Retrouvez les émissions en intégralité sur https://www.france.tv/france-2/telematin/toutes-les-videos/ Télématin reçoit Pauline Debrabandère, responsable plaidoyer et campagnes Zéro Waste France.
00:00On revient en France. Vous allez peut-être profiter des vacances pour trier vos penderies.
00:04Eh bien, savez-vous ce que deviennent les vêtements que vous donnez ?
00:08La réponse va peut-être vous surprendre. Bonjour Pauline de Brabonder.
00:11Bonjour.
00:11Merci d'être avec nous. Vous êtes spécialiste de ces questions au sein de l'association Zero Waste France.
00:16Alors déjà, peut-être pour planter le décor, quelle est la quantité de vêtements que les Français donnent chaque année ?
00:22Chaque année, on est à peu près sur 290 000 tonnes de déchets textiles qui sont donnés dans les bornadons.
00:27Mais il faut savoir que sur la quantité de déchets qui vont être mis en marché, commercialisés, c'est qu'un tiers finalement qui finit dans les bornes.
00:36Il y a à peu près les deux tiers qui sont soit dans nos armoires, qui patientent et qui servent à rien,
00:41soit effectivement qui finissent dans les ordures ménagères résiduelles, donc la boubelle noire et qui finissent incinérées ou enfouies.
00:47Alors, quand on dépose un vêtement dans un bac de collecte ou bien qu'on le dépose dans une association,
00:52on pense qu'il va être distribué près de chez nous, par exemple, mais ce n'est pas du tout ce qui se passe.
00:56Alors, une petite partie de ces vêtements, c'est le cas, c'est à peu près 7% de ces vêtements,
01:02parce qu'il faut savoir que la qualité de ces vêtements qui finissent dans les bornadons est quand même assez restreinte, réduite.
01:09C'est-à-dire que la meilleure partie, qu'on va appeler la crème des vêtements,
01:12en fait, les gens vont principalement la revendre directement eux-mêmes ou la donner eux-mêmes.
01:16Aujourd'hui, on a des plateformes de seconde main qui permettent de faire ça très facilement.
01:19Donc aujourd'hui, il y a de moins en moins de vêtements encore mettables, portables, qui finissent dans ces bornadons.
01:25Vous nous dites 7% des vêtements qui peuvent être réutilisés, non, en France, c'est ça, hein ?
01:30Oui, qui sont réutilisés localement.
01:32Beaucoup partent à l'étranger et sont remis, finalement, sur des circuits commerciaux.
01:37Alors, on parle des pays de l'Est, on parle de certains pays d'Afrique.
01:41Donc, on se dit, mais à quoi ça sert, en fait, que je donne...
01:43Alors, c'est de moins en moins, quand même, il faut savoir.
01:46En 2024, c'était encore 35%.
01:47En 2025, c'est encore moins.
01:49On n'a pas les derniers chiffres.
01:50Mais de fait, ces débouchés à l'export international se réduisent de plus en plus,
01:54pour des raisons géopolitiques, en Ukraine notamment,
01:56mais aussi parce qu'il y a des concurrences sur les marchés africains de seconde main qui viennent de Chine directement.
02:01Donc, dans les faits, on exporte de moins en moins.
02:04Il y a de moins en moins de débouchés.
02:05C'était une manière pour les acteurs de l'économie sociale et solidaire de, finalement,
02:09continuer à faire du réemploi dans d'autres pays,
02:11même si, de fait, cette filière était assez mal encadrée
02:14et qu'il y a besoin de davantage d'encadrement,
02:16parce qu'il y a une partie qui finit en décharge à ciel ouvert.
02:19En fait, il y a vraiment besoin d'un encadrement plus précis.
02:21Donc, aujourd'hui, il y a une volonté politique de réduire cet export à l'international
02:26pour réduire aussi les conséquences environnementales de cet export.
