- 5 hours ago
Category
🗞
NewsTranscript
00:00Générique
00:00Bonjour et bienvenue dans « Aux avant-postes », l'émission qui cherche un sens au chaos du monde.
00:16L'Afrique roule sur l'or, mais n'en profite pas.
00:20Chaque année, les petits artisans extraient entre 321 et 474 tonnes d'or,
00:26soit en valeur entre 24 et 35 milliards de dollars qui ne sont pas déclarés et qui quittent le continent.
00:35Ces chiffres datent de 2024 et sont issus du rapport de l'ONG SwissAid.
00:41Le monde a soif d'or depuis 2008, date des premières crises financières et géopolitiques.
00:47Les banques centrales d'ailleurs en raffolent.
00:49Pour en comprendre ce phénomène, je reçois l'économiste chercheuse enseignante Dalia Mansour
00:55à l'ISSEG School of Management et Yvan Schulz de l'ONG SwissAid.
01:02Bonjour à tous les deux.
01:04Bonjour.
01:04Alors Yvan Schulz, j'ai donné ces chiffres, précisant qu'ils dataient de votre rapport de 2024.
01:10Est-ce qu'on est à peu près dans la tendance toujours en 2025 ?
01:16Oui, donc dans le rapport publié en 2024,
01:17on a utilisé les derniers chiffres disponibles qui étaient pour 2022 en fait.
01:22Depuis, on travaille sur des analyses par pays et ce qu'on voit, c'est en tout cas pas une diminution
01:28de ces chiffres de production et pour plusieurs pays, on voit une augmentation.
01:33Alors, il faudrait peut-être que vous nous expliquiez la différence entre cet or que j'appelle artisanal,
01:39je ne sais pas si c'est le terme que vous utilisez,
01:40et l'autre or industriel qui est peut-être plus ciblé, plus tracé, non ?
01:47Tout à fait. Donc, traditionnellement, on distingue deux types d'extractions.
01:51L'extraction industrielle ou à large échelle, à grande échelle,
01:55et l'extraction artisanale ou à petite échelle.
01:57En fait, il y a tout un spectrum, si vous voulez, de types d'acteurs, de méthodes, etc.
02:02Mais traditionnellement, on distingue ces deux catégories.
02:05Et dans notre rapport, on s'était concentré sur cette extraction artisanale et à petite échelle,
02:11pour la bonne et simple raison qu'on voulait montrer en fait quel était le manque à gagner des États africains.
02:18Et on avait réussi à démontrer qu'en 2022, 435 tonnes d'or avaient quitté le continent africain
02:24sans être déclaré à l'exportation.
02:26Il s'agit donc de contrebande.
02:27Et cet or avait été principalement importé aux Émirats Arabes Unis.
02:31Alors, ça part aux Émirats Arabes Unis. Ils en font quoi là-bas ?
02:35Alors, cet or est fondu, raffiné, puis renvoyé,
02:38puisque les Émirats Arabes Unis ont un marché interne qui est relativement petit.
02:42Mais par contre, ils fournissent énormément d'autres pays.
02:44Les grands pays consommateurs de l'or, c'est la Chine et l'Inde.
02:47Mais la Suisse joue également un rôle important en tant que plaque tournante.
02:51Donc, les Émirats Arabes Unis vont envoyer une partie de l'or également en Suisse,
02:54où il est à nouveau refondu, raffiné.
02:58Il y a une nouvelle étiquette posée sur les lingots.
03:01Et ensuite, vraiment, ça peut aller un peu partout,
03:04mais notamment à Londres, dans des stocks.
03:06Londres est une place connue pour le stockage d'or.
03:09Dalia Mansour, ça vous surprend ou pas, cet appétit d'or
03:13qui se serait réveillé depuis un certain nombre d'années ?
03:16Non, pas du tout. Ça ne me surprend pas, puisque 2008, il y a eu un réveil sur les conséquences durables des crises.
