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  • il y a 2 jours
Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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Transcription
00:00En 2017, Kechich nous avait ébloui avec Mektoub My Love, Quanto Uno, un grand film solaire, ivre de jeunesse et de liberté.
00:08Deux ans après, il présentait à Cannes Intermezzo, film morné.
00:12Sept ans après le scandale, Abdelatif Kechich livre ce qui est devenu le deuxième volet de Mektoub My Love.
00:18Une variation désenchantée et étonnamment drôle du premier.
00:21On y retrouve Shaheen Boumeddin, Ophélie Bo, Salim Kechouch et toute la famille Asset.
00:27Mais alors, qu'est-ce qui s'est passé en huit ans, Ava ?
00:29C'est vrai qu'on ne pensait pas voir le dernier volet de cette trilogie au regard des scandales, des polémiques et des différents remous financiers et judiciaires
00:38provoqués par le tournage et par la projection unique à Cannes de Intermezzo,
00:45qui effectivement, comme tu l'as dit, est un film morné, mais qui a mis en souffrance la comédienne Ophélie Bo qui s'est désolidarisée de ce film et de sa projection cannoise
00:53parce que des scènes pornographiques, disons-le, ont été montées et montrées sans son consentement.
01:00Exactement. Et c'est ajouté à ça, ça a ravivé en tout cas l'image d'un metteur en scène aux méthodes, pourrait-on dire, borderline.
01:09On va évidemment parler de Cantodway et de ce qu'on pense du film, mais je trouvais que c'était quand même intéressant de dire que le regard qu'on porte sur le film
01:16est quand même gâté par ces éléments, qu'on n'a plus vraiment les mêmes étoiles dans les yeux qu'il y a huit ans.
01:21– Alors Philippe, je me tourne vers toi parce que tu criais « chef-d'œuvre, chef-d'œuvre » en sortant de la projection.
01:27– Il y a du 1 et du 2, moi j'ai adoré le 2.
01:31Il faut quand même préciser qu'Ophélie Bo était à Locarno pour présenter le film et qu'elle est là et qu'elle cautionne le film.
01:39Donc il y a un cheminement…
01:41– Qui respecte le contrat.
01:42– Voilà, il y a un cheminement et donc c'est important de le dire aussi de ce point de vue-là.
01:50Et ce qui est fou, c'est que ce film était tourné avant Intermezzo, qui a été bricolé à partir des chutes des deux films.
01:56Donc ce film, moi je l'ai reçu comme un cadeau, c'est-à-dire que c'est une vraie suite qu'on n'attendait plus,
02:02qui était tournée, qui était dans les boîtes et on retrouve, c'est ce que tu disais tout à l'heure,
02:06cette famille telle qu'on l'avait quittée à la fin du 1.
02:11Et en même temps, il y a une espèce de désenchantement parce que l'élan, le désir du 1, là, est déjà en train de se faner.
02:22C'est-à-dire qu'on sent que cette jeunesse est fragile.
02:26Et il y a toujours en même temps ces conflits d'intérêts et amoureux,
02:30à la fois autour du personnage d'Ophélie et autour du personnage d'Amin.
02:34Et on vient insérer un couple d'Américains qui surgissent et qui viennent, presque comme des héros de soap opéra,
02:44dynamiter la dynamique du cinéma de Kechiche.
02:48Ce qui fait que cette suite n'est pas du tout une redite et que ça devient tout à fait autre chose.
02:51Néanmoins, je vous ai apporté un extrait qui, lui, va vous rappeler, va être une sorte de Bad Lane du 1.
02:58C'est-à-dire que c'est une scène de danse, c'est dans la dernière partie du film, avant la dernière nuit,
03:05qui est une nuit où tout va se passer.
03:06Et ce qui est très intéressant, c'est qu'on retrouve son idée, on filme avec des tas de caméras le groupe.
03:12Et vous allez voir que, comme dans le 1, il y a toujours cette logique que c'est Amine qui regarde.
