'aura pas une éthique au sens où on l'a sur Terre de se dire qu'on va aller exploiter, tuer des êtres vivants.
06:26 Par contre, là où il y a une véritable question d'éthique qui se pose, c'est que, comme je vous le disais,
06:29 ces ressources spatiales appartiennent au patrimoine commun de l'humanité.
06:33 On ne peut pas se les approprier puisque derrière, il y a une valorisation économique très importante.
06:38 Et si on dit premier arrivé, premier service, c'est-à-dire que la Chine ou les États-Unis pourront exploiter seuls
06:44 une valorisation économique qui normalement doit participer à tout le monde.
06:49 Et c'est, je pense, pour ça que l'Europe a quelque chose à faire, notamment pour écrire le droit.
06:59 Puisqu'on peut emporter avec nous des pays qui sont en train de construire justement un peu leur conquête spatiale.
07:05 Je pense à l'Inde, je pense au Brésil, mais je pense aussi à des pays d'Afrique.
07:08 Oui. Alors, vous citez, je crois, dans le rapport, l'astéroïde Psyché, qui est un astéroïde qui fait beaucoup fantasmer
07:13 parce qu'on parle de métaux qui seraient capables. La somme des recherches sur cet astéroïde serait assez impressionnante.
07:21 Pourquoi vous citez cet astéroïde en particulier ? L'idée, c'est quoi ? C'est de montrer le potentiel des ressources ?
07:26 Oui. L'astéroïde Psyché, c'est effectivement celui sur lequel on a la meilleure connaissance sur ce qu'il contient.
07:33 On a réussi à déterminer les quantités. Après, la valorisation qui en est faite, comme les montants sont astronomiques,
07:40 on voit bien que juste cet astéroïde, ça donne une idée du potentiel de ce qu'on pourrait trouver ailleurs dans l'espace.
07:45 Ailleurs, le plus proche, c'est la Lune et demain, c'est Mars.
07:48 Oui. Mais la somme des matériaux qui sont sur Psyché, qui est quand même sur la ceinture d'astéroïde,
07:53 donc qui est extrêmement loin de la planète Terre, on n'a pas les moyens d'aller là-bas ni aujourd'hui ni demain,
07:59 ce ne sont pas les mêmes ressources qu'on trouverait sur la Lune et sur Mars.
08:03 Le potentiel économique paraît difficile à mesurer. Vous essayez aussi de poser ces jalons-là dans le rapport ?
08:09 On connaît en fait. On sait que sur Mars, il y a beaucoup plus de ressources que sur la Lune.
08:13 On sait qu'on a besoin déjà de s'installer sur la Lune pour ensuite partir sur Mars.
08:17 Mais on a déjà des connaissances scientifiques suffisantes pour savoir que sur Mars,
08:21 on pourra fabriquer de l'oxygène, du méthane en quantité très importante.
08:28 Merci beaucoup, Christine Lavard, d'avoir pris le temps de venir nous dévoiler un petit peu les enjeux de ce rapport.
08:34 Vous reviendrez dans Smart Space peut-être pour porter ce sujet,
08:37 puisque vous allez le porter dans le cadre de cette commission au Sénat dans les prochaines semaines.
08:41 Merci beaucoup. On enchaîne quand à nous.
08:43 Merci et bonne lecture.
08:44 On enchaîne avec le Space Talk sur Bsmart.
08:47 Il y a encore 30 ans, la Chine et le secteur spatial chinois étaient au point mort.
08:56 Aujourd'hui, la Chine a non seulement rattrapé son retard,
08:59 mais elle a même devancé la plupart des acteurs, y compris l'Europe.
09:05 Pour en parler, nous avons au plateau Béatrice Hénot, chercheure genre non-doctrine et stratégie à l'IRSEM,
09:11 l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire.
09:13 Bonjour Béatrice.
09:14 Bonjour Cécilie.
09:15 Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
09:16 Merci.
09:17 À vos côtés, nous avons à distance Philippe Coué, chercheur indépendant dans le secteur spatial,
09:22 académicien à l'IAA et auteur de plusieurs ouvrages sur le secteur spatial et notamment sur le secteur spatial chinois.
09:30 Bonjour Philippe Coué. Bienvenue avec nous dans cette émission.
09:34 Bonjour Cécilie.
09:35 Alors comment la Chine a-t-elle fait pour rattraper son retard alors même qu'elle envoyait son premier taïkonaut ?