03:23Et on a constaté que de plus en plus de pays utilisaient l'or comme un véritable rempart aux sanctions financières,
03:32aux aléas financiers, mais aussi aux incertitudes latentes.
03:36Et donc, l'un des moyens de lutter contre ces incertitudes et de démontrer sa souveraineté,
03:42c'est d'amasser de l'or.
03:44Donc, c'est tout à fait normal qu'on puisse constater des choses pareilles.
03:47Et ces circuits, vous les trouvez logiques ?
03:51On prend l'or en Afrique, ça part à Dubaï, et puis ça revient en gros dans l'Occident.
03:57Alors, est-ce que c'est logique ?
03:59Ça, c'est toute une question, mais c'est plutôt la question, c'est pourquoi ?
04:04Et la raison, c'est très simple, c'est que l'or exerce plusieurs fonctions.
04:10Et l'une des premières fonctions de l'or, c'est d'avoir un refuge.
04:13Un refuge, c'est quelque chose dans lequel on va se mettre sous un bunker, en quelque sorte,
04:19pour se protéger des aléas, des difficultés.
04:22C'est le fameux argent que la grand-mère met sous le matelas, au cas où, les coups durs et tout.
04:26Donc l'or, en fait, c'est ça que ça représente, c'est véritablement une valeur refuge.
04:29On est revenu à ça, vous voulez dire ?
04:30On est revenu à ça pour, en particulier, les pays émergents.
04:33Les pays émergents, pour eux, c'est une manière de démontrer qu'ils sont souverains,
04:39qu'ils peuvent contourner aussi les sanctions,
04:41parce qu'on ne peut pas geler des lingots d'or.
04:43Alors on peut geler un compte, tout à fait, ça c'est normal,
04:46mais je ne vois pas comment est-ce que vous allez geler un lingot d'or
04:49que j'ai chez moi placé dans un coffre-fort, ça c'est pas possible.
04:52Donc c'est une manière de répondre, en fait, au monde, aux relations internationales,
04:56pour dire « je suis autonome, je suis indépendant ».
05:00Donc Yvan Choul, dans les circuits que vous avez identifiés, on part de l'Afrique hors artisanale, non déclaré.
05:07Ça va à Dubaï et vous nous dites qu'une partie peut aller en Inde, une autre partie revenir en Suisse et à Londres.
05:15Sous quelle forme ? Est-ce qu'à ce moment-là, c'est des lingots ou alors c'est de la bijouterie ?
05:20Je ne sais pas comment c'est fondu.
05:21Alors c'est une bonne question parce qu'effectivement, il y a le circuit des lingots.
05:27Il démarre où ? À Dubaï ou pas ce circuit ? C'est fondu en lingots ou pas ?
05:31Alors si vous voulez, l'or, il est fondu plusieurs fois au fil de la chaîne d'approvisionnement
05:37et puis il est raffiné plusieurs fois aussi pour arriver à un degré de pureté de 99,99
05:42quand il sort par exemple d'une raffinerie suisse certifiée par le standard de la branche
05:46qui est la London Bullion Market Association.
05:49Donc ça dépend, il peut sortir du Mali sous forme de lingots déjà, mais ce sera un lingot de doré
05:53d'un niveau de pureté disons de 90 et quelques pourcents, donc 90 et quelques pourcents.
06:00Donc ils font des lingots en Afrique déjà ?
06:02Le lingot c'est quoi ? C'est un bloc d'or.
06:04Donc oui, ils peuvent très bien faire des lingots tout à fait.
06:07À partir d'un amas de paillettes d'or amalgamées, on peut tout à fait fondre ça et obtenir un lingot.
06:13Après, ce lingot, il va falloir le refondre.
06:16Souvent, il sera mélangé aussi avec d'autres types d'or, ce qui est avec de l'or d'autres provenances
06:20ou de l'or qui provient par exemple du recyclage de vieux bijoux.
