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  • il y a 2 jours
Passé-Présent se penche sur une figure que l’on croit connaître, mais dont une grande partie du parcours demeure méconnu : Benito Mussolini avant qu’il ne devienne le Duce. Le Mussolini, d’entre 1912 et 1919, à une époque où rien ne laisse encore présager le futur dictateur. Un Benito Mussolini tour à tour socialiste révolutionnaire, agitateur, intellectuel autodidacte, journaliste brillant, puis interventionniste convaincu au moment de la Grande Guerre. Un Mussolini changeant, multiple, contradictoire, bien éloigné de l’image figée que l’histoire a retenue.
Nous allons comprendre des années décisives, souvent éclipsées par la période du pouvoir, et qui éclairent pourtant l’émergence d’un phénomène politique inédit : le fascisme. Nous évoquerons ensemble les ruptures, les métamorphoses, mais aussi les continuités d’un homme dont la trajectoire personnelle se confond avec les bouleversements de l’Europe du début du XXᵉ siècle. Pour comprendre Mussolini, il faut revenir au jeune révolutionnaire, au militant socialiste, à l’homme du front, à l’échec politique de 1919.
Une émission avec Frédéric Le Moal, historien, spécialiste de l’Italie contemporaine, des relations internationales et des totalitarismes. Il vient de signer la préface du remarquable ouvrage d’Emilio Gentile, "Avant qu'il ne devînt le Duce", récemment traduit en français et paru aux éditions Certamen.

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00:00Nous avons besoin de vous.
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00:04et pourtant, nous sommes encore fragiles.
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00:30Bonjour à tous.
00:49Aujourd'hui, nous vous proposons de découvrir une figure que l'on croit connaître
00:53mais dont une grande partie du parcours demeure méconnue.
00:56Benito Mussolini avant qu'il ne devienne le Duce.
00:58Le Mussolini d'entre 1902 et 1919
01:02est une époque où rien ne laisse encore présager le futur dictateur.
01:06Un Benito Mussolini, tour à tour socialiste révolutionnaire,
01:09agitateur, intellectuel autodidacte, journaliste brillant
01:12puis interventionniste convaincu au moment de la Grande Guerre.
01:16Un Mussolini changeant, multiple, contradictoire,
01:19bien éloigné de l'image figée que l'histoire a retenue.
01:22Nous allons comprendre des années décisives,
01:23souvent éclipsées par la période du pouvoir
01:25et qui éclairent pourtant l'émergence d'un phénomène de politique inédit,
01:29le fascisme.
01:30Nous évoquerons ensemble les ruptures, les métamorphoses,
01:32mais aussi les continuités d'un homme dont la trajectoire personnelle
01:35se confond avec les bouleversements de l'Europe du début du XXe siècle.
01:39Pour comprendre Mussolini, il faut revenir aux jeunes révolutionnaires,
01:42aux militants socialistes, à l'homme du front,
01:45à l'échec politique de 1919.
01:46C'est ce voyage essentiel et parfois inattendu que nous vous proposons aujourd'hui.
01:50Et pour cela, je reçois Frédéric Lemoyle,
01:52historien spécialiste de l'Italie contemporaine,
01:55des relations internationales et des totalitarismes.
01:58Il vient de signer la préface d'un remarquable ouvrage d'Emilio Gentile,
02:03avant qu'il ne devînt le duche, récemment traduit en français.
02:07Bonjour Frédéric Lemoyle.
02:08Bonjour.
02:08Merci d'être avec nous aujourd'hui sur le plateau de Passer Présent.
02:11Alors, vous êtes historien spécialiste de l'Italie contemporaine,
02:15de la diplomatie européenne et des totalitarismes,
02:18auteur de nombreux ouvrages de référence,
02:20notamment Une histoire du fascisme, paru chez Perrin en 2018,
02:24ou encore Les hommes de Mussolini, en 2022, toujours chez Perrin.
02:30Vous vous intéressez également à l'histoire du Vatican,
02:32puisque vous avez publié l'année dernière, en 2024, chez Perrin,
02:36Pie XII, un pape contre le mal.
02:38Et si vous êtes ici aujourd'hui, c'est parce que vous signez la préface
02:42du livre d'Emilio Gentile, « Avant qu'il ne devînt duche »,
02:48dont la traduction française vient de paraître aux éditions Certamen.
02:51C'est un ouvrage majeur qui propose de revenir sur les années de formation de Mussolini,
02:57bien avant son accession au pouvoir.
02:59Dans ce livre, Gentile entreprend, je le disais, une démarche essentielle,
03:03comprendre Mussolini, non pas à travers ce qu'il deviendra,
03:06mais à travers ce qu'il fut réellement entre 1902 et 1919.
03:11Dans votre préface, vous écrivez que comprendre Mussolini avant 1919,
03:16c'est rompre avec le confort d'une histoire écrite à rebours.
03:19Et Emilio Gentile ajoute que le jeu de Mussolini est un aventurier politique,
03:23un homme encore en devenir.
03:26Et c'est sur ce point que j'aimerais commencer.
03:28Alors, en tant qu'historien du fascisme,
03:30qu'est-ce que cette période de 1902-1919 apporte de décisif
03:35pour comprendre Mussolini et le futur fascisme, très rapidement ?
03:39En fait, c'est une période qui est vraiment cruciale,
03:42puisque la période qui est étudiée par Emilio Gentile,
03:46c'est de 1912 à peu près,
03:48date à laquelle Mussolini s'impose comme vraiment un dirigeant
03:53extrêmement charismatique du Parti Socialiste italien,
03:55socialiste au sens marxiste, donc il se revendique marxiste.
03:58Et jusqu'en 1919, jusqu'à la défaite électorale de novembre 1919.
04:04Et entre ces deux dates, il y a la Première Guerre mondiale,
04:09l'automne 1914, date à laquelle Mussolini opère
04:13une conversion extrêmement profonde
04:15qui lui fait abandonner le neutralisme
04:18défendu par les partis socialistes italiens
04:20qui refusaient la participation de l'Italie
04:22à la guerre européenne qui venait d'éclater.
04:25Et il s'engage dans un combat qu'on dit interventionniste,
04:28en faveur de l'intervention de l'Italie
04:32dans la guerre européenne aux côtés de la France,
04:36de l'Angleterre et de la Russie.
04:39Donc, c'est une rupture extrêmement forte
04:41dans son parcours politique,
04:43mais rupture en fait dans une certaine continuité,
04:45en tout cas pour lui,
04:46parce qu'il continue à se revendiquer socialiste.
04:50Et c'est là en fait tout l'apport du livre de Gentile,
04:53c'est d'étudier ce mécanisme de la rupture
04:56qui a fait couler énormément d'encre
04:58et essayer de comprendre comment Mussolini a pu renier
05:02tout ce qu'il avait adoré avant 1914,
05:05comment il s'est engagé dans ce combat
05:06en faveur de la nation,
05:09tout en restant socialiste,
05:11c'est-à-dire qu'en fait on a ici
05:12la naissance de ce que sera plus tard le fascisme,
05:15c'est-à-dire un socialisme nationaliste.
05:18– Alors, je voudrais justement qu'on parle
05:20de ce refus de la téléologie,
05:22c'est-à-dire que ce qu'explique Gentile dans son avertissement,
05:25c'est respecter les faits dans leur singularité
05:26sans y projeter ce que l'on sait de l'avenir.
05:30Donc c'est cette méthode qui est au cœur du livre,
05:32dont je voudrais qu'on parle avant de rentrer
05:34dans le cœur du sujet,
05:35justement de ce choix de méthode.