02:29Par contre, la question, c'est qu'est-ce qu'on fait des vêtements ?
02:31Parce qu'ils sont toujours là.
02:33C'est vraiment ça, l'enjeu.
02:33Et alors, vous dites que c'est de moins en moins,
02:35mais enfin, quand même, fin novembre,
02:37une enquête de différentes rédactions européennes,
02:40dont la rédaction du Monde,
02:41ont indiqué que beaucoup de vêtements usagés
02:43partaient directement vers les Émirats Arabes Unis,
02:46qui est leader du tri, leader mondial du tri.
02:50Alors, ça a un coût social, ça a un coût écologique, évidemment.
02:53D'autant qu'on a des centres de tri en France.
02:55Donc, comment ça se fait que ces vêtements qu'on donne,
02:57en imaginant, encore une fois, qu'on les donne à proximité de la maison,
03:00vont faire des milliers de kilomètres,
03:02peut-être d'ailleurs pour revenir ensuite en Europe et être vendus en France ?
03:05Alors, ce qu'il faut aussi savoir,
03:06c'est qu'en fait, le recyclage en France, il est encore assez limité.
03:09On a beaucoup aussi d'exports pour recyclage.
03:12Une filière de recyclage en France,
03:13elle est en train de se renforcer,
03:16parce qu'il y a des besoins, effectivement.
03:18Mais quand on exporte, on exporte aussi pour recyclage.
03:21Donc, il y a du sur-tri.
03:22Il y a du tri, de toute façon, qui est fait en France.
03:24Il y a un premier tri qui est forcément fait en France.
03:26Mais après, il peut y avoir un sur-tri qui est fait aussi à l'étranger,
03:29en fonction de ce qu'on exporte.
03:30Il faut aussi savoir qu'au niveau du recyclage,
03:33en fait, généralement, on exporte pour faire du recyclage en boucle,
03:37qu'on appelle ouverte,
03:38c'est-à-dire qu'on ne va pas refaire des vêtements avec vos anciens vêtements.
03:40On va surtout refaire de l'isolant pour les bâtiments.
03:43C'est ça le principal débouché du recyclage aujourd'hui.
03:44Ça veut dire quoi ? On va effilocher ?
03:47Exactement.
03:47C'est pour ça qu'il y a plusieurs étapes de tri et de sur-tri
03:49pour transformer complètement la matière.
03:51Aujourd'hui, vos vêtements sont généralement composés
03:53de plusieurs types de fibres complètement mélangées.
03:55Donc, on ne peut pas, il n'y a quasiment jamais de 100%
03:58d'un seul matériau, d'une seule fibre.
04:00Donc, il va falloir tout séparer et filocher.
04:03Et donc, il y a plusieurs étapes pour arriver à recycler
04:04une partie de ces vêtements.
04:06On imagine aussi que l'essor de la mode jetable,
04:08notamment avec le succès de Uchiine,
04:11ça contribue à saturer les centres de tri.
04:13Est-ce qu'on le constate ?
04:14Oui, on constate qu'il n'y a pas que la mode ultra-éphémère.
04:18La fast fashion existait déjà bien avant.
04:21Elle a pris de l'ampleur quand même.
04:21Elle a pris de l'ampleur.
04:22En fait, aujourd'hui, on estime que par rapport à il y a 10 ans,
04:25par rapport à 2014, les enseignes commercialisent
04:2840% de vêtements en plus, en fait, en 10 ans.
04:31C'est énorme.
04:31On ne peut pas continuer sur ce rythme-là.
04:33Il faut couper le robinet, effectivement.
04:35Le système de la filière des déchets textiles
04:37ne peut pas, même si elle progresse,
04:39même s'il y a plus de collecte, plus de recyclage,
04:41plus de tri, on ne peut pas s'en sortir
04:43si on continue à multiplier les mises en marché.
04:45Aujourd'hui, c'est à peu près 52 vêtements
04:47qui sont vendus par an, par habitant, en France.