09:42 Il faut le répéter, dans l'espace, seulement en 2003, il me semble.
09:45 Oui, alors la Chine n'est pas non plus une nouvelle puissance spatiale.
09:51 C'est quand même un État qui a investi depuis longtemps sur le spatial.
09:54 Elle a un programme spatial dès les années 50 et elle met son premier satellite en orbite en 1970.
09:59 Certes, il y a quand même une accélération depuis à peu près une dizaine d'années où il y a un effort qui est fait
10:04 et il y a aussi une volonté politique qui est inscrite dans des documents programmatiques
10:10 où il est dit qu'elle souhaite avoir un leader mondial en 2049.
10:16 Et il y a dans toutes les étapes pour arriver à ce leadership en 2049, le volet spatial.
10:23 Donc il y a un effort particulier qui est fait dans ce secteur hautement technologique
10:27 comme dans d'autres secteurs que pourrait être l'intelligence artificielle, etc.
10:31 On va y revenir, ça fait partie de cette nouvelle position de la Chine
10:34 qui est évidemment liée aux autres secteurs technologiques toujours dans le spatial.
10:38 Philippe Coué, votre avis sur cette fulgurante ascension ?
10:42 Eh bien écoutez, c'était quelque chose qui était attendu.
10:46 Il suffisait de se pencher sur la littérature des années 80 pour comprendre ce qui allait arriver.
10:51 Donc la dynamique en fait, effectivement elle s'accélère depuis dix ans.
10:57 En réalité, c'est à partir du début des années 90 qu'il y a un changement de braquet
11:03 avec une accélération progressive à la fin des années 90.
11:08 Et puis la mise en place de tous les programmes qui vont faire de la Chine une superpuissance spatiale dans les années 2000.
11:16 Mais effectivement, on a vu l'aboutissement de cet effort à partir des années 2010.
11:25 Mais en fait, la Chine n'avait pas pris le virage au moment où les États-Unis travaillaient sur le programme Apollo.
11:32 Oui, elle avait déjà lancé ses satellites.
11:35 Voilà, elle avait déjà lancé ses satellites. Il y avait quand même une certaine ambition.
11:38 Comme on l'a dit, ça s'est véritablement accéléré.
11:41 Et puis elle a vu aussi combien l'espace était utile, comme bien d'autres États, pour les applications civiles notamment.
11:49 Aussi pour des besoins internes, puisque c'est un État quand même continent qui a de grands besoins de connectivité, etc.
11:57 sur son territoire, d'aménagement du territoire.
11:59 Et l'espace est aussi un outil à visée interne, pas seulement un outil à visée internationale.
12:05 Quelle est la position aujourd'hui de la Chine ?
12:07 Alors moi je disais en introduction qu'on peut peut-être les qualifier de deuxième puissance spatiale mondiale.
12:12 Est-ce que vous êtes du même avis, Philippe ?
12:14 Oui, complètement.
12:16 À partir du moment où on commence à lancer des sondes dans l'espace interplanétaire,
12:24 quand on fait du vol habité, mais quand on le fait vraiment, c'est-à-dire qu'on maîtrise toute la chaîne
12:31 depuis le lancement jusqu'à la récupération des gens,
12:35 oui, là on monte en gamme.
12:38 Et lorsqu'on voit toutes les applications qui sont maîtrisées par les Chinois,
12:44 et surtout la cadence, le nombre, on est maintenant avec la Chine en seconde position.
12:52 J'ajouterais effectivement que la Chine est en seconde position.
12:57 Maintenant, les États-Unis pour le moment en tout cas restent l'hyperpuissance spatiale.
13:01 On a un budget qui est astronomique du côté américain.
13:05 On estime, les experts estiment, entre 50 et 60 milliards d'euros.
13:09 Du côté chinois, on est plus, c'est des estimations également, entre 10 et 15 milliards.
13:14 Donc c'est un budget conséquent, on fait plein de choses.
13:16 Comme l'a rappelé Philippe Koué, effectivement on peut développer toutes les applications spatiales,
13:21 même les plus perfectionnées, mais on a quand même les États-Unis finalement et les autres.
13:25 Mais effectivement la Chine n'est pas loin derrière finalement.
13:28 Mais ce qui est très étonnant avec la Chine, c'est ce panel d'applications.