05:38Alors d'abord, comment, selon vous,
05:40éviter de projeter justement le Mussolini dictateur
05:44sur le Mussolini de 1912 à 1919 ?
05:48Et quelle était la méthode de Gentile ?
05:49Comment a-t-il travaillé ?
05:50Quelles sont les sources qu'il a employées ?
05:52– Alors c'est toujours évidemment difficile
05:54d'oublier ce que Mussolini a été,
05:57évidemment après 1919 et surtout 1922
06:00et la conquête du pouvoir,
06:01et ses 20 ans au pouvoir.
06:05Mais pourtant, c'est la démarche que fait Gentile.
06:07Et il en fait ne fait jamais de référence
06:10aux événements qui ont suivi.
06:13Il suit pas à pas le Mussolini de 1912 à 1919
06:18en essayant de le comprendre,
06:21parfois avec des affirmations,
06:23parfois avec des hypothèses,
06:24parce qu'évidemment l'historien ne peut pas
06:26forcément tout décrypter,
06:28surtout pour un personnage aussi complexe que Mussolini.
06:32Et alors, pour comprendre Mussolini,
06:35la pensée de Mussolini,
06:36on a la chance parce que c'est un homme de l'écrit.
06:39C'est un homme qui a toujours aimé écrire.
06:42Il a deux passions, la politique et l'écriture.
06:45C'est un journaliste, en fait, né.
06:48Il est passionné par son activité de journaliste
06:50et donc il a énormément écrit dans divers journaux
06:54pour un temps assez confidentiel.
06:58Et jusqu'au moment où, en 1912,
06:59il prend la direction de l'Avanti,
07:02qui est le journal du Parti Socialiste italien.
07:05Il en devient le directeur.
07:06Il l'a énormément développé.
07:08Sous sa direction, les tirages ont énormément augmenté.
07:11Il a fondé également, en 1913, une revue qui s'appelle Utopia, Utopie.
07:16Et puis, au moment de la rupture dont je parlais il y a un instant,
07:18il fonde son propre journal, il Popolo d'Italia.
07:21Et donc, dans lequel il écrit chaque jour.
07:23Ce sont des quotidiens.
07:24Donc, chaque jour, on a un article de Mussolini.
07:27En plus, des discours qu'il a pu prononcer.
07:30Donc, on peut le suivre ainsi, jour après jour.
07:33On peut suivre son cheminement intellectuel.
07:35D'ailleurs, Gentilé ne s'en prive pas.
07:36Il y a énormément d'extraits.
07:38Voilà, c'est l'intérêt du livre.
07:41Il y a énormément d'extraits.
07:42Exactement.
07:43Donc, pour vous, c'est vraiment fondamental,
07:45ce refus de la lecture rétrospective.
07:47C'est vraiment fondamental pour comprendre ce que fut le fascisme.
07:51Oui, bien sûr.
07:52Alors, bien sûr, chaque homme a sa cohérence.
07:55Et puis, il y a des permanences, même chez lui.
07:58Mais c'est vraiment l'intérêt de cet ouvrage.
08:01C'est-à-dire, en fait, l'analyse est enfermée,
08:06au sens positif du terme, dans cette période.
08:10Et donc, on se retrouve plongé dans le contexte de ces années,
08:13qui sont des années, évidemment, bouillonnantes.
08:15L'Italie d'avant 1914, il y a un milieu intellectuel qui est bouillonnant.
08:21Il y a des événements politiques intenses.
08:23La guerre de Libye, où en juin 1914,
08:26on a des manifestations populaires qui dégénèrent.
08:30La Première Guerre mondiale.
08:31Donc, on est vraiment plongé pleinement dans le contexte de cette époque.
08:35Alors, vous parliez de la personnalité même de Mussolini.
08:39Comment dire ?
08:40Le prologue cite Mussolini lui-même, qui dit
08:43« Le ferment du nomadisme agite mon sang ».
08:46Alors, cette phrase résume bien, finalement, le jeune Benito,
08:50qui est instable, rétif à toute discipline.
08:54Alors, je voudrais revenir avec vous sur ces années où tout se met en place.
08:56Alors, le livre décrit, dont je vous disais, Mussolini tourmenté,
08:59nomade, rebelle.
09:00Comment on peut analyser cette personnalité précoce ?
09:04– C'est le mot rebelle, effectivement, et le caractérise,
09:08puisqu'il a toujours été rebelle à toute autorité.
09:12L'autorité de ses professeurs, l'autorité des partis.
09:17Le fascisme qui n'est en 1919, ce vœu anti-parti.
09:21Il s'est toujours défini comme un marxiste hérétique,
09:23c'est-à-dire non pas conforme à la ligne du parti.
09:28Et effectivement, il est très, très indiscipliné et très nomade.
09:31Il a toujours refusé ce qu'il appelait le célibat mental.
09:35C'est-à-dire que, c'est ça qui rend très complexe son parcours,
09:39surtout en ces années où il y a des évolutions idéologiques,
09:44mais aussi dans sa vie personnelle.
09:45Enfin, c'est très compliqué de le suivre.
09:48D'abord instituteur, et puis après en exil en Suisse,
09:51il revient en Italie, il repart.
09:53Ensuite, il revient en Italie.
09:55Il envisage de partir aux Etats-Unis.
09:58Même quand il est en Suisse, il mène une vie entre Genève et Lausanne,
10:01une vie de bohème.
10:04Et puis quand il revient en Italie en 1904,
10:07là aussi, il a une vie quand même très, très compliquée.
10:09Il retourne dans sa Romagne natale pour enseigner,
10:13ce qui était son premier métier.
10:14Ensuite, il a envoyé dans le Trentin,
10:16qui est une province autrichienne.
10:17C'est là où il découvre un petit peu la question des nationalités,
10:20des sentiments, des identités nationales.
10:23Pour ensuite revenir en Italie et mener, comme je le disais,
10:27à partir de 1912, cette carrière qui le...
10:29Et vous parliez du retour en Romagne.
10:32Est-ce que le milieu familial, le contexte romagnol aussi,
10:34peut expliquer ce...
10:35Oui, parce que...
10:37Alors c'est un romagnol.
10:38Et puis vous savez, en Italie, quand même,
10:40les régionalismes pèsent quand même sur les individus.
10:44C'est-à-dire une terre qui était une ancienne terre des États pontificaux,
10:47mais où on n'aimait pas les papes, pas du tout.
10:50Donc c'est une terre très contestatrice, très rouge,
10:53à l'époque du fascisme qui a été très noire,
10:55et puis qui est redevenu très rouge après.
10:57Vous direz la conclusion que vous voudrez.
11:00Et donc il vient d'un milieu, effectivement, assez particulier,
11:03parce que son père Alessandro,
11:05qui a été d'abord forgeron, puis aubergiste,
11:08est un homme d'extrême-gauche,
11:10un activiste vraiment d'extrême-gauche,
11:12tandis que sa mère, elle, est très catholique,
11:16et il est très marqué par la figure de son père,
11:19tout en ayant, je pense, toujours gardé un peu
11:21cette religiosité de la mère,
11:24cette empreinte catholique quand même,
11:26non pas religieuse de four,
11:27parce qu'il ne croit pas en Dieu,
11:29mais quand même, ça l'a quand même marqué.
