00:00M. le Président, vous parlez d'or. M. Hugues Brick, directeur du renseignement de la préfecture de police de Paris, a dit la chose suivante devant vous.
00:10En revanche, après avoir dit que l'ultra-gauche, je ne sais plus où on nous classe aujourd'hui, parce que nous sommes passés de gauche à gauche radicale, extrême-gauche,
00:17suivant les humeurs de ceux qui nous s'adressent à nous dire, l'ultra-gauche est totalement absente lors de ce qu'il appelle les émeutes et les violences urbaines.
00:23En revanche, dit-il, une certaine frange de l'ultra-droite négationniste se rapproche par antisémitisme pur, par antisémitisme pur,
00:36de certains islamistes ou référents religieux islamistes qui tiennent des propos antisémites.
00:41Bon, alors voilà, ça c'est pour confirmer à la fois ce que vous dites, Président, et ce que vient de dire M. Bastien Lachaud.
00:47Nous n'avons naturellement rien à voir avec tout ça, et s'il n'arrivait qu'ici ou là où on constate le contraire, je serais le premier à le condamner.
00:55Je viens sur la phrase, je sais qu'il faut se hâter, mais je ne peux faire moins comme intellectuel, si vous le permettez,
01:04me perchant sur ma pauvre petite licence de philosophie qui impressionna tant mes parents,
01:09que de vous dire la chose suivante à propos de l'islam.
01:11L'islam est une religion, et comme toutes les religions, on peut considérer qu'elle pose un problème au pouvoir politique
01:19qui veut se tenir à distance d'elle.
01:21Nous autres Français, nous avons commencé avec Philippe Lebel, je ne vous raconterai pas l'histoire,
01:26mais le pape Boniface VIII a eu cher à connaître de son opposition au roi de France,
01:31qui ne voulait pas qu'il se mêle de ses affaires.
01:32Dans l'immédiat, je sais que l'esprit des Lumières, la pensée qui a cheminé de la Renaissance jusqu'à la Grande Révolution,
01:43doit à l'islam et au docteur de la foi islamique.
01:48Je pense à Averroès, qui, ce n'est pas son nom, c'est le nom qu'on a latinisé pour éviter d'avoir à citer un arabe dans nos sources.
01:56Averroès est le premier qui va dire, et nos intellectuels à nous au Collège de France disent qu'il fait partie des fondateurs des Lumières.
02:07À mon avis, c'est un peu exagéré, mais j'ai compris ce qu'il voulait dire. Pourquoi ?
02:11Parce qu'Averroès est le premier qui dit, à la consternation des chrétiens d'Occident,
02:16qui viennent, étant entrés par les croisades en contact avec les musulmans,
02:22ont ramené des sciences qu'on trouve avec sa tête. Les mathématiques, la physique, la chimie sont consternés.
02:28Comment peut-il y avoir deux vérités ? L'une qui enseigne le livre et la religion, et l'autre qu'on trouve avec sa tête.
02:35Eh bien, Averroès règle ce problème, et il dit, la vérité est une et indivisible, mais on y accède par des chemins différents.
02:41Il cite la rhétorique, la philosophie et la foi. Et Averroès, avec d'autres conséquences, étend son raisonnement.
02:49Au départ, il s'agit d'un jugement religieux, ça n'a rien de philosophique.
02:52Qui va pénétrer, travailler, toute la pensée naissante à partir de la Renaissance.
02:57Et ce n'était pas un compliment à l'époque de se faire traiter d'Averroïste,
03:00parce qu'il y a des écoles musulmanes qu'on dit, ce type-là est lui-même un hérétique.
03:06C'est dire que dans toutes les religions, il y a beaucoup de discussions.
03:09Mais Averroès fait partie prenante totalement de la culture des Lumières françaises.
03:14Je dis bien les Lumières françaises, parce que les Lumières françaises sont particulières,
03:18comparées à celles des Pays-Bas, comparées à celles des autres pays.
03:22Les Lumières françaises ont pu déboucher sur la loi de 1905, qui n'est pas un athéisme d'État.
03:28Eh bien, il faut que nous soyons capables, quand on entend tant d'horreurs,
03:31d'être capables de reconnaître les liens idéologiques qui nous ont bâtis en tant qu'humanité,
03:37telle que nous sommes aujourd'hui tous, autant que nous sommes.
03:39Voilà pourquoi je ne dirais pas « l'islam est incompatible avec la République »,
03:43parce que si vous allez par ce chemin, bien des choses sont incompatibles avec la République.
03:48Mais c'est si on a de la République une vision fermée, et non pas la vision de la liberté qu'elle porte.
03:54La République, c'est d'abord la liberté et la souveraineté du peuple.
03:58Ce seront mes mots pour vous dire.
03:59M. le Président, M. le rapporteur, je suis certain que c'est nous tous, les laïcs,
04:03qui auront le dernier mot dans ce pays, comme d'habitude.
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