13:32 Philippe, vous allez pouvoir réagir à ce que disait Béatrice,
13:35 mais vous le disiez, on parle de vol habité, ce qui est quand même difficile.
13:39 On n'a pas cet accès à l'espace autonome aujourd'hui en Europe par exemple.
13:43 On parle d'une station orbitale chinoise qui est déjà activée, le palais céleste comme on l'appelle,
13:49 et qui sera d'ici la fin de l'ISS la seule station orbitale terrestre.
13:54 On parle de technologies où on va sur la lune, sur la face cachée de la lune.
14:00 Philippe, je vous vois réagir à ce que je dis, je vous en prie.
14:03 Oui, non pas du tout. Le palais céleste ne sera pas la seule station lorsque l'ISS aura disparu, si je puis dire.
14:13 Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a au moins cinq projets de stations en développement aux États-Unis,
14:21 dont deux qui sont plutôt réalistes. Donc non, ils ne seront pas les seuls.
14:26 Mais ce sera un état. Alors si je puis me permettre, Philippe, on aura des stations privées,
14:30 on aura des stations dédiées à des activités commerciales, mais une station dédiée entièrement à la recherche,
14:36 on n'a que le palais céleste a priori comme option.
14:40 Qu'est-ce que ça change justement dans la position de la Chine aujourd'hui ?
14:44 La Chine, elle possède déjà sa propre station spatiale, ce qui est quand même quelque chose de très important.
14:51 C'est le seul État aujourd'hui qui dispose d'une station nationale, l'ISS est internationale,
14:58 mais c'est une position qui va être attrapée entre guillemets par les États-Unis dans trois, quatre ans,
15:06 avec probablement plusieurs stations. Donc non, il ne faut pas dire que la Chine sera la seule à posséder une station,
15:13 mais la Chine fait énormément, avance très très vite dans le vol habité,
15:18 puis je vous rappelle qu'en même temps qu'ils occupent l'orbite basse, ils préparent la Lune.
15:25 Ça, c'est ce qui va démarquer la Chine aujourd'hui.
15:28 Effectivement, le Tiangong 3, c'est très important.
15:32 Et puis, il ne faut pas oublier que malgré tout, les stations spatiales privées pourront aussi accueillir des expériences scientifiques.
15:37 Ce ne sera pas forcément avec un drapeau national, mais il peut y avoir des expériences scientifiques.
15:41 Et ensuite, c'est vrai qu'on regarde tous un petit peu du côté de la Lune,
15:44 et c'est là où on voit parfois les rhétoriques de "nouvelle course à la Lune", etc.
15:49 Donc, il faut prendre des précautions avec ça, parce qu'effectivement, la Chine vise la Lune,
15:53 peut-être pas de la même manière que les États-Unis, pas avec le même budget, pas avec les mêmes États,
15:57 puisqu'elle a un programme de coopération aussi pour y aller, mais on verra un petit peu de quelle manière les deux ambitionnent d'aller sur ce terrain.
16:06 Est-ce qu'on parle encore de "course à la Lune" quand on parle de la Chine et des États-Unis,
16:11 comme on pouvait en parler il y a quelques années, ou il ne s'agit pas du tout d'une course, de toute façon ?
16:16 Alors, si on regarde factuellement, on peut tout de suite essayer de se raccrocher à ce qu'on connaît un peu,
16:21 puisque "course à la Lune", ça fait référence aussi à la guerre froide, etc.
16:24 Donc, c'est tentant d'employer la même expression, et surtout que dans les faits, on a un peu cela.
16:29 Quand on voit, vous parliez du premier taïkonaut en 2003, en 2004, les États-Unis décident de retourner sur la Lune.
16:36 Ensuite, on a l'annonce du programme Artemis, qui est précédé aussi de prouesses chinoises,
16:44 et l'année d'après, on a l'annonce aussi par les Chinois du programme lunaire, ILRS, avec notamment les Russes,
16:52 et elle parle aussi d'autres futurs accords avec d'autres États.
16:57 Donc, effectivement, on voit que ça se chevauche quand même les annonces.
17:00 Voilà, au niveau chronologique, on voit qu'il y a quand même un chevauchement.
17:03 Ensuite, au niveau des moyens, ce ne seront sûrement pas les mêmes moyens qui seront mis en place.
17:08 Pour les ambitions, on n'en sait peu pour l'instant, puisque c'est quand même loin.
