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00:00Et on accueille tout de suite notre invitée, c'est vous, Sophie Boisseau-Durocher.
00:03Bonjour à vous, vous êtes docteure en sciences politiques et spécialiste de l'Asie du Sud-Est.
00:07Merci de prendre quelques instants pour répondre à nos questions, Sophie Boisseau-Durocher.
00:11D'abord, comment est-ce que vous analysez cette décision politique prise par le Premier ministre
00:15de dissoudre le Parlement maintenant ? Et est-ce le bon moment ?
00:20Alors, est-ce que c'est le bon moment ? Selon son agenda politique, oui, bien sûr,
00:26c'est le bon moment, puisqu'il a intérêt à ce qu'il y ait une campagne courte
00:32qui soit surtout centrée sur l'instabilité et la promesse de sortir de l'instabilité
00:38qu'il va représenter. Donc, sur son agenda personnel, il a évidemment intérêt à ce que
00:46des élections soient rapidement organisées et à ne pas laisser de place à l'opposition
00:51pour présenter un programme concret. Maintenant, il est évident qu'Anoutin profite de la crise
01:01entre le Cambodge et la Thaïlande pour faire avancer ses intérêts. Et derrière ses propres
01:09intérêts, il y a également ceux de l'armée et des partis politiques proches de l'armée.
01:15Ceux-ci sont relativement impopulaires et il est évident que dans un climat démocratique
01:22normal, ils ne gagneraient probablement pas le scrutin. Et donc, il s'agit de capitaliser
01:28en quelque sorte sur cette situation de crise extraordinaire pour en tirer parti.
01:34Donc, l'objectif, vous le dites, c'est de capitaliser sur cette crise, d'en sortir aussi
01:39renforcée. Mais est-ce que ça peut être pris comme une vulnérabilité du côté du Cambodge voisin,
01:43cette fois ?
01:45Oui, il est évident que le Cambodge, je dirais, a intérêt à exploiter les vulnérabilités
01:52de son voisin. Et d'ailleurs, ça a commencé dès le mois de juin, quand le président du
02:00Sénat et ancien Premier ministre, Unsen, a révélé sur les réseaux sociaux une conversation
02:06qu'il avait eue avec la Première ministre Patong Khan Shinawatra. Et donc, on voit bien
02:12qu'en lançant, je dirais, cette bombe, puisqu'il savait parfaitement ce qu'il faisait,
02:17cette conversation montrait que la Première ministre n'était pas toujours d'accord
02:24avec l'armée, a évidemment suscité une bombe politique en Thaïlande et a suscité
02:33le départ des partis de la coalition du Puétai, qui était le parti au pouvoir et représenté
02:40par Patong Khan. Et donc, le Cambodge et Unsen ont accéléré, si vous voulez, la crise
02:52thaïlandaise. Et en tous lesquels, il y a cette urgence, ou plutôt cette reprise
02:56des combats meurtriers. D'ailleurs, d'après un tout dernier bilan, 20 morts de part et
03:00d'autre, ces combats meurtriers tout au long de cette frontière entre les deux pays,
03:04c'est un conflit qui date, qui est ancien. Pourquoi est-ce qu'il a repris particulièrement
03:09maintenant, alors même qu'il y avait eu, par exemple, il y a quelques semaines, cet accord
03:13conclu sous la médiation du président américain ? Pourquoi est-ce qu'il y a cette éruption
03:18de violence maintenant et jusqu'où ça pourrait aller d'après vous ? Est-ce que ça peut
03:22dépasser la région frontalière et aller dans les territoires de part et d'autre ?
03:28Alors, plusieurs questions dans votre question. La première, c'est les combats actuels.