06:24Et c'est là où en fait on fait face à tous les défis de la traçabilité.
06:28C'est-à-dire quand on se retrouve avec un lingot d'un très haut niveau de pureté et d'un poids de 12 kilos,
06:33à l'intérieur, il y a quelque part différents types d'or, de différentes origines et dont certaines sont peut-être problématiques.
06:40Parce qu'il y a le lingot, mais disait Dalia Mansour aussi, il y a ce retour à garder un petit peu d'or sous son matelas.
06:49Mais il y a aussi dans un certain nombre de pays, l'Inde notamment, le rapport culturel alors,
06:54qui fait qu'on doit avoir des bijoux, pas forcément des lingots.
06:57Alors disons, pour faire simple, nous en Occident, on fait la différence entre l'or d'investissement et puis les bijoux,
07:04ou en tout cas à l'heure actuelle, peut-être pas historiquement,
07:06mais dans d'autres régions du monde, le bijou peut être une forme d'investissement.
07:10Quand vous voyez ces énormes parures à Dubaï, dans le souk de l'or de Dubaï,
07:14vous allez peut-être rarement voir une femme porter ces parures-là.
07:20Elles seront vraisemblablement entreposées ou alors portées à de très rares occasions, à un mariage, quelque chose comme ça.
07:26Mais par contre, leur valeur est le critère déterminant, en fait, l'achat.
07:31– Vous parlez de blanchissement de l'or quand il passe à Dubaï puis il arrive en Suisse ou pas ?
07:37– Oui, bien sûr, dans la mesure où on perd la trace de cet or.
07:41Et si c'est de l'or qui a servi à financer toutes sortes de trafics ou alors même des conflits armés,
07:47eh bien là, effectivement, on peut parler de blanchiment d'or quand il finit par rentrer dans le marché formel
07:53et qu'à un certain stade, il est certifié même par des normes de certification internationales.
07:59– Et à Londres ?
08:01– L'association professionnelle principale s'appelle la London Bullion Market Association.
08:05Elle a une norme qui est très stricte, mais on a pu démontrer, et pas seulement suissais,
08:11mais aussi d'autres ONG, qu'il y avait des failles et que donc de leur sale pouvait rentrer dans la chaîne d'approvisionnement
08:17et pouvait finir dans un lingot certifié.
08:19– Alors, c'est un problème de régulation en Afrique, en particulier de chacun des pays.
08:25Il y a un certain nombre de pays qui ont réagi, vous nous aviez dit que la Tanzanie avait réagi.
08:31Le Ghana vient de réagir en créant donc le Ghana Gold Board.
08:36Donc dorénavant, l'argent des petits artisans devra passer par cette institution ghanéenne
08:43qui achètera cet argent, cet or, pardon.
08:47Et ça, depuis le 1er mai, on va écouter à ce propos le président du Ghana, donc John Mahama.
08:55Il s'exprimait le 8 juillet 2025 et il nous présente justement cette nouvelle institution,
09:03le Ghana Gold Board, qui permet d'acheter l'or des artisans.
09:08On l'écoute.
09:10Le Ghana Gold Board a été créé pour démanteler l'économie souterraine qui gangrène le secteur orifère
09:16et l'inauguration aujourd'hui de la cellule opérationnelle du Gold Board témoigne de notre volonté d'agir avec détermination.
09:24Cette cellule opérationnelle ne constitue pas seulement un dispositif sécuritaire.
09:29Elle représente un instrument stratégique de transformation économique nationale,
09:33spécifiquement conçue pour restaurer l'intégrité, la responsabilité et la valeur du secteur orifère ghanien.
09:42Vous qui étudiez les différents systèmes de régulation, considérez-vous, Ivan Schulz, que c'est une bonne régulation ?
09:49Alors, je pense que la réponse doit être un peu plus complexe et nuancée.