17:13 On sait qu'il y a l'exploitation minière, et puis surtout, la visée, c'est quand même au-delà de la Lune aussi.
17:18 Pour les deux, c'est l'exploration, on va dire, dans l'espace Mars notamment, et puis contre corps céleste.
17:24 - Philippe Coué, un mot sur cette dualité Etats-Unis-Chine ?
17:28 - Alors, je suis désolé, madame Hainaut, mais le Compte Constellation n'a pas démarré à cause du programme lunaire,
17:37 du programme habité chinois, ça n'a rien à voir.
17:41 C'était simplement la volonté, en fait, après l'accident de la navette, de placer l'objectif des États-Unis très très haut.
17:49 En revanche, vous avez raison de dire qu'Artemis a été quelque part accéléré, on va dire, par les plans lunaires chinois en 2018-2019.
18:02 Dans les faits, enfin, officiellement, il n'y a pas de course. Les deux, en fait, en parlent à demi-mot.
18:11 La Chine ne dit jamais qu'elle est en compétition avec les États-Unis, mais dans les faits, par rapport aux décisions qui ont été prises,
18:18 par rapport à ce que l'on voit maintenant tous les jours, c'est quand même un peu ça, quoi.
18:24 Les États-Unis n'ont pas envie d'arriver après 2029, après les Chinois, ils vont tout faire pour être avant eux.
18:34 Alors, Béatrice, vous le disiez très justement, il y a cette position avec la Russie aussi qui est intéressante.
18:40 C'est-à-dire de se dire que la Chine, aujourd'hui, collabore avec la Russie alors que nous, on ne le fait plus, les États-Unis ne le font plus.
18:46 Est-ce que ça va jouer aussi dans cette position si spécifique de la Chine comme puissance spatiale ?
18:50 Effectivement, ce n'est pas non plus un nouveau partenaire puisque ça a été un partenaire un temps pendant la guerre froide.
18:55 Ils ont eu ensuite des relations qui ont cessé et qui ont redémarré après la guerre froide, après 1991.
19:03 Et il y a une intensification, on va dire, de la coopération entre les deux avec un petit changement finalement d'équilibre entre les deux
19:11 puisqu'on avait une Russie qui était un peu réticente au départ à collaborer, à coopérer avec la Chine par peur de nourrir un rival finalement dans l'espace.
19:22 Et puis aujourd'hui, avec après la Crimée en 2014 et ensuite maintenant avec l'invasion de l'Ukraine en 2022 et ses conséquences,
19:29 c'est-à-dire les sanctions qui sont prises en l'encontre de la Russie, elle a tendance à se rapprocher de la Chine effectivement
19:35 puisqu'elle est aussi en recherche finalement de partenaires. Elle a une véritable base technologique encore valable pour le spatial,
19:43 donc elle a encore des choses à donner. Maintenant, la Chine a les ressources,
19:47 donc c'est un partenaire qui a aussi des ambitions et des ressources, donc qui peut être très intéressant aussi pour la Russie.
19:52 On pourrait aller vers une position de dépendance de la part de la Russie vis-à-vis de la Chine ?
19:57 Alors c'est un peu effectivement, aujourd'hui on se pose un peu la question de ce, pas de ce renversement,
20:03 mais cet équilibre qui est plutôt en faveur de la Chine.
20:06 La Russie a quasiment tout stoppé de ce qu'on entend aujourd'hui des informations qu'on a sur le secteur spatial.
20:13 Alors elle maintient quand même une activité puisqu'elle a quand même un passif, des compétences, etc.
20:18 Mais c'est vrai que c'est assez dur pour elle, pour les sanctions, et puis il y a des problèmes internes aussi.
20:23 Il y a des problèmes récurrents de corruption, d'organisation générale.
20:27 La nouvelle base est tout un sujet aussi, effectivement.
20:30 Tout à fait. Donc de coopérer, on va dire, avec la Chine, et la Chine peut-être aussi avec d'autres partenaires,
20:36 ça peut être une bonne solution pour elle, mais effectivement il faut que ce partenariat soit équilibré.
20:41 Et ça, je ne suis pas sûre que ça le soit à long terme en tout cas.
20:44 Philippe Coué, est-ce qu'on peut faire un parallèle avec d'autres pays qui auraient repris comme ça une position ?