11:30Mais enfin, il est très clairement du côté de son père,
11:33et sa mère a quand même des ambitions pour lui,
11:35donc il l'installe dans un collège des Salésiens,
11:39où il fréquente les enfants de la bourgeoisie,
11:41et ça a été une très mauvaise expérience pour lui,
11:43parce que lui, le fils du forgeron aubergiste,
11:46évidemment, il a été moqué par ses petits camarades,
11:48et il en est sorti avec une haine de la bourgeoisie,
11:50qui en fait ne l'a jamais, absolument jamais quittée,
11:53et je pense que, comme l'avait noté d'ailleurs
11:56l'historien Maurizio Serra,
11:59il y a chez lui quand même un peu de ressentiment social,
12:02et qui sans doute est né au contact des enfants de la bourgeoisie.
12:08– C'est aussi un grand lecteur,
12:09et quelles sont ses influences politiques ?
12:12On parle de Marx, de Nietzsche, de Sorel, de Pareto,
12:15est-ce que tout ça s'agglomère ?
12:17– Il est marxiste, théoriquement il est marxiste,
12:21mais il est davantage marqué par Blanqui,
12:25par Sorel, par Pareto, en effet,
12:29le sociologue italien qui a beaucoup développé l'idée des élites,
12:32de l'importance de l'élite,
12:34et Nietzsche, c'est un lecteur passionné,
12:38c'est l'expression qu'utilise Gentile dans le livre,
12:40un lecteur passionné, quand il est en Suisse notamment,
12:43de Nietzsche, et de la philosophie de Nietzsche,
12:45il a retenu évidemment la question du surhomme,
12:48la force, le sentiment de puissance.
12:51De Pareto et de Sorel, il a gardé l'idée
12:55que ce sont les élites qui conduisent des masses,
12:58des masses amorphes, des masses qu'il a toujours
13:01plus ou moins maîtrisées,
13:04et puis l'apologie de la violence,
13:05c'est-à-dire que c'est un homme violent par son caractère,
13:10physiquement, il a toujours réglé ses problèmes
13:12quand il est enfant par la violence,
13:15et puis la violence des mots aussi,
13:17dans tous les articles qu'il a pu écrire à ce moment-là,
13:21et puis la violence qui, évidemment,
13:24est l'instrument de l'histoire,
13:26et c'est ce qui le pousse dans les courants
13:28les plus radicaux, les plus révolutionnaires
13:30du Parti Socialiste italien.
13:31– Et l'influence de la Révolution française,
13:34des Lumières françaises ?
13:35– Alors bien sûr, il lit énormément les auteurs français,
13:39ça contribue beaucoup évidemment à sa formation intellectuelle,
13:42c'est un point commun d'ailleurs avec le camarade Staline
13:43quand il est au séminaire,
13:45qu'il lit les auteurs français,
13:47notamment Victor Hugo, il vénère Zola,
13:49et puis bien sûr, il y a forcément la référence à la Révolution française,
13:55et en particulier, et ça c'est un point très intéressant
13:58du livre d'Emile O'Gentile, sur la Commune,
14:01c'est à mon avis extrêmement intéressant,
14:03pourquoi ? Parce que la Commune, bien sûr,
14:05c'est une insurrection populaire, révolutionnaire,
14:09mais qui est empreinte de patriotisme,
14:12puisqu'il s'agit de combattre aussi bien la bourgeoisie
14:14que l'envahisseur,
14:16et évidemment, ça rappelle ce point pour moi absolument fondamental,
14:20c'est que l'héritage de la Révolution française,
14:22c'est l'héritage d'une révolution nationale,
14:26et c'est ce qu'on retrouve en fait,
14:28c'est des idées qui ont toujours circulé,
14:29jusqu'à ce que le marxisme impose l'internationalisme,
14:32et ce que décrit Émile O'Gentile dans le livre,
14:34c'est qu'en 1914,
14:35Mussolini abandonne l'internationalisme.
14:38– Alors il dit que c'est un socialiste passionné,
14:40mais aussi hérétique,
14:41vous l'expliquerez mieux,
14:43donc il écrit Mussolini,
14:44pour Mussolini,
14:45l'avant-garde doit être composé de petits groupes audacieux.
14:48Alors qu'est-ce qu'il faut comprendre,
14:50du point de vue d'un historien français,
14:51qu'est-ce qu'il faut comprendre de ce socialisme très particulier,
14:55qu'est-ce qu'il caractérise ?
14:56– C'est un socialisme qui ne croit pas à l'action des masses,
15:02seul,
15:03c'est un point commun avec le camarade Lénine aussi,
15:05et puis il est hérétique dans le sens où le parti socialiste
15:10avait pris une direction très réformiste,
15:13au début du XXe siècle,
15:14c'est-à-dire dans la direction d'une participation au pouvoir
15:18dans le cadre d'un régime de la monarchie parlementaire,
15:21d'un régime libéral,
15:23et ça il le refuse catégoriquement,
15:25il combat cette ligne réformiste,
15:28il se déclare révolutionnaire,
15:30au vrai sens du terme,
15:32et en 1912, lorsqu'il surgit en fait de l'obscurité,
15:37dans laquelle il vivait…
15:38– Ce sont des spectaculaires au PSI.
15:40– Voilà, en fait il est un congrès,
15:42le 13ème congrès du parti socialiste italien,
15:46et il réussit à imposer une direction anti-réformiste,
15:51il réussit à mettre dehors les tenants d'une ligne réformiste,
15:56et il est vraiment découvert à ce moment-là,
16:00son charisme, son intransigeance apparaissent à ce moment-là,
16:05il prend la direction de la Venti, du journal du parti,
16:09et il devient un des grands dirigeants,
16:12et déjà à cette époque,
16:14il est le Mussolini qui existe une sorte d'ensorcellement
16:17sur ce qui l'approche,
16:19à travers son regard,
16:20et les éditions Certamen ont choisi une très très belle photographie
16:25sur la première, sur la couverture,
16:27ce regard absolument magnétique,
16:29et ce charisme qui enthousiasme les militants,
16:33et notamment les jeunes militants,
16:35il est vraiment…
16:37il devient à la veille de 1914,
16:39vraiment un des grands dirigeants du parti socialiste,
16:42et qui bénéficie vraiment d'une sorte déjà d'adulation
16:46de la part des plus jeunes militants,
16:47qui sont absolument enthousiasmés par sa radicalité.
16:49– Est-ce que c'est un agitateur né,
16:51ou un idéologue sincère ?
16:55– Alors c'est un agitateur…
16:56– Est-ce qu'il a déjà la suite ?
16:57– Alors c'est un agitateur,
16:58parce qu'il a fait plusieurs séjours en prison
17:00pour avoir essayé de provoquer des insurrections,
17:04des grèves, aussi bien en Italie
17:05que pendant son séjour en Suisse.
17:08Alors c'est un idéologue,
17:09c'est un homme de l'idée,
17:11et souvent dans le livre d'Emmanuel Gentile,
17:13on revoit cette idée qu'il se présente,
17:15lui, vraiment comme un agitateur d'idées.
17:17Ce qu'il aime, c'est le combat intellectuel,
17:20c'est le combat des idées.
17:23Mais sans être enfermé,
17:25et ça c'est une de ses grandes caractéristiques,
17:27et c'est un peu le nomadisme dont vous parliez,
17:29il a aussi une sorte de nomadisme aussi idéologique,
17:31ce qui rend le personnage très complexe,
17:34il refuse une discipline doctrinaire, en quelque sorte.
17:37Et Mussolini n'a jamais été un doctrinaire,
17:40c'est-à-dire enfermé dans une vision idéologique
17:44de laquelle il refuserait catégoriquement de sortir.
