00:00Le film La Voix de une Rajab est sorti en salle mercredi dernier et on a pu découvrir pas mal de mauvaises voire très mauvaises critiques de la part de la presse spécialisée.
00:07Comme par exemple les journalistes des cahiers du cinéma qui ont mis entre 0 à 2 étoiles grand maximum.
00:10Ma question maintenant c'est est-ce que le poids politique d'un film peut interdire ou limiter sa critique esthétique ?
00:16Après avoir découvert en salle La Voix de une Rajab, on porte avec soi une voix, celle de l'histoire vraie des dernières heures de Hind,
00:21une fillette de 6 ans prise au piège elle et sa famille dans une voiture à Gaza.
00:25Et quand je dis voix je parle bien des vrais enregistrements de cette petite fille qui est aujourd'hui poussière puisque assassinée par l'Israël.
00:30Une voix qui est dans son contexte réel devrait imposer le silence.
00:32Mais ce silence au sein d'une oeuvre cinématographique doit-il être respecté ou peut-il être interrogé ?
00:36Peut-on par devoir politique et moral s'abstenir de toute critique d'un film ?
00:40Le film mêle l'archive sonore, un enregistrement réel, à une reconstitution fictive des secours tentant de sauver la fille.
00:45Ce mélange docu-fiction est assumé mais il soulève immédiatement des frictions.
00:49La mise en scène vacille, le dispositif aussi entre témoignages et thrillers,
00:51et la distance entre le matériau brut et l'interprétation filmique soulève parfois, selon la critique, une forme d'artifice.
00:57Pour certains spectateurs, ce choix renforce le poids moral de l'œuvre.
00:59La fiction devient nécessaire pour rendre visible l'impuissance, la bureaucratie, l'absurdité d'un sauvetage refusé.
01:04En prenant de la hauteur, on voit trois positions possibles.
01:06En premier, le propos. On peut défendre la posture du soutien.
01:09Considérer que l'urgence politique, le témoignage, l'historicité des faits légitiment une indulgence critique.
01:13Dans cette perspective, interroger techniquement le film reviendrait à trahir l'objet témoignage, à relativiser l'injustice.
01:18Pour beaucoup, ce silence critique est un acte de solidarité.
01:20En deuxième, la forme. On peut aussi défendre l'exigence esthétique.
01:23Un film doit être jugé pour ce qu'il donne sur le plan formel, la mise en scène, le rythme, la cohérence, l'intensité.
01:28Si la forme échoue, si la fiction est du corps le réel, si le dispositif dramaturgique dénature l'archive,
01:33alors le film est parfois raté en tant qu'œuvre de cinéma.
01:35Donc, dans le schéma, l'urgence politique n'efface pas le droit à la critique.
01:37Il existe des tensions entre le devoir de témoignage et la responsabilité de ne pas instrumentaliser des personnes vulnérables.
01:42Et en troisième, la Suisse.
01:44Mais peut-être la position la plus intéressante, la plus nuancée.
01:46On peut reconnaître l'importance vitale du propos tout en conservant un regard critique sur la forme.
01:50C'est admettre que la puissance morale ou politique d'un film ne le soustrait pas à l'examen esthétique.
01:54C'est une double lecture qui permet de rendre hommage à la souffrance documentée,
01:57tout en questionnant les choix narratifs et leurs effets.
01:59Est-ce que la reconstitution renforce ou affaiblit la vérité ?
02:01Interroger ces questions, c'est pas cynique ni indifférent, c'est un devoir de pensée.
02:04Parce que le cinéma, quand il se fait témoin, il est jamais neutre.
02:07Il se contente pas de transmettre un fait, il le met en forme, il le rend accessible.
02:09Et cette mise en forme, elle, transforme le sens, l'impact, l'adhésion.
02:13Exiger de l'honnêteté formelle, c'est pas nier l'urgence politique, c'est la servir avec responsabilité.
02:17Le plus important dans toutes ces positions, c'est que le film puisse sortir dans un maximum de pays.
02:20Qu'on soit pour ou contre la forme, l'important c'est que la parole soit entendue.
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