20:50 Je vais simplement réagir par rapport à ce qui a été dit.
20:53 La Chine parle de l'exploration lunaire habitée et de l'installation d'une base lunaire depuis 1999.
21:01 Comme tout en Chine, il y a une volonté d'être autonome pour faire seul tous les éléments.
21:10 Par exemple, quand on dit que les Chinois ont fait Tiangong-3 parce qu'ils n'ont pas été invités à bord de l'ISS, c'est totalement faux.
21:17 Il faut simplement revoir tout ce qui a été fait depuis les années 80,
21:21 tout ce qui a été décidé dans les années 90 pour savoir qu'il y a vraiment une volonté de maîtriser absolument tous les domaines,
21:29 y compris l'exploration lunaire habitée.
21:31 Et effectivement, nous voyons les Russes aujourd'hui être invités par la Chine à coopérer sur ce programme.
21:38 Et ce qui est très étonnant, c'est que dans les médias d'État,
21:42 lorsqu'on parle en fait de l'habité lunaire et du programme lunaire,
21:46 on ne parle pas ou pratiquement pas des Russes.
21:51 Dans la communication officielle, tout est inscrit comme si la Chine souhaitait y aller seule et réaliser seul l'exploit.
22:04 Alors effectivement, il y a le programme de coopération ILRS qui pourrait d'ailleurs être étendu à d'autres pays,
22:09 comme le Pakistan ou d'autres États proches de la Chine.
22:13 Mais officiellement, dans la rhétorique chinoise, c'est vraiment la volonté d'y aller seule, de marquer une empreinte chinoise.
22:27 Donc il y a la coopération effectivement qui est évoquée,
22:32 mais c'est étonnant parce qu'elle n'apparaît absolument pas en fait dans la communication officielle concernant l'exploration de la Chine.
22:39 Évidemment, ce n'est pas si surprenant.
22:43 Effectivement, la Russie est un partenaire intéressant technologiquement,
22:47 mais aujourd'hui la Chine est aussi pragmatique.
22:50 Et si la Chine devient un peu gênante pour établir d'autres partenariats avec d'autres États,
22:55 elle prend peut-être un peu ses distances, ou en tout cas, comme le disait Philippe Coué,
22:58 elle n'a pas nommé la Russie dans son appel à la coopération internationale.
23:06 Donc on voit qu'elle reste prudente.
23:09 Il faut jouer sur les deux tableaux. Il faut aller chercher aussi l'Europe, les États-Unis,
23:13 qui pourront collaborer aussi avec la Chine, qui l'ont déjà fait.
23:16 Tout à fait. Il y a des États qui souhaitent coopérer autant dans le programme Artemis
23:20 que dans le programme chinois de conquête lunaire.
23:23 Donc voilà, c'est un vrai jeu d'équilibriste pour la Chine aujourd'hui.
23:28 Avant de conclure, je voulais qu'on fasse peut-être un parallèle,
23:31 parce que la Chine n'est pas la seule puissance qui a réussi à rattraper un certain regard,
23:36 ou en tout cas qui a finalement atteint des étapes cruciales dans un temps assez court.
23:40 Il y a l'Inde aussi. Est-ce que c'est un parallèle qu'on peut faire, Béatrice ?
23:43 On en a parlé ensemble pendant la préparation de cette émission.
23:46 Alors effectivement, l'Inde est un acteur majeur.
23:49 Ses prouesses, on va dire, technologiques, ont tendance parfois à être éclipsées
23:52 par ce que fait la Chine, puisqu'il y a quand même une attention médiatique très forte sur la Chine
23:56 et ce qu'elle fait, et puis bon, parce que les États-Unis aussi,
23:59 leur préoccupation, c'est quand même la Chine dans un premier temps.
24:02 Et donc la Chine fait des choses aussi remarquables, des prouesses technologiques,
24:07 avec l'Inde, pardon, avec des ambitions qui sont lunaires, martiennes, etc.
24:12 Et elle est aussi sur une volonté de coopération aussi avec d'autres États.
24:18 Qu'est-ce qui les différencie, à part cette visibilité, cette attention ?
24:22 La Chine a quand même réussi technologiquement, et on ne s'explique pas spécialement comment.
24:28 Alors certes, il y a un budget impressionnant, mais on arrive à cumuler des prouesses technologiques,
24:34 à envoyer des hommes de façon sécurisée et à les récupérer, vous le disiez dans le détail, Philippe, tout à l'heure.