03:18Vous savez qu'Amin, dans le film, il est scénariste et il est photographe.
03:22Il aimerait faire des films.
03:23Et là, on voit donc Ophélie qui danse et tout ça.
03:26Et petit à petit, on va comprendre qui regarde la scène, qui la met en scène.
03:31Regardez, là, il y a un bout de bras d'Amin.
03:33Et tout d'un coup, on va s'apercevoir.
03:35Là, il danse.
03:37Et voilà, lui, en fait, lui, il danse pas.
03:41Lui, il est là, lui, il regarde.
03:43Et à ce moment-là, Ophélie, elle danse en quelque sorte pour lui.
03:48Elle sait qui la regarde.
03:50Et la mise en scène de Kechiche devient comme ça.
03:53C'est-à-dire qu'elle monte sur la table.
03:55On est en contre-plongée parce qu'Amin est encore dessous.
03:58Et on va voir le regard d'Amin sur cette jeune femme.
04:01Et c'est cette lecture qui guide tout le film.
04:04Et ce qui est très intéressant, regardez, vous voyez, c'est son regard qui va nous guider.
04:08Et tout le film est comme ça.
04:10Et le regard sur les Américains, c'est aussi le regard d'Amin qui est évidemment le regard de Kechiche.
04:15Et c'est lui le vrai héros à l'intérieur du groupe.
04:18Et ça, c'est fort chez Kechiche.
04:20C'est-à-dire qu'il a une capacité naturaliste à montrer le groupe.
04:24Et en même temps, à en sortir des individus.
04:26Et ça, c'est très touchant et très bouleversant.
04:28C'est un film aussi, je trouve, où on note toute la violence sociale qu'il y a entre les personnages.
04:34La violence aussi raciale.
04:36C'est ce qui m'a le plus frappé dans le film.
04:38J'ai trouvé le film d'une violence totale.
04:40Totale.
04:41En termes de mise en scène.
04:43Et en termes de caractérisation des personnages.
04:45Et de caractérisation des rapports entre les personnages.
04:48Il y a une scène, par exemple, que j'ai trouvée vraiment très, très violente.
04:52C'est la scène où le producteur américain est en train de vendre un film hollywoodien à Amine.
04:57Et Amine est humilié en silence.
04:59C'est-à-dire, évidemment, il se tait parce qu'il ne sait pas s'il doit croire au rêve qu'on est en train de lui proposer.
05:03Ou si, en même temps, il sait que tout ça est trop beau pour être vrai.
05:08Et pendant ce temps-là, dans la piscine, il y a son camarade, Tony, qui est en train de s'amuser avec la femme du producteur.
05:13Et je trouve qu'il y a vraiment une violence terrible dans cette scène-là.
05:17Parce qu'on comprend véritablement qu'il y a un marxisme total.
05:22Je veux dire qu'on comprend totalement dans cette scène.
05:24Et qui irrigue tout le film.
05:26Et je trouvais le film, par rapport au premier, beaucoup plus violent.
05:30Beaucoup plus désenchanté.
05:32Malgré des lueurs.
05:33Il y a toujours eu ce double mouvement chez Kéchi.
05:35C'est-à-dire l'enchantement, l'élan merveilleux.
05:38C'était la vie d'un chapitre A, chapitre 2.
05:41Il y a toujours cette idée.
05:43Plutôt le désenchantement et les désillusions.
05:46Moi, j'avoue que c'est un film qui...
05:48Enfin, j'aurais aimé partager votre extase, les amis.
05:50Mais c'est vrai que c'est un film qui m'a déçue.
05:53Parce que j'aimais beaucoup Canto Uno.
05:55Et ce qui faisait le sel de Canto Uno,
05:57c'était sa légèreté, sa grâce, sa candeur.
06:01D'une certaine façon, il émanait en fait des personnages,
06:04de chaque personnage.