17:48Il y a un certain pragmatisme chez lui,
17:51ce que certains définissaient déjà à l'époque
17:54comme de l'opportunisme,
17:55et ils s'en défendaient.
17:57Et le livre, je trouve, montre bien, bien sûr,
17:59les ruptures, les incontestables reniements
18:02de Mussolini pendant cette période,
18:04mais il y a quand même aussi...
18:04– Des incohérences, quand même ?
18:06– Alors oui, une incohérence où l'antimilitariste forcené,
18:10anticolonialiste, voilà, change un peu de...
18:13– On va y arriver, oui.
18:14– Son fusil d'épaule, mais il y a quand même
18:17une permanence, quand même, chez lui,
18:19je l'ai un peu évoqué, cette permanence, en fait,
18:21de la révolution et d'une forme de socialisme.
18:25– Alors, on va arriver justement au tournant de 1914.
18:31Gentilé note ce point.
18:32Pour Mussolini, la guerre, dit-il, est une révolution.
18:35Alors, c'est aussi une révolution dans son point de vue,
18:38parce qu'il passe d'une neutralité absolue,
18:41neutralité conditionnelle, et puis ensuite,
18:43à l'interventionnisme.
18:44Donc, je voudrais que...
18:46Comment vous percevez cette rupture ?
18:49Quel a été son cheminement intellectuel ?
18:51Comment il est passé de la neutralité absolue
18:53à l'interventionnisme ?
18:55– Alors, tout ça s'est fait très rapidement,
18:56tout ça s'est fait entre fin octobre
18:58et fin novembre 1900, 1914.
19:01Alors, pour bien comprendre l'évolution,
19:03il faut revenir à la situation de l'Italie.
19:05L'Italie déclare sa neutralité en août 1914,
19:09au moment de la déclaration de guerre.
19:10Elle appartient au camp de la Triplice,
19:12et elle refuse de faire la guerre avec l'Autriche-Hongrie,
19:14qui est un peu son ennemi héréditaire.
19:18Et puis, commence à ce moment-là un débat.
19:20Faut-il maintenir la neutralité ou intervenir,
19:23soit à côté de l'Autriche, soit au côté du camp de l'Entente ?
19:26La position du Parti Socialiste italien est extrêmement claire.
19:29C'est une neutralité absolue.
19:30En conformité, bien sûr, avec l'internationalisme,
19:33qui n'avait cessé d'être chanté par l'international,
19:36par la Deuxième Internationale, avant 1914.
19:39Et Mussolini, au tout début, donc en août-septembre,
19:43il est parfaitement sur cette ligne neutraliste.
19:46Et puis, il y a une réflexion profonde chez lui.
19:50Ce n'est pas de l'opportunisme, ce n'est pas de l'ambition.
19:54Ce n'est pas du tout une gérouette.
19:55Il y a une réflexion profonde.
19:56Et cette réflexion, en fait, elle repose sur l'idée
19:59que l'éclatement de la guerre en 1914
20:01a signifié l'échec de l'internationalisme.
20:04C'est-à-dire que les masses ouvrières,
20:06au lieu de jeter les fusils,
20:08ont pris les fusils pour aller défendre leur patrie.
20:10C'est-à-dire que la nation a été plus forte que la classe sociale.
20:13Et donc, c'est toute la faillite de l'internationalisme.
20:16Et pour lui, le Parti Socialiste, en fait,
20:18se fourvoie à maintenir une ligne neutraliste.
20:21Et en fait, pour lui, la guerre devient l'occasion,
20:24parce que les masses y adhèrent,
20:25de faire la révolution.
20:27C'est le contraire, là.
20:28C'est là où il se sépare, en fait, du léninisme.
20:30Puisque le léninisme, oui, considérait que la guerre
20:32allait faire tomber l'ancien monde,
20:33mais qu'il ne fallait surtout pas y participer.
20:35Lui, il considère que la guerre fera tomber l'ancien monde,
20:39fera tomber les vieilles monarchies, les empires,
20:42mais qu'il faut absolument y participer.
20:44Et c'est là où il change complètement, en effet, sa position,
20:49qu'il assume publiquement dans les articles
20:52qu'il publie dans l'Avanti ou dans le Correre della Serra.
20:55Donc, c'est tout à fait connu.
20:56Et là, il rentre, évidemment, en opposition absolument totale
20:59avec ses camarades du parti.
21:01Il fonde son propre journal, il Popolo d'Italia,
21:04pour avoir son journal à lui, qui porte sa voix.
21:07Et il finit par être expulsé du Parti Socialiste en novembre 1914.
21:12Et là, la crise est extrêmement forte.
21:15Il est vraiment rejeté par ses camarades.
21:18Lui, qui était adulé, devient le traître, le renégat.
21:23Et c'est un peu aussi, là, à mon avis,
21:25le point de départ de cette guerre sans fin
21:31que la gauche mène contre ce qu'elle appelle le fascisme,
21:35parce qu'en fait, le fascisme est né d'un schisme
21:39à l'intérieur du socialisme.
21:41Au commencement était le socialisme de tout ça.
21:44Et donc, en fait, il réconcilie, il croit possible,
21:48la réconciliation entre le socialisme et la nation.
21:51Ce qu'on avait eu sous la Révolution française
21:53et que l'internationalisme marxiste avait séparé.
21:56– On parle aussi d'une opposition entre le monde ouvrier
21:59et le monde paysan qui est majoritaire en Italie,
22:04comme dans toute l'Europe.
22:04– Alors, c'est plutôt pendant la guerre,
22:06où, bien sûr, la masse des fantassins est constituée de paysans,
22:11alors qu'il fréquente, parce qu'il est au front jusqu'en février 1917.
22:16Et il voit, en fait, ces paysans qui combattent,
22:20alors pas pour les grandes idées du débat interventionniste, etc.,
22:25mais qui font leur devoir.
22:27Et il pense que l'Italie, en fait, est vraiment née
22:31dans les combats de 1915-1918,
22:35où les régionalismes ont disparu
22:37et vraiment où la nation italienne achève de naître.
22:43avec ces paysans qui combattent pour l'Italie.
22:48Alors, bien sûr, il y a aussi des ouvriers qui sont au front, bien évidemment,
22:52mais il est très sévère pour les ouvriers restés dans les usines
22:57et qui font des grèves.
22:59Et donc, ils sabotent, en quelque sorte, l'effort de guerre.
23:02Et c'est là où naît vraiment cette structure,
23:06cette opposition,
23:08qui est apparue donc à ce moment de la rupture de 1914,
23:11mais avec le socialisme officiel,
23:13puisque le Parti Socialiste a maintenu sa ligne neutraliste,
23:17y compris quand l'Italie est entrée en guerre.
23:19Et bien sûr, la révolution bolchevique de 1917
23:21apporte une couche supplémentaire dans son rejet très très fort du bolchevisme.
23:26– Alors, est-ce que pour vous, la guerre, c'est aussi un mouvement fondateur
23:29qui permet le possible fascisme ?
23:32– Ah oui, c'est fondamental.
23:34Sans Première Guerre mondiale, il n'y a pas de fascisme.
23:37Les fascistes, c'est la génération du front.
23:40Les fascistes qui prennent le pouvoir en 1922,
23:42c'est la génération du front qui prend le pouvoir.
23:44Ils ont tous fait, tous les grands du fascisme,
23:46ont tous fait la guerre, ils ont tous participé à la guerre.
