00:00Avec David Camerou, bonsoir, chercheur associé au CRI, spécialiste de l'Asie du Sud-Est.
00:07Alors, David Camerou, que se passe-t-il vraiment entre ces deux pays, la Thaïlande et le Cambodge, à la frontière ?
00:12Est-ce que c'est un conflit territorial ?
00:15C'est un conflit de nationalisme, c'est un conflit sur les frontières, parce qu'on n'est même pas d'accord sur le nombre de kilomètres de frontières.
00:28Ah oui, parce qu'elle est très longue, cette frontière entre les deux pays.
00:32Oui, 817 ou 798.
00:37Et on n'est pas encore d'accord sur la façon dont il faut mesurer les frontières.
00:42Donc, il y a à peu près 20% de frontières sur lesquelles on n'est pas d'accord.
00:48Mais ça n'a pas un péché depuis des décennies pour les deux peuples vivants ensemble.
00:54Il y avait en 2008 la question d'un temple qui a été décidé par la Cour internationale de justice en faveur du Cambodge.
01:06Et jusqu'au mois de juillet cette année, il y a d'autres conflits.
01:10Mais pourquoi il a repris ce conflit, justement, cet été et dimanche dernier ?
01:14Il y a des facteurs internes.
01:18Le président, pardon, le premier ministre thaïlandais doit annoncer, je crois, demain des élections anticipées.
01:25Il est dans une situation assez faiblie.
01:28Il y a une coalition avec un parti de gauche et lui est plutôt de droite royaliste.
01:34Et donc, il cherche aussi de se légitimiser et une bonne façon de le faire, comme tous les dirigeants, c'est en fait un petit guerre.
01:44Du côté cambodgien, Hun Manet, le fils de Hun Sen, lui souhaite qu'on ne regarde pas de trop près les questions des centres d'ANAK,
01:56que ce qu'on appelle en anglais, les scam centres, ces centres qui représentent peut-être 60% de l'économie.
02:07Et ces centres, que sont-ils exactement ?
02:09Ce sont des centres liés à des groupes criminels chinois, dans certains cas.
02:16L'État, justement, mène une campagne contre ce groupe, c'est-à-dire le prince group, le groupe prince et les dirigeants.
02:24Et on ne souhaite pas qu'en Cambodge, qu'on regarde de trop près, parce que cette économie illicite est plus importante que l'économie, par exemple, de textile,
02:35qui est la première industrie du pays.
02:39Elle se base sur quoi, cette économie illicite dont vous parlez ?
02:43C'est l'histoire d'ANAK par Internet, où on a un appel d'une femme, par exemple, qui crée une liaison,
02:51et après qui demande l'envoi de l'argent.
02:55Donc c'est criminel ?
02:56C'est criminel.
02:56On n'est pas juste dans le marché noir, là.
02:58Oui, on est dans le marché noir.
03:01Mais il y en a, en Cambodge, mais aussi en Birmanie, ce fléau qui, avec les drogues,
03:11la recrudescence, par exemple, de l'opium finance, en Birmanie, les groupes armés, également les jeunes militaires.
03:21Et donc, un conflit avec son voisin lui permet de couvrir un petit peu ces fameux trafics.
03:30Oui, oui, oui. Mais, bon, il y a des choses aussi, ça c'est des calculs politiques,
03:39mais également les questions, par exemple, des mines qui existent depuis l'époque de Camerouge,
03:46et il y a des maux aussi, des accidents.
03:49Donc on ne sait pas qui est responsable de quoi.
03:51Ce qui est un peu différent cette fois, au mois de juillet, c'était plutôt les actions de punition des deux côtés.
03:57Et il a l'impression que les Thaïs souhaitent prendre un peu de territoire.
04:03Ils ne souhaitent pas complémer le pays, mais vraiment...
04:07Donc un peu nationaliste, là, comme approche.
04:08Oui, on va un peu plus loin.
04:11Alors, quel est l'impact ? D'abord, quel est le rôle de Trump,
04:13qui lui avait dit qu'il avait abouti à un accord de paix avec les deux pays ?
04:16Cet accord de paix a-t-il volé en éclats, ou est-ce que ça reste une base ?
04:20D'abord, ce n'était pas Trump qui a négocié le accord de paix,
04:23c'est le président de l'Asie, l'association de l'Asie du Sud-Est, le premier ministre malaisien.
04:31Mais Trump a été invité, justement, pour signer cet accord,
04:35pour qu'il ajoute aux huit guerres, parmi les huit guerres qu'il a résolues.
04:39Les huit traités de paix.
