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00:00Et c'est l'objet de notre interview long format avec vous Sabrina Mathieu, bonjour.
00:04Bonjour.
00:04Vous êtes directrice de l'Union sociale pour l'habitat Outre-mer, je vous remercie beaucoup de nous apporter des éléments de compréhension.
00:09Vous avez reçu il y a dix mois pour faire déjà un premier bilan.
00:13Là, ça fait un an à présent que ce cyclone a dévasté Mayotte.
00:18Où en sommes-nous ? On a pu entendre des témoignages à l'instant dans ce reportage.
00:21Où en sommes-nous dans la prise en charge des sinistrés ?
00:25Alors, il faut une réponse honnête à un an du cyclone Chido.
00:31Force est de constater que, autant la gestion de la crise, je pense que l'État a été au rendez-vous
00:37et qu'on a mis les forces nécessaires pour gérer la crise et éviter l'effondrement.
00:41Autant, un an après, être à ce degré de non-construction, pour ainsi dire, on peut objectivement quand même s'interroger.
00:51Alors, quelle est la réalité ? Revenons sur la réalité des sinistrés. On a entendu quelques témoignages.
00:55Est-ce qu'il y a de l'eau courante partout, de l'électricité ? On sait qu'il n'y a pas de construit. On en est où exactement ?
01:01Alors, on va peut-être sur les infrastructures publiques. L'électricité a été quasiment remise à un mois après Chido.
01:08Donc, globalement, il y a quand même de l'électricité.
01:11Sur l'eau, la question est beaucoup plus difficile. Mais de toute façon, même avant le cyclone Chido, il faut reconnaître que les infrastructures n'étaient pas aux normes
01:19et ne pouvaient pas assurer Mayotte au regard des volumes et de la population recensée et de la population réelle.
01:25Donc, on avait de toute façon des problèmes sur la question de l'eau.
01:29Aujourd'hui, il faut encore faire des tours. C'est-à-dire que vous avez de l'eau une fois tous les trois jours.
01:33Ça, c'est encore le cas.
01:34Mais il y a quand même l'eau.
01:37Ensuite, sur les infrastructures publiques que sont les hôpitaux, par exemple, il y a encore des réparations qui ne sont pas terminées.
01:44Et puis surtout, là où il faut tirer une sonnette d'alarme quand on sait la jeunesse de ce territoire, c'est sur le scolaire, c'est-à-dire les infrastructures scolaires.
01:52Il y a des gamins qui ont trois fois par semaine des cours durant deux à trois heures.
01:58Donc, l'école n'a pas repris. L'école est fondatrice de tout point de vue, me semble-t-il.
02:03Donc, en ce sens, vous avez la réponse sur les infrastructures publiques.
02:08Sur la question de l'habitat, il y a des bâches encore partout.
02:12Le premier élément, c'est peut-être de parler de l'habitat privé parce que c'est la partie la plus importante, finalement, du parc.
02:17Vous avez 36 000 logements qui ont été endommagés, voire un quart totalement détruit et donc qu'il faut reconstruire.
02:24Il y a eu une loi d'exception. Il y a eu la loi organique, loi de refondation également qui a engagé ces 4 milliards.
02:32Une mise en mouvement des pouvoirs publics.
02:34Absolument. Les dispositifs législatifs ont été votés. En cela, nous n'avons, me semble-t-il, rien à reprocher en la matière.
02:39En revanche, ce qui est compliqué, les points de blocage, c'est la mise en pratique, la mise en œuvre de ces dispositifs,
02:45à commencer par la sortie des décrets d'application.
02:47Parce qu'en fait, vous ne pouvez pas appliquer les textes législatifs si vous n'avez pas les décrets qui vont avec.
02:52En l'occurrence, sur la loi d'exception, vous avez 4 ou 5, je crois, décrets qui sont parus sur 27 attendus.
02:58Vous en avez 2 sur 27 également sur la loi de refondation.
03:02Et donc pourquoi cette lenteur ? Alors qu'est-ce qu'il explique ?
03:04On s'interroge tous. Mais les crédits ne peuvent pas être débloqués.
03:08Je vais vous donner un exemple concret sur la situation sociale.
03:11Maintenant, c'est 90% de la population qui vit sous le seuil de la pauvreté.
03:15Avant, c'était 70% des cas.
03:17Alors, sur la question sociale d'accompagnement des Mahorais,
03:21normalement, il y avait un alignement qui était prévu des droits sociaux,
03:24notamment pour les handicapés et les personnes âgées, par la loi de refondation.