23:49Et pour eux, ça a été une expérience fondatrice
23:50pour la fondation d'un nation, comme je le disais à l'instant,
23:53mais aussi parce que c'est une vie de cohésion,
23:57c'est une vie de combat, de force.
23:59– Il parle de communauté virile, de la virilité,
24:04qui fonde en quelque sorte cet Italien un peu nouveau
24:08auquel il aspire.
24:11Et donc, les anciens combattants constituent, à partir de 1918,
24:15cette nouvelle élite de la nation
24:18qu'il faut désormais défendre
24:20contre le socialisme neutraliste, contre le bolchevisme,
24:24et puis bientôt, en 1919, contre les alliés
24:27qui ne veulent pas satisfaire les promesses
24:29qu'ils avaient faites à l'Italie en 1915.
24:31– Est-ce qu'on peut dire qu'il ressort transformé
24:33complètement, politiquement, humainement ?
24:35– Oui, oui, il sort vrai.
24:36– Ou est-ce qu'il s'est simplement radicalisé
24:37dans des idées qui pouvaient…
24:39– Alors, il a toujours été radical.
24:40Donc, il sort, oui, transformé, humainement.
24:48Il voit dans la victoire de 1918 la justesse de ses analyses.
24:52Pour lui, les faits lui ont donné raison.
24:53L'histoire lui a donné raison.
24:56Et il s'agit donc désormais, pour lui,
24:58de mener désormais un nouveau combat
25:00qui est, en fait, la défense de la victoire de 1918.
25:03– Alors, un des points frappants du livre,
25:07c'est que Mussolini, en 1919,
25:09ne prône pas encore une révolution fasciste.
25:13Gentilis-Soulini qui veut même une constituante,
25:15une réforme démocratique profonde.
25:19Alors là, c'est quand même un Mussolini assez méconnu.
25:22Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur ce point-là ?
25:23– Alors, c'est vraiment le deuxième apport du livre
25:27après la description de la rupture de 1914.
25:33C'est en fait Mussolini, effectivement, de fin 1918, début 1919,
25:39où on a un Mussolini d'un coup très modéré
25:43qui se définit lui-même comme un travailliste
25:45et qui aspire, effectivement, à une transformation de l'Italie,
25:51mais sans la violence.
25:52En fait, il abandonne à ce moment-là tout projet révolutionnaire
25:55en réaction, en fait, avec ce qui s'est passé en Russie.
25:59Parce que pour lui, le léninisme et le bolchevisme,
26:01c'est vraiment une idéologie, mais de la destruction,
26:06de l'anéantissement.
26:08En prenant le pouvoir en 1917, ils ont failli faire perdre l'Italie,
26:11bien sûr, en retirant la Russie de la guerre.
26:13Donc ça, évidemment, ce n'est pas oublié.
26:14Mais surtout, il a une vision absolument apocalyptique
26:16de ce qu'est le bolchevisme en Russie
26:19et qui n'emmène que mort, misère et destruction à la Russie.
26:23Et il ne veut pas ça pour l'Italie.
26:26Donc il opte, effectivement, et c'est en effet très surprenant,
26:29et le livre, là, est un apport vraiment majeur,
26:31même si on le savait, mais il y a énormément de détails
26:34qui sont apportés dans le livre,
26:36sur un peu ce passage un peu démocratique.
26:40Lui qui a vitupéré le parlementarisme,
26:43aussi bien avant 1914 que pendant la guerre de 15-18,
26:46défend effectivement un système démocratique.
26:52Et le programme qui est élaboré à ce moment-là
26:54est un programme, en fait, modéré, de gauche.
26:57Attention, clairement de gauche, progressiste.
27:00– Et là, il a créé son parti.
27:01– Alors, pas son parti.
27:03La naissance du fascisme en 1919, le 23 mars 1919,
27:07ce n'est pas la naissance d'un parti.
27:09Eux-mêmes ne veulent surtout pas apparaître comme un parti.
27:12Au contraire, ils se présentent comme un anti-parti,
27:14c'est-à-dire que c'est un mouvement avant tout.
27:16Et qui porte un programme, qui est un programme, en fait, social,
27:21socialiste, progressiste, mais pas révolutionnaire.
27:25Et en fait, là, il n'est pas en adéquation
27:29avec une bonne partie du mouvement fasciste
27:32qui est en train de naître,
27:33où on a des personnes et des courants
27:37beaucoup plus radicaux que lui.
27:41Mais là aussi, c'est une permanence chez lui.
27:43Il sera toujours, parfois, en porte-à-faux
27:45avec les plus extrémistes.
27:48C'est un homme qui a toujours fait de la politique.
27:53Contrairement à d'autres qui sont plus enfermés dans l'idéologie,
27:56lui, il a toujours fait de la politique.
27:58Et la politique, elle repose sur la prise en compte
28:00des réalités du temps,
28:03du rapport de force politique,
28:06et sur la possibilité de passer des accords,
28:10des compromis.
28:12C'est en cela qu'il est politique.
28:13– Alors, il rejette, vous l'avez dit, le bolchevisme.
28:15Il rejette aussi le conservatisme.
28:17C'est déjà, donc, l'apparition, quand même,
28:18d'une troisième voie originale dans le paysage politique italien.
28:21– Oui, c'est exact.
28:24Cette troisième voie qui se présente
28:26comme une défense de ceux qui ont fait la guerre,
28:30des combattants et des producteurs.
28:33Et ces producteurs, ce sont avant tout les paysans
28:37qui vivent dans la pauvreté,
28:40qui n'ont pas la propriété des terres.
28:43Donc, il y a cette hostilité vis-à-vis des grands propriétaires terriens.
28:47Dans le programme de 1919, il y a la confiscation des profits
28:53qui ont été faits pendant la guerre.
28:55Il y a des impôts confiscatoires.
28:58Il y a la prise des propriétés du clergé.
29:03Donc, anti-bolchevique qui se présente comme anti-socialiste,
29:09mais il précise bien,
29:11ce n'est pas le socialisme en lui-même qu'il combat.
29:13C'est le socialisme officiel du PSI,
29:16qui va devenir le parti communiste.
29:19C'est-à-dire, un socialisme est contre la nation.
29:22Et bien sûr, il est très hostile au conservatisme
29:25parce que jamais Benito Mussolini,
29:27pendant toute sa vie,
29:28on peut là dépasser le cas de 1919,
29:31n'a jamais été conservateur de sa vie
29:33et jamais il ne s'est présenté comme étant un conservateur.
29:37– Donc, le fascisme étant…
29:40Gentilé dit que c'est un mouvement confus, hétérogène,
29:43numériquement dérisoire,
29:47donc rien à voir avec la machine qui prendra le pouvoir
29:49quelques années plus tard.
29:50Donc, est-ce que vous pouvez nous décrire justement
29:52ce mouvement confus, hétérogène ?
29:55– En fait, il n'y a pas un corps de doctrine claire.
29:58Ce n'est pas le marxisme scientifique.
30:00Il n'y a pas un corps de doctrine claire,
30:03notamment au moment de la fondation de mars 1919,
30:08lorsque, voilà, ils se réunissent tous à Milan,
30:12place Sansepolcro, en 23 mars 1919,
30:16pour créer les faisceaux italiens de combat.
30:18En fait, on a des groupes très hétérogènes,
30:21on a des socialistes, des anciens socialistes,
30:24des syndicalistes révolutionnaires,
30:26on a des futuristes qui sont là,
30:30et qui se rassemblent plus portés par un mouvement,
30:37par la soif de l'action,
30:40par un idéal, c'est vrai,
30:43d'une transformation de la société italienne,
30:47mais sans que l'on puisse vraiment définir
30:49exactement ce programme.