09:54Donc déjà, le contrôle sur cette extraction minière artisanale et à petite échelle,
09:59c'est une question qui se pose depuis très longtemps en Afrique et dans de nombreux pays.
10:03Et le Gold Board, c'est une innovation d'une certaine façon, mais il y a eu plein de mesures qui l'ont précédé.
10:08Et en fait, là, vraiment, le gouvernement ghanéen a décidé de donner les pleins pouvoirs à une agence
10:13pour acheter l'ensemble de l'or issu de la...
10:16Agence d'État, hein ?
10:17Une agence étatique, oui, tout à fait.
10:19Et pour acheter donc l'ensemble de l'or extrait dans les mines artisanales et à petite échelle,
10:24c'est réjouissant dans la mesure où ça dénote une volonté du gouvernement de mieux contrôler le secteur,
10:31de le réglementer et puis aussi de pouvoir mieux bénéficier des rentrées d'argent, en fait,
10:36sur les taxes et notamment la taxe à l'exportation prélevée généralement sur cet or.
10:44Maintenant, il y a plusieurs défis qui se posent, on va dire.
10:48Le premier, c'est... Le Ghana, ces dernières années, a eu un gros problème avec les mineurs artisanaux illégaux,
10:54donc qui opèrent dans des zones protégées, qui opèrent sans permis, etc., etc.
10:59Et en fait, là, les quantités achetées récemment par le Ghana Gold Board,
11:04on parle de 66 tonnes sur les 8 premiers mois de l'année,
11:07sont telles qu'on a de fort... On soupçonne qu'à l'intérieur, il y ait de l'or qui a été extrait illégalement.
11:15Trop important, les quantités ?
11:16Les quantités sont un peu trop importantes et un peu trop soudaines, on va dire.
11:19D'accord.
11:20Et le deuxième gros problème avec ces programmes d'achat des États, en fait, c'est le manque de transparence,
11:25dans la mesure où on n'a pas repéré un seul programme d'achat de pays africains
11:29qui pratique une véritable transparence sur la source de l'approvisionnement,
11:34le devoir de diligence exercé, etc., etc.
11:37Mais là, c'est des petits artisans, donc de fait, leur or, ils la vendent à l'État.
11:42Donc là, on doit avoir des chiffres.
11:44Alors, il devrait y avoir une traçabilité, il devrait y avoir des contrôles au niveau des bureaux d'achat,
11:49mais nous, en tant que chercheurs sur ces questions-là, on n'arrive pas à obtenir ces données.
11:53Elles ne sont en tout cas pas rendues publiques et elles sont même gardées assez secrètes.
11:57Dalia Mansour, c'est un système qui est bien régulé ou pas, au niveau mondial ?
12:03Non, non, pas du tout. Ce n'est pas comme le pétrole où, par exemple, on a des organisations multinationales,
12:12enfin, multipolaires, qui vont exercer une certaine régulation, une façon de fonctionner, etc.
12:17Pour l'or, ça reste quand même un circuit assez opaque, même sur les déclarations.
12:24Pour vous donner une anecdote, en 2015, après six ans de silence, la Chine a déclaré avoir accumulé plus de 600 tonnes d'or.
12:33Et pendant six ans, elle n'avait rien dit.
12:35Donc, c'est vraiment un truc qui n'est pas déclaré.
12:38Et nous, on ne pouvait pas le savoir ?
12:39Non, on ne peut pas le savoir. D'ailleurs, les données sur l'or, généralement, ce sont des estimations, en fait,
12:44même en termes de réserves. Alors, on va voir les réserves de banques centrales qui sont assez transparentes,
12:49mais globalement, les données sur l'or sont des estimations.
12:52En fait, on n'a pas un chiffre très précis.
12:55Ce n'est pas comme, par exemple, je ne sais pas, vous avez dans votre bilan certaines à l'actif, j'étends, etc.
