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00:00Comment Hunger Games a dépolitisé le propos marxiste de Battle Royale ?
00:04Ça va bien se passer.
00:04On commence par situer les oeuvres.
00:06Battle Royale, c'est d'abord un roman japonais adapté au cinéma en 2000 par Kinji Fukasaku.
00:10L'histoire est simple. Dans un futur proche, un gouvernement autoritaire japonais affronte une jeunesse jugée ingérable.
00:15Chaque année, une classe de lycéens est tirée au sort et envoyée sur une île isolée.
00:19Ils reçoivent des armes aléatoires, des colliers explosifs et une règle simple, un seul survivant.
00:23La solidarité se fissure, les amitiés explosent, certains refusent de tuer, d'autres se radicalisent.
00:27La violence n'est pas seulement physique, elle montre comment un système pousse des adolescents ordinaires à devenir des ennemis.
00:32Évidemment, Battle Royale a ouvert une voie.
00:34Son principe de mise en compétition forcée, sa dénonciation de l'état autoritaire et sa mécanique de survie collective ont marqué durablement le cinéma et la pop culture.
00:40Mais l'une des oeuvres les plus célèbres qui a repris ce récit, c'est bien Hunger Games.
00:43D'abord en roman à partir de 2008, puis une franchise qui perdure encore aujourd'hui depuis 13 ans.
00:47Hunger Games, c'est exactement la mécanique du jeu mortel de Battle Royale, mais avec un traitement politique qui diverge profondément.
00:52Dans Battle Royale, la violence est présentée comme une technique du pouvoir.
00:55Le dispositif n'explique pas seulement des excès, il expose une logique d'état.
00:58C'est une critique structurelle, on peut la lire avec des outils marxistes, genre avec la domination par l'isolement, l'élève isolé ne peut de facto pas lutter collectivement.
01:04L'unification est dangereuse pour le pouvoir, donc l'état brise toute possibilité de solidarité.
01:08Solidarité qui selon Marx est le début d'une prise de conscience collective.
01:11La fin de Battle Royale nous désigne l'antagoniste comme un système, pas un individu en particulier.
01:16Cette forme d'antagoniste structurelle implique qu'il n'y a pas d'ennemis que l'on peut éliminer pour résoudre le problème.
01:20Ce qui explique sans trop spoiler pourquoi à la fin du film la violence ne disparaît pas.
01:23C'est parce que l'appareil qui l'a produite reste intacte.
01:26Et cette manière de filmer les règles montre que la source du conflit est institutionnelle et non psychologique.
01:30Quant à lui, Hunger Games conserve la mise en scène du spectacle, mais en modifiant la portée politique.
01:34Là où Battle Royale polarise sur la structure qui fabrique la violence, Hunger Games focalise sur des antagonistes identifiables et sur un arc héroïque individuel.
01:42La révolte devient une série d'actes menés par des individus précis, et non une transformation sociale durable portée par une lutte des classes.
01:48C'est ce qu'on appelle de la récupération par le spectacle.
01:50A la fin du dernier film, il laisse littéralement intacte les institutions qui rendent ces abus possibles.
01:55Tuer l'ennemi visible ne suffit pas si l'on ne questionne pas l'appareil qui a produit cet ennemi.
01:59Et c'est précisément ce que Marx explique lorsqu'il montre que les comportements individuels sont le produit des conditions sociales.
02:04Que l'action individuelle ne peut pas être pensée en dehors de la structure.
02:07Parce que si la structure reste, elle produira à nouveau les mêmes comportements.
02:11Peu importe les personnes qui la dirigent.
02:12D'ailleurs c'est rigolo parce que le réalisateur d'Hunger Games c'est littéralement Francis Lawrence.
02:15Le réalisateur du récent Marche ou Crève a cas le film qui en fait des caisses pour au final ne rien dénoncer.
02:19Choisir de présenter l'antagoniste comme un individu plutôt que comme un système, c'est pas un détail narratif, c'est un choix idéologique.
02:25Une oeuvre qui montre les dérives d'un état autoritaire incite à questionner les fondements de la domination et potentiellement à se rebeller.
02:30Une oeuvre qui centre sur un méchant personnel invite à la facilité.
02:34On élimine le tyran, tout est bien qui finit bien, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.
02:37C'est un choix qui détourne le regard des rapports sociaux qui produisent la violence.
02:42Qui reproduisent l'exploitation et la hiérarchie.
02:44Les individus n'agissent pas hors contexte, leurs comportements sont le produit de conditions matérielles et institutionnelles.
02:49En humanisant le pouvoir, en le personnifiant, on masque la reproduction des rapports de domination.
02:54On normalise la violence structurelle et on transforme la critique sociale en simple morale spectaculaire.
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