04:41Les huit traités de paix.
04:41Qu'il affiche comme étant ses paix.
04:43Et donc, il a menacé les taxes douanières de Transys,
04:49qui, finalement, elle a baissé à 19%.
04:51Mais maintenant, il n'a plus cette possibilité.
04:55Et ce n'est pas vraiment lui, comme acteur externe,
04:59qui a un rôle important à jouer.
05:01C'est la Chine, et également les voisins de l'Asie du Sud-Est.
05:05Mais justement, la Chine, pourquoi tolère-t-elle ce type de conflit ?
05:09Est-ce qu'elle n'aurait pas intérêt à ce que ça s'arrête ?
05:12Et l'intérêt que ça s'arrête, et les deux pays, ils ont intérêt à ce que ça s'arrête,
05:15parce que le prix économique est considérable.
05:17Tous les Cambodgiens qui travaillent en Thaïlande, qui sont rentrés chez eux,
05:23la baisse des recettes du tourisme, c'est catastrophique.
05:26C'est un impact sur le tourisme ?
05:27Oui, c'est un impact sur les touristes.
05:30Les touristes chinois ne vont pas au Cambodge, maintenant ils vont au Vietnam.
05:34Donc c'est un impact sur le tourisme, c'est un impact sur l'économie.
05:37Les Thaïs font maintenant appel aux Birmans réfugiés pour remplacer les Cambodgiens qui ont été expulsés.
05:46Donc le coût économique est considérable pour les deux pays, et surtout pour le Cambodge.
05:51Alors comment ça va évoluer, à votre avis ?
05:53Il faut qu'on trouve une volonté politique.
05:57Pour l'instant, la volonté politique n'existe pas.
06:01On a tous les mécanismes en place.
06:02Il existe une commission pour les frontières.
06:06On n'est pas d'accord sur comment on va mesurer les frontières,
06:09mais il existe une commission.
06:10On a l'Asienne qui peut jouer un rôle.
06:15Les Indonésiens, par exemple, ils proposent de renvoyer 20 000 soldats à Gaza.
06:21Ils n'ont rien proposé pour le Cambodge.
06:24Et donc les pays de la région, écoutez, c'est toujours comme ça, entre les Cambodgiens et les États.
06:31Bon, écoutez, laissez-le régler le problème.
06:34Ils vont réussir à le régler à deux ?
06:36Oui, ça va se limiter à deux.
06:40Il faut voir à quel moment on arrête l'aspect punition.
06:44Et on s'est mis d'accord autour d'un tas pour encore une cessez-le-feu.
06:49Vous êtes optimiste plutôt ?
06:51Ou est-ce que ça a duré des semaines, des mois ?
06:53Ou a priori...
06:54J'étais optimiste au mois de juillet en disant que c'est fini.
06:57Eh bien, comme c'est reparti, le chef des forces armées thalandais a dit qu'il veut détruire l'armée cambodgienne.
07:08Là, on est quand même... C'est offensif.
07:09Oui, on est un peu sur l'offensive.
07:13Mais je pense quand même...
07:17Ça va peut-être prendre quelques semaines.
07:18On va arriver à un certain accord.
07:21Mais on ne va pas...
07:22S'il n'a pas la volonté vraiment de regarder en face l'histoire des frontières qui datent de l'époque coloniale,
07:27des Français de 1904-1917.
07:30Ça va revenir à un moment dans l'avenir.
07:35Merci beaucoup, David Camerot.
07:36Il nous reste un tout petit peu de temps encore, à votre avis, le rôle des États-Unis.
07:39Tout de même, Trump, est-ce qu'il va revenir à la charge dans cette histoire entre le...
07:44C'est son amour propre qui est un peu en jeu.
07:49Donc oui, il va intervenir.
07:51Mais sans doute pour signer quelque chose, comme la dernière fois, qui sera négocié par les voisins de la Thaïlande, de la Cambodge, des pays de l'Asie.
08:02Donc la nécessité, c'est qu'il y ait des médiateurs comme l'Indonésie, enfin que les autres pays d'Asie s'impliquent.
08:07Parce que l'Asie, depuis sa création en 1967, a réussi justement de régler ces problèmes différents entre les différents pays.
08:17Je sais qu'ils avaient à l'époque de la création de l'Asie.
08:21Et donc l'Asie est bien placée pour le faire, mais il faut la volonté politique.
08:28L'Asie fonctionne par le consensus.
08:29Merci beaucoup David Camerou, chercheur associé au CRI, centre de recherche internationale de Sciences Po et des spécialistes de l'Asie du Sud-Est.
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