13:00Non, non, pas du tout. L'or, c'est quelque chose d'assez opaque, même en économie.
13:05Donc, les grands acheteurs d'or, ils n'ont pas de marché transparent où on sait qu'ils achètent de l'or, comme la Chine ?
13:12Non, pas du tout. On ne peut pas savoir à l'avance ce qu'ils achètent.
13:14Et le marché n'a pas besoin d'une régulation ? Ils ne demandent pas de régulation là-dessus ?
13:19Alors là, c'est toute la question. Il faudrait plutôt se renseigner auprès des régulateurs.
13:24Mais toute la question, c'est est-ce qu'on régule ou pas ?
13:27Et puis, de toute façon, il y a aussi ce que j'avais vu dans votre rapport.
13:30Alors, la question de la régulation, ça passe aussi parfois par des taxes.
13:35Et en fait, plus vous régulez et plus ça échappe au système.
13:39D'accord.
13:39Donc, il y a tout un système autour qui est un peu difficile pour l'instant.
13:45Oui. Les taxes, dans le cas du Ghana, ils les récupèrent, là ?
13:48Alors là, en l'occurrence, ils ont supprimé la taxe à l'exportation, par exemple.
13:52D'accord.
13:53Pour s'assurer, justement, d'obtenir tout l'or, en fait, d'arriver à avoir accès à tout cet or-là.
13:58D'accord.
13:58Mais ça, c'est des choses qui bougent très rapidement, en tout cas dans le contexte africain.
14:02Les pays augmentent, réduisent la taxe, peuvent l'abandonner pendant une certaine période.
14:07C'est un gros problème parce que c'est le moteur principal de la contrebande à l'échelle régionale.
14:11Mais j'aimerais juste revenir sur ce qu'on vient de dire avant.
14:15En tout cas, en ce qui concerne l'extraction et le raffinage, on dispose de chiffres assez précis pour toute la partie mine industrielle à grande échelle
14:24et toute la partie des raffineries certifiées, puisque les associations professionnelles qui représentent ces branches-là publient ces chiffres,
14:31le font de manière assez transparente.
14:32Mais après, on a toute la partie de la petite mine et tout le commerce, le petit commerce avec de nombreux intermédiaires.
14:38Et ça, ça reste très, très important.
14:39Alors donc, un marché qui n'est pas tellement régulé.
14:42Pour autant, je le disais, le monde a soif d'or.
14:46On va écouter le dirigeant de Rosneft, qui est une mastodonte du pétrole russe.
14:52Et il nous dit très clairement que, enfin, il le souhaite, que l'or remplace un certain nombre de monnaies.
14:57Il était intervenant en 2024 à une conférence aux Émirats Arabes Unis.
15:03On l'écoute, Igor Sechin.
15:05L'or, utilisé par l'homme pour ses transactions financières pendant des millénaires, deviendra le concurrent principal du dollar.
15:13Voilà. Donc, l'or, c'est de plus en plus important.
15:17Yvan Schultz, est-ce que ça veut dire que l'Afrique va devenir, elle aussi, un objet de convoitise à cause de son sous-sol ?
15:25Alors ça, je crois qu'elle l'est déjà depuis longtemps et pas seulement en lien avec l'or.
15:30Mais voilà, ça ajoute une dimension à ce phénomène qu'on connaît bien, en fait.
15:36Et nous, on a l'impression de voir clairement ce qu'on appelle la malédiction des ressources.
15:40C'est-à-dire que les pays qui sont extrêmement riches en ressources minérales ont beaucoup de peine à avoir une autonomie, à prendre des décisions par eux-mêmes et de manière souveraine, puisqu'il y a tellement d'autres intérêts et d'intérêts de grands groupes, notamment miniers, qui sont extrêmement puissants.
15:58Oui, mais c'est leur intérêt de réguler un marché, puisqu'ils vont récupérer des taxes pour la récupération, la production, peut-être pas pour l'export, mais c'est tout leur intérêt.