30:50Et c'est Mussolini qui, dans les semaines,
30:53qui suivent la création des faisceaux,
30:56essayent de définir, dans les pages du Popolo d'Italia,
31:00ce qui ressemble au programme que j'ai décrit à l'instant,
31:04qui est le programme des faisceaux,
31:06dans la perspective d'élections législatives
31:09qui devaient...
31:10Alors, élections de 19,
31:11qui sont un échec massif,
31:14contre qui est-il en opposition ?
31:19Alors, en fait, les élections de 19,
31:22de novembre 1919,
31:24sont un échec absolument retentissant
31:25pour le fascisme et pour Mussolini.
31:28Aucun député élu.
31:30Alors, non seulement aucun député élu,
31:32mais en plus, c'est le Parti Socialiste
31:33qui est arrivé premier.
31:35Après, c'est le Parti Populaire Italien,
31:37une sorte de démocratie chrétienne,
31:39si vous voulez, pour aller vite,
31:40qui rafle la mise.
31:43Donc, là, il vit ça comme un échec personnel.
31:47J'ai dit tout à l'heure que, pour lui,
31:48la victoire de 1918,
31:49en fait, les événements lui donnaient raison.
31:52Et là, patatrac, tout s'écroule.
31:55Et il ne comprend pas pourquoi tout s'écroule.
31:58Le pays le rejette.
32:00C'est le Parti Socialiste, Oni,
32:02qui, pour lui, est le parti traître
32:04de la nation italienne,
32:06qui sort premier des élections.
32:11Et donc, c'est un échec idéoleux personnel.
32:13Et vraiment, ça provoque chez lui
32:15cette sorte de crise d'abattement
32:17qu'il a souvent eue dans sa vie
32:19quand les événements ne vont pas comme il le veut.
32:22Il pense tout arrêter.
32:23Enfin, il pense que sa carrière est absolument…
32:24– Il faut prendre son violon et partir.
32:26– Voilà, tout à fait.
32:26Il faut toujours se méfier
32:27quand les hommes politiques disent ça,
32:28qu'ils vont arrêter,
32:29parce qu'ils n'arrêtent jamais.
32:30Bon, il avait déjà ressenti ça
32:32quand il a été expulsé du Parti Socialiste en 1914.
32:36Donc, humainement, il le vit extrêmement mal.
32:38Et puis surtout, idéologiquement,
32:40c'est-à-dire que là, c'est un échec complet.
32:42Le pays rejette…
32:43– On l'explique comment cet échec ?
32:45– Parce qu'on a un pays, en fait,
32:48qui est en quelque sorte fatigué de la guerre,
32:53qui cherche une solution à la crise de l'après-guerre,
32:57crise très forte, de reconversion de l'économie.
33:00Et puis, eh bien, le pays trouve dans le Parti Socialiste,
33:04dans le programme du Parti Socialiste,
33:05eh bien, les réponses…
33:06Enfin, une partie du pays, bien sûr.
33:08Les réponses à ses attentes
33:10et aux difficultés, en fait, de la vie quotidienne.
33:14– Mais alors, qu'est-ce qu'on voit comme différence majeure,
33:18finalement, entre le fascisme de 1919
33:20et le fascisme qui va arriver au pouvoir en 1922 ?
33:23– En fait, entre 19 et 1922, c'est un fascisme, déjà, qui évolue,
33:28puisque en 1921, il y a deux éléments importants.
33:32Il y a l'élaboration d'un programme
33:34qui prend davantage en compte des aspirations,
33:38que l'on va dire, de droite,
33:41c'est-à-dire en lien avec le rapprochement
33:48avec les forces conservatrices
33:49dont le fascisme a besoin pour conquérir le pouvoir.
33:54Mais, bon, influence qu'il ne faut pas non plus exagérer.
33:57Et puis, la création d'un parti,
33:59en 1921, du PNF, du Parti National Fasciste.
34:02Donc, on passe du mouvement au parti
34:04qui reste, comme l'explique Emilio Gentile,
34:07un parti milice, quand même.
34:09C'est une milice avec toutes les squadres et des chemises noires.
34:13Et puis, on entre en 1922 avec la conquête du pouvoir,
34:17la marche sur Rome,
34:18qui, en fait, est un événement vraiment passionnant.
34:22Et d'ailleurs, Emilio Gentile a écrit un livre dessus
34:24qui l'a intitulé Octobre Noir,
34:26évidemment, en référence, évidemment,
34:27à l'Octobre Rouge de 1917 et des Bolcheviques,
34:30qui est, en fait, une prise du pouvoir
34:32avec un aspect illégal.
34:35Évidemment, c'est la marche des chemises noires vers Rome
34:37et la pression sur le palais royal,
34:39sur le roi, Victor Emmanuel III.
34:41Et d'un autre côté, ce sont des discussions politiques,
34:43en fait, particulièrement intenses
34:45avec les grands dirigeants de l'Italie
34:47pour permettre à Mussolini
34:48d'être nommé président du Conseil.
34:51– Alors, on va revenir quand même en 1919.
34:54Est-ce que c'est un chef, à ce moment-là,
34:57qui est fragile, qui est contesté ?
34:59– Alors, il est dans une position un peu particulière
35:01parce qu'en 1919, c'est le plus connu
35:05des personnalités qui fondent le fascisme
35:09du fait de l'incroyable parcours qu'il a eu précédemment.
35:12Beaucoup de personnalités qui adhèrent au mouvement
35:17s'adressent à lui pour l'accompagner dans ce mouvement.
35:22Mais en même temps, si j'ose dire,
35:24il n'est pas le chef du fascisme.
35:26Absolument pas en 1919.
35:28Il est un membre parmi d'autres
35:30du comité central du mouvement.
35:33Mais c'est tout.
35:35Il n'a pas la main sur le mouvement.
35:37Et il n'a surtout pas la main sur les chemises noires,
35:40sur les squadres qui se dotent de leurs propres chefs,
35:45qui ont une autonomie extrêmement puissante,
35:48d'ailleurs qu'elles défendent avec soin.
35:51Et il n'a pas la main là-dessus.
35:53Et il faudra attendre bien des années
35:55pour qu'il puisse les mettre sous son contrôle.
35:59– Est-ce qu'on arrive, si on prend un peu de hauteur,
36:01est-ce qu'on arrive quand même à tirer un fil,
36:03d'avoir un fil conducteur, malgré toutes ces ruptures,
36:06entre toutes les différentes étapes de sa trajectoire,
36:09est-ce qu'on arrive à avoir quand même un fil conducteur ?
36:11En 1919, il se dit encore interventionniste de gauche.
36:14Comment on peut intervenir ?
36:15– Le fil que je vois, moi, c'est effectivement un Mussolini
36:18qui reste fondamentalement un homme de gauche.
36:22Fondamentalement, on dirait, le mot est impropre à l'époque,
36:25mais progressiste, par exemple,
36:27le fait de devenir, de combattre pour les nationalités,
36:32ce qu'on appelait à l'époque le combat des nationalités,
36:35c'est-à-dire la libération des peuples opprimés
36:37dans les empires multi-ethniques,
36:39ça, c'est une idéologie extrêmement progressiste à l'époque.