06:05Une lumière vraiment très particulière.
06:07Et je trouve que là, la lumière, on l'a un peu perdue.
06:10On s'intéresse un petit peu moins à leur trajectoire.
06:13Et ils ont même un peu perdu de leur tchatche légendaire.
06:16Alors que dans le premier épisode, c'était mes répliques sur les répliques.
06:19C'était presque du bonbon.
06:21Et là, on ne se régale pas du tout de la même manière.
06:21Tu ne t'intéresses pas à ce que va faire Ophélie avec cet enfant ?
06:24Beaucoup moins.
06:25Parce que ce n'est pas intéressant, justement, que les pistes se perdent.
06:28Parce que ce sont des intrigues de sitcom, comme tu disais.
06:30En fait, avant, on était dans la comédie humaine.
06:31Et là, on a basculé côté soupe.
06:33Moi, c'est ça qui me rédit un petit peu.
06:35En fait, moi, ce que je trouve gênant,
06:37c'est que ce qui a toujours fait la force du cinéma de Kechi,
06:39c'est qu'il faisait des petites histoires, des grands récits.
06:41C'est-à-dire qu'il arrivait à capter un regard, un sourire,
06:45et en faire vraiment dix minutes de beauté absolue.
06:47Et là, fondamentalement, je le trouve surchargé, son récit.
06:50Je trouve qu'il ne sait pas s'il veut aller vers le saup, vers le vaudeville.
06:54Encore une fois, on parle de la trajectoire du personnage d'Ophélie.
06:58Ça tourne en rond.
06:59Qui tourne en rond et qui, finalement, n'a pas de résolution.
07:01On a l'impression que...
07:02La vie, c'est aussi ça, de ne pas avoir de résolution.
07:05Attendez, vous êtes rigolo.
07:07Vous refusez que le film soit hollywoodien, justement.
07:09Non, justement.
07:10Donc, du coup, là, je vois plein de choses très hollywoodiennes,
07:13très américaines qui sont insérées dans ce récit.
07:16Et finalement, on a perdu, on dit qu'on retrouve le groupe.
07:18Mais en fait, on ne le retrouve pas du tout.
07:19Il y a une nouvelle histoire.
07:20On trouve le désir.
07:21On trouve la circulation des désirs.
07:23C'est-à-dire qu'en fait, on a le naturalisme de Kechich,
07:26qu'il faut quand même un peu expliciter.
07:28Parce que dire naturalisme, ça veut tout dire et rien dire à la fois.
07:31Parce qu'il reprend la nature des comédiens.
07:34Il les fait jouer dans des scènes longues.
07:36Mais il y a quelque chose chez Kechich,
07:37dans celui-ci, qui est un peu outré.
07:39C'est-à-dire qu'on a l'impression qu'il pousse un peu plus les potards.
07:42Comme une sorte de naturalisme un peu maniéré.
07:45On le sent qu'il va très, très loin, très, très loin dans la nature.
07:48Ce qui fait que le film est à la fois fascinant et exaspérant.
07:51Moi, je ne peux pas m'empêcher de le regarder tout le temps comme ça.
07:54Et il y a une violence totale.
07:55Ce qui fait que, je te dis, à la fois, je suis fasciné
07:57parce que Kechich fait un geste qu'on ne voit nulle part ailleurs
08:00et qui est extraordinaire.
08:02Et c'est un très grand cinéaste.
08:03Et en même temps, je trouve ça exaspérant.
08:05Le film m'agace profondément.
08:06Parce que le film n'est jamais hollywoodien, contrairement à ce que vous dites.
08:09Il y a constamment un regard qui est chichien sur ce film.
08:13Un dernier mot, Philippe.
08:14Un dernier mot pour défendre le film.
08:16On passe à la suite.
08:17C'est Kechichien au diable et on n'est pas prêt de revoir ça.
08:21Donc, il faut se précipiter pour le voir.
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