04:49C'est beaucoup trop.
04:51Si on voulait être dans les clous sur le point environnemental,
04:54ce serait 5, maximum, par personne.
04:56Ou 10 mois.
04:56Exactement.
04:57Un tiktoker allemand a placé un traceur,
04:59c'était l'été dernier, dans des baskets
05:01qu'il a donnés à une association.
05:03Il les a retrouvés dans une boutique de fripes,
05:05dans les Balkans, à 800 kilomètres de là.
05:08Est-ce qu'on arrive, alors c'était une expérience,
05:12mais est-ce qu'au sein de l'association,
05:13vous avez essayé comme ça de tracer des vêtements,
05:15est-ce que le circuit reste flou ?
05:18Oui, alors on a fait cette expérience nous-mêmes
05:20avec une association qui s'appelle Changing Markets,
05:23pour justement essayer de voir et de suivre
05:25les différents types de vêtements,
05:27même ceux qu'on rapportait au sein des commerces,
05:28parce qu'il y a des enseignes qui proposent ça,
05:30de rapporter leurs propres vêtements,
05:32pour voir ce que ça donnait,
05:33et effectivement, en général, ça part à l'étranger.
05:34C'est quand même assez fréquent,
05:37et il y a ce flou artistique qui est complètement assumé,
05:40aujourd'hui, par cette filière.
05:41C'est pour ça qu'il y a une volonté aussi politique
05:43de remettre à plat la filière de façon générale,
05:45de limiter l'export,
05:46et de aussi remettre du recyclage en France.
05:49Mais pardon, est-ce que du coup,
05:50je me bats la place de téléspectateurs,
05:51c'est mieux d'acheter de la seconde vie,
05:53ou de moins acheter vie neuf et de qualité ?
05:55Alors, l'idée, c'est déjà, effectivement,
05:57de moins acheter, en termes de besoins,
06:00et quand vous achetez, justement,
06:02se tourner principalement vers la seconde main,
06:03ça, c'est la meilleure solution
06:04en termes d'impact environnemental et social,
06:07c'est ce qu'il y a de mieux.
06:07Et dernier conseil,
06:08si on veut donner des vêtements
06:11de manière vertueuse,
06:12et en se disant,
06:13ils vont servir à quelque chose,
06:15qu'est-ce que vous nous conseillez ?
06:17En fait, ces bornes à dons,
06:18elles sont là pour ça, quand même, en premier lieu.
06:20Il faut continuer de les utiliser.
06:22Tout ce qui est, justement, de bonne qualité,
06:24que vous voulez donner pour donner une seconde vie,
06:26ça, ça ne partira pas à l'étranger, en fait, effectivement.
06:29Entre la borne ou l'association
06:31directement dans les locaux,
06:32c'est la même chose ?
06:33Bah, c'est un peu...
06:34Enfin, techniquement, ça va aux mêmes acteurs.
06:36D'accord.
06:36Donc, dans les faits,
06:37il n'y a pas tant de différences que ça.
06:38Par contre...
06:38Parce que les bornes, elles sont souvent saturées.
06:39Là, on a la photo,
06:40on arrive à plus de place.
06:42C'est lié à cette crise textile,
06:43de façon générale.
06:44Donc, effectivement,
06:44vous pouvez l'emmener plus en magasin
06:45si vous voulez être sûr
06:46que ça ne traîne pas dehors.
06:48C'est lié à cette crise globale
06:49qui fait qu'il y a trop de quantités à gérer.
06:50Et que, de fait,
06:51c'est parfois les collectivités locales
06:53et donc vos impôts
06:53en tant que contribuables
06:54qui doivent gérer ça
06:55et ça finit l'incinération
06:56quand ça déborde trop, en fait.
06:58C'est cette crise-là.
06:59Eh bien, on a bien compris les enjeux.
07:00Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin.
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