36:42Ce qu'on appelle le combat pour les nationalités,
36:43c'est une grande partie de la gauche,
36:45en France, par exemple, et en Europe,
36:48adhère encore, c'est l'héritage du XIXe siècle,
36:51adhère à ce combat des nationalités.
36:52Donc, le fait qu'ils deviennent irrédentistes,
36:55c'est-à-dire qu'ils veulent la libération des Italiens,
36:58des terres irrédentes, encore sous contrôle de la souveraineté des Habsbourg,
37:01ça, c'est un combat progressiste, c'est un combat de gauche à l'époque.
37:06Donc, il y a toujours chez lui cette volonté de se tourner vers le peuple,
37:11cette volonté de transformation sociale de l'Italie,
37:15très radicale, beaucoup moins, on l'a dit, pendant une période,
37:20la plupart du temps anti-parlementaire,
37:23même s'il a en effet une petite période où il accepte le principe parlementaire.
37:28Donc, là, il y a cette cohérence chez lui,
37:32avec toujours cette idée de faire une Italie nouvelle.
37:36Et ça, on le perçoit même dans les années du marxisme,
37:39où il y a un certain attachement à une sorte d'italianisme,
37:42qui n'a rien à voir avec le nationalisme italien,
37:44mais l'idée que l'Italie, quand même, n'est pas un pays comme les autres,
37:47que l'Italie doit quand même, c'est un peuple qui doit quand même briller,
37:51dans le combat révolutionnaire, dans un temps,
37:53mais c'est quand même un peuple particulier.
37:56Et cette idée, il le dit d'ailleurs en 1909, si je ne dis pas de bêtises,
38:00il dit, mais faire l'âme italienne est un combat superbe.
38:04Donc, il y a toujours eu chez lui cette idée qu'une élite pouvait conduire la masse
38:09et que cette élite se devait de transformer cette masse,
38:12de créer une nouvelle Italie et un nouveau peuple italien.
38:16– Alors, justement, à propos de nouveau,
38:17vous assistez dans votre préface, d'ailleurs, sur la modernité du Mussolini,
38:22vous dites qu'il appartient pleinement au XXe siècle,
38:25est un homme de la modernité, pas de la réaction.
38:29Gentilly, lui, parle de révolutionnaire national.
38:32Alors, qu'est-ce qu'on entend exactement par là ?
38:33Est-ce que c'est vraiment un homme moderne en 1920 ?
38:37– Alors, oui, par son parcours, il appartient pleinement au XXe siècle
38:43et aux courants radicaux, révolutionnaires, progressistes,
38:45de son temps.
38:49Il n'a jamais adhéré de sa vie à une quelconque vision conservatrice
38:55ou réactionnaire, encore moins, d'un point de vue politique.
39:00Il a toujours refusé cette étiquette, il a toujours refusé l'idée
39:03que le fascisme fût une réaction.
39:06Donc, c'est là où il appartient pleinement à son temps.
39:09– Contrairement à la vision qui est aujourd'hui plus défendue
39:14par les historiens, mais enfin qu'on trouve encore un peu partout
39:16dans les esprits, c'est-à-dire qu'on associe le fascisme
39:19à l'extrême droite dans le sens conservatrice et ultra-réactionnaire,
39:24ce n'est pas du tout ça.
39:25C'est un mouvement qui s'inscrit pleinement dans la modernité,
39:29dans sa vision de faire une société nouvelle.
39:32– Même au niveau, le mot qu'on employerait aujourd'hui,
39:35c'est sociétal, même au niveau sociétal, il est moderne ?
39:38– Alors, ça dépend de ce que vous voulez dire par sociétal,
39:40c'est-à-dire que, alors là on déborde un petit peu,
39:41mais pendant le régime, il défend, c'est vrai, la famille traditionnelle.
39:47Il défend, par exemple, il met en place un impôt contre les célibataires,
39:55parce qu'il ne faut pas d'enfants,
39:57et aujourd'hui, c'est des problématiques qui sont beaucoup soulevées,
40:00il y a une lutte contre l'homosexualité.
40:03Mais attention, cette défense des valeurs qu'on dirait conservatrices,
40:09elle ne se fait pas au nom d'une vision, je dirais, catholique,
40:14telle qu'on pourrait l'entendre à l'époque, ancienne de la société,
40:17elle se fait au nom d'une volonté d'emprise de l'État sur les corps,
40:22sur les individus, sur la famille.
40:25Il ne faut pas oublier que cette défense de la famille traditionnelle,
40:27elle s'accompagne de l'obligation pour les jeunes filles italiennes
40:31d'appartenir aux mouvements de jeunesse fasciste,
40:34d'aller faire du sport, d'aller faire de la gymnastique,
40:37dans des tenues quand même qui apparaissaient un peu légères à l'époque.
40:40Et plus tard, des Italiennes ont témoigné que pour elles,
40:44c'était absolument incroyable de quitter leur domicile le samedi,
40:48pour aller participer aux activités de ces mouvements de jeunesse.
40:55Elles sortaient en fait de l'emprise familiale
40:58et elles se retrouvaient détachées en fait de la vision très traditionnelle
41:03des filles sous contrôle de leur père.
41:06Donc là, on a un aspect extrêmement moderne du fascisme.
41:10– Mais là, il est quand même dans une vision traditionnelle,
41:12mais qui est partagée finalement par l'ensemble de la société à l'époque, j'imagine.
41:14– Oui, bien sûr, mais dans une optique qui est quand même moderne.
41:19C'est-à-dire que les filles aillent participer à des séances de gymnastique
41:25vêtues d'une manière assez légère, dans les années 30,
41:28il ne faut pas s'imaginer que c'est quelque chose de commun.
41:31– Non, on pouvait retrouver d'ailleurs la même chose en Union soviétique.
41:34– Exactement, bien sûr, c'est le principe du totalitarisme.
41:36Et en Allemagne, c'est exactement la même chose.
41:38On fortifie les corps.
41:40– Alors vous dites que le livre, on va revenir maintenant au livre,
41:43il renouvelle profondément la compréhension du fascisme,
41:46dont je voudrais qu'on le place dans son paysage historiographique.
41:50Donc en quoi ça renouvelle vraiment le regard historiographique sur Mussolini ?
41:55– Alors il faut en revenir aux travaux d'Emilio Gentile.
41:58– Oui, on n'a pas parlé de l'auteur.
42:00– Voilà, donc on va en parler.
42:03– Où il se situe par rapport aux grands spécialistes ?
42:06– Alors c'est un élève, donc c'est un élève, un disciple,
42:10du grand historien Rezo De Felice,
42:13qui a profondément renouvelé dans les années 70,
42:16toute historiographie du fascisme.
42:20Le fascisme, l'historiographie était encore très marquée
42:23par la vision de gauche et d'extrême gauche,
42:26disant que le fascisme était en fait une excroissance de l'extrême droite
42:29au service du grand capitalisme.
42:30Voilà, pour résumer rapidement.
42:32et Rezo De Felice a contesté cette vision
42:36et a notamment montré que le fascisme s'appuyait sur les classes moyennes
42:42et qu'il avait bénéficié d'un très fort consensus dans la société italienne.
42:46Ce qui à l'époque était couvert d'injures.
42:51Il avait eu des cocktails Molotov sur son domicile,
42:53il faut bien s'en rendre compte.
42:55Et Emilio Gentile, lui, en fait, est dans bien sûr cette tradition
43:00et il s'oppose, pour faire vite, il s'oppose à la vision
43:04qui était défendue par Anna Arendt,
43:06disant que le fascisme n'appartenait pas au régime totalitaire.
