[#Reportage] Aviculture : les choix du gouvernement menacent-ils la souveraineté ?
Dans ce décryptage, Josée Biloghe analyse la stratégie avicole du Gabon à l’horizon 2027, marquée par l’interdiction annoncée des importations de poulet de chair et par la signature de plusieurs mémorandums d’entente avec des partenaires étrangers. Alors que le pays cherche à renforcer sa souveraineté alimentaire, la chronique revient sur les enjeux, les interrogations et les inquiétudes exprimées par les producteurs locaux face à l’arrivée d’investisseurs turcs et espagnols dans la filière. Ce décryptage offre un éclairage complet sur les choix du gouvernement, les défis de la production nationale, le rôle des acteurs gabonais et les conditions nécessaires pour bâtir une filière avicole durable et compétitive.
00:01Nous allons parler de poulet, pas seulement de ce qu'il y a dans notre assiette, mais de souveraineté, de choix politiques et de rapports de force économique.
00:11Le Gabon a pris une décision spectaculaire, interdire l'importation de poulet de chair à partir du 1er janvier 2027,
00:20objectif affiché « atteindre l'autosuffisance avicole en deux ans à peine ».
00:25Le problème, c'est que nous partons de très loin. Aujourd'hui, la production nationale tourne autour de 4 000 tonnes par an,
00:31quand les importations atteignent environ 55 000 tonnes. Autrement dit, 95 % du poulet consommé au Gabon vient de l'étranger.
00:40Et chaque année, ce sont des dizaines de milliards de francs CFA qui sortent du pays pour financer cette dépendance.
00:48Alors, pour attraper ce retard, la ministre de l'Agriculture, Odette Polopanzou, a sorti l'artillerie lourde.
00:54Un plan d'action national pour l'autosuffisance avicole. Une feuille de route 2025-2027.
01:01La création annoncée de six fermes intégrées, les CMAH de 400 PME et la formation de 40 000 professionnels de la filière.
01:10Dans ce cadre, plusieurs mémorandums d'entente ou MOU, en quelque sorte,
01:15des accords de principe souvent préparatoires à de vrais contrats plus détaillés ont été signés avec des partenaires étrangers.
01:21En octobre, un accord avec la holding turque Akankiran pour implanter une usine de production de poulet déchir et une unité de fabrication d'aliments pour bétail.
01:32Un autre MOU avec une entreprise espagnole, Rupo Graines International, pour développer une filière avicole intégrée avec maïs, soja et mécanisation.
01:45Sur le papier, c'est séduisant.
01:47Capitaux, technologies, unités modernes, promesses de souveraineté alimentaire.
01:53Mais sur le terrain, la pilule passe mal chez certains acteurs de la filière.
01:57Un article dit très récemment « Les entreprises étrangères raflent tout au détriment des locaux ».
02:03Les critiques posent une question simple.
02:06Pourquoi aller chercher des Turcs ou Espagnols pour produire du poulet alors que des Gabonais comme Jarvay Ongo,
02:12Harvey Patrick ou Pianga et bien d'autres ont déjà la compétence, l'expérience,
02:18parfois même des investissements lourds réalisés ailleurs, en Afrique ?
02:22Derrière la colère, il y a une inquiétude plus profonde que la future filière avicole gabonaise soit pilotée de l'extérieur
02:30avec des Gabonais cantonnés au rôle d'ouvriers et de sous-traitants
02:34pendant que la valeur ajoutée, la technologie et le pouvoir de décision reste aux mains d'investisseurs étrangers.
02:41Face à cela, le ministère de l'Agriculture répond « Les fermiers locaux ne sont pas exclus ».
02:47Dans un communiqué, il rappelle le recense au monde des acteurs avicoles.
02:51L'enquête en cours avec la planification et invite les producteurs à s'organiser
02:55pour présenter des projets éligibles à un accompagnement technique et financier.
03:02Autrement dit, officiellement, les MOU étrangers ne remplacent pas les Gabonais.
03:07Ils viennent en renfort.
03:08Alors la question de départ, Odette Polo-Panzu, est-elle en train de sacrifier la souveraineté alimentaire du Gabon ?
03:17La réponse est plus nuancée.
03:19Non.
03:20Faire venir des capitaux et du savoir-faire étrangers dans une filière quasi-inexistante
03:25n'est pas en soi une trahison de la souveraineté.
03:28Beaucoup de pays l'ont fait.
03:30En revanche, tout dépend des règles du jeu.
03:32Qui contrôle les fermes intégrées, les couvoirs, les usines d'aliments, les contrats ?
03:39Prévoit-il un véritable transfert de compétences ?
03:42Les éleveurs locaux sont-ils intégrés comme partenaires avec des prix d'achat garantis
03:47ou relégués au rang de simples fournisseurs précaires ?
03:51Et surtout, qui tient de main le volant de la filière ?
03:56Ailleurs, en Afrique, on a des exemples de partenariats mieux équilibrés.
04:00Au Rwanda, par exemple, le projet dénommé « Élevons des poulets et faisons du profit »
04:05a associé un feed mille local, Zambrafeeds, à des partenaires internationaux
04:11pour soutenir de petits éleveurs, formations, poussins, aliments et rachats de garantie de la production.
04:19Les études montrent que ce type de contrat peut augmenter le revenu des petits producteurs
04:23de 20 à 50 % en moyenne.
04:26C'est ce genre de modèle gagnant-gagnant que le Gabon pourrait adapter.
04:31Des investisseurs étrangers, oui, mais un livre gabonais affirmé dans la gouvernance,
04:37des groupements d'éleveurs nationaux assis à la table des décisions
04:42et des contrats qui font des fermiers locaux,
04:44les piliers, pas les figurants, de la souveraineté avec eux.
04:48Au fond, la vraie question n'est pas étranger ou pas étranger.
04:51La vraie question c'est, est-ce que les choix d'aujourd'hui construisent une filière
04:57où les Gabonais produisent, décident et mangent leur propre poulet à un prix accessible ?
05:04C'est là que se jouera en 2027 la réponse concrète à ce mot qu'on répète beaucoup,
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