03:28Eh bien, il faut un décret d'application pour que le département puisse sortir l'argent et aider les populations.
03:33Ça, ce n'est pas fait.
03:34Donc voilà un exemple concret de ce que pourrait tout de suite être mis en place pour pouvoir engager la reconstruction.
03:42On sait que les élus étaient assez critiques concernant cette loi de refondation.
03:45Ils ont fait partie de la consultation.
03:49Ils n'auraient pas été entendus.
03:50Ils ne sont pas suffisamment impliqués dans l'accompagnement, la mise en place, la mise en œuvre.
03:55Les élus, aujourd'hui, j'ai envie de dire qu'ils crient au secours.
03:58Parce que, par exemple, sur les 20 collectivités locales,
04:01alors je prends quand je parle de collectivités, c'est commune, mais aussi les intercos,
04:05certaines ont avancé l'argent pour répondre aux besoins scolaires,
04:08c'est-à-dire les écoles, les mises en sécurité, etc.
04:11Donc, elles avancent cet argent.
04:12Cet argent est censé être remboursé par l'État.
04:17Ça, ce n'est pas fait.
04:18Alors, maintenant, la ministre est effectivement en déplacement sur Mayotte
04:22et il semblerait qu'il y a trois, quatre communes auxquelles elle rend visite
04:25qui ont reçu cet argent.
04:28Mais enfin, il y en a juste 20 autres, enfin 17 en l'occurrence, à rembourser.
04:32Il faut se mettre en mouvement.
04:34Pareil pour l'aéroport, on avait parlé, c'est quand même un ouvrage très important,
04:39de desserte et d'ailleurs de sécurité, par ailleurs.
04:42On a annoncé 1,2 milliard pour la piste.
04:45Seuls 20 millions, à ce jour, ont été engagés.
04:49Il y a un point d'avancement sur lequel il faut reconnaître,
04:52c'est l'usine de dessalement qui, a priori, qu'on essaie d'accélérer
04:56en termes de mise en place et de construction.
04:59Mais enfin, sur les infrastructures de dignité,
05:03parce que ce n'est même pas, et donc vital,
05:05et je parle du logement parce que c'est le premier élément de dignité,
05:09dans le parc privé, sur les 36 000 logements,
05:11il y a eu 20 000 sinistres qui ont été déclarés,
05:15selon France Assurance d'ailleurs,
05:17estimés à 500 millions d'euros de remboursement.
05:21Et aujourd'hui, France Assurance ne veut pas nous donner
05:24les chiffres d'indemnisation.
05:25C'est-à-dire qu'on a un sujet aussi de mettre en mouvement
05:28les assurances.
05:30Sur les aides directes qui étaient prévues par les fonds de solidarité,
05:33il était prévu que l'État aide à hauteur de 1 000 euros
05:37par logement endommagé, 1 800 euros par logement détruit.
05:43C'est anecdotique, même si ça ne fait pas rire.
05:46Et d'ailleurs, Fondation du logement a qualifié cela
05:50d'aumône institutionnel.
05:52On voit le décalage entre la réalité, ce que l'on peut faire avec.
05:54Absolument.
05:55Donc, sur le logement social, sur Irma, nous avions des aides directes
06:00pour la reconstruction et la mise en sécurité des logements sociaux.
06:04Il n'en est rien s'agissant de Mayotte.
06:06Fort heureusement, on a des acteurs engagés.
06:08Vous avez CDSA Habitat qui a mis 50 millions sur la table,
06:11dont 30 millions tout de suite,
06:12et qui du coup va sécuriser son parc.
06:15Mais, enfin...
06:15Et c'est vrai qu'on a des antécédents.
06:17Vous citez Irma, il y a aussi Hugo en Guadeloupe.
06:19Bien sûr.
06:19On sait faire, on sait comment faire, et ça s'est fait pour Hugo.
06:24Il a suffi de 5 mois pour pouvoir reconstruire.
06:26Parce que c'est toujours une question de mise en cohérence des velléités, des annonces,
06:33des ambitions, j'ai envie de dire, et des moyens.
06:36Et je pense qu'il faut vraiment avoir cette cohérence-là.
06:39Je pense que c'est très important.