43:12Anna Arendt mettait clairement de côté l'URSS et l'Allemagne nazie
43:17et de l'autre, le fascisme italien.
43:19Pourquoi ? Parce qu'elle comparait les niveaux de répression
43:22entre les horreurs du stalinisme et du nazisme
43:26et, ça c'est un fait incontestable, le niveau de répression dans l'Italie fasciste,
43:30évidemment, moindre par rapport à Auschwitz et le de Goulag,
43:33évidemment, il y a une marge considérable, un fossé considérable.
43:38Et Gentile s'est opposé à cette vision
43:40et tous les travaux, tous les très très nombreux livres qu'il a écrits
43:44insistent beaucoup sur l'aspect totalitaire du régime.
43:49Alors bien sûr, on peut discuter du degré de totalitarisme,
43:52mais pour lui, c'est bel et bien, et moi je suis entièrement d'accord avec lui, bien sûr,
43:56c'est bel et bien un régime totalitaire, dans son idéologie,
43:59dans les instruments qu'il a créés pour cette nature totalitaire de l'État,
44:07mais qui s'est heurté, effectivement, à des contre-pouvoirs extrêmement puissants,
44:11la monarchie, l'Église catholique, l'armée et le patronat.
44:16Ce qui a empêché le fascisme, en fait, de prendre le contrôle total de la société.
44:23Alors, quelles sont les erreurs d'interprétation les plus courantes,
44:25finalement, qu'on peut faire sur le jeune Mussolini ?
44:28Alors, je pense que celle, le renégat, c'est-à-dire que celui,
44:33l'idée qu'en 1914, il y a une rupture sous le signe du reniement opportuniste et ambitieux.
44:43Premier point, et autre point que je contesterai,
44:48à l'appui du livre, bien sûr, de Gentile, c'est le reniement idéologique total.
44:55Il y a, bien sûr, je l'ai expliqué, le reniement de 1914,
44:59c'est-à-dire l'abandon de l'internationalisme au profit de la défense de la nation,
45:04c'est évident, mais voilà, il n'y a pas de reniement du socialisme.
45:09Il Popolo d'Italia s'appelle journal socialiste jusqu'en 1918, d'accord ?
45:14Donc, il continue à se référer au socialisme, à son socialisme,
45:20et bien sûr, la question se pose en 1919, est-ce qu'il l'est ?
45:23Milo Gentile utilise plus l'expression de révolutionnaire.
45:29Révolutionnaire national, dit-il.
45:31Voilà, mais révolutionnaire nationale, tout à fait.
45:33Moi, je pense qu'il a toujours gardé un fond de socialisme
45:38dans le sens de cette volonté d'être toujours tourné vers le peuple.
45:43Et puis, bien sûr, autre caractéristique majeure du socialisme,
45:46c'est l'État, c'est l'étatisme.
45:47Et le fascisme est un étatisme.
45:49C'est pour ça qu'en fait, il faut le ranger dans la catégorie des socialismes,
45:53mais un socialisme nationaliste.
45:54Et je pense que là, il y a effectivement une permanence chez lui.
45:57– Donc, pour vous, c'est ce qu'il faut retenir de ce livre
46:00pour comprendre vraiment le fascisme dans son ensemble, cette fois-ci ?
46:03– Je pense qu'il est important pour comprendre la psychologie de Mussolini,
46:07c'est-à-dire que ce livre nous aide à comprendre
46:09cette psychologie extrêmement complexe,
46:12ce personnage à bien des égards absolument déroutants,
46:15qui veut dire le contraire de ce qu'il disait,
46:18même quelques mois auparavant,
46:20sa psychologie, son mode de vie, son caractère,
46:24l'idée qu'il se faisait aussi de lui-même,
46:27la vision qu'il a de lui-même.
46:29– On sait qu'il est pignon, il a de lui-même.
46:31– Il se définit comme un nomade, un aventurier,
46:35quelqu'un qu'on ne peut pas enfermer.
46:38Il avait écrit un article dans lequel il citait un de ses amis
46:41qui lui disait, mais comment tu peux être socialiste,
46:42toi, un homme si indépendant ?
46:45Et effectivement, c'est une des caractéristiques de cet homme
46:48pendant toute sa carrière.
46:48– Frédéric Lemoyle, merci infiniment de nous avoir éclairé
46:53sur le jeune, enfin pas si jeune que ça,
46:55Mussolini entre 1912 et 1919.
46:59Donc je rappelle que vous avez signé la préface du livre
47:03d'Emilio Gentilé, « Avant qu'il ne devint d'Otché »
47:06aux éditions Certamen.
47:09Merci infiniment.
47:10– Merci à vous.
47:10– Alors avant de nous quitter, je vous emmène à Toulouse,
47:14où le muséum me présente cette saison,
47:16« Domestique-moi si tu peux »,
47:18une exposition consacrée à plus de 10 000 ans de transformation
47:22du vivant par l'être humain.
47:24Elle propose un parcours clair et accessible
47:26qui distingue soigneusement ce qui relève de l'apprivoisement,
47:30du dressage et de la domestication au sens strict,
47:33c'est-à-dire la sélection volontaire des caractéristiques héréditaires
47:37chez les plantes et les animaux.
47:38Le visiteur découvre d'abord les origines de cette histoire,
47:41au Néolithique, lorsque les premières communautés sédentaires
47:44commencent à transformer leur environnement en cultivant
47:47et en élevant certaines espèces.
47:49L'exposition insiste sur le caractère lent, progressif
47:52et parfois multiple de ces processus.
47:54Il n'existe pas un seul foyer d'origine,
47:56mais plusieurs centres de domestication à travers le monde.
47:59Deux grandes zones présentent ensuite en miroir
48:02la domestication animale et végétale.
48:04Côté animal, le parcours rappelle le rôle primordial du chien,
48:07premier compagnon domestiqué, mais aussi la diversité des usages,
48:11auxiliaires de travail, animaux rituels
48:13et surtout ressources alimentaires.
48:15Certaines sections reviennent sur des cas emblématiques
48:17comme le cochon ou la poule,
48:18devenus les animaux les plus répandus de la planète.
48:20La partie consacrée aux végétaux montre elle aussi
48:22que la domestication a profondément modifié les plantes
48:26de la morphologie du blé aux hybridations du pommier.
48:29Le visiteur y découvre comment le bouturage,
48:31greffage ou sélection variétale
48:32ont produit la diversité agricole actuelle.
48:35La conclusion aborde des questions plus contemporaines,
48:38érosion de la biodiversité, uniformisation génétique,
48:41mais aussi les nouvelles responsabilités liées aux biotechnologies.
48:44La scénographie très riche, soignée et riche de nombreux spécimens
48:47rend l'exposition particulièrement accessible aux jeunes publics,
48:50même si on aurait pu toutefois souhaiter qu'elle aille plus loin
48:53dans la présentation détaillée des méthodes de domestication
48:56ou dans l'explication des mécanismes génétiques en jeu.
48:59Autant de pistes qui auraient enrichi un propos déjà solide.
49:03Domestique-moi si tu peux, reste néanmoins une exposition claire,
49:06bien pensée et précieuse pour comprendre la manière dont la domestication
49:10a façonné nos sociétés autant que les espèces qui nous entourent.
49:14Vous pourrez la découvrir au Muséum de Toulouse jusqu'au 5 juillet 2026.
49:19C'était Passé-présent, l'émission historique de TVL,
49:22présentée en partenariat avec la Revue de l'Histoire européenne.
49:26Merci et à bientôt.
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