16:08Voilà, donc c'est pour ça qu'il y a de nombreux gouvernements africains qui tentent maintenant de formaliser le secteur de la petite mine et de la mine artisanale,
16:18afin d'avoir un meilleur contrôle, afin de pouvoir en tirer des revenus, afin aussi de pouvoir encadrer ce phénomène, parce qu'autrement, il peut avoir lieu de manière un peu sauvage,
16:28en tout cas dans de nombreuses régions, et avoir un impact sur le terrain qui est assez important.
16:34J'aimerais qu'on regarde le top 6 des principaux pays qui possèdent le stock d'or. On va voir un petit peu sur ce tableau.
16:44C'est plutôt les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie, la France, la Russie et la Chine. Ce schéma vous étonne, Dalia ou Mansour, ou c'est des classiques ?
16:56Non, pas du tout, c'est assez classique. On a les États-Unis qui sont l'ex-garant de l'étalon or, donc c'est normal qu'ils aient autant d'or dans leurs réserves.
17:06Il faut savoir que c'est plus de 70% de leurs réserves pour les États-Unis.
17:10Et puis, juste pour qu'on mette un peu de nuance dans tout ça, c'est vrai que la Chine a tendance à accumuler de plus en plus d'or, pareil pour la Russie.
17:19Mais si on le remet en perspective, c'est que 7% de son bilan, en réalité. Donc le rapport, en réalité, l'accumulation est spectaculaire, mais la proportion, elle est quand même assez maîtrisée.
17:31C'est simplement un signal, c'est un véritable signal sur la scène internationale d'autonomie stratégique. L'autonomie stratégique, c'est quoi ?
17:38C'est dire, j'ai une stratégie, ma stratégie, c'est de ne plus être dépendant autant du dollar, parce que ça fait peur, parce que c'est de l'incertitude, parce qu'on se dit, peut-être qu'il y aura des sanctions.
17:50Et donc, un moyen de contourner ces sanctions et de continuer mon commerce, c'est aussi d'avoir de l'or. Mais c'est 7%.
17:55Et alors, on vous a dit Chine, Russie. Et derrière, on voit aussi, par exemple, un pays comme la Turquie.
18:03Bon, on comprend que la Russie, qui a quelques soucis en ce moment au niveau international, mais la Turquie, quel est son intérêt d'accumuler de l'or ?
18:11C'est un peu comme la majorité des pays. Quand on cumule de l'or, c'est toujours d'avoir la fonction refuge, que j'ai expliqué tout à l'heure, c'est d'avoir le signal diplomatique.
18:23Ah, diplomatique !
18:25Oui, bien sûr, c'est un signal diplomatique, c'est de dire, je suis autonome. Le message qu'on veut envoyer, c'est, je suis autonome, ou je veux être autonome, ou je vais être autonome, selon la position économique dans laquelle on est.
18:39Donc, le message qui est derrière, c'est ça, majoritairement.
18:42Est-ce qu'on peut dire d'alliament sourd, et après je vais vous donner la parole, que l'idée, c'est aussi d'accumuler en se disant que si tout s'écroule, crise financière 2008, j'ai une garantie ?
18:54Oui, bien sûr, c'est une garantie. C'est une garantie. L'or, c'est une garantie. C'est un diversificateur. C'est ce qu'on appelle le dernier rempart.
19:01Voilà. Donc, bien entendu, c'est une garantie. On le voit...
19:06Donc, c'est un indice de la peur sur l'avenir ?
19:08Non, ce n'est pas un indice de la peur. C'est plutôt un indice du ressenti du contexte économique et financier, et du contexte géopolitique.
19:16C'est de dire, là, tout de suite, et puis on est dans un contexte où les incertitudes n'ont jamais été aussi élevées. Donc, on s'en prémunit comme on peut.
19:22Yvan Schultz, une dernière interview.