03:34Effectivement, ils ont repris il y a quelques jours. Il y a certainement des agendas, je
03:40dirais, de l'armée thaïlandaise et de l'armée Khmer qui provoquent, si vous voulez,
03:47cette recrudescence des combats. Et notamment, on le voit là avec la dissolution du Parlement
03:55ce matin, un agenda politique thaïlandais qui se sert, voire qui provoque certains événements
04:01ou certaines crises pour faire avancer ces avantages. Ça, c'est le premier point. Il y a effectivement
04:10aujourd'hui, on déplore 20 morts. On en avait déploré plus de 45 au mois de mai. Il y a surtout
04:18aujourd'hui 500 000 déplacés, donc c'est énorme, côté thaïlandais et côté Khmer. Donc, on est aussi
04:24dans une situation d'instabilité socio-économique réelle. C'est une crise qu'on a tenté de régler par un accord.
04:35A la façon de Trump, il a été réglé très rapidement. Les États-Unis n'ont pas été d'ailleurs tant
04:42impliqués dans la résolution de ce conflit que la Malaisie, qui préside cette année l'ASEAN,
04:48l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est à laquelle appartiennent et la Thaïlande et le Cambodge.
04:55Et Trump s'est en fait porté caution, si vous voulez, de cet accord de cessez-le-feu, qui a lui-même
05:02été dénoncé très rapidement par le ministre des Affaires étrangères thaïlandais. Et même
05:08le 10 novembre dernier, le Premier ministre a dit qu'il ne se sentait pas obligé de respecter
05:18cet accord, que la paix était suspendue et qu'il annonçait le retrait de la Thaïlande de cet accord.
05:26Donc, on est là dans une situation, si vous voulez, où l'agenda personnel de l'armée
05:34va à l'encontre de l'influence américaine. Et c'est aussi un point qu'il faut noter.
05:42Dernière question dans votre question, c'était l'historique. C'est un conflit qui est très
05:47ancien, qui date, je dirais, presque du 15e siècle et de l'affaiblissement de l'Empire
05:54en coréen. C'est un conflit qui date plus précisément de 1907, quand les Thaïlandais
06:02et les Français qui assuraient le protectorat du Cambodge ont signé un accord de frontière,
06:09accord qui avait été préparé oralement et qui a été signé après qu'un officier
06:16français ait modifié les promesses qui avaient été faites à la Thaïlande. Mais la Thaïlande
06:24ne s'est rendue compte de cette modification de la frontière que quelques années plus tard,
06:29ce qui provoque évidemment un malentendu très profond, puisque les maires s'en tiennent
06:35à cette carte de 1907 qui leur est favorable, alors que les Thaïlandais l'ont toujours
06:40contesté.
06:41Et d'un mot, si vous le voulez bien, Sophie Boisseau-Durocher, on s'attend peut-être
06:45à une médiation. Qui pourrait l'organiser ?
06:49Alors, je ne sais pas qui pourrait l'organiser. Ça va être très compliqué. Je crois qu'il
06:54n'est pas question qu'une grande puissance intervienne à ce niveau-là, ni les États-Unis,
07:00comme le prétend le président Trump, qui a dit qu'il allait téléphoner aux deux
07:04dirigeants, ou la Chine qui s'active en arrière-fond, en arrière-scène et qui est très active,
07:12mais qui a intérêt probablement à la stabilité. Probablement l'acteur le plus raisonnable
07:18serait la Zéane ou un des membres de la Zéane, parce qu'ils connaissent parfaitement la façon
07:24dont fonctionnent, sur le terrain diplomatique, Bangkok et Phnom Penh.
07:30Donc, organisation régionale.
07:31Je pense que c'est une solution. Maintenant, à nouveau, peut-être que la meilleure solution
07:37serait une discussion en direct, que préconisent d'ailleurs les Thaïlandais, entre Thaïlandais
07:44et Cambodgiens, quand les Cambodgiens, eux, veulent ramener le conflit à la Cour de
07:49justice internationale, parce que, évidemment, sur la base de la carte de 1907, celle-ci
07:56leur a donné raison lors des différentes opérations.
08:00Merci beaucoup. Merci, Sophie Boisseau-Durocher. Merci pour ces éléments de compréhension.
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