24:41 L'Inde n'en est pas non plus à ce niveau-là technologique, en tout cas pour le vol habité.
24:46 Alors la Chine a quand même bénéficié de, on va dire, de transferts de technologies
24:51 ou d'inspiration en tout cas de la part de la Russie et d'autres États.
24:56 Donc elle n'a pas été seule.
24:58 Souvent on dit qu'effectivement le vaisseau Shenzhou ressemble au vaisseau russe.
25:04 Alors après, bien sûr, il a été adapté, etc., modernisé sûrement.
25:07 Mais en tout cas, elle n'a pas été seule non plus dans ses conquêtes.
25:10 Donc elle est budgée, mais il y a aussi la technologie.
25:12 C'est cette position politique aussi qui a réussi à lui donner cet avantage technologique.
25:16 Philippe, couez un mot et on ne sera pas loin de conclure cette émission.
25:19 Oui, simplement. Il y a eu de l'inspiration, mais il y a eu très peu de transferts technologiques.
25:25 Et d'ailleurs, les Chinois s'en sont plaints quand on voit Shenzhou.
25:29 Ils ont récupéré les fonctions du Soyouz, mais ils ont tout refait.
25:32 Et puis maintenant, c'est de vrais innovateurs.
25:36 Les différences entre l'Inde et la Chine, c'est déjà une différence de moyens.
25:40 Il y a un pays qui a un seul cosmodrome et l'autre qui en a quatre.
25:44 Il y a une panoplie impressionnante de lanceurs en Chine et pas en Inde.
25:49 Il y a énormément d'ambition en Inde, mais les moyens ne sont absolument pas les mêmes.
25:54 Mais bon, il faut surveiller tout ça parce qu'effectivement, dans le vol habité, l'Inde arrive très vite.
26:01 Et ça va être un très, très grand de l'Asie. Voilà ce que je voulais dire.
26:07 Quelle est la prochaine étape ? On a l'impression que la Chine, en peu de temps, a franchi toutes les étapes cruciales.
26:13 La dernière, c'était l'envoi d'un civil dans l'espace, c'est-à-dire d'un astronaute spécialiste qui n'avait pas de formation militaire.
26:23 Ça ne veut pas dire que c'était quelqu'un qui n'est pas compétent pour y aller.
26:27 C'est quoi la prochaine étape ? La station est là, c'est la Lune ?
26:31 Il ne faut pas nécessairement penser en étapes. Le spatial, on est toujours débordant d'idées pour trouver des nouveaux défis.
26:38 Et puis la conquête de la Lune telle qu'on la voit aujourd'hui, ce n'est pas la conquête de la Lune pendant la guerre froide.
26:43 C'est-à-dire qu'on veut s'y installer, que les États qui souhaitent y aller ne souhaitent pas forcément revenir tout de suite.
26:49 S'y installer, l'exploiter pour après aller plus loin.
26:53 Toutes ces prouesses et ces avancées technologiques vont prendre beaucoup d'années, je dirais même des décennies.
26:59 Donc on a quand même le temps de voir un peu venir.
27:01 Philippe Coué, un avis là-dessus ?
27:03 L'avenir semble brillant pour les grandes puissances spatiales.
27:11 Et nous aimerions que l'Europe en fasse partie parce qu'il y a une dynamique en cours tant aux États-Unis qu'en Chine
27:18 qui est sans commune mesure depuis les années 60.
27:22 Il faut remonter à la période d'Apollo pour constater ce qui se passe aujourd'hui en Chine et puis aux États-Unis.
27:32 Et donc on va avoir une multiplication de projets,
27:38 d'apparitions de lanceurs super lourds qui permettront de faire des choses entièrement nouvelles.
27:43 Oui, j'avoue qu'en tant qu'observateur du programme spatial,
27:49 pour moi c'est compliqué en ce moment tant il y a de nouveautés chaque semaine concernant nos spatiales.
27:57 Et on constate toutes les semaines dans Smart Space effectivement.
28:00 Merci beaucoup Philippe Coué d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
28:04 Merci à vous Béatrice et Noé d'avoir pris le temps de venir sur le plateau de Smart Space.
28:08 On se retrouve quant à nous dès la semaine prochaine sur Bsmart.
28:12 À la semaine prochaine.
28:14 [Musique]

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