06:40Et au-delà d'ailleurs de la question des obligations républicaines qui sont les nôtres,
06:46et de la question sociale, pour ne pas s'arrêter à cela,
06:48parce qu'il ne s'agit pas que d'une question sociale,
06:50Mayotte est un des éléments structurants de la sécurité,
06:56de l'écoute et de la stratégie, j'ai envie de dire, géopolitique de la France.
07:01Enfin, je le rappelle quand même,
07:02parce qu'il me semble que dans un contexte international
07:05marqué par les tensions géopolitiques et de guerres annoncées, j'ai envie de dire.
07:09Et des risques terroristes.
07:10Et des risques terroristes, parce que c'est une station qui sert également
07:14à la lutte contre les terrorismes, dans cette zone très spéciale.
07:18Donc il me semble qu'aujourd'hui, reconstruire Mayotte ne révèle plus seulement
07:23de la solidarité nationale, qui est une obligation institutionnelle,
07:27mais elle révèle plutôt d'une cohérence de la stratégie de la sécurité de la France
07:31et de ses alliés, et donc européenne.
07:34C'est une question de sécurité collective européenne.
07:37Alors si on ne peut pas...
07:37On ne peut pas abandonner ce territoire.
07:39Voilà, et puis si on...
07:40Inconstitutionnelle, et en plus, évidemment, c'est des actions pas morales.
07:43Absolument.
07:43Et alors après, objectivement, parce qu'il faut garder toute raison,
07:47on peut objectivement parler aussi d'une question de moyens
07:50et de faisabilité budgétaire dans un contexte contraint qui est le nôtre.
07:54On connaît l'état des finances de notre pays.
07:56Eh bien, à ce moment-là, il faut aussi en faire une question européenne.
07:59Je pense que ça peut coûter raisonnablement un café à chaque Européen
08:02que de penser que Mayotte, qui participe justement à la sécurité européenne,
08:07peut recevoir raisonnablement un café de chacun de nous pour justement se reconstruire.
08:12Parce qu'on ne peut pas monter sur une bête, sur un cheval et le dépecer.
08:16C'est-à-dire que si on veut assurer cette cohérence en matière de sécurité,
08:20c'est aussi de permettre des conditions dignes et des conditions de sécurité aux populations locales.
08:26Là, on les voit effectivement vivre sans rien.
08:31On a vu les Maorais, du coup, se reconstruire à la va-vite,
08:34reconstruire leurs habitats à la va-vite.
08:35Et on a recréé en somme les mêmes conditions d'insalubrité, bien évidemment,
08:39mais surtout d'insécurité pour envisager un prochain drame dans les prochains mois
08:43si jamais un cyclone veut défrapper à nouveau le territoire.
08:46Donc on se prépare à répéter la même histoire.
08:49Tout à fait.
08:51C'est vraiment un sujet, l'échangement climatique.
08:53Parce que ça nous parle aussi, vous le disiez, ça ne nous parle pas de Salon de Bayotte,
08:55ça nous parle de tous les territoires ultramarins.
08:57Et là, il y a des leçons à tirer et qu'on n'arrive pas à tirer, semble-t-il.
09:00Oui, moi je pense que d'un point de vue, en tout cas,
09:03les responsables politiques devraient se pencher sur un véritable fond d'urgence
09:06pour tous les territoires exposés aux risques naturels.
09:09Alors je parle des Outre-mer parce que c'est les premiers en ligne.
09:12Mais c'est aussi le cas dans certains territoires à l'échelle, je veux dire, hexagonale.
09:17Et il faut ce fond d'urgence qu'il soit doté suffisamment en amont.
09:23Je ne sais pas de quelle manière, mais je pense qu'il faut penser à ce système-là.
09:26Et je pense que la solidarité européenne à bien d'égard pourrait jouer
09:29sur ce que j'appelle moi les remparts du pays de la France,
09:33mais aussi de l'Union européenne.
09:35Parce que vous ne pouvez pas fragiliser votre édifice par ses remparts.
09:39Parce que vous, vous allez fragiliser votre stabilité interne.
09:43Et je pense que c'est important de repenser cette question d'exposition aux risques naturels
09:47et donc de fragilisation de la République par ses frontières.
09:52C'est un territoire éloigné en distance, mais qui est très proche dans notre quotidien.
09:58Dans les enjeux, absolument.
09:59Et dans les enjeux quotidiens.
10:00Absolument.
10:00Merci à vous.
10:01Sabrina Mathieu, on vous aura entendu.
10:02Merci d'être venue en parler sur ce plateau.
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