19:24Oui, j'avais une question pour Dalia, parce qu'avec les prix de l'or qu'on voit actuellement, je veux dire, on est passé de 2 000 dollars début 2024 à plus de 4 000 dollars récemment pour une once d'or.
19:34Est-ce qu'on ne rentre pas dans un domaine où, maintenant, on pourrait presque affirmer que l'or sert à la spéculation ?
19:41Non, on ne peut pas arriver jusqu'à la spéculation. En réalité, l'or, ici, va plutôt être le résultat d'une offre et d'une demande dans un contexte incertain.
19:51Merci à tous les deux. C'est l'heure de notre rubrique Dans le radar.
19:59Un ouvrage, une étude, une enquête qui nous a interpellés cette semaine. Aujourd'hui, un livre, celui de Karine Berger, publié chez Odile Jacob, intitulé « Quand la France se détourne de la science ».
20:10Bonjour, Karine Berger. Vous êtes présidente du conseil d'administration de l'Institut Henri Poincaré, un centre de recherche internationale en mathématiques et physique théorique.
20:20Alors, ce qui vous inquiète, c'est que la France se détourne de la science. Mais ce que vous nous dites dans ce livre, c'est que ça vient des États-Unis.
20:28Et entre autres, celui qui incarne vraiment, je ne vais pas dire cette haine de la science, mais cette méfiance vis-à-vis de la science,
20:36c'est Robert Kennedy Jr., le ministre de la Santé de Donald Trump. Pourquoi ?
20:42Parce que le pouvoir qui a été pris aux États-Unis par l'administration Trump s'est construit sur un discours anti-science.
20:52Si on prend le ministre de la Santé, il s'est construit politiquement sur ses attaques contre les vaccins,
21:00sur le fait que les vaccins causeraient des maladies, etc., et non pas nous protégeraient les gens.
21:06De la même manière, Donald Trump s'est construit politiquement sur son deuxième mandat,
21:11sur l'attaque contre les faits, contre la vérité scientifique, contre les chiffres, contre les données.
21:17Et c'est très intéressant de voir qu'après des années de discours de plus en plus anti-scientifiques
21:23sur les questions d'environnement, sur les questions des qualités hommes-femmes, etc.,
21:29ce soit pour la première fois aux États-Unis, une prise de pouvoir politique sur ces questions-là,
21:33qui a agrégé les gens et qui a fait voter les gens pour Donald Trump et son administration sur ces thématiques-là.
21:39Alors donc, votre livre part des États-Unis, mais vous dites que ça arrive en France,
21:44comme souvent des phénomènes.
21:46Vous citez Tchernobyl, la vache folle, et plus récemment, plus proche de nous, les OGM et les vaccins,
21:52les anti-vax, les anti-vaccins.
21:55Vraiment, le phénomène est à la même hauteur qu'aux États-Unis ?
21:59On est très loin d'être arrivé à la même situation que les États-Unis,
22:04tout simplement parce qu'aux États-Unis, les attaques contre la science sont commencées il y a facilement 15 ans.
22:11Il y avait un livre qui avait été publié il y a une quinzaine d'années
22:13qui évoquait déjà la montée des anti-sciences aux États-Unis d'un point de vue politique.
22:19Mais la France n'est absolument pas protégée contre cette évolution.
22:24Depuis la crise du Covid, tous les indicateurs de confiance dans les scientifiques
22:30et dans les faits scientifiques s'effondrent en France.
22:34Aujourd'hui, quand on a moins de 35 ans, on a quasiment la pointée de la population de moins de 35 ans
22:42qui est sensible, qui croit à une affirmation anti-science du type
22:47« la terre pourrait être plate » ou « les vaccins créent des problèmes dans les cerveaux des enfants ».
22:55Donc on a une montée de la croyance dans les affirmations anti-scientifiques
23:03qui est absolument spectaculaire en France depuis 5 ans.
23:08Karine Berger, est-ce qu'il faut distinguer anti-science ou méfiance vis-à-vis de la recherche ?
23:14Il faut, à mon sens, les rapprocher.
23:21Ce n'est pas la même chose.
23:23L'anti-science, c'est vraiment l'idée qu'on peut agréger politiquement des gens
23:28sur l'idée que la science est mauvaise.
23:30Et c'est ce qui est fait aux États-Unis
23:31et c'est ce qui est en train d'être fait sur certains aspects en France.
23:35La crise de confiance dans la recherche, c'est un phénomène encore plus global
23:41qui inclut évidemment les anti-sciences et qui, en fait, renvoie au rejet du progrès.
23:46Parce qu'il y a un deuxième phénomène parallèle à la montée de l'anti-science,
23:50c'est l'idée que, en fait, demain, ça sera moins bien qu'aujourd'hui.
23:55Que demain, le futur, les futures connaissances, le progrès dans les technologies,
24:01le développement de nouvelles solutions pour faire de l'énergie, pour se déplacer,
24:05tout ceci qui était vu comme quelque chose de positif par les Français
24:09il y a simplement 20 ans, est devenu quelque chose, en fait, de plutôt négatif.
24:15Et aujourd'hui, on a une très large majorité des Français
24:17qui pensent que la science, la recherche, n'apportent pas plus de bien que de mal à la France.
24:25Donc, c'est un phénomène de défiance plus global
24:28qui englobe le mécanisme anti-science,
24:33mais qui est tout aussi, peut-être plus problématique,
24:36qui est de dire, au fond, on ne croit plus à notre futur,
24:39on ne croit plus aux recherches pour nous permettre de mieux vivre.
24:42Et ce rejet du progrès est, là aussi, très très fort en France,
24:45et c'est l'un des pays européens où c'est le plus fort.
24:47Karine Berger, dernière question.
24:49Est-ce qu'il ne faudrait pas, du coup, rendre la science plus démocratique ?
24:52Je veux dire par là qu'on n'interroge pas les peuples
24:55pour savoir s'il faut passer directement à l'intelligence artificielle.
24:59On n'a pas interrogé les peuples
25:00pour savoir s'il fallait construire les bombes atomiques.
25:03Est-ce que la science est suffisamment démocratique ?
25:07Elle manque de démocratie.
25:09Elle a manqué de démocratie,
25:10et c'est l'une des explications de cette défiance de plus en plus forte
25:15dans l'ensemble des faits scientifiques ou de la recherche scientifique.
25:18Donc, oui, il faut absolument remettre le débat scientifique
25:23dans le débat démocratique et dans les décisions politiques.
25:27Ça a été fait par beaucoup de chercheurs
25:31de tenter de donner des éléments compréhensibles à tous
25:35de ce qu'ils font, de ce qu'ils proposent.
25:38Mais aujourd'hui, les représentants politiques ne s'en saisissent pas assez
25:42et, au fond, ne permettent pas à ce débat
25:46sur les grands choix de notre société,
25:48que ce soit en matière de nucléaire, d'OGM, etc.,
25:51à ces grands choix de se faire avec un débat contradictoire
25:55où on entend la parole des scientifiques
25:57et où on entend, parce que c'est ce qu'on entend pour le coup vraiment,
26:00la parole de ceux qui se sont opposés sur des faits,
26:03sur des vérités et pas uniquement sur de l'idéologie.
26:06C'est un grand combat démocratique à venir.
26:09Merci beaucoup, Karine Berger, pour vos réponses.
26:11Merci beaucoup également à vous deux pour vos réponses.
26:14Aux avant-postes, c'est terminé.
26:16Vous pouvez retrouver cette émission sur france24.com,
26:19sur nos réseaux sociaux et sur nos podcasts.
26:21Au revoir.
26:25Sous-titrage Société Radio-